samedi 27 mai 2017

'Salem's Lot (1975)

Avant de lire le cinquième tome de La Tour sombre de Stephen King, j'ai décidé de lire 'Salem's Lot sur les bons conseils de Grominou et de son billet sur Les Loups de la Calla.

Tentative de photo bucolique pour livre ténébreux.

L'intrigue

L'écrivain Ben Mears revient à Jerusalem's Lot, une petite ville paisible du Maine où il a passé une partie  de son enfance, afin d'affronter quelques vieux démons et d'écrire un nouveau roman. Il apprend  avec déception que la "maison hantée" locale, une vieille bâtisse abandonnée dont le dernier propriétaire s'est pendu et dans laquelle il espérait loger, vient d'être louée, mais s'installe néanmoins en ville où il ne tarde pas à rencontrer une jeune femme nommée Susan [rapport à La Tour sombre: tiens tiens tiens, une Susan!] qui lit justement un de ses romans. En parallèle, un petit garçon disparaît dans les bois et son frère est incapable de dire ce qu'il leur est arrivé. Il ne se souvient de rien. Puis les faits mystérieux se multiplient, la mortalité explose à 'Salem's Lot et beaucoup d'habitants semblent atteints d'une drôle de grippe qui les fait dormir toute la journée...

Mon avis

'Salem's Lot est le deuxième roman de Stephen King et un de ses livres mythiques qui en ont fait le grand maître de l'horreur de la fin du XXe siècle. Malheureusement, après l'enthousiasme lié à La Tour sombre et à ma relecture des Yeux du dragon, ce roman m'a ramenée à mes retenues préalables sur cet écrivain dont je dis depuis des années que je le connais peu et ne l'aime pas vraiment – à l'exception toutefois de La Ligne verte, qui est un de mes livres préférés.

En gros, j'ai trouvé la lecture un peu raplapla, le comble pour un livre qui m'a quand même incitée à laisser la lumière allumée dans le couloir une nuit où j'étais seule chez moi. La rédaction est un peu trop linéaire et emploie des procédés un peu trop visibles, comme le fait de terminer un chapitre sur les mots "Il se retourna et se mit à hurler" ou de s'arrêter en plein cliffhanger pour reprendre l'action en flash-back plus tard. C'est efficace, hein, mais c'est un peu trop "recette de cuisine" et surtout c'est employé trop souvent pour conserver cette efficacité.

À partir de la moitié du livre environ, j'ai aussi trouvé qu'on suivait Dracula de trop près, avec Matt, le professeur d'anglais, qui devient soudain un spécialiste des vampires comme Van Helsing et Susan qui se fait mordre et qu'il faut donc achever comme Lucy (avec un petit passage assez paternaliste dans lequel Matt explique à Ben qu'il lui revient de la libérer parce qu'il est symboliquement "son mari"....).

J'ai aussi trouvé dommage que la "maison hantée" soit relativement laissée de côté. Je pensais qu'elle tiendrait un plus grand rôle que cela et en attendais beaucoup à cause d'une autre maison du même genre croisée dans le troisième tome de La Tour sombre, qui respirait la malignité.

Enfin, ma dernière réserve: j'ai eu beaucoup de mal à bien identifier les nombreux habitants de 'Salem, qui sont parfois cités à des centaines de pages d'écart. (Mais je comprends l'intérêt de montrer les diverses réactions et situations des uns et des autres, hein, ça donne énormément de profondeur et de réalisme à la ville.)

Bien sûr, il n'y a pas que du négatif. La figure du vampire-prédateur est intéressante et on pourrait sûrement y voir plein de symboles. On est loin ici des vampires raffinés d'Anne Rice, il y a quelque chose de nettement plus primordial (même si l'aspect sexuel n'est jamais loin). Il est aussi intéressant de voir le vampirisme comme une sorte d'épidémie face à laquelle la ville ne peut pas vraiment se défendre; le temps que quelqu'un se rende compte que quelque chose ne va pas, les vampires ont déjà mordu de-ci de-là et le processus est inarrêtable.

J'ai aussi été très surprise par le sort du prêtre catholique, Callahan. J'avais imaginé plusieurs hypothèses mais pas du tout celle-là!

Et puis, comme je l'ai dit plus haut, j'ai laissé la lumière allumée dans le couloir un soir où j'étais seule. On ne sait jamais. Quelqu'un ou quelque chose pourrait rentrer dans l'appart avant le retour de mon homme. Hein. Il vaut mieux prendre des précautions. Donc l'efficacité du bouquin est réelle. Et puis j'ai super envie de relire Dracula et les nouvelles de King qui reprennent ce thème, Jerusalem's Lot et One for the Road, et j'ai donc sorti le recueil Night Shift de ma bibliothèque. Mais là maintenant, je peux surtout passer au tome 5 de La Tour Sombre! 😜😜

mercredi 24 mai 2017

La sieste assassinée (2001)

Chronique express!


Angers, une bouquinerie, un Philippe Delerm à 3€... Le bonheur.

Avec ses tout petits chapitres, La sieste assassinée est très similaire à La première gorgée de bière (et, j'imagine, à toute l’œuvre de Philippe Delerm). Mais là où La première gorgée parle de "plaisirs minuscules", de petits bonheurs, La sieste assassinée a un horizon plus large et parle d'instants de vie en général, en bien comme en mal.

Quelques souvenirs:
Le temps est comme suspendu dans Il va pleuvoir sur Roland-Garros, on est un peu gêné et honteux dans Rencontre à l'étranger (tellement vraie cette histoire, ça m'a serré le cœur), on se retrouve forcément dans Le oui oui au coiffeur. Le présent des bios m'a aidée à comprendre pourquoi les notices bibliographiques me dépriment autant, j'ai eu un cafard d'amitié et de famille violent avec Juste une omelette, comme ça, j'ai regretté avec Vous êtes bien, là! et je me suis sentie une adulte avec Correspondance.

Une belle panoplie d'émotions en à peine 96 pages qui se lisent en une heure... Et pourtant beaucoup de sérénité parce que c'est juste la vie, tout ça, et que dans les mots de Delerm ça n'a pas l'air si vain et si terrible.

Autres merveilles de l'auteur déjà chroniquées sur ce blog

dimanche 21 mai 2017

Maigret et l'indicateur (1971)

Chronique express!


Maigret est un de ces inspecteurs célèbres que je connais de nom mais n'ai jamais lu ou regardé. C'est chose faite avec ce vieux poche imprimé en 1986 (il est à peine plus jeune que moi!) jauni et odorant, récupéré grâce à une amie qui faisait du vide dans la maison familiale. C'était une lecture sympathique et facile mais pas forcément mémorable. L'enquête est assez superficielle. Un cadavre apparaît, un indicateur dénonce le coupable, Maigret cherche des preuves en fumant sa pipe. C'est l’atmosphère datée qui est intéressante, ce Paris des années soixante rempli de bistrots où les gens parlent parfois en argot. On sent que la société a changé depuis. Un exemple: aujourd'hui, plus personne ne dit que quelqu'un "a de l'instruction"... On dira qu'il "a fait des études" ou "de bonnes études". Le sexisme ambiant fait quant à lui trembler! Figurez-vous que Maigret demande à une serveuse, dont le patron a été tué, si ça ne la gêne pas trop d'avoir une patronne et pas un patron maintenant que la veuve veut reprendre le restaurant... et que la serveuse répond que ça ne fait jamais plaisir! LOL! Enfin ça ne m'empêchera pas de relire du Maigret ou du Simenon en général si l'occasion se représente, d'autant plus que ça se lit très très vite: 189 pages écrites assez gros pour ce roman.

jeudi 18 mai 2017

The Eyes of the Dragon (1984)

Entre deux pavés de la Tour sombre, retour sur le premier roman de Stephen King que j'ai lu: Les Yeux du dragon.


L'indispensable parenthèse "Ma vie, mon œuvre"

Quand j'étais en quatrième, j'ai sauté sur ce roman dans le CDI de mon collège parce que j'étais en pleine période "dragons" à cause de Cœur de dragon que j'avais vu au cinéma deux ans plus tôt. J'écrivais même une histoire de fantasy mettant en scène des licornes et des dragons (et quelques dinosaures bien entendu). Je vous parle des années 1997-2000; aimer les dragons était vraiment tordu à l'époque. Ensuite, tout le monde s'est découvert une passion pour ces grosses bêtes à cause de Harry Potter...

Quelle déception immense, donc, quand j'ai commencé le roman et réalisé que le seul dragon de l'histoire se fait tuer au bout de quelques chapitres et que sa tête empaillée finit parmi les nombreux trophées de chasse de Roland, roi de Delain! 😀

Je crois néanmoins que j'avais bien apprécié la lecture. J'ai d'ailleurs acheté le livre bien plus tard, en 2010, pour le relire en anglais. Là, je l'ai lu en deux jours; j'ai adoré la première partie et ai été assez déçue par la deuxième. Je me souviens que je suis allée me coucher enthousiaste et que je n'ai pas retrouvé le même plaisir le lendemain.

L'histoire

Delain est un royaume typique de la fantasy, clairement inspiré de l'Europe médiévale. Le roi Roland a deux fils, Peter et Thomas, et un conseiller, le magicien Flagg qui vit dans un sombre donjon. C'est un univers dans lequel on est susceptible de croiser des dragons, même si cela fait bien longtemps qu'on n'en voit plus à Delain, et où la magie est bien réelle.

Le prince Peter, le fils ainé, est intelligent, raisonnable, calme, réfléchi, poli et droit dans ses bottes. Son père l'adore et tout le monde se réjouit qu'il lui succède sur le trône car il fera un bon roi. Thomas, par contre, est plus timide et moins sûr de lui... À force de vivre dans l'ombre de Peter, il ressent de plus en plus de frustration et de jalousie. Flagg le magicien l'a bien remarqué et trouve que ce garçon ferait un roi bien plus à son goût.

Et puis un jour, brutalement, le bon et vieux roi Roland meurt dans d'atroces souffrances, on ne tarde pas à découvrir qu'il a été empoisonné et Peter, le fils chéri que tout le monde aimait, est emprisonné dans la plus haute tour du château pour le meurtre de son père!

Bien sûr, le lecteur sait très bien qui a commis le meurtre. C'est Flagg. Mais comment Peter pourra-t-il prouver son innocence du haut de sa prison? 

Mon avis

Cette fois-ci, j'ai adoré ce roman qui est super chou. Très atypique dans la bibliographie de Stephen King, il relève du conte et sert vraiment à expliquer la vie aux jeunes lecteurs, avec un narrateur anonyme qui intervient parfois pour tempérer les propos d'un personnage ou expliquer qu'on ne sait pas trop, parfois, pourquoi on fait ce que l'on fait... Ce narrateur peut même rentrer dans la tête d'un chien, c'est formidable (et ça donne un court passage très chou et rigolo).

Le fond de l'intrigue est une sorte de lutte du bien contre le mal, mais assez nuancée. Il y a certes le Mal personnifié en la personne de Flagg, mais il y a aussi le mal plus modeste voire un peu minable, qui provient de la souffrance ou de la bêtise et qui peut faire autant de dégâts. Et le bien est certes bon, mais il est plein de doutes et a peur de tout plein de choses. Et parfois le bien veut trop bien faire et finit par jouer le jeu du mal, comme dans le cas du juge Peyna qui enquête sur la mort du roi.

D'ailleurs, je vous ai dit que ce livre est super chou, et c'est vrai, mais bon ça reste Stephen King, il y a du sang et ce n'est pas du tout naïf. Je pense que c'est une bonne lecture au collège, pas quelque chose qu'on lit à de jeunes enfants pour les endormir...

La parenthèse féministe consternée

Je ne félicite pas Stephen King pour le nombre extrêmement limité de personnages féminins de ce roman. Il y a Sasha, la reine, qui meurt en couches après 50 pages, puis Naomie qui sauve heureusement l'honneur à la fin. Sinon il n'y a que des hommes dans cet univers et les deux "femmes de" entraperçues au cours du roman ont la larme facile et ne sont pas mises dans la confidence des grands faits du royaume. Grrr.

La parenthèse Flagg

Flagg, Flagg, Flagg. Flagg avec son cristal magique qui lui montre des choses. Flagg qui ne vieillit pas au fil des siècles et revient régulièrement à Delain pour y semer le chaos. Flagg qui cache son visage sous une capuche. Flagg qui conseille le roi pour mieux le perdre. Flagg dont tout le monde a un peu peur. Flagg qui sait plein de choses sur tout le monde mais fait parfois preuve d'un étrange aveuglement.

Flagg n'est pas un méchant terrifiant mais c'est un bon méchant sournois et parfois amusant.

J'ai hâte de retrouver Flagg.

Le mot de la fin

"Worlds sometimes shudder and turn inside their axes." Je ne suis pas sure de saisir ce que ça veut dire mais on ne peut pas ne pas relever ce genre de phrase quand on lit La Tour sombre. Car bien sûr ce livre est lié à La Tour sombre et je ne l'ai pas relu par hasard. Je vous laisse sur votre faim si vous n'en savez pas plus. 😈

lundi 15 mai 2017

Nymphéas noirs (2011)

Voyage à Giverny, le village de Monet en Normandie, avec ce polar de Michel Bussi. Un cadavre fait son apparition dans le ru qui alimente l'étang aux nymphéas que le célèbre impressionniste a tant peint. La police enquête. L'inspecteur chargé de l'affaire tourne d'un peu trop près autour de l'institutrice, dont le mari est le principal suspect. Son adjoint tente de suivre toutes les pistes: crime passionnel, trafic de tableaux de maîtres, vengeance d'une maîtresse abandonnée, existence potentielle d'un enfant illégitime. Une petite fille très talentueuse veut, elle aussi, peindre des nymphéas. Et une vieille dame habillée de noir surveille le tout en parcourant discrètement les rues du village avec son chien.


Caractéristique "roman de plage", Nymphéas noirs n'est pas un chef d’œuvre avec sa rédaction passe-partout et ses clichés (palme absolue pour le personnage de l'institutrice mariée à un homme qu'elle n'aime pas et qui tombe follement amoureuse, au premier regard, de l'inspecteur qui va forcément la sortir du village où elle a passé toute sa vie...). Mais bon dès qu'il y a un cadavre, on a envie de savoir qui l'a mis là, et les pages se tournent toutes seules, d'autant plus que les chapitres sont très courts et se terminent souvent en plein milieu d'une révélation. C'est un livre efficace, donc. J'ai lu 400 pages en deux jours (après avoir péniblement lu les 50 premières en trois jours par manque de temps).

Au final, je n'ai rien vu venir et je me suis bien fait avoir. On pourrait rendre hommage à Michel Bussi, mais je suis frustrée car il y a de la triche dans ce bouquin et que ce n'est pas cool. On ne peut pas voir venir la fin. Tsss tsss. J'ai l'impression qu'il n'y a pas eu de pacte avec le lecteur et je ne suis pas très contente... Certains détails auraient peut-être dû me mettre la puce à l'oreille... Après tout, je sais qu'il ne faut jamais rien laisser passer dans un polar! Mais j'ai tout de même trouvé tout cela très contrariant...

Pourquoi ce livre?
Parce que je l'ai trouvé dans mon local à poubelles un soir de février (avec Enregistrements pirates de Philippe Delerm) et parce que ma kiné a lu et m'a conseillé Un avion sans elle du même auteur il y a quatre ans.

vendredi 12 mai 2017

The Tropic of Serpents (2014)

Les mémoires de Lady Trent, naturaliste spécialiste des dragons, continuent avec ce deuxième tome aussi frais et efficace que le premier, A Natural History of Dragons (mon avis ici). La recette est la même: une jeune femme déterminée à se consacrer à sa passion, l'étude des dragons, dans une société très portée sur les conventions et les commérages, une région exotique à explorer, des dragons à découvrir et une bonne dose d'humour et d'ironie dans la rédaction. C'est extrêmement plaisant à lire et le ton résolument XIXe est tellement réussi qu'on s'y croirait vraiment.


Cette fois-ci, Isabella part au Bayembe, un pays tropical dont elle souhaite étudier les dragons. Le contexte politique n'est pas des plus simples puisque le Bayembe accueille des soldats scirlings, c'est-à-dire de la même nationalité qu'Isabella, pour le protéger des vues expansionnistes de son voisin austral, l'Eremmo, qui est lui-même occupé par les Ikwunde. Entre les deux États, une immense région marécageuse surnommée l'Enfer vert, Mouleen. C'est là qu'Isabella et ses compagnons partiront en mission, non seulement pour leurs propres recherches mais aussi pour le compte de l'oba – disons le roi – du Bayembe, qui veut qu'ils lui rapportent des œufs de dragon.

Comme dans le tome précédent, ce roman parle beaucoup de la condition des femmes, puisqu'Isabella doit constamment se battre pour faire accepter ses choix (quant à publier un ouvrage scientifique en son nom, n'en parlons même pas). C'est intéressant même si je me demande parfois si le trait n'est pas un peu trop forcé et si on ne pourrait pas imaginer un monde alternatif très similaire au nôtre dans lequel on ne retrouverait pas d'aussi près les travers de nos sociétés...

À propos du trait un peu forcé: je vous avais déjà parlé du "ton un peu forcé" dans le premier roman et j'ai retrouvé ce défaut ici. Peut-être qu'il ne serait pas nécessaire de faire autant de remarques ironiques, d'ouvrir autant de parenthèses, de couiner dès qu'on entend le mot dragon et de s'adresser au lecteur aussi souvent...

Dans l'ensemble, toutefois, ça n'enlève rien au fait que la lecture est fort plaisante et que j'ai passé un très bon moment. C'est parfait pour se détendre ou se changer les idées entre des lectures plus dures ou exigeantes, et puis ça fait toujours plaisir de passer du temps avec une héroïne digne de ce nom. Ça m'a d'ailleurs rappelé Adèle Blanc-Sec, que j'avais beaucoup apprécié (même si, en réalité, je ne me souviens pas bien du tout du film, juste de l'ambiance début du siècle/aventure.) En plus ce tome m'a plus semblé faire référence aux autres aventures d'Isabella, ce qui donne extrêmement envie de continuer à les lire (divulgâcheur: par exemple, j'ai follement envie de savoir ce qu'il s'est passé après que des dragons aient été introduits dans les trois rivières alimentant le marécage de Mouleen et d'où vient cette stèle gravée de mystérieux caractères!) Ça tombe bien car trois autres tomes sont sortis et que j'ai donc encore quelques aventures à découvrir!

Allez donc voir ailleurs si ces dragons y sont!
Une interview de l'auteure (en anglais)

mardi 9 mai 2017

La Fortune des Rougon (1871)

En février, j'attaquais La Fortune des Rougon, le premier roman de la grande saga des Rougon-Macquart d'Émile Zola, en bonne compagnie avec Eless, Ksidraconis et Tigger Lilly. C'était une relecture pour deux d'entre nous et une première lecture pour les deux autres.

Photo un peu dégueulasse, désolée!

C'était un vrai plaisir de retrouver Zola, que je n'ai pas lu depuis... et bien plus de deux ans, puisque ma dernière lecture remonte à novembre 2014. C'était Nouveaux Contes à Ninon et pour tout vous dire j'avais oublié que je l'avais lu.

Il y a tellement de choses à dire sur les romans d'Émile Zola que cette chronique sera particulièrement en-deçà de l’œuvre dont elle parle. Ce qui est positif pour moi, toutefois, c'est que j'ai tous les mails que nous avons échangés au fur et à mesure de notre lecture pour me remémorer les évènements et nos impressions en détail. Je n'avais jamais fait de lecture commune auparavant et j'ai trouvé ces échanges au fil des parties extrêmement enrichissants. C'est un peu le stade ultime de la chronique, tu n'as pas juste des avis sur le livre mais sur chaque partie du livre! 😍

Voyons donc voir ce que je retiens de cette lecture...

Le roman des origines
Zola le dit lui-même dans sa préface, dans laquelle il annonce tout son grand projet d'étude, L'Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire: le nom scientifique de ce roman est Les Origines. Il pose Plassans, la ville où est apparue la famille, et présente Adelaïde, la matriarche qui aimera deux hommes dans sa vie et fondera ainsi les deux branches: les Rougon, la branche légitime, et les Macquart, la branche illégitime.
C'est aussi le début du Second Empire, puisque ce roman se déroule en décembre 1851, lors du coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République au suffrage universel direct en 1848.

Zola est un génie.
Bon ça je le savais déjà, ça fait environ sept ans que je lui voue un culte (j'avais déjà lu et aimé plusieurs de ses romans avant, mais en 2010 j'ai eu une espère de révélation absolue en relisant Germinal), mais je le redis: personne n'écrit comme Zola, il est vraiment trop fort et chacune de ses phrases est parfaite! Il peut décrire des choses très variées, allant ici de la bassesse la plus absolue à l'amour le plus innocent, et tout est parfait!

Zola a quand même des idées bizarres.
Bon ça aussi je le savais déjà, et puis c'est certainement dû, en bonne partie, au fait que son époque avait des idées bizarres. Ici, c'est le poids écrasant de l'hérédité; l'ADN n'est pas encore connu mais toutes les tares mentales possibles et imaginables se transmettent par le sang. Il y a aussi la maladie super cheloue d'Adelaïde, ce "dérèglement du sang et des nerfs" qui la jette dans des torpeurs de cadavre ou au contraire l'assujettit corps et âme à l'homme qu'elle aime. Notez aussi que son mari, Rougon, est mort "d'un coup de soleil [...] en sarclant un plant de carotte". Lol.

Cœurs sensibles, accrochez-vous.
Je ne suis pas d'accord avec les gens qui accusent Zola de "misérabilisme social": je ne trouve pas qu'il se complait dans la misère mais qu'il a la lucidité de la voir et le courage de la dénoncer. Il est vrai, en revanche, que l'échantillon d'humanité présenté ici n'est pas des plus encourageants: entre l'aïeule folle, les deux fils égoïstes, cruels, ambitieux et prêts à tout (je ne sais pas qui est le plus exécrable entre Antoine Macquart et Pierre Rougon mais je crois que je préfère quand même Rougon, qui est au moins capable de travailler), les soldats barbares, les bourgeois poltrons, Aristide qui retourne sans cesse sa veste, le prêtre qui vend des images pornographiques en douce, il y a de quoi désespérer un peu. Mais il y a surtout de quoi être révolté me semble-t-il.
En outre, il y a ici des éléments sanglants puisque le roman suit l'insurrection des républicains contre le coup d'État, qui a été réprimée dans le sang dans le sud.

Miette et Silvère, l'Amour autour du puits
Miette et Silvère sont deux de mes personnages préférés de toute la série des Rougon-Macquart. La première fois que j'ai gribouillé l'arbre généalogique de la famille pour m'y retrouver pendant mes lectures, j'avais même fait un petit cœur à côté du nom de Silvère. Ils représentent l'innocence pure, la bonté, l'amour et la liberté. Leur histoire est tendre et touchante et leurs retrouvailles autour du puits entre leurs deux propriétés (un puits un peu particulier) sont une des plus jolies choses que j'ai jamais lues.

Félicité, une Force de la Nature
Je ne suis pas persuadée que Zola ait eu une très belle opinion des femmes, qu'il décrit souvent comme détraquées et victimes de leurs nerfs, mais il a néanmoins brossé des portraits de femme assez spectaculaires et Félicité en fait partie. Cette petite et veille femme résolue est bien déterminée à se venger de Plassans, la ville où elle a trimé toute sa vie sans réussir à s'élever dans la société, et à profiter de l'opportunité du coup d'État pour faire la fortune des Rougon. C'est elle qui va tirer les ficelles des évènements et piloter son mari Pierre pour qu'il saisisse l'opportunité ouverte par le passage de la troupe des insurgés.

Les intrigues politiques
La France de 1851 se divise en trois camps: les républicains, les bonapartistes et les légitimistes. Zola présente cette lutte pour le pouvoir avec beaucoup de détails et de finesse. La politique, c'est parfois poignarder dans le dos ou utiliser à bon escient des informations reçues en avant-première... Et sachez qu'à en croire Zola la Légion d'honneur ne valait déjà pas grand-chose en 1851!

Le souffle de la conclusion
Après la révélation progressive d'une mort qu'on voit venir mais qui n'en est pas moins révoltante, puis un passage poignant plein d'émotion, les tout derniers paragraphes du roman décrivent le triomphe du salon jaune et annoncent le roman suivant et l'âme même du Second empire, qui jubile et se goinfre sur le cadavre de la République. Un passage à la fois grandiose et macabre, parce que le sang a coulé et que rien ne pourra l'effacer...

En bref...
Lisez Zola les amis, je ne le dirai jamais assez! Ses romans sont un témoignage unique sur la deuxième moitié du XIXe en France et sa plume est l'une des plus belles de la littérature française (et même la plus belle à mon sens).

Allez donc voir ailleurs si ces Rougon y sont!
L'avis de Tigger Lilly
Je ne manquerai pas de partager les chroniques des autres lecteurs quand elles seront prêtes! 😍 (Presssssssion les amis!)

samedi 6 mai 2017

Wizard and Glass (1997)

Le chemin vers la Tour sombre continue et je voyage maintenant en bonne compagnie, puisque Vert m'a rejointe pour ce quatrième tome! 😍😃


Et c'est un chemin sinueux et tortueux à souhait avec ce quatrième roman qui commence exactement là où s'était arrêté le précédent, avec le personnage qui parle en majuscules ("ASK ME A RIDDLE" 😨), la traversée d'une ville ravagée par une épidémie (grrr, j'aurais dû lire Le Fléau avant!) et soudain un retour en arrière dans le passé de Roland, le pistolero que nous accompagnons dans sa quête depuis plus de 1 200 pages.

Je vais parler en majuscules, moi aussi: LE PASSÉ DE ROLAND, ENFIN!!

Cette divagation a certes quelques chose de frustrant, puisque, pendant que Roland raconte ses aventures de jeunesse, la quête n'avance pas, mais les informations distillées ici sont essentielles. On remonte en effet à sa première mission de pistolero, après qu'il ait battu Cort et soit devenu le plus jeune pistolero de l'histoire de Gilead. Envoyé dans une province tranquille pour qu'il se fasse oublier, Roland, accompagné de ses amis Bert et Alain, va tomber sur un nid de traîtres qui va déclencher, dans une succession très fine et complexe d'évènements plus ou moins intriqués les uns aux autres, la chute même de Gilead.

"It is the closing of the year; it is also the closing of the peace. For it is here, in the sleepy Out-World barony of Mejis, that Mid-World's last great conflict will shortly begin; it is from here that the blood will begin to flow. In two years, no more, the world as it has been will be swept away. It starts here. From its field of roses, the Dark Tower cries out in its beast's voice."

Un nid de traîtres, donc, mais aussi une sorcière (répugnante, sournoise et inquiétante à souhait) et une jeune fille que nous avons déjà croisée dans ses souvenirs, Susan... SUSAN, ENFIN!! Son sort a été annoncé dès le premier roman (oui, oui, allez relire le rêve de Roland la nuit où Jake rencontre l'oracle ou la réplique qu'il envoie au pianiste de Tull lorsqu'il le reconnaît), mais il n'empêche qu'il est primordial de la rencontrer en direct. Vu la place que prend Susan au sein du ka-tet de Roland, j'ai pu confirmer un élément que je soupçonnais déjà (un personnage qui s'appelle Susannah, ça ne pouvait pas être un hasard dans cette série où il n'y a pas de hasard): tiens tiens, trois garçons et une fille, c'est un peu comme dire trois cartes et un pistolero dans le désordre, n'est-ce pas? 😀

Comme les tomes précédents, cette lecture était prenante et renversante et a occupé une grande partie de mon esprit; je suis vraiment super enthousiaste et j'ai même envie de lire toute l’œuvre de l'auteur pour comprendre les multiples références!

Quelques éléments que je ne veux pas oublier, en vrac: l'aspect horrifique de certains actes (ou implicites) sexuels; l'apparition expresse et très réussie de l'homme en noir; le rôle crucial d'une certaine boule de cristal qui lance la quête de Roland (mais pourquoi, damnation? Si c'est le Mal qui lance sa quête, n'est-il pas manipulé...?) et entraîne la mort (déterminante) de deux personnes; la réapparition de la sorcière à la fin du livre; la personnification très réussie de la méchanceté et du mal...

Et quelques critiques, qui ne ternissent pas la lecture d'une manière générale mais ne doivent pas non plus être passées sous silence:
- les longueurs: je ne suis pas du tout sûre que chacune des 845 pages de mon édition soit indispensable et j'ai parfois l'impression que Stephen King rallonge le récit pour faire monter le suspense; je découvrirai peut-être (probablement!) plus tard qu'en fait si, chaque mot était nécessaire, mais parfois j'ai soupiré un peu;
- la fin: et oui, je n'ai pas été persuadée par la dernière partie du livre, le retour dans le Kansas ravagé par la maladie et les multiples références au magicien d'Oz (histoire que je connais très mal, ce qui m'a peut-être desservie), mais surtout j'ai trouvé que notre Méchant fuyait bien facilement; j'aurais pensé qu'il fallait bien plus qu'un revolver (même en provenance d'un autre monde!) pour faire battre un certain F. en retraite!

Avec ce tome, j'ai atteint les 1 665 pages environ. Hâte de passer à la suite...

Allez donc voir ailleurs si ce sorcier y est!

mercredi 3 mai 2017

Les Yeux plus gros que le ventre (1983)

Avec Les Yeux plus gros que le ventre, je termine enfin le cycle autobiographique de François Cavanna, que j'ai commencé il y a pas moins de sept ans quand j'ai lu Les Ritals pour la deuxième fois. (S'il fallait remonter à ma première lecture des Ritals, il faudrait ajouter encore six ans de plus... ^^) Il y a eu une petite erreur de parcours puisque j'ai lu Maria, le cinquième opus, en troisième, et que je termine donc sur le quatrième, mais bon rien de trop grave.

Ces vieilles couvertures merveilleuses du Livre de Poche! ^^

Bien sûr, on retrouve dans ce récit le style inimitable de Cavanna, qui écrit à peu près comme il parle, de manière extrêmement vivante et rapide. Mais pour tout vous dire j'ai été très déçue du contenu: ce livre tourne en grande partie autour de sa relation extraconjugale avec Gabrielle, sa jeune maîtresse de 35 ans (quand Cavanna en avait presque 60), et de la manière dont il a jonglé entre elle et sa femme Tita, en rendant les deux femmes profondément malheureuses.

Attention, je crois qu'une femme trompée qui accepte l'existence de sa maîtresse, et une maîtresse qui accepte d'être la maîtresse, ont une part de responsabilité dans leur malheur, mais Cavanna a parfaitement bien profité de la chose et nous répète pendant tellement de pages qu'il était dégonflé, incapable de trancher, lâche, "femelle" (je suis d'ailleurs très déçue qu'il définisse plusieurs fois son comportement vil comme quelque chose de "femelle"), décidé à faire plaisir à tout le monde, et puis qu'il a été un père absent, absolument pas intéressé par ses enfants, un inconnu au sein de son propre foyer, mais bien content de coucher avec ses deux compagnes , et puis qu'il était parfois furieux et abject dans ses propos.... Que je l'ai cru, tout simplement, et j'ai vu mon estime pour ce grand homme s'effondrer! C'est tellement beauf de prendre une maîtresse, c'est vraiment le comble pour quelqu'un qui a passé sa vie à critiquer les beaufs...

À côté, on retrouve quelques passages sur les animaux, notamment ses chiens, sa maison, l'actualité, son processus d'écriture, ses parents bien sûr... Mais c'est minoritaire et c'est bien Gabrielle et Tita qui l'emportent. Bon, au vu de la fin, qui n'est, je peux vous l'assurer, pas réaliste, (divulgâcheur: "Il a raté son faux suicide"), peut-être que tout ceci n'est pas vrai ou pas vraiment vrai, mais bon je n'ai pas passé un très bon moment...

... Notons que je me suis reconnue dans quelques-un de ses travers, comme cette tendance à dire oui à tout pourvu de ne pas décevoir la personne en face, mais bon moi je ne crois pas me venger en pourrissant ensuite les activités que j'ai accepté de faire malgré mon manque d'envie. 👿

Voilà, voilà. Je suis triste de finir ma lecture de Cavanna sur cette note négative, mais bon ça n'efface pas les bons moments des livres précédents (Les Ritals et Les Ruskoffs sont juste inoubliables!), et puis il y a tout de même du bon ici, ne serait-ce que par ce style si particulier. Voyez plutôt: "Il a les yeux plus gros que le ventre, il a voulu péter plus haut que son cul, et maintenant il mesure la hauteur exacte de son cul: à ras de terre." Du pur Cavanna, ça!

Je vous ai déjà parlé de Cavanna sur ce blog...
Vous pouvez retrouver tous mes billets sur l'auteur grâce au libellé "François Cavanna" ci-dessous ou dans la colonne de gauche.