samedi 6 juin 2020

The Left Hand of Darkness (1969)

Ouvrage chaudement recommandé par les copains blogueurs, La Main gauche de la nuit d'Ursula K. Le Guin est sorti de ma pile à lire après que j'aie écouté le très intéressant épisode du podcast C'est plus que de la SF qui lui était consacré. Et grand bien m'en a fait: c'est un très grand livre!


Le roman alterne essentiellement entre les récits de deux personnages: Gently Ai, un homme envoyé sur la planète Gethen par l'Ekumen, une sorte de confédération de planètes, et Estraven, un.e habitant.e de Gethen. J'utilise ici l'écriture inclusive pour marquer le fait qu'Estraven n'est ni une femme, ni un homme. Les habitants de Gethen sont androgynes. La plupart du temps, ils sont passifs sexuellement. Une fois par mois environ, lors de leur période de rut, appelée kemmer dans leur langue, ils adoptent les attributs sexuels de l'un ou l'autre sexe afin d'avoir des rapports sexuels. Chaque individu peut adopter l'un ou l'autre sexe à chaque fois. Rien n'est fixé.

Gently Ai est une sorte d'ambassadeur, venu parler de l'Ekumen aux habitants de Gethen afin de les convaincre de rejoindre cette organisation. Estraven lui prête son aide afin de rencontrer le roi de Karhide, dont il est le ministre. Toutefois, Estraven tombe en disgrâce et sort de scène. Gently a une entrevue désastreuse avec le roi et décide donc d'explorer le reste du pays afin de s'éloigner de la cour, puis il part rendre visite au pays voisin, Orgoreyn... Où il retrouvera Estraven, toujours désireux de permettre de premier contact entre l'Ekumen et Gethen.

Difficile de parler de ce bouquin tellement il est fin. Gethen est un monde remarquablement complet. Rien n'est décrit longuement, mais on perçoit toute la différence de ce peuple non sexué, qui ne fonctionne pas du tout de la même manière que notre humanité. En outre, des différences culturelles existent entre les différents États et religions présentes. Tout ceci est très bien peint, avec une profondeur de champ remarquable et un style aussi simple que précis. Les légendes locales qui entrecoupent les chapitres viennent renforcer le dépaysement et fournissent des informations primordiales. Rien n'est dû au hasard dans la construction du livre, tout est important. Les machinations politiques sont également bien présentes, malgré leur apparente discrétion...

Le plus marquant est toutefois cette humanité très différente. Car les habitants de Gethen sont bien des humains, malgré leurs différences; l'humanité a colonisé de nombreuses planètes des milliers d'années avant ce roman, chaque groupe ayant perdu contact avec les autres et évolué à sa manière. Cette rencontre avec l'altérité est exceptionnelle. Dans la rencontre entre Gently Ai et Estraven, Le Guin nous tend un miroir pour nous reconnaître. À tel point qu'on en viendrait à voir sa propre permanence d'attributs sexuels comme une anomalie, comme en a fugivement l'impression Gently Ai à la toute fin du roman, [divulgâcheur] quand il revoit pour la première fois depuis des mois un humain tel que lui [fin du divulgâcheur]...

Au-delà de cette réflexion de fond sur le genre (qui est d'ailleurs épatante dans un bouquin des années 1960), Le Guin parle aussi d'amitié, de liberté, de loyauté et de choix politiques, d'une part avec le fonctionnement d'Orgoreyn, une sorte d'État bureaucratique totalitaire, et d'autre part avec l'apparition d'une forme de nationalisme en Karhide.

Un livre complet, fort, qui vous marque longtemps et qui sait même tenir en haleine en raison des péripéties vécues par nos personnages, le tout avec une langue remarquable. Prix Hugo et Nebula mérités et assurément une de mes meilleures lectures de l'année.

Allez donc voir ailleurs si ces androgynes y sont!

17 commentaires:

  1. Tu me donnes envie de relire ce roman, ma lecture en est bien lointaine !

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    1. @Shaya: Oh, je pense qu'il vaut carrément le coup que tu le relises, je pense qu'il se savoure différemment au fil des ans et de notre propre vie. Je ne le vois pas dans la liste des articles de ton blog: tu ne l'avais pas chroniqué? C'était avant le blog?

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    2. J'avais déjà le blog mais je ne l'ai pas chroniqué ^^ Mais le roman est quelque part à la maison !

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  2. Super ! Une belle lecture qu'il faudrait que je fasse aussi.

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  3. J'entends tellement toujours des éloges d'Ursula Le Guin... Il faudra que je m'y frotte un jour.

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    1. @Lili: Oh oui, je pense que tu trouverais ça "ébouriffant", comme tu dis :)

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  4. Ravi que la rencontre se soit bien passée, même si je n'en doutais que peu. "Fin" c'est vraiment un très bon mot pour qualifier ce livre - et Le Guin de manière générale - c'est une écriture unique, intelligente et bienveillante. C'est parti pour toute la bibliographie maintenant ? ^^

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    1. @Baroona: Heuh peut-être pas quand même, car c'est une bibliographie bien épaisse. Mais autre chose, oui, sûrement. :D

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  5. Contente qu'il t'ait plus, c'est vraiment un sacré roman. Je le relirais bien un jour, je suis sûre que j'y découvrirais de nouvelles choses.

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    1. @Vert: Oh oui, c'est un livre à relire des années plus tard. Je suis sûre qu'il a des choses à nous apprendre à toutes les étapes de la vie.

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  6. Super, tu donnes envie de le relire, car comme d'autres ma lecture remonte à un peu trop longtemps... Et en plus on me l'a ré-offert pour mon anniv alors je me suis fixée de le relire dans l'année :)

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