mardi 19 août 2025

Au-revoir là-haut (2013)

Attention! Aujourd'hui, on a du lourd!

Il y a quelques semaines, TmBM publiait un avis si motivant sur Au-revoir là-haut de Pierre Lemaître que je réservais le roman dans ma médiathèque avant même de laisser un commentaire, de peur d'oublier de le faire plus tard. U
ne dizaine de jours plus tard, Grominou publiait à son tour un avis super positif, me confortant ainsi dans mon choix.

Lorsque j'ai récupéré le roman, toutefois, j'ai dû blémir; je n'avais pas réalisé que c'était un sacré pavé, 560 et quelques pages dans l'édition grand format d'Albin Michel. Quand allais-je bien réussir à lire ça?

Et puis, quand j'ai effectivement commencé à le lire, je suis rentrée dedans super facilement et je l'ai dévoré en moins d'une semaine. C'est hallucinant, ce roman se lit tout simplement TOUT SEUL. Tout s'enchaîne parfaitement, l'action est super prenante, le style est limpide même quand il adopte divers tons (par exemple en rapportant les pensées d'un personnage au discours indirect), c'est drôle, c'est cruel, c'est révoltant, c'est bien documenté (ou en tout cas ça donne l'idée d'une documentation solide, parce que je ne connais pas suffisamment la période historique pour vraiment juger 😅), ça se dévore.

Je suis joie, je suis bonheur. C'est totalement comme Antoine Bello, de la littérature de qualité, qui allie un vrai fond et un style mais sans jamais se regarder le nombril ou se prendre affreusement au sérieux. C'est merveilleux. Je suis joie, je suis bonheur.

Bonne nouvelle: je me demandais pourquoi l'épilogue disait que Louise, un personnage secondaire, "n'eut pas un destin très remarquable, du moins jusqu'à ce qu'on la retrouve au début des années 40". Fallait-il reconnaître en elle un personnage historique réel, tellement célèbre que son simple prénom et la mention des années 40 suffiraient à l'identifier? Mais pas du tout: en fait, ce roman a deux suites. On n'est pas obligés de les lire, l'intrigue se suffit totalement à elle-même ici, mais on peut continuer si on veut. Couleurs de l'incendie parle de Madeleine, et Miroir de nos peines parle, justement, de Louise. Je suis joie, je suis bonheur.

Pour ce roman, Pierre Lemaître a obtenu le Goncourt en 2013. C'est mérité. Et le roman a été adapté par Albert Dupontel au cinéma. Il faut que je me penche sur ça.

Cerise sur le gâteau: dans les remerciements, l'auteur évoque Jules Romains!!! AAAAAAAAAAAAAAHHH!!!

"Au revoir là-haut doit beaucoup à la littérature romanesque de l'après-guerre, d'Henri Barbusse à Maurice Genevoix, de Jules Romains à Gabriel Chevallier."
AAAAAAAAAAAAAAHHH!!!
 
Oh, et pour ceux qui s'interrogeraient sur l'intrigue: c'est l'histoire de deux poilus qui reviennent de la Première Guerre mondiale dans un état pas possible, soit physiquement soit mentalement. Une histoire à dormir debout en quelque sorte, mais totalement solide en même temps, et surtout ultraprenante. Le seul et unique reproche que je pourrais lui faire, c'est qu'Albert est très mou, mais, même ça, ça passe parfaitement! Du grand art!!! Merci aux copains pour la découverte!!! 🤩🤩🤩 Et chapeau à Albin Michel!!!

jeudi 14 août 2025

Les Producteurs (2015)

Après avoir lu avec une jubilation rare Les Falsificateurs, puis avec plaisir mais aussi une bonne dose de scepticisme Les Éclaireurs, j'ai entamé le troisième et dernier roman de cette série d'Antoine Bello avec autant d'enthousiasme que de crainte. Allais-je retrouver le plaisir que m'a procuré cet excellent auteur? Ou bien la série s'était-elle essouflée pour moi?

Par bonheur, je me suis régalée!! Ahlàlà. Quelle satisfaction. Même si la découverte n'est, inévitablement, plus au rendez-vous, j'ai jubilé comme une gamine en voyant Sliv, notre héros islandais, œuvrer au comité directeur du CFR pour concrétiser des falsifications ou des manipulations diversifiées et dingos. De l'élection de Barack Obama au thème de n'importe quel jeu vidéo, la réalité connue vaccille. Les choses se sont-elles vraiment passées comme nous le croyons en raison d'une succession de hasards et de faits plus ou moins indépendants les uns des autres, ou le CFR tirait-il les ficelles en coulisses, partout et tout le temps?

Ce doute typiquement belloïen est hautement réjouissant, et donne ici lieu à de nouvelles interrogations en raison de la disparition d'une mallette contenant de nombreux dossiers de falsification retoqués, qu'un agent a malencontreusement oubliée dans un taxi. Dans les mauvaises mains, ces dossiers peuvent constituer l'arrêt de mort du CFR, voire provoquer d'énormes remous. Mais que faut-il penser lorsque certains de ces scénarios deviennent réalité? La personne les ayant dérobés envoie-t-elle un message au CFR? Ou bien la réalité n'est-elle tout simplement pas si éloignée de la falsification?

Et quand on joue un rôle dans la falsification, est-ce qu'on devient son personnage?

En outre, ce roman constitue une belle occasion de revivre l'actualité des années 2007-2012, mais sous la plume claire et acérée de Bello, qui condense et explique tout d'une manière étonnamment facile à comprendre. C'est merveilleux. Et puis, la falsification est passée sur Internet, en cette période, et les thématiques résonnent fortement avec celles de notre époque et les élections de Trump – ainsi qu'avec l'usage de certains chimpanzés dans le dernier Superman, tiens. J'aimerais bien que Bello nous sorte un roman sur les années 2020, même si ce serait sans doute un chouïa anxiogène.

En plus, il y a beaucoup d'humour, comme dans les tomes précédents:

"Détestant travailler en avion, j'en profitais généralement pour conjuguer deux de mes passions en visionnant sur mon ordinateur des navets cinématographiques doublés et sous-titrés à la fois. Je me targue ainsi d'avoir vu ce monument de finesse qu'est Independance Day dans toutes les combinaisons de langue offertes sur DVD. Qui n'a jamais entendu Will Smith s'exclamer « Bienvenue sur Terre ! » en néerlandais avec des sous-titres en bengali passe à côté du chef-d'œuvre de Roland Emmerich et, accessoirement, d'une occasion d'apprendre à marchander dans les bazars de Calcutta."
Je me meurs, je me meurs.

Plus loin, un des personnages évoque aussi Transformers, dans une conversation sur la rédaction de scripts de blockbusters. 😂😂 Et James Cameron est évoqué au sujet d'un film tiré de l'exploration d'une épave (épave créée de toutes pièces par le CFR, bien sûr! Et non, ce n'est pas celle du Titanic 😂).

Bref, ce roman a été un régal, je me prosterne devant Antoine Bello et je vous recommande, une fois de plus, de lire cet écrivain!

samedi 9 août 2025

The Dispossessed (1974)

Cinq ans après avoir lu La Main gauche de la nuit, que j'ai trouvé absolument brillant, j'ai enfin lu un autre roman d'Ursula K. Le Guin, et il s'est avéré non moins brillant!

The Dispossessed raconte l'histoire de Shevek, un physicien qui est né, a grandi et a fait ses études sur Anarres, une planète où s'est implantée une société anarchiste. Anarchiste au sens original du mot: "sans gouvernement central". Dès le premier chapitre, toutefois, on le voit décoller pour Urras, la planète jumelle d'Anarres, celle dont sont partis ces anarchistes, quelques 170 ans plus tôt. Ses études sur le temps ayant traversé les frontières – ou plutôt l'espace –, Shevek a été invité à les poursuivre sur Urras.

Les chapitres vont ensuite alterner entre son présent sur Urras, où il rencontre d'autres scientifiques et découvre cette société "propriertaire" (comment ça a été traduit en français, propertarian? 😀), et son passé sur Anarres, ce qui permet de comprendre pourquoi ses études n'ont pas pu avancer autant qu'il le voulait et de constater que cette société très horizontale, qui met en avant le collectif et non l'individu mais où personne n'est contraint à rien, n'est tout de même pas à l'abri d'un certain autoritarisme.

Et donc voilà, c'était brillant. Déjà, la structure de l'aller-retour dans le temps fait vachement monter le suspense, car l'action est souvent interrompue en fin de chapitre. Ensuite, la vie de Shevek elle-même est passionnante, ou en tout cas Le Guin réussit à la rendre passionnante, même quand il s'agit "juste" de savoir où il va aller travailler. Et il y a un suspense plus concret dans la partie sur Urras, par exemple quand l'autrice nous relate une conversation entre deux scientifiques, qui discutent en présence de Shevek mais que celui-ci ne peut pas entendre parce qu'il dort après avoir bu trop d'alcool.

Quant au fond, c'est brillant aussi, avec plein de réflexions sur l'organisation de la société et le rôle de chacun. Ce que j'en retiens, c'est une des maximes d'Odo, la penseuse anarchiste à l'origine de l'exil vers Anarres: en gros, les moyens sont déjà la fin. Ou, en d'autres termes: atteindre l'objectif n'est pas le plus important; ce qui compte vraiment, c'est comment on progresse vers lui. Franchement, ça met du beaume au cœur. À peu près au même moment, j'ai relu complètement par hasard ma chronique de Yoga d'Emmanuel Carrère et cela rejoint totalement une citation de Lénine qui m'avait marquée et dont j'avais parlé.

Bon, il y a aussi plein de réflexions sur le temps, car c'est le sujet d'étude de Shevek, mais là je n'ai rien compris. :D À part que ses études permettent la création d'une certaine technologie primordiale dans l'univers de Le Guin.

Concernant le titre: je pense que l'éditeur français a bien fait d'opter pour le masculin pluriel, mais, techniquement, "The Dispossessed" peut se traduire aussi par "le dépossédé", "la dépossédée" et "les dépossédées". Et je me demande si Le Guin voulait vraiment parler du collectif, au pluriel, ou si elle faisait référence à Shevek en particulier...

Enfin, une note sur cette édition Gollancz. Avec ses reflets mordorés sur le nom de l'autrice et sur les petits points éparpillés, la couverture est superbe. À l'intérieur, en revanche, le texte est pénible à lire à cause de la police petite, serrée et grasse. C'est un vrai miracle que j'aie réussi à lire le roman en une dizaine de jours et avec mon cerveau branché.

Autres livres de ou sur l’autrice déjà chroniqués sur le blog
The Left Hand of Darkness (1969)
Le Langage de la nuit (1973-1977)
Monographie Ursula K. Le Guin. De l'autre côté des mots (2021)

Allez donc voir ailleurs si ces dépossédés y sont!
L'avis de Baroona
L'avis de Vert

lundi 4 août 2025

La gamelle de juillet 2025

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé!

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Superman de James Gunn (2025)

On ne peut pas dire que cette relance des films DC soit une très grande réussite, mais le film est tout de même plus solide que le début ne le laissait présager: quand j'ai vu qu'il s'ouvrait sur la scène du chien Krypto prêtant secours à un Superman exsangue, c'est-à-dire le plan le plus fort de la bande-annonce, je me suis dit qu'ils avaient grillé leur meilleure cartouche tout de suite et que ça allait être long. Heureusement, il y a tout de même quelques bonnes idées ou beaux plans, et un léger message animaliste bienvenu (par exemple, Superman sauve un écureuil, et un habitant de Métropolis évacue la ville en emportant sa tortue!). Mais enfin, rien de bien mémorable.

Jurassic World de Gareth Edwards (2025)

La scène des titanosaures qui se courtisent,
un potentiel d'émotion énorme flingué par une image de synthèse imbuvable.

Le naufrage total. L'infamie. Dès la scène d'introduction, durant laquelle le système de sécurité d'un laboratoire ultra perfectionné passe instantanément de "une porte ne se ferme pas" à "système défaillant" à "reboot système", ce qui provoque le chaos total (nan mais qui programme un système de sécurité comme ça, sérieux??? On commence par sonner l'alarme, non???), le film aligne les incohérences et échoue totalement à tenir la route, à commencer par l'image de synthèse globalement dégueulasse. Il y a quelques beaux plans, comme le mosasaure qui saute hors de l'eau (j'ai évidemment pensé à Payakan dans Avatar 2 💙💚🩵), quelques idées sympas, comme le tyrannosaure qui dort le ventre en l'air et la gueule grande ouverte, ou des manières sympathiques de cacher l'action en arrière-plan pour mieux attirer l'attention dessus (ce que Gareth Edwards avait déjà fait, et avec brio, dans Godzilla). Mais, dans l'ensemble, c'est l'agonie. Et les hybrides de laboratoire ignobles à regarder... AU SECOURS!!!

Les Quatre Fantastiques. Premiers pas de Matt Shakman (2025)

Un ennui abyssal pour un film en plastique. En plus, je déteste le message sur la famille, ainsi que le fait que le seul personnage féminin soit enceinte et ne parle que de son bébé. MAIS ce film inutile est précédé de la bande-annonce d'Avatar 3!!! Et elle est prometteuse. J'attends décembre, le cœur palpitant.

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

J'ai relu en diagonale deux vieilles revues: le numéro de Yoga Journal de janvier-février-mars 2018 et le hors-série Esprit Veggie de Esprit Yoga, daté du printemps 2017. Puis j'ai lu le hors-série de Mad Movies consacré à la saga Jurassic Park (que j'avais déjà lu en 2018, mais qui a été mis à jour avec les opus les plus récents) (ils disent du bien de Renaissance, je pense qu'on n'a pas vu le même film 😅) et mon Cheval Magazine habituel. ❤️