jeudi 1 mai 2025

Toine (1886)

Il y a des tas de choses que je trouve formidables chez Guy de Maupassant, mais je vais en souligner deux en particulier pour commencer ce billet:

Premièrement, le gars a été tellement prolifique que je n'ai toujours pas fini son œuvre alors que je le lis depuis l'année scolaire 1998-1999.

Deuxièmement, je n'ai jamais rien lu de mauvais sous sa plume. Le gars était uniformément brillant.

Cette année, j'ai deux recueils de nouvelles à lire: Toine et La Petite Roque, tous deux parus en 1886.

Toine réunit dix-huit nouvelles:

Toine (1885)
L'Ami Patience (1883)
La Dot (1884)
L'Homme-fille (1884)
La Moustache (1884)
Le Lit 29 (1884)
Le Protecteur (1884)
Bombard (1884)
La Chevelure (1884)
Le Père Mongilet (1885)
L'Armoire (1884)
La Chambre 11 (1884)
Les Prisonniers (1884)
Nos Anglais (1885)
Le Moyen de Roger (1885)
La Confession (1884)
La Mère aux monstres (1883)
La Confession de Théodule Sabot (1884)

Toutes étaient précédemment parues dans Gil Blas, sauf La Confession de Théodule Sabot qui était parue dans Le Figaro.

Bien sûr, ça a été un vrai régal.

Certains textes sont plutôt drôles, comme Toine avec son gros bonhomme cloué au lit avec ses œufs de poule, ou Les Prisonniers avec sa brave paysanne qui ne se laisse pas démonter par l'arrivée chez elle d'un petit contingent de soldats prussiens. D'autres sont tragiques, par exemple La Dot, Le Lit 29, L'Armoire, La Confession et La Mère aux monstres.

Évidemment, la femme est très présente: elle est objet de désir et souvent victime d'une société impitoyable. De ce point de vue, La Mère aux monstres est d'une modernité épouvantable. Maupassant était plutôt d'une mysoginie crasse dans la vie, mais, en lisant certains de ses textes, j'ai quand même le sentiment qu'il avait bien pigé que les femmes partaient perdantes dans la société de son temps. Citons toutefois que, à l'inverse, c'est l'épouse qui cloue spectaculairement le bec à son mari dans Bombard, ce qui m'a bien fait rigoler. (Note pour moi-même: ce texte m'a tellement rappelé La Fenêtre du recueil Le Rosier de Madame Husson que je suis étonnée que les notes de cette éditon Folio n'évoquent pas le parallèle...)

D'autres textes parlent des mœurs du temps, comme L'Homme-Fille et La Moustache, et la sexualité est évidemment présente à peu près partout.

La Chevelure
, enfin, est un classique de Maupassant qui pourrait presque relever du fantastique, tant il peut s'interpréter comme une histoire de hantise (même si l'explication rationnelle avancée par le corps médical relève de la sexualité la plus dégueu qu'on puisse imaginer).

Bref, c'était super. Quel génie, ce Guy. Et quelle langue parfaite! Sérieux, le XIXe, c'était quelque chose.

"La solitude m’emplit d’une angoisse horrible, la solitude dans le logis, auprès du feu, le soir. Il me semble alors que je suis seul sur la terre, affreusement seul, mais entouré de dangers vagues, de choses inconnues et terribles ; et la cloison qui me sépare de mon voisin, de mon voisin que je ne connais pas, m’éloigne de lui autant que des étoiles aperçues par ma fenêtre. Une sorte de fièvre m’envahit, une fièvre d’impatience et de crainte ; et le silence des murs m’épouvante. Il est si profond et si triste ce silence de la chambre où l’on vit seul ! Ce n’est pas seulement un silence autour du corps, mais un silence autour de l’âme, et, quand un meuble craque, on tressaille jusqu’au cœur, car aucun bruit n’est attendu dans ce morne logis."
(Extrait de La Confession)
Et vive l'imparfait du subjonctif, bien sûr!! 💞💞
"C’est à peine si on apercevait de temps en temps un homme qu’on devinât lavé, parfaitement lavé, et dont tout l’habillement eût un air d’ensemble."
(Extrait de L'Armoire)

"Elle parlait vite, les yeux baissés, d’un air hypocrite, pareille à une bête féroce qui a peur. Elle adoucissait le ton âpre de sa voix, et on s’étonnait que ces paroles larmoyantes et filées en fausset sortissent de ce grand corps osseux, trop fort, aux angles grossiers, qui semblait fait pour les gestes véhéments et pour hurler à la façon des loups."
(Extrait de La Mère aux monstres)

5 commentaires:

  1. "la sexualité est évidemment présente à peu près partout" : tu en parlais avec tellement de ferveur que je commençais à me demander si je ne devrais pas lire du Maupassant, et puis vint cette phrase, mettant fin à toutes les velléités que je pusse avoir.

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    1. @Baroona: Ah mince 😅😅 Bon, il y a quand même des textes qui n'abordent pas le sexe dans son œuvre, mais peut-être plutôt dans la veine fantastique. Quand il fait dans le réaliste, ce sont souvent des histoires de couples mariés et/ou infidèlés, et il y a de l'activité sexuelle. Ensuite, ce n'est jamais détaillé ou scabreux, quoi, mais tu comprends que machin couche avec truc, et ça a une importance dans l'intrigue.

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    2. @Baroona: J'oubliais: je te félicite, et avec une grande admiration, d'avoir commenté avec de l'imparfait du subjonctif. 😊😊😊

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  2. Il faudrait que je remette à le lire un jour. J'avais adoré le Horla et les nouvelles fantastiques.

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    1. @Shaya: Mais ouiiiiiiii! Il faut lire Maupassant, il est tellement génial!!!!

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