Annie Ernaux (qui m'avait déjà séduite avec La place et Une femme) réussit dans Les années un bel exploit: raconter l'histoire de la France de l'après-guerre à travers sa propre histoire, faire de sa biographie un récit universel. Cela peut paraître prétentieux, mais ce ne l'est pas: elle ne se prend jamais pour modèle. Elle raconte simplement les actions et les pensées de ce elle qu'elle a été et qui a partagé l'histoire de millions de ses concitoyens, à partir de son enfance et son adolescence en Normandie -- là où les adultes parlaient toujours de la guerre -- et jusqu'à sa vie d'étudiante "à la ville" et de prof. Ce passage de la province profonde à la ville a d'ailleurs son importance et me semble suivre de près le passage du monde "étroit" des années quarante à la société plus ouverte des années soixante, puis à celle complètement mondialisée des années quatre-vingt-dix et deux mille.
Ce livre m'a inspiré une grande tristesse, les événements abordés n'étant pas très gais: ce qui marque le plus un peuple, on le sait, ce sont ses guerres et ses désordres.
"Les guerres du monde suivaient leur cours. L'intérêt qu'on avait pour elles était inversement proportionnel à leur durée et leur éloignement, dépendait surtout de la présence ou non d'Occidentaux parmi les protagonistes. On n'aurait pu dire depuis combien d'années les Iraniens et les Irakiens s'entre-tuaient, les Russes tentaient de mater les Afghans. Encore moins les motifs, persuadés intimement qu'ils ne le savaient plus eux-mêmes et signant sans conviction des pétitions pour des conflits dont on avait oublié les causes."
J'ai aussi été marquée par la présence réelle, mais clandestine, de la sexualité dans le monde de son adolescence et par le quotidien des femmes avant la pilule et l'IVG. Époque à laquelle on devait suivre son cycle de près pour ne pas risquer de tomber enceinte et où on épousait parfois un homme non pas parce qu'on le souhaitait mais parce qu'on avait eu la malchance de tomber enceinte de lui.
Ce livre m'a inspiré une grande tristesse, les événements abordés n'étant pas très gais: ce qui marque le plus un peuple, on le sait, ce sont ses guerres et ses désordres.
"Les guerres du monde suivaient leur cours. L'intérêt qu'on avait pour elles était inversement proportionnel à leur durée et leur éloignement, dépendait surtout de la présence ou non d'Occidentaux parmi les protagonistes. On n'aurait pu dire depuis combien d'années les Iraniens et les Irakiens s'entre-tuaient, les Russes tentaient de mater les Afghans. Encore moins les motifs, persuadés intimement qu'ils ne le savaient plus eux-mêmes et signant sans conviction des pétitions pour des conflits dont on avait oublié les causes."
J'ai aussi été marquée par la présence réelle, mais clandestine, de la sexualité dans le monde de son adolescence et par le quotidien des femmes avant la pilule et l'IVG. Époque à laquelle on devait suivre son cycle de près pour ne pas risquer de tomber enceinte et où on épousait parfois un homme non pas parce qu'on le souhaitait mais parce qu'on avait eu la malchance de tomber enceinte de lui.
Une belle leçon d'humanité au final, avec un ton très juste qui m'a confirmé que j'éprouve de l'estime pour la personne à même d'écrire ces mots. À mettre entre toutes les mains.