samedi 18 décembre 2021

Passion simple (1991)

Chronique express!

"À partir du mois de septembre l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme: qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi." Cette phrase du début de cet ouvrage le résume parfaitement: Annie Ernaux y parle de la passion qu'elle a vécue pour et avec un homme marié, qui a été son amant plusieurs mois avant de repartir dans son pays dans l'Est de l'Europe. Quand il n'était pas avec elle, tout tournait autour de lui: elle s'intéressait aux informations ou aux conversations quand on évoquait son pays, elle pensait à comment elle allait s'habiller, elle calculait depuis combien de jours ils s'étaient vus...

On pourrait croire une telle obsession étonnante chez une femme connue pour son engagement féministe. Pourtant, elle ne semble aucunement réductrice, simplement très humaine. C'est une passion effectivement, un phénomène ravageur et quelque peu inexplicable, bien qu'Annie Ernaux le décrive avec sa précision habituelle et cette manière absolument révélatrice de parler du quotidien. Avec elle, je découvre toujours des choses sur moi, c'est vraiment passionnant. Même dans un texte d'à peine soixante pages, et dans une police assez grande de surcroît.

lundi 13 décembre 2021

La civilisation du poisson rouge. Petit traité sur le marché de l’attention (2019)

Bruno Patino, directeur éditorial d’ARTE France au moment de la parution de cet ouvrage et actuellement président du groupe ARTE, explore dans ce Petit traité sur le marché de l’attention la manière dont les réseaux sociaux ont érigé en système la captation de l’attention. Étant donné que leurs revenus dépendant de la présence du public sur leurs plateformes, ils doivent tout mettre en œuvre pour nous retenir en ligne, d’où les multiples stratégies auxquelles nous avons tous été confrontés, comme les notifications de plus en plus dérisoires ou la lecture automatique de vidéos. Le titre fait référence à la proverbiale mémoire du poisson rouge, qui oublierait tout au bout de huit secondes. (Si vous voulez mon avis d’animaliste, c’est encore une vaste blague colportée par les spécistes pour faire semblant de croire qu’on peut martyriser un animal en l’enfermant dans un bocal parce qu’il "ne se rend pas compte" qu’il est dans un bocal. Et ça tombe bien, Bruno Patino explose le mythe à la dernière page de son bouquin. 😂)

Le ton est résolument noir, voire apocalyptique. Bruno Patino dresse un constat sans concessions de l’économie numérique des réseaux sociaux, essentiellement Facebook, qui nous abrutissent du matin au soir et nous maintiennent en boucle dans le vide. Deux éléments en particulier m’ont marquée : plus de 40% du trafic Internet serait généré par les robots, à tel point que le comportement des humains est parfois jugé comme suspect, et il suffit de quatre vidéos pour tomber sur du contenu complotiste sur YouTube, étant donné que l’une des stratégies pour maintenir le spectateur en ligne consiste à augmenter la charge émotionnelle de vidéo en vidéo. 🙃 Formidable. J’avais déjà bien conscience de certains rouages des réseaux pour les avoir vécus – j’ai passé au moins un an de ma vie sur Facebook – ou subis – le fil d’actualité de mon compte Twitter m’a souvent mise sur la défensive et dans un état de bouleversement politique important –, mais c’est très intéressant de lire sur le sujet, car cela permet d’aller plus loin et d’avoir une meilleure vue d’ensemble du phénomène. En revanche, on sent que l’auteur est très partisan, tandis que je reste d’avis que les réseaux ont un potentiel de communication formidable dont j’ai également bénéficié, par exemple en reprenant contact avec des amis perdus de vue depuis des lustres. La chose, hélas, est noyée dans un fonctionnement qui n’est pas du tout centrée sur l’utilisateur…

Par ailleurs, Bruno Patino n’aborde pas quelque chose dont j’ai beaucoup souffert, à savoir la comparaison aux autres: Facebook peut me faire passer en dix minutes chrono de "je suis aussi heureuse que faire se peut et je mérite d’exister" à "ah bein merde, tout le monde a plus de jolies choses que moi et une vie plus passionnante, pourquoi je n’arrive à rien?". Cela semble logique vu que ce n’est pas l’axe de son ouvrage, mais je préfère le préciser.

Alors, est-ce que j’ai supprimé tous mes réseaux sociaux après avoir refermé la dernière page de ce livre ? Non. Je suis trop prise dans l’engrenage pour en sortir totalement. Mais cela m’a confortée dans ma décision de les limiter drastiquement. Avec le recul, j’ai bien gagné une semaine de vie réelle en 2021 grâce à la suppression de mon compte Twitter, à la suppression de l’appli Instagram de mon téléphone et à mon utilisation réduite de Facebook, et j’en suis ravie.

mercredi 8 décembre 2021

The Long Way to a Small Angry Planet (2015)

Chronique express!

Cela fait un certain temps que j’entends parler de la SF optimiste de Becky Chambers, alors j’ai sauté sur l’occasion quand je suis tombée sur son premier roman (béni soit le DamnFine Bookstore de Lyon!!). Et je n’ai pas du tout regretté ce voyage d’un an à bord du Wayfarer, un vaisseau spatial qui parcourt la galaxie afin de creuser les trous de ver qui permettront des déplacements plus rapides. Bon, je n’ai RIEN compris à la description du percement d’un tunnel, mais ce n’est pas très grave: ce qui est génial dans ce bouquin, c’est le voyage, pas le travail que le vaisseau accomplit.

Avec Rosemary, nouvelle recrue, nous découvrons un équipage haut en couleurs qui réunit plusieurs espèces: des humains, mais aussi une Aandrisk (une espèce reptilienne), un Grum (dont j’ai seulement retenu qu’il a de multiples bras) et une paire Sianat (un hôte parasité par un virus qui lui offre des capacités uniques). Tout tourne autour des ressentis de ces personnages très différents, qui n’appréhendent pas le monde de la même façon et doivent composer les uns avec les autres pour vivre dans un petit espace. Par moments, je me suis dit que c’était terriblement culcul et woke (par exemple, tout le monde prend soin d'exprimer ses émotions en cas de difficulté et l’autrice utilise "xe", un pronom non genré, alors que l’anglais est, de base, une langue non genrée et dispose depuis des siècles du "they" pour désigner quelqu'un sans préciser si c'est un homme ou une femme... 🤷‍️), mais j’avais trop envie de rester dedans en même temps. C’est une sorte de roman doudou qui m’a bien fait rire en même temps, par exemple parce que la technicienne Kizzy a un débit de parole et une répartie extraordinaires. Une belle réussite pour une autrice qui n’en était là qu’à son premier roman!

Allez donc voir ailleurs si cette planète en colère y est!

vendredi 3 décembre 2021

La gamelle de novembre 2021

Comme d’habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé…

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Venom. Let There Be Carnage d’Andy Serkis (2021)
C’est nul, mais ça m’a bien fait rire. J’adore le fait qu’Eddie Brok se retrouve à "être deux dans sa tête": il essaye d’agir dans notre monde, mais Venom est constamment là à lui dire de manger des cerveaux. 🤣

Starship Troopers de Peter Verhoven (1997)
Bon. J’étais préparée car j’ai écouté l’épisode de C’est plus que de la SF sur ce film, mais ça a quand même été douloureux. J’ai même vérifié l’heure car j’étais pressée de m’en aller. 🤣 C’est une critique – tout à fait pertinente au demeurant – du militarisme et, je pense, du rêve américain au sens large à travers des personnages manquant lourdement de finesse. Il faut le prendre au deuxième millième degré. Mais même au millième degré, ce n’est pas palpitant. Citons néanmoins le fait que ce film est remarquablement égalitaire: les femmes sont beaucoup plus présentes qu’elles ne le sont généralement dans les films de guerre (disons 30 à 40 % de femmes), elles occupent tous les niveaux de la hiérarchie, les effectifs militaires sont mixtes et tout le monde prend sa douche en même temps sans faire de blague pornographique ou de commentaire sur les nichons de la voisine. Et tout le monde s’en fout. C’est ça ce que je préfère, quand ce genre de chose est présenté comme un état de fait dont tout le monde se fout. Les femmes sont des soldates comme les autres et ça va de soi.

Mourir peut attendre de Cary Joji Fukunaga (2020)
Le dernier James Bond ne m’a pas énormément convaincue en raison d’une histoire d’amour un peu mièvre et d’un méchant peu charismatique au plan indifférent. L’ensemble m’a semblé longuet, preuve que je n’étais pas happée par l’histoire, et reste ce que j’ai vu de moins convaincant chez ce réalisateur. J’ai toutefois apprécié la nouvelle 007 – personnage totalement dépossédé de son rôle au fur et à mesure du film, ce qui est extrêmement dommage – et l’agente de la CIA présente à Cuba – dont la robe qui ne couvre rien, après m’avoir fait fulminer, m’a bluffée dans un plan de bagarre vu d’en haut que j’ai trouvé spectaculaire.

Moulin Rouge! de Baz Luhrmann (2001)

Depuis des années, j’ai une sympathie énorme pour Moulin Rouge!, mais je dois dire que je me demande maintenant si je l’avais déjà vu en entier avant cette séance, en fait. 😂 Il n'est pas impossible que ma sympathie se soit bâtie sur quelques chansons et des bouts de film vus à la télé. Par chance, ce visionnage m'a prouvé que J'ADORE Moulin Rouge! 💖💖 Je le trouve totalement fou dans son parti pris, sa mise en scène, ses personnages hauts en couleur. Je trouve les passages musicaux très réussis, ma préférence allant à "Your Song" (évidemment!), "Come What May", "El Tango de Roxane" et "The Show Must Go On". Je suis super heureuse de l’avoir vu sur grand écran, j’ai vécu le film à fond avec un bonheur total. Et Nicole Kidman est époustouflante!

Du côté des séries

The Witcher – saison 1 (2019)

J’ai terminé avec un immense plaisir cette série… euh… aussi exaltante qu'exaspérante? J’ai alterné entre le désarroi face à des éléments techniques nullissimes (toutes les images de synthèse et LES LENTILLES, putain, LES LENTILLES) et des trucs improbables (les mages qui se déplacent à pied et en bateau en cas d’urgence alors qu’ils peuvent créer des portails, Yennefer qui se balade tranquillou sur le champ de bataille qui se remplit et se vide sans aucune cohérence…) et l’exaltation face à des personnages qui ont su me happer (Geralt évidemment, Jaskier!!!, Calanthe!!!!) et à des choix réussis (revoir les scènes du premier épisode dans le septième 💔 et terminer sur une question ❤❤). J’ai pris plein de notes pour me souvenir qui vit dans quel royaume et comment s’enchaînent les évènements précisément et j’attends la deuxième saison avec impatience. J’ai trop hâte de les retrouver tous.

🖤🖤The girl in the woods will be with you always.🖤🖤
🖤🖤She is your destiny.🖤🖤

Et le reste

Étant donné que j'ai très peu lu ce mois-ci, la faute à un planning de travail prenant et à de nombreux bains de COVID de nombreuses activités sociales, je n'ai pas eu le temps de lire mon Cheval Magazine habituel en fin de mois (💔). J'ai lu uniquement Translittérature, la revue de l'Association des traducteurs littéraires de France. Un régal, comme d'habitude.