vendredi 26 juillet 2024

Le Petit Prince (1943) 🌟🦊🐑🐍

Chronique express!

Il me semble inutile de présenter Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, un des livres les plus connus (et traduits!) au monde. Je l'ai lu il y a longtemps, mais je ne me souvenais pas de grand-chose, à part les passages les plus célèbres ("Dessine-moi un mouton..."). Au contraire, je l'avais un peu pris en détestation comme un truc affreusement mignonnet, naïf et moralisateur sur l'amitié. Bon, en fait, je l'ai trouvé très mignon – dans le sens positif du terme – et j'ai été émue à la fin. Je ne suis pas sûre de bien comprendre pourquoi il a fait un tel triomphe, mais Saint-Exupéry a indéniablement mis le doigt sur quelque chose de très simple et essentiel de l'expérience humaine et de l'amitié... Et puis, ça m'a permis d'utiliser un marque-page de circonstance! 🥰

Pourquoi ce livre?
Parce que ma nouvelle enseignante de russe me le fait lire en russe et préférait que je le lise d'abord en français, de manière à comprendre plus facilement. Moi, j'étais partie pour ne pas le faire, car je trouve, justement, que ça devient trop facile. Mais vu comment j'en chie avec cette enseignante, je ne me suis pas fait prier quand elle m'a dit qu'elle préférait la stratégie facile. 😂

samedi 20 juillet 2024

Chien 51 (2022)

Après Eldorado, que j'ai trouvé brillant, je me suis empressée de chercher du Laurent Gaudé sur mon chemin. J'ai eu la chance de trouver La Mort du roi Tsongor dans jenesaisplus quelle boîte à livres, et j'ai emprunté Chien 51 en bibliothèque. Le prêt en bibliothèque étant limité dans le temps, j'ai commencé par là.

La couverture, superbe, est créditée au nom de Xiaohui Hu.

L'histoire se passe dans une mégalopole futuriste appartenant à une entreprise, GoldTex. La ville est divisée en trois zones, de la plus riche à la plus pauvre, et le personnage principal, Zem Sparak, est un policier de la zone 3, la plus pourrie. Dans une autre vie, il était grec. Mais un jour, la Grèce a été rachetée par GoldTex. La population a été déplacée. Zem a changé de vie, est devenu policier. Un "chien", ainsi surnommé parce qu'il flaire partout. Un beau jour, il est mis en binôme avec une inspectrice de la zone 2 pour résoudre un meurtre sordide, qui pourrait avoir un lien avec un trafic d'implants.

Comme les autres romans de Laurent Gaudé que j'ai lus, ce livre parle essentiellement des inégalités sociales. Magnapole, le genre de ville ultra hiérarchisée que la SF affectionne, est une scène parfaite pour dénoncer le traitement de certains citoyens de seconde zone et aborder la question de la puissance des entreprises jouant à armes égales avec les États, voire, ici, les rachetant. Et franchement, tous les souvenirs du protagoniste font froid dans le dos tellement ils résonnent avec la crise grecque et l'échec cuisant de bien des luttes. Cela m'a rappelé L'ombre de ce que nous avons été, dans lequel Luis Sepulveda met en scène d'anciens militants chiliens; je ne me souviens pas des détails, si ce n'est que ces hommes ont été vaincus par la torture, l'exil et le temps et ne sont plus, dans leur vieillesse, que l'ombre des jeunes d'autrefois. (D'où le titre du bouquin.)

Dans ce décor totalement déprimant (notamment lorsque Zem profite d'un casque de réalité augmentée pour juste voir Athènes telle qu'elle était... C'est à pleurer...), Laurent Gaudé met en scène une enquête assez classique, avec ses deux enquêteurs que tout sépare mais qui vont devoir apprendre à travailler ensemble, ses informateurs, ses pourris, ses réseaux. De ce point de vue, cela m'a rappelé les romans de Rosa Montero sur Bruna Husky, dans lequels le contexte science-fictif est certes intéressant, mais n'est pas le fond du sujet, puisque l'idée est essentiellement de savoir qui a tué Machin et pourquoi.

Chien 51 m'a moins marquée que Eldorado, voire relativement peu marquée de manière générale, mais ce qui est cool, c'est que Laurent Gaudé nous dit quelque chose et nous happe même quand il n'est pas à son meilleur, ce qui est fort admirable. Et je l'ai trouvé très intéressant, humble, lucide et pourtant encourageant dans l'épisode de C'est plus que de la SF consacré à Chien 51. Bref, je l'adore. 🥰 Je vais juste laisser passer plus de temps avant de lire La Mort du roi Tsongor, de peur que ses écrits perdent de leur force si je les lis de manière trop rapprochée.

Autres livres de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
Le Soleil des Scorta (2004)
Eldorado (2006)
Ouragan (2010)

dimanche 14 juillet 2024

Le Mage du Kremlin (2022)

Chronique express!

Dans une maison superbe aux alentours de Moscou, Vadim Baranov raconte comment il a contribué, en 1999, à la nomination de Vladimir Poutine au poste de Premier ministre, puis à son élection à la présidence de la Fédération de Russie. Le personnage est fictif, mais il est inspiré – selon Wikipédia – d'une figure réelle, celle de Vladislav Sourkov. Ce qui est intéressant, dans tous les cas, c'est qu'il retrace toute l'évolution de la Russie à compter de la fin du communisme, depuis ses jeunes années et tout au long de ses décennies de travail au Kremlin, et qu'il détaille certain éléments-clés de l'ascension et du règne de Poutine: l'influence des attentats de Moscou de 1999 sur la population russe, la chute de Mikhaïl Khodorkovski (PDG de Ioukos), l'enjeu des JO de Sotchi et la guerre en Ukraine en 2014.

J'ai beaucoup apprécié ce roman de Giuliano da Empoli, qui m'a bien rafraîchi la mémoire sur un certain nombre d'actualités que j'avais suivies de loin durant les années 2000, mais je n'y ai pas non plus trouvé un chef d'œuvre stylistique – je me demande bien pourquoi l'Académie française lui a remis son Grand Prix, même si c'est déjà bien plus justifié que pour La Vérité sur l'affaire Harry Québert en 2012 🤣. J'ai aussi trouvé qu'il y avait quelques clichés ou généralités bizarres sur les Russes ("à l'époque les  fonctionnaires ne souriaient jamais en Union soviétique" – comment le sait-on? Quelqu'un a consulté tous les fonctionnaires de l'URSS et vérifié s'il leur arrivait de sourire? Il y a des pays où les fonctionnaires ont pour habitude de sourire?). En revanche, il y a parfois un point de vue qui fait contrepoint à la vision occidentale et qui est intéressant – ainsi, Vadim se moque de la communauté internationale qui trouve à redire sur les élections ukrainiennes de 2014 alors qu'elle valide les yeux fermés celles menées en Irak avec les soldats américains qui gardent les bureaux de vote. En bref, une lecture fort intéressante sur la Russie (un bon complément à Limonov d'Emmanuel Carrère!) et les mécanismes du pouvoir. Le roman étant sorti en avril 2022, il a dû se vendre comme des petits pains...

lundi 8 juillet 2024

Les BD du deuxième trimestre 2024

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques des trois derniers mois.

Métal Hurlant hors-série spécial chats (avril 2024)

Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! HAHAHAHAHAHAAHAHAHAHAHA!! Fallait-il encore une preuve que les chats dominent l'univers? Non, mais c'est quand même trop cool d'en avoir une aussi mythique!!! 😂😂😂 (Et oui, le numéro est très bien. Je n'ai pas tout compris à certaines BD, mais dans l'ensemble, c'est très bien.)

Giant de Mikaël (2017)

Un beau diptyque sur les ouvriers irlandais qui ont bâti les gratte-ciels de New York. Les dessins ne sont pas 100% à mon goût, mais ils sont extrêmement soignées et évocateurs. Une réussite découverte chez Baroona.
Éditeur: Dargaud

Transformers. Tome 1: Pleins gaz de Daniel Warren Johnson, traduit de l'anglais par Julien di Giacomo (2023)

Ce volume réunit les six premiers numéros de la série Transformers, publiée aux États-Unis par Image. Hélas, je n'ai pas compris grand-chose aux dessins; j'ai eu le plus grand mal à différencier les Transformers les uns des autres, à part Optimus, et vous conviendrez que c'est un problème quand l'histoire tourne autour de l'affrontement entre deux clans qui se bastonnent. 🙈 À noter toutefois: Image sort plusieurs séries Transformers et GI Joe dans un univers partagé, le "Energon Universe", ce qui rejoint la scène de fin du dernier film Transformers, Rise of the Beasts. Je ne poursuivrai pas en comics, mais je me réjouis de voir un jour cela au cinéma, et j'espère qu'Hasbro en tirera suffisamment d'argent pour que les Transformers nous accompagnent encore longtemps. 😊
Éditeur: Urban

mardi 2 juillet 2024

La gamelle de juin 2024

Juin 2024, le mois de la dépression totale. À la fatigue que je traîne depuis des années et à mon pessimisme cosmique qui me fait tout voir en noir, se sont ajoutés: le russe qui est devenu encore plus difficile avec une nouvelle enseignante (je savais que j'étais nulle, mais là j'ai découvert que je ne maîtrise même pas l'alphabet – je suis tombée plus bas que bas), le crève-cœur de voir mon centre équestre s'émietter et "mes" chevaux souffrir et d'y vivre très probablement mes dernières heures (avec un cheval en particulier 💔💔💔), la perspective d'un long trajet en voiture que je dois assurer seule et qui me terrifie, la catastrophe politique, le constat que tout est bloqué dans ma vie parce que JE SUIS UNE INCAPABLE. J'ai même à peu près laissé tomber la lecture et jeté l'éponge concernant la régularité du blog.

Voilà, ceci non pas pour faire pleurer dans les chaumières, mais pour bien me souvenir d'où j'en étais à cette période. En fin de mois, j'ai retrouvé plus d'élan et j'ai saisi une occasion pour affronter un problème qui me taraudait depuis des années, donc j'ai tendance à oublier le négatif et à croire que tout roule à peu près, mais ça a son importance!

Et maintenant, place au bilan culturel.

Sur petit écran

Rien.

Sur grand écran

Jurassic Park de Steven Spielberg (1993)

En un mot: la perfection.

En plusieurs mots: tout y est. La mise en scène, les acteurs, le fond, la technique, l'humour, la musique. Quel putain de chef-d'œuvre. J'ai vu un gros parallèle avec Titanic, autre film à grand spectacle qui n'oublie pas de tenir un propos sur le monde. Quels putains de chefs-d'œuvre.

Max Max: Fury Road de George Miller (2015)

Quel ovni, ce film! Je n'adhère pas 100% à tout, mais quelle vision, quelle cohérence, quel rythme, quelle musique!! Charlize Theron est tout simplement exceptionnelle (même quand elle fait quelque chose d'aussi anodin que de regarder dans le rétro, elle est OUFISSIME!!) et le réalisateur accomplit l'exploit de mettre une touche de sentiments et de tendresse (le geste d'adieu aux mortes, les secours que Max porte à Furiosa en parlant de manière presque balbutiante) dans un univers super dur. Un grand moment de cinéma!

Collateral de Michael Mann (2004)

Hellllloooo, beau gosse!!!

Dur! Même Tom Cruise n'a pu me sauver de l'ennui face à ce film qui  n'a pas grand-chose pour me plaire. Une histoire de gangsters, une caméra qui bouge et tremble, des énormités de moins en moins plausibles, des modèles d'hommes virils qui me laissent indifférente... Bon, Tom Cruise ne me laisse pas indifférente, mais il n'est pas non plus ici au top du top, donc voilà, quel ennui mortel. Je suis très étonnée que ce film ait été réalisé par la même personne qui a réalisé Le Dernier des Mohicans. Le grand écart!

Du côté des séries

J'ai regardé les bonus de Dinosaures dans le vague objectif d'écrire un billet sur le sujet, puis j'ai complètement lâché l'affaire (c'est-à-dire que j'ai renoncé à la fois à l'idée d'écrire un billet sur le sujet et à celle de regarder une série quelconque). On verra si j'arrive à me motiver pour regarder la deuxième saison de La Roue du Temps en juillet.

Et le reste

Le mois a été positif sur le plan des revues. J'ai d'abord lu un vieux numéro de La Croix L'Hebdo trouvé en boîte à livres, celui du 26 août 2023. J'avais déjà lu la plupart des articles du dossier climatique grâce à une amie abonnée; je ne vous raconte pas la catastrophe écologique en Dordogne, c'est un cauchemar. La couverture rend bien l'idée. 🙈🙈 Puis j'ai lu avec avidité le Mad Movies sur Batman, qui m'a donné envie de voir tous ces films. Cette revue est juste magique. Tout a l'air passionnant. Puis j'ai lu en diagonale un ancien numéro de Livres Hebdo, celui de septembre 2023. Et en fin de mois, j'ai miraculeusement réussi à lire Cheval Magazine. Je n'y croyais pas du tout, mais c'est l'avantage des insomnies: on a un peu de temps pour lire!

samedi 22 juin 2024

Légende (1984) 🪓🗡🏹💔💖✨

Dimanche 9 juin, je n'ai pas échappé au résultat des élections européennes pour la France. Je n'ai pas creusé le sujet, mais l'information principale est venue à moi lors de ma balade de clôture de week-end sur Instagram.

Lundi 10 juin, par conséquent, j'ai soigneusement évité l'actualité. Je n'ai pas creusé les résultats français et je ne suis pas allée chercher les résultats italiens.

Lundi 10 juin au soir, toutefois, j'ai commis l'erreur de regarder les stories sur Messenger. Je voulais voir des photos de chevaux. Mais soudain, j'ai cru comprendre qu'on parlait d'un certain mot en "d".

J'ai vérifié. C'était exact.

Vous imaginez ma sidération. Vous l'avez probablement éprouvée aussi. Mais ajoutez-y que je n'ai pas la nationalité française, moi.

Et puis...

Aux grands maux, les grands remèdes.

J'ai décidé de me casser dans un monde où les gens ont des valeurs.

J'ai décidé de relire Légende.

Légende!

Légende!

Le roman qui a révélé David Gemmell. Un des dix livres les plus importants de ma vie. Le livre où il y a Druss. Le livre où il y a Dros Delnoch, la forteresse imprenable mais condamnée.

💖💖💖 Légende 💖💖💖

Et vous savez quoi ? Légende est tellement merveilleux, tellement efficace, tellement plein de gens courageux, tellement plein de valeurs, que j'ai passé la semaine du 10 juin sans angoisse particulière. Totalement abattue par mes problèmes personnels, comme d'habitude. Ne déconnons pas. Mais sans angoisse particulière au regard de la catastrophe totale dans laquelle nous naviguions.

Pourquoi ce roman, que je lisais pour la quatrième ou cinquième fois, m'a-t-il fait un tel effet? Pourquoi ai-je vibre et pleuré? Pourquoi m'a-t-il fait oublier le reste? Pourquoi m'a-t-il donné, du moins quelques jours, du courage?

Parce que tout Légende ne parle que de deux choses: le courage de faire le choix difficile et l'acceptation de sa propre mort. Décider, collectivement mais surtout INDIVIDUELLEMENT, de tenir Dros Delnoch face à l'armée Nadir, forte de cinq cent mille hommes.

Décider de tenir Dros Delnoch même si on n'a aucune chance. 

Décider d'aller à Dros Delnoch même si on sait qu'on y mourra.

"Come and seek me if you will, old warrior! I stand on the walls of Dros Delnoch."

C'est la mort en personne, qui a un différent avec Druss, qui adresse ces mots au guerrier de légende, idolâtré depuis quarante ans par tout le peuple drenaï.

Et Druss, à plus de soixante ans, prend sa hache et se met en route. À pied. Avec son dos raide, son genou plein d'arthrite. Parce que Druss n'est jamais allé nulle part à cheval et qu'il sera bon pour le moral des troupes de le voir arriver à pied. Bien sûr, il pourrait faire une partie du trajet à cheval et finir à pied, de manière à s'économiser. Mais Druss est plus grand que nature. Un humain comme Druss, il y en a un par siècle. Druss n'est pas du genre à s'économiser. Druss n'est pas du genre à tricher. Alors, il va à pied. Alors, il accepte de prendre la direction de la forteresse en attendant l'arrivée du nouveau conte. Alors, il se bat au cœur de la mêlée sans jamais reculer, sans jamais se reposer.

Et il n'est pas le seul. Rek, qui filait aussi vite que possible vers le sud, pour la simple et bonne raison que les Nadir étaient au nord. Virae, élevée dans les mythes des guerriers d'antan. Bowman, l'archer désabusé et peut-être, au fond, idéaliste. Les Trente, les moines-guerriers qui ne font qu'un. Gilad, le fermier raté, et Bredan, le fermier heureux, qui vont apprendre la guerre et la camaraderie. Et Orrin, l'officier incompétent et détesté qui va oser courir avec ses hommes pour améliorer sa forme physique. Pour quelqu'un comme moi qui a toujours été nullissime en sport, la scène dans laquelle Orrin parvient à finir sa course sans être dernier est très, très puissante. Et comme le dit un autre personnage, il a en quelque sorte plus de mérite que les autres à se battre sur les murs de Dros Delnoch, car il a plus peur.

Et en face? Une horde de Nadir assoiffés de sang, unis sous la bannière d'Ulric, le premier à fédérer les clans nomades des steppes. Oui, certes. Mais aussi des Nadir pris un par un, qu'on suit brièvement dans le combat et qui ne sont pas différents des Drenai qui leur barrent le passage. Et Ulric, un chef spectaculaire, de la même stature que Druss. Un homme impitoyable et lucide. Un homme qui ne veut pas rabaisser les Drenai MAIS ÉLEVER LES NADIR. Un homme qu'on ne peut qu'admirer. Un homme que Druss lui-même admire. Leur conversation sous les murs du Dros est aussi courte que pleine de respect. Car même si chacun se battra jusqu'au bout pour anéantir l'autre, ils savent qu'ils sont égaux.

C'est une des choses que j'aime dans ce bouquin: que l'ennemi soit justement un ennemi et un adversaire, mais non méchant par essence. Seul Nosta Khan, le chamane, peut être considéré comme mauvais. Ulric n'a rien de mauvais. Et les gentils sont pleins de failles et de doutes. Druss lui-même dit, à son propre sujet:

"They will say, 'Here lies Druss. He killed many and birthed none'."

Paye ton bilan de vie, pour un gars que la nation idolâtre.

J'aime aussi que Gemmell prenne son temps pour réunir ses personnages à Dros Delnoch et montrer comment Druss réorganise la forteresse et entraîne ses hommes. Dans mon édition Orbit, l'assaut commence à la page 275 sur 430. Soit à bien plus de la moitié du bouquin.

Alors parfois, Gemmell quitte la camaraderie guerrière pour des passages d'une mièvrerie étrange – Rek dit vraiment à Virae que le ciel est plus bleu depuis qu'il l'a rencontrée 😂 –, il se répète pas mal dans ses conversations, et il abuse des deus ex machina à la fin – même si le premier d'entre eux est parfaitement logique et un autre m'a tiré des larmes. Et la femme est chez lui une exception dans un monde d'hommes, et un objet de désir sexuel. Mais il expose un des grands dilemmes de l'expérience humaine sans aucun manichéisme et j'ai besoin, terriblement besoin, de modèles tels que ses personnages. Face aux gens qui votent pour des idées affreuses, face aux gens qui privilégient leur confort au détriment du reste du monde, face aux gens qui exploitent les animaux, qui veux-je être? Je suis une trouillarde, je le sais. Mais que ferait Druss? Que ferait Druss? Je devrais me poser cette question tous les jours.

Allez donc voir ailleurs si Druss y est!
L'avis de Lorhkan
L'avis de Vert
L'avis de Xapur

mercredi 12 juin 2024

Eldorado (2006)

En 2014, mes beaux-parents me faisaient découvrir Laurent Gaudé en me prêtant Ouragan, un roman se déroulant à la Nouvelle-Orléans lors de l'ouragan Katrina. L'année suivante, peut-être toujours grâce à un prêt de leur part, je lisais Le Soleil des Scorta. Deux réussites qui ont clairement placé l'auteur parmi les écrivains contemporains de qualité à mes yeux. Mais depuis, rien. Et puis, en mai dernier, je suis tombée sur un autre de ses romans dans une boîte à livres et j'ai sauté dessus.

Eldorado s'ouvre à Catane, en Sicile. Salvatore Piracci, commandant d'une frégate italienne, sent un regard peser sur lui pendant qu'il achète son poisson au marché. Ce regard est celui d'une migrante clandestine qu'il a trouvée sur un bateau abandonné au large des côtes italiennes par les passeurs deux ans plus tôt. Une femme digne et dure, qui ne baisse pas le regard, et qui lui adresse une demande. Une demande déraisonnable. Une demande à laquelle Salvatore Piracci décide d'accéder.

Ailleurs, vraisemblablement au Soudan, deux frères passent leur dernière journée dans leur ville natale. Le moment est venu pour eux de partir. Ce jour, c'est leur dernier jour. Mais ils ne peuvent dire au revoir à personne, car leur départ est un secret. Ils partiront en cachette, avec un inconnu. Ils partiront en sachant qu'ils ne reviendront jamais de l'Europe qui les attend, l'Europe où ils pourront gagner leur vie.

Le thème de ce roman est donc, vous l'aurez compris, l'immigration clandestine à travers la Méditerranée, de l'Afrique du Nord vers l'Europe-forteresse. Depuis vingt ans, Salvatore Piracci, l'Italien, secoure des immigrants clandestins en Méditerranée. Il les tire des eaux mortelles, il leur donne à boire. Mais après, il les remet aux autorités qui les installeront dans des camps. Après la rencontre au marché, ce n'est plus possible. Les émotions qui montent en lui trouvent une échappatoire. Pour Soleiman, le deuxième personnage point de vue, le périple de l'exil ne commence pas comme prévu. À peine son frère et lui sont-ils arrivés en Libye que l'euphorie laisse la place au chagrin. Son frère ne fera pas réellement le voyage. Son frère fait demi-tour. Soleiman est seul pour aller là-bas.

Laurent Gaudé nous donne à voir ces deux parcours avec une justesse incroyable. Salvatore et Soleiman sont très différents, mais chacun est plein de couches d'émotions diverses et d'une sorte de droiture qui le mènera jusqu'au bout d'un parcours inversé mais passionnant, terrifiant, remuant. J'ai lu ce roman comme je ne lis plus que rarement, en oubliant le reste, en réfléchissant sur ma propre expérience de l'immigration – rien à voir avec celle de Soleiman : ce n'est pas moi qui ai émigré, ce sont mes parents, même si cela a façonné ma vie, et c'était parfaitement légal –, en retrouvant des valeurs que j'aimerais défendre dans ma vie, en vivant, en bref, au rythme de ces chapitres courts dont la richesse est inversement proportionnelle à la longueur. Le tout porté par une très belle écriture. J'ai bien tiqué sur quelques phrases, mais dans l'ensemble ce roman se lit tout seul sans jamais être simpliste, ni sur la forme ni sur le contenu.

"Lorsque les marins italiens montèrent à bord, munis de puissantes lampes torches dont ils balayaient le pont, ils furent face à un amas d'hommes en péril, déshydratés, épuisés par le froid, la faim et les embruns. Il se souvenait encore de cette forêt de têtes immobiles. Les rescapés ne marquèrent aucune joie, aucune peur, aucun soulagement. II n'y avait que le silence, entrecoupé parfois par le bruit des cordes qui dansaient au rythme du roulis. La misère était là, face à lui. Il se souvenait d'avoir essayé de les compter ou du moins de prendre la mesure de leur nombre, mais il n'y parvint pas. Il y en avait partout. Tous tournés vers lui. Avec ce même regard qui semblait dire qu'ils avaient déjà traversé trop de cauchemars pour pouvoir être sauvés tout à fait."

"Et nos enfants, Jamal, nos enfants ne seront nés nulle part. Fils d'immigrés là où nous irons. Ignorant tout de leur pays. Leur vie aussi sera brûlée. Mais leurs enfants à eux seront saufs. Je le sais. C'est ainsi. Il faut trois générations. Les enfants de nos enfants naîtront là-bas chez eux. Ils auront l'appétit que nous leur avons transmis et l'habileté qui nous manquait."

"Nos enfants ne seront nés nulle part." Quel crève-cœur, putain, quel crève-cœur.

Il faut que je continue à lire Laurent Gaudé. Il a écrit de la science-fiction, en plus...

Allez donc voir ailleurs si cet Eldorado y est
L'avis de Grominou

jeudi 6 juin 2024

La gamelle de mai 2024

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lecture!

Sur petit écran

Pas de film. (Pourquoi je garde cette catégorie, déjà?)

Sur grand écran

Jusqu'au bout du monde [The Dead Don't Hurt] de Viggo Mortensen (2024)

Voilà un western assez classique, avec une petite ville dominée par le gros richard du coin, un projet minier, un petit connard à la gâchette facile et une vengeance. Mais dans le même temps, ce film est atypique, d'une part parce que la protagoniste est francophone et le protagoniste danophone, et d'autre part parce que ça parle essentiellement du destin d'une femme et non de celui d'un homme. Viggo Mortensen est merveilleux, évidemment (même si la moustache ne lui va pas, même à lui! Mais quel cauchemar, la moustache!), mais j'ai surtout été marquée par Vicky Krieps, qui a récemment joué la reine Anne d'Autriche dans Les Trois mousquetaires de Martin Bourboulon et qui joue extrêmement bien. Une actrice à suivre. Attention toutefois, le film parle de viol et n'est donc pas facile! Le titre anglais (qui signifie "Les morts ne souffrent pas") laisse d'ailleurs bien mieux deviner que le ton sera dramatique que l'adaptation française...

La Planète des singes: Le Nouveau Royaume de Wes Ball (2024)

Je ne pouvais, bien sûr, pas rater le retour au cinéma de cette série pour laquelle j'ai beaucoup d'affection. L'ensemble, malgré quelques bonnes idées, est fort paresseux. Je ne me suis pas ennuyée, mais bon, ce n'est pas marquant. J'ai surtout été intéressée par la présence de Freya Allan, qui joue Siri dans The Witcher, et de William H. Macy, que j'ai reconnu de Fargo (et qui, après vérification, joue aussi dans Jurassic Park 3, lol), et par le fait que l'intrigue part dans une direction résolument différente de celle du livre de Pierre Boulle et du premier film ([divulgâcheur] il est évident que les humains vont se réorganiser maintenant qu'ils ont récupéré les télécommunications, tandis que Noa va faire évoluer les singes [fin du divulgâcheur]).

Le Petit Dinosaure et la vallée des merveilles [The Land Before Time] de Don Bluth (1988)

Je savais très bien que j'allais pleurer en revoyant un des films les plus importants de mon enfance, mais j'ai tout de même été surprise: je me suis mise à pleurer AVANT le film. La séance étant destinée aux enfants, le cinéma a organisé un petit quiz avec des jouets à gagner. La première question portait sur le prénom du héros du film. La petite fille qui a levé la main la première a répondu "Petit Pied". Moi, je me suis mise à chialer. Voilà.

Bon. Malgré le crève-cœur absolu de ce retour en enfance, lié aussi bien à des raisons personnelles qu'au fait que certaines scènes vous démontent réellement le cœur (cf. l'image ci-dessus), j'ai trouvé que c'était absolument brillant. En à peine une heure et dix minutes, Don Bluth et ses scénaristes vous posent une très belle histoire d'entraide et d'amitié avec des personnages crédibles et nuancés, des enjeux importants, de l'aventure, un décor sublime et de l'humour. Je pense qu'il y a vraiment quelque chose à étudier si on s'intéresse à l'écriture d'histoires concises et riches à la fois. Et le tout sans aucun moralisme mièvre: le message sur l'entraide est porté par l'action plutôt que par les dialogues, ce qui est parfait. En même temps, ce dessin animé bénéficiait d'une équipe stupéfiante: Don Bluth (qui a aussi réalisé Le Secret de NIMH, autre dessin animé marquant de mon enfance) à la réalisation, Steven Spielberg, George Lucas, Kathleen Kennedy et Frank Marshall (mari de Kathleen Kennedy) à la production (excusez du peu!!!) et le stupéfiant, l'incroyable, le parfait James Horner (Titanic et Avatar, chef d'œuvres parmi les chefs d'œuvres!!) à la musique, musique qui tient d'ailleurs un rôle important pour porter l'histoire et qui se termine par la très belle chanson If We Hold On Together de Diana Ross.

Dernière chose que je tiens à noter pour avoir une chance de m'en souvenir: le plan de Céra qui essaye d'attraper un insecte ressemble à s'y méprendre à un plan du Roi Lion avec Simba, à tel point que je me suis demandé si celui le deuxième n'était pas un hommage au premier.

Du côté des séries

J'ai enfin terminé Dinosaures!! J'espère trouver l'énergie de lui consacrer un billet dédié.

Et le reste

J'ai lu en diagonale un ancien numéro de Livres Hebdo et j'ai lu mon Cheval Magazine habituel. Il y avait beaucoup de dressage dans ce numéro, ce qui est chouette, mais il y avait aussi une brève HONTEUSE invitant à "se méfier" de PETA (la plus grande association mondiale de défense des animaux, oui oui!!). Un nouveau sommet anti-animaliste qui m'a mise en rage et m'a même fait envisager (mais envisager seulement) de ne pas me réabonner. 🤬🤬🤬

Et sinon, j'ai aussi replongé dans Mad Movies, mais j'ai très peu avancé et ça m'occupera sans doute tout le mois de juin. ^^