samedi 28 juin 2014

Maintenant ou jamais (1982)

Il n'est jamais facile de lire ou de parler de Primo Levi. Ses livres sont à la fois très beaux et très terribles et ne peuvent jamais laisser indifférents. Il m'est arrivé de nombreuses fois de devoir arrêter ma lecture pour "souffler", me séparer en quelque sorte de ce que je lisais pour contrôler le dégoût et la tristesse qui m'envahissaient.

Maintenant ou jamais n'a dérogé pas à la règle. Il a beau s'agir d'un roman plutôt que d'un récit autobiographique, il prend aux tripes et s'immisce dans la tête sans qu'on puisse y échapper.


Entre 1943 et 1945, une bande de Juifs hagards erre dans l'Europe de l'Est. Ils ont survécu par miracle aux massacres perpétrés par les nazis ou sont des soldats de l'Armée rouge isolés en territoire ennemi. Ils doivent se cacher des nazis et ne peuvent compter ni sur la population, toujours susceptible de les dénoncer, ni même sur les partisans ukrainiens ou polonais, qui ne les regardent pas d'un bon œil. Pourtant, dans ce monde brisé par la guerre, la seule chose qui leur semble encore avoir plus ou moins un sens consiste à lutter contre les nazis, même s'il est déjà trop tard pour leur peuple et leurs familles exterminées.

Primo Levi aborde ici un aspect méconnu de la Résistance anti-nazis pendant la deuxième Guerre mondiale: la présence de partisans juifs dans les rangs des combattants. Je dois dire que je n'avais pas idée que quelques survivants juifs, au lieu de se cacher, ont réussi à prendre les armes et à organiser de petites poches de résistance (bien que je me demande s'il n'y a pas eu une expo sur le sujet à Paris il y a quelques années: est-ce que ça dit quelque chose à quelqu'un?). En fait, je ne savais même pas vraiment qu'il y avait eu de la résistance armée tout au long de la guerre au cœur même du Reich: exception faite de la révolte du ghetto de Varsovie, il me semble que cet aspect est laissé de côté dans les livres d'histoire.

Cette résistance me semble d'autant plus admirable qu'elle s'est faite dans des pays occupés depuis des années et complètement ravagés par la guerre. À côté de la Pologne, un pays comme la France était épargné: il me semble donc qu'il fallait encore plus de mérite et de courage pour décider de prendre le maquis là-bas qu'ici... Ajoutons à cela que ces pauvres Juifs devaient affronter l'antisémitisme ambiant, les paysans et les autres partisans n'ayant, globalement, aucune envie de les laisser approcher.

Je préciserai à ce sujet que, contrairement au film Shoah que j'ai trouvé assez bête et méchant de ce point de vue, Maintenant ou jamais ne se contente aucunement de montrer du doigt de supposés méchants Polonais anti-Juifs. Bien au contraire. Si Primo Levi dénonce l'antisémitisme sous toutes ses formes, il est capable, comme dans Si c'est un homme, de comprendre à quel point la guerre a ravagé les vies de tout le monde. Les paysans polonais, les soldats de l'Armée rouge et les Juifs planqués dans des bunkers forment un seul et même peuple de victimes, des naufragés comme dirait l'écrivain. Même les Allemands sont considérés comme des êtres humains et cela reste suffisamment rare pour être signalé...

L'absurdité du combat est également montrée: si les nazis sont l'ennemi à combattre, la Guerre froide se fait déjà sentir et l'Armée rouge qui approche à grands pas n'est pas synonyme de libération. Et c'est peut-être le plus triste dans ce livre, cette impression glaçante que toute cette souffrance n'a vraiment aucune forme de sens et n'aura servi à rien. La Pologne sera en chaînes au moment même où elle sera libérée et le rêve des Juifs de s'installer en Palestine entraînera à son tour de nouveaux morts...

En revanche, la dignité modeste dont fait preuve la plupart des personnages m'a touchée et redonnerait presque foi en l'humanité. La question du titre d'origine – littéralement "Si ce n'est maintenant, quand?" – revient régulièrement à symboliser le choix rationnel pris dans l'irrationnel le plus complet: la situation étant ce qu'elle est, que dois-je faire? Si ce n'est moi qui lutte, qui le fera à ma place? Si ce n'est maintenant, quand sera-t-il temps de combattre contre le mal nazi et ses ravages?

Ces questions resteront sans réponse pour une lectrice telle que moi, qui n'a pas à faire ces choix dans sa petite vie tranquille de privilégiée, mais je crois que l'important est que Primo Levi les pose.

Un livre à ne pas lire en période de dépression, donc, mais à lire néanmoins.

mercredi 25 juin 2014

Agatha Christie: La romance du crime (2012)

Chronique express!


Quelle bonne surprise que ce cadeau de Noël inattendu: une biographie d'Agatha Christie que je n'avais pas demandée, dont je ne soupçonnais même pas l'existence et qui est dédiée à... JESSICA FLETCHER!!!! \o/ Haha. Bon, hystérie fletchérienne à part, lire ce livre a été vraiment passionnant: déjà parce la vie d'Agatha Christie en elle-même est passionnante et que j'ai adoré en apprendre plus sur cette écrivain que j'apprécie beaucoup; et ensuite parce qu'il présente beaucoup de photographies et de couvertures de romans qui permettent de vraiment se plonger dans les ambiances des années 1890 à 1970. Du coup, bien qu'épais, il se lit très vite et c'est vraiment un plaisir du début à la fin. Il donne en outre envie de noter des tas de noms d'écrivains de policiers pour lire les mêmes livres qu'a lus Agatha... Et de regarder des tas de films tirés de son oeuvre... Le Crime de l'Orient Express avec Sean Connery et Mort sur le Nil avec Angela Lansbury, c'est irrésistible!!! :) Donc, bravo à François Rivière de l'avoir écrit et merci à l'Homme de me l'avoir offert...


François Rivière, Agatha Christie: La romance du crime
Éditions de la Martinière, 214 pages, 32€

dimanche 22 juin 2014

Mathématique du crime (2003)

Mathématique du crime de Guillermo Martínez est un thriller plutôt efficace mais manquant de ce petit quelque chose qui aurait pu en faire un vrai bon livre...

L'histoire: un jeune mathématicien argentin ayant obtenu une bourse à Oxford découvre un jour le cadavre de sa vieille landlady anglaise dans le salon. On pourrait presque croire à une mort naturelle... Si ce n'était, bien sûr, pour le sang sur l'oreiller à côté du corps et pour le mystérieux billet reçu par un éminent mathématicien ami de la victime. Les deux matheux collaborent alors avec la police pour arrêter ce mystérieux tueur en série dont les crimes sont... imperceptibles.


Dans une ambiance plutôt sombre, Guillermo Martínez met en place une enquête policière doublée de symboles mathématiques, une alliance plutôt intrigante. Si le tout ne laisse pas un souvenir indélébile, c'est parce que le style est très neutre et que les personnages ne semblent ressentir aucune forme d'émotion. Diable, quand les deux hommes découvrent le premier cadavre, il n'y a même pas une ligne sur leur ressenti: éprouvent-ils du dégoût, de la peur, de la tristesse? On n'en sait rien. En revanche, ils commencent tout de suite à discuter de séries de symboles comme s'ils étaient en amphi...

Dans mon souvenir, Crimes à Oxford, l'adaptation cinématographique de Álex de la Iglesia, avec Elijah Wood et John Hurt, était beaucoup plus sombre et surtout dérangeant, et cette ambiance glauque servait vraiment à épaissir le mystère. Ici, il y a bien une scène qui m'a perturbée, mais le malaise n'a pas vraiment été au rendez-vous. Un roman qui se laisse lire, donc, mais tout à fait dispensable.

Pour finir, le petit coup de gueule contre l'éditeur espagnol: En Argentine, son pays d'origine, ce livre a été publié sous le titre Crímines imperceptibles, justement parce que les meurtres dont il y est question pourraient tous passer pour des morts naturelles. Or, en Espagne, il est devenu Los crímines de Oxford. Un titre probablement plus vendeur, certes, mais tellement moins mystérieux!! Quel dommage... (Le titre français, lui, a beau être très éloigné de l'original, je ne l'en trouve pas moins plutôt adapté.)

jeudi 19 juin 2014

Les Lames du Cardinal (2007)

Chronique express!


Intense déception que ces Lames du Cardinal, roman de cape et d'épée à la sauce fantasy de Pierre Pevel dont j'avais lu beaucoup de bien sur la blogosphère. Pour ne pas froisser d'éventuels lecteurs et m'en tenir au format express de cette chronique, je dirai seulement qu'il m'est tombé des mains à maintes reprises tellement il accumule les clichés dans sa rédaction (phrases déjà vues, découpage saccadé pour donner du rythme artificiel) et ses personnages (même le personnage de la femme guerrière qui n'a peur de rien est horriblement fadasse). J'ai en outre été déçue par la présence plus que discrète des dragons (car oui il y a des dragons dans ce livre!!)... C'est vraiment dommage car ce roman semblait avoir tout pour me plaire et que la couverture est tellement belle que j'ai sérieusement envisagé d'acheter les trois tomes de la série avant même d'ouvrir le premier. Heureusement que je me suis retenue, car je ne continuerai pas avec cet auteur. À votre tour de tenter l'expérience et de vous faire votre propre opinion!

Pierre Pevel, Les Lames du Cardinal
Éditions Folio, 400 pages, 7,90€

lundi 16 juin 2014

Je n'ai pas peur (2001)

Chronique express!


L'été 1978 dans une Italie méridionale écrasée par la chaleur. Un groupe d'enfants traverse à vélo les champs de blé tandis que les adultes restent enfermés pour échapper aux températures record. Condamné par gage à traverser une maison en ruines, l'un d'entre eux découvre un trou caché par un matelas et, dans ce trou, un secret qui bouleversera sa vie et surtout sa vision des adultes. Malgré ce scénario de départ, nous sommes loin ici de Stephen King et des étranges phénomènes se déroulant dans ses champs de maïs; le récit est beaucoup plus terre à terre et très réaliste, avec une narration qui réussit cependant parfaitement à coller à l'état d'esprit du narrateur, âgé de seulement neuf ans à l'époque des faits. Cette vision à la fois très simple et très subtile des événements m'a semblé très juste et efficace, puisqu'elle souligne encore plus l'horreur des faits abordés. Niccolò Ammaniti présente la perte de l'enfance de la manière la plus cruelle qui soit: [spoiler] la découverte que ses propres parents sont des monstres. Un beau roman et un écrivain à suivre.

samedi 14 juin 2014

Liebster Awards: le retour

Oukouloumougnou m'a taguée!! \o/

Techniquement, j'ai déjà participé au Liebster Awards l'année dernière en vous racontant onze choses sur moi et en répondant aux onze questions de Bouchon et de Deedoux. Mais je n'essaye même pas de résister à la tentation de m'épancher et je rempile volontiers! =D


Onze choses sur moi
(Attention: la mauvaise humeur régnait quand j'ai commencé ce tag et mon épanchage tient beaucoup du coup de gueule!)

1/ Je suis officiellement inscrite dans une reprise d'équitation de niveau Galop 3-4 à partir de septembre prochain, avec un prof qui me semble -- du peu que j'en ai vu jusque là -- très prometteur. Je suis immensément soulagée que mon avenir équestre soit enfin défini.

2/ Je hais les hypocrites et les incohérents.
Exemple 1. Je hais les copropriétaires qui gueulent en AG mais refusent de s'investir le reste de l'année pour résoudre les problèmes qu'ils dénoncent à grands cris.
Exemple 2. Je hais les gens qui disent qu'ils n'aiment pas Facebook mais s'épanchent dessus du matin au soir dès qu'ils s'estiment intéressants.
Exemple 3. Je hais les gens qui veulent à la fois n'en foutre pas une et se faire passer pour débordés.

3/ Dès que j'ai vent des inepties que disent ou font certaines personnes que j'ai rayées de ma vie, je me félicite de les avoir rayées de ma vie. \o/

4/ Je hais les filles qui manipulent leur copain en l'éloignant de ses amis ou de certaines activités parce que elles, elles n'aiment pas, ou parce qu'elles compensent leur manque de confiance en elles en essayant d'emprisonner leur mec.

5/ Je ne supporte pas les gens qui ramènent tout à eux et pour qui le seul mode de conversation possible est la surenchère.
Exemple. Je dis "Je suis fatiguée aujourd'hui, mon chat a hurlé toute la nuit et j'ai dû dormir quatre heures" (c'est du vécu ^^) et ils répondent "Ha mais moi PLUS, tu te rends pas compte, je suis trop fa-ti-gué(e), ça fait au moins trois jours que je me couche après minuit et que je me lève à sept heures, non mais t'as pas idée, je suis crevéééééé(e)".

6/ Je ne supporte pas non plus les gens qui vous font dire ce que vous n'avez pas dit et pour qui le seul mode de conversation possible est la confrontation.
Exemple. Je dis "Je suis fatiguée aujourd'hui, mon chat a hurlé toute la nuit et j'ai dû dormir quatre heures" (c'est toujours du vécu ^^) et ils répondent "Ha mais tu vas pas te plaindre d'avoir un boulot quand même". WHAT THE FUCK?

7/ Je ne supporte pas non plus les blogueurs qui geignent sur leur blog parce que houin houin houin ils ne comprennent pas pourquoi ils n'ont que 200 visiteurs par jour et houin houin houin ils ont moins de commentaires que les copains. Quand ça vient d'une blogueuse que j'ai suivie avec fidélité pendant deux ans, et qui ne m'a jamais rendu de visite malgré mes 50 ou 60 commentaires chez elle, j'ai envie de dire "Bien fait pour ta gueule". (Ça aussi, c'est du vécu.)

8/ Je ne supporte pas les gens qui citent "l'Afrique" et les "Africains" au lieu de préciser de quel pays ou nationalité ils veulent parler. Même dans les milieux cultivés, on entend dire: "Machin est né en Afrique". Vous imaginez quelqu'un dire "Il est né en Europe" au lieu que "Il est né en Allemagne"? C'est d'autant plus navrant que l'Afrique est un continent énorme et que l'Égypte, le Sénégal et le Bostwana sont loin d'être des pays identiques...

9/ D'une manière générale, je sais depuis mon adolescence qu'il n'y a rien à sauver dans l'humanité et qu'il ne faut jamais faire confiance à personne, et pourtant je continue de me faire avoir et de tomber des nues tous les jours. J'essaye d'en rire plutôt que d'en pleurer, mais vraiment les gens sont une source de déception inépuisable.

10/ Malgré la frustration intense suintant de ce tag, je suis heureuse et étonnée de voir à quel point ma vie se déroule bien à l'heure actuelle: je monte à cheval, j'ai un super boulot, j'ai un boulot d'appoint pour financer le cheval, l'Homme fait la cuisine depuis un an et demi et je semble être devenue quelqu'un de tout à fait bien dans sa tête. Franchement, que demander de plus?

Mes réponses aux onze questions d'Oukoulou

1) Quel est l'auteur que tu détestes le plus ?
Bonne question! Je ne crois pas qu'il y ait d'auteur que je hais, vu que je ne continue pas à lire quelqu'un qui ne m'a pas convaincue la première fois. Là maintenant tout de suite, je dirais G. R. R. Martin: non pas parce que j'ai détesté ses livres (que j'ai modérément appréciés, certes, mais pas détestés), mais parce que la folie Game of Thrones me saoule.

2) Quel est le livre que tu as le moins aimé ?
Récemment, j'ai été très déçue par Les Lames du Cardinal de Pierre Pevel. Sinon je citerai La Nouvelle Héloïse, un livre que j'ai entamé deux fois et abandonné deux fois tellement il m'ennuie.

3) As-tu toujours aimé la lecture ?
Aussi loin que je m'en souvienne, oui.

4) Combien de livres lis-tu en une semaine ?
Idéalement, deux. Ça fait 104 par an et ça me semble le minimum vital. XD En ce moment, cependant, ce n'est pas gagné...

5) Un livre qui t'a laissé particulièrement perplexe ?
Je suis un chat de Sōseki Natsume: je n'ai clairement pas tout capté à ce roman japonais. Il m'est revenu à la mémoire car on me l'a offert deux fois, en deux langues différentes, à environ un an d'intervalle, plusieurs années après ma lecture.

6) Quel est ton dernier coup de cœur ?
Le dernier lapon d'Olivier Truc.

7) As-tu déjà lu un livre avec des tranches d'ananas partout sur le corps ? Si non, comptes-tu le faire ?
Non. Je dois dire que ça ne m'était pas venu à l'esprit jusque là. ^^ Et je ne compte pas le faire: il me faudrait trop de temps pour découper assez d'ananas pour m'en recouvrir!

8) Quel est ton livre préféré ?
Le Seigneur des Anneaux.

9) As-tu déjà préféré l'adaptation cinématographique d'un livre plutôt que celui-ci ?
Oui. Crimes à Oxford, dans mon souvenir, est un bien meilleur film que le livre dont il est tiré.

10) D'autres passions ?
Le poney et les dinosaures. :)

11) Pourquoi ce pseudonyme ?
C'est juste mon prénom orthographié de manière glamour...

Je ne sais pas à qui renvoyer ce tag, donc, si vous êtes intéressé(e), faites signe et je vous enverrai onze merveilleuses questions! :)

jeudi 12 juin 2014

UGC Culte: Les Parapluies de Cherbourg (1964)

Chronique express!

Quelle expérience étrange, ces Parapluies de Cherbourg! Les mélodies sont certes très jolies et la fin émouvante... Mais un film composé uniquement de dialogues chantés, c'est très chelou et pas très intéressant du point de vue sonore! Et le choc visuel avec les années soixante et leurs papiers peints et robes à pois mélangeant le rose et le orange a quelque chose de destructeur pour mes pauvres yeux (un peu comme la couverture recto-verso de mon catalogue adoré l'année dernière). 

Franchement?!?

Bon bon bon. Heureusement, ce film ne dure qu'une heure et demie et m'a permis de voir Catherine Deneuve jeune, dans un des rôles qui ont fait d'elle le monstre sacré qu'elle est aujourd'hui. Et, je le répète, les mélodies sont jolies et la fin émouvante. Mais tout un film chanté comme dans cette vidéo, je ne peux pas...

lundi 9 juin 2014

L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea (2013)

Les titres improbables ont le vent en poupe en France. Depuis les crocodiles de Pancol jusqu'au vieux de Jonasson, tout ce qui a un titre à rallonge et intriguant se vend comme des petits pains. Quid d'un titre interminable qui cite le géant suédois du meuble, mon employeur adoré?


Et bien c'est mitigé. Ce roman est un peu le pendant livresque de ce que mes camarades de cinéma et moi-même appelons des films TF1: des films comiques et légers, qui surfent sur un sujet d'actualité histoire de capturer l'attention du public mais ne prennent absolument pas position et ne soulèvent surtout pas de vagues. Des films que la famille française moyenne peut tranquillement regarder en digérant son dîner sans se remettre en question. Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu?, qui cartonne actuellement au cinéma, en fait un peu partie, mais il a le mérite d'être vraiment drôle et d'enchaîner les vannes.

Et donc, le vrai gros problème du Fakir, c'est que ce n'est pas drôle. Ou, en tout cas, ce n'est pas mon humour. J'ai bien été amusée par une ou deux réflexions sur Ikea et par une histoire de réincarnation en botte de paille, mais c'est tout. La célèbre actrice Sophie Morceaux qui joue dans le blockbuster Demain ne suffit jamais, je comprends mais je ne trouve pas ça drôle.

En revanche, ce livre n'a pas non plus été la daube sans nom qu'on m'avait présentée au bureau. C'est typiquement de la littérature de gare contemporaine. C'est vite lu et vite oublié, certes, mais ça se laisse lire et ne vous tombe pas des mains. D'ailleurs, c'est quand même mieux que La première chose qu'on regarde ou Dieu voyage toujours incognito, qui m'ont carrément fait lever les yeux au ciel. Mais bon ce n'est pas non plus brillant. Et on est content de ne pas l'avoir payé 19€.

Allez donc voir ailleurs si ce fakir y est!
Entretien avec l'auteur dans l'émission Livrés à domicile (à la huitième minute)

Romain Puértolas, L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea
Éditions Le Dilettante, 252 pages, 19€

vendredi 6 juin 2014

The Da Vinci Code (2003)

S'attaquer à un livre qui s'est vendu à plus de 80 millions d'exemplaires et qui a fait couler autant d'encre que celui-ci, c'est toujours difficile. On oscille un peu entre la peur d'être déçu et la peur (parfaitement irrationnelle) de découvrir au contraire qu'on n'est qu'un mouton parmi d'autres et qu'on aime les mêmes choses que tout le monde.

Résultat? Je suis un mouton! :)


Ce Da Vinci Code a à mon avis deux défauts. Premièrement, il est clairement destiné à un public américain relativement peu cultivé: certaines choses sont expliquées de manière redondante pour être bien sûr que le lecteur a compris et je pense qu'un écrivain européen aurait moins tenu la main de son lecteur. Deuxièmement, certaines ficelles sont un peu grosses, notamment les phrases de conclusion de certains paragraphes.

Mais à part cela, ce livre est super. Et j'entends vraiment par là SUPER. C'est un livre d'aventure et de mystère qui sait parfaitement ce qu'il fait et qu'on ne peut tout simplement pas lâcher. On voit très clairement que chaque chapitre est pensé pour nous livrer juste ce qu'il faut d'information à ce stade de l'intrigue et que ce qu'il nous semble manquer nous sera fourni plus tard, au moment adéquat. Et les allers-retours permanents entre fond historique et imagination sont, à quelques exceptions près, bien amenés et suffisamment bien présentés pour rendre le livre crédible.

En fait, il s'agit un peu d'un Indiana Jones sans action: on sait très bien que c'est de la fiction, mais on y croit le temps de la fiction. Et c'est précisément ce qu'on demande à un livre-divertissement de ce type.

Du coup, le tapage qui a accompagné sa sortie m'a semblé franchement démesuré, tout comme les réactions des milieux catholiques. S'ils se sentent en danger pour ça, ils sont vraiment mal barrés. Militer contre le Da Vinci Code, c'est à peu près aussi débile que d'interdire à des enfants de lire Harry Potter parce qu'ils pourraient se convertir au satanisme en lisant des histoires de sorciers. Et cela donne limite envie de prendre au sérieux ce que Dan Brown y raconte!

L'histoire, pour ceux qui, comme moi, vivaient plus ou moins dans une grotte entre 2003 et 2007...

Robert Langdon, symbologiste américain de passage à Paris, est convié en pleine nuit au Louvre par la police. Le conservateur de ce prestigieux musée a en effet été retrouvé mort, nu, dans une position étrange et avec un mystérieux message inscrit dans son sang à côté de lui faisant le nom de Langdon. La police espère que Langdon pourra les aider à comprendre le message et à faire la lumière sur le meurtre. Mais Sophie Neuveu, cryptologue et petite-fille du défunt, incite et oblige plus ou moins Langdon à prendre la fuite, convaincue que la police l'a déjà choisi pour coupable et que son grand-père avait bien d'autres choses à lui dire. Étape par étape, les indices laissés par le défunt les amènent à remonter la piste de la société secrète dont il faisait partie et de sa mission séculaire: protéger un secret que l'Église catholique veut à tout prix faire disparaître.

Le Da Vinci Code a été adapté au cinéma par Ron Howard en 2006, avec Tom Hanks, Audrey Tautou et Ian Mckellen. J'ai hâte de voir ce film, le livre ayant le potentiel parfait pour bon film d'aventures bien rythmé, mais purement intellectuel et sans action. Un genre assez rare au final.

J'ajouterai qu'il est très rafraîchissant d'avoir affaire à un personnage féminin sûr d'elle, débrouillard et normalement constitué au point de vue mental. Trois fois sur quatre, c'est Sophie qui mène et Robert qui suit, et c'est bien!

Pour finir, un petit coup de gueule contre l'éditeur français, Lattès, à cause de Da Vinci Code, ce titre absurde qui ne veut rien dire en français -- puisque que le français équivalent de l'original serait "Le Code de Vinci" -- ni, IGNARES, en anglais, puisqu'il manque l'article défini THE. Je ne supporte pas ce type de choix commercial mettant en avant l'anglais sans aucune raison valable, et je le supporte encore moins quand, EN PLUS, c'est de l'anglais dénaturé. FUCK.

(Vous noterez que mes compatriotes, généralement prosternés devant les mots anglais, ont eu la bonne idée de le publier sous le titre Il codice Da Vinci en Italie. Hourra!)

mardi 3 juin 2014

UGC Culte: La Leçon de piano (1993)

Chronique express!


J'avais déjà vu La Leçon de piano en DVD, mais découvrir ce film superbe sur grand écran est vraiment tout à fait autre chose. Chef d'oeuvre de Jane Campion, il nous raconte l'histoire d'une jeune femme partie en Nouvelle-Zélande avec sa fille pour y épouser un colon. Capable de parler, elle n'a cependant pas ouvert la bouche depuis des années et ne s'exprime que par gestes ou en jouant du piano. Les acteurs sont exceptionnels, depuis Anna Paquin (alors âgée d'une dizaine d'années) jusqu'à Holly Hunter (incroyable de justesse!) et mon petit favori, Sam Neil. Harvey Keitel est lui aussi très bon. Il est rare de voir des acteurs devenir à tel point leurs personnages et ce film a vraiment sa place dans l'histoire du cinéma pour cet aspect-là uniquement. Mais si vous y ajoutez la mise en scène superbe de Jane Campion, qui arrive à rendre sublimes même les scènes où les gens pataugent dans la boue de cette Nouvelle-Zélande fort pluvieuse, ou la scène du viol, vous tenez quelque chose d'absolument unique. Et le piano, cet objet précieux, prend vraiment vie sous les doigts d'Holly Hunter et renforce encore l'atmosphère mélancolique du film, visuellement mais aussi, bien sûr, d'un point de vue sonore. Un film à voir absolument (même si je crois que la portée symbolique des toutes dernières répliques m'a échappé!).