jeudi 28 décembre 2023

Animal Farm (1945)

Tout comme 1984, La Ferme des animaux de George Orwell a marqué la littérature occidentale. Je l'ai abordé avec beaucoup de curiosité, mais aussi un léger malaise absolument absurde et des craintes.

Édition Penguin de 1982.

Un malaise parce que, quand j'étais en première, quelqu'un, probablement une certaine Audrey C., a dit devant moi qu'elle avait lu ce roman en anglais en seconde. Moi, je n'avais jamais lu de roman en anglais. J'en ai tiré une certaine honte. Cette fille connaissait un monde entier dont je ne savais rien. (Comme tous mes petits camarades depuis la primaire, de toute façon; ils avaient tous l'air de faire des trucs géniaux, que je ne comprenais qu'à moitié.) Durant les grandes vacances entre la première et la terminale, j'ai lu Le Seigneur des Anneaux en anglais. C'est, en toute objectivité, une entreprise nettement plus colossale et ardue que de lire La Ferme des Animaux en seconde. Mais comme je n'étalais pas ce genre d'exploit en public, ça n'a jamais tout à fait enlevé, à mes propres yeux, l'impression que Audrey C. avait fait un truc de fous. Les rares fois où j'ai effectivement dit que j'avais lu Le Seigneur des Anneaux en anglais, la personne en face de moi n'a pas réagi avec le quart de l'admiration que j'avais ressentie pour Audrey C. (et avec le recul, je me demande même si certains ne m'ont tout simplement pas crue). Du coup, La Ferme des animaux est toujours resté un peu le bouquin qu'on lisait en seconde et que je n'avais pas lu, ce qui prouvait que je n'avais pas de connaissances, pas d'aisance avec la langue, pas d'études, pas de culture gé.

Franchement, je m'autosaoule. Dans cette triste histoire, j'ai tout fait toute seule. Mais en même temps, j'ai beaucoup de peine pour cette gamine, puis cette ado, puis cette jeune femme, puis cette trentenaire, qui a toujours l'impression que les autres font plus et mieux. 😅

Par ailleurs, j'avais des craintes parce que ce roman a été adapté en bande dessinée récemment, dans Le Château des animaux de Xavier Dorison et Félix Delep, et que j'ai eu le malheur de voir ce qu'il arrive à l'oie. J'AI VU. JE SAIS. JE NE LIRAI JAMAIS CETTE BD.

Mais bon, malgré tout ça, j'ai évidemment acheté ce roman lorsque je l'ai trouvé d'occasion, car c'est un ouvrage célèbre, qui manquait à ma culture, et que j'ai adoré 1984 du même auteur. Et j'ai bien fait, bien sûr. Déjà, ça se lit tout seul et c'est même assez drôle. (Je comprends mieux que Audrey C. l'ait lu en version originale en seconde, du coup.) Il y a notamment un chat qui apparait de temps à autre et qui est sympathiquement fûté. 😼 Ensuite, parce qu'il donne à réfléchir sur la mise en place d'un système totalitaire avec toute l'innocence du monde (enfin, on peut douter de l'innocence des cochons, mais on ne peut nier qu'ils ne prennent jamais le pouvoir par la force. Ils sont les seuls à savoir lire. Il est LOGIQUE qu'ils s'occupent d'organiser le travail de la ferme après que les animaux ont délogé les humains). Aucune étape n'est décisive en elle-même, mais leur cumul mène les animaux à la catastrophe. Je suppose que c'est également un régal quand on connaît bien l'histoire de l'URSS, car la prise de pouvoir des animaux correspond totalement à la révolution du prolétariat, tantis que l'opposition entre Napoleon et Snowball est, je suppose, le reflet de celle entre Lénine et Trotski, ou plus probablement de celle entre Lénine et Staline.

Comme les animaux, à part les cochons et l'âne, sont plutôt dociles et ont la mémoire courte, tout se passe bien pour nos totalitaristes, ce qui constitue une bonne partie de la légèreté, et presque de l'humour, du roman. C'est seulement quand Boxer, le cheval de trait qui répond à tous les problèmes par la maxime "je travaillerai plus" (comme moi, tiens tiens), commence à avancer en âge que le roman tourne au tragique, avec quelques pages affreuses (le départ de Boxer et les animaux qui ne peuvent plus chanter "Beasts of England") et une fin qui laisse un goût amer en bouche.

Une très belle lecture, donc. Tout le monde devrait lire ce livre en seconde, en anglais ou pas. Mais si vous ne l'avez pas fait, n'hésitez pas! Il n'est pas trop tard!

samedi 23 décembre 2023

Mémoires d'un âne (1860)

Chronique express!

Quel bonheur que d'être tombée sur ce roman de la Comtesse de Ségur, dans lequel l'âne Cadichon raconte ses mémoires! En réalité, je l'avais déjà, et je l'avais déjà lu, mais cette édition est plus jolie que celle en ma possession et j'ai relu le roman avec, je crois, plus de plaisir que la première fois. J'ai récemment travaillé sur Pinocchio de Carlo Collodi et je vois beaucoup de parallèles entre ces deux romans pour enfants qui datent à peu près de la même époque (Pinocchio est sorti vingt ans plus tard, en 1880): élément légèrement magique du pantin ou de l'âne qui parle, nombreuses péripéties à chaque chapitre, ton délibérément moralisateur, mise en avant des valeurs du travail et de la bonne conduite, punition des méchants. Et bien qu'il y ait des méchants, justement, notamment des voleurs, et bien que Cadichon subisse nombre de mauvais traitements, l'univers semble figé dans une campagne adorable, où tout semblait plus simple et net, la société semblait stable, les criminels étaient des anomalies et des exceptions et il n'y avait pas de problèmes sociétaux. J'aimerais beaucoup aller vivre dans le monde de la Comtesse de Ségur, franchement.

Par ailleurs, Cadichon dit beaucoup de bien des ânes en général, et prouve, par son exemple, combien cet animal vilipendé est intelligent et sage. Et moi, j'adore les ânes, donc j'adhère. ❤

lundi 18 décembre 2023

Phèdre (1677)

Chronique express!

Le bonheur des boîtes à livres et autres espaces de récupération qui ont fleuri partout ces dernières années: tomber sur des trucs qui manquent à notre culture! Comme, pour moi, Phèdre de Racine. Je connaissais vaguement le pitch à cause de La Curée d'Émile Zola: une femme amoureuse du fils de son mari. Et je savais que Racine écrivait en vers. Mais lire la chose pour de vrai est évidemment bien différent. C'était du bonheur en barre. Les vers de Racine sont pratiquement tous sublimes; il est formidable de les lire dans sa tête et ça donne souvent envie de les lire à voix haute. Et la tragédie grecque a quelque chose de fascinant, avec tous ces personnages dont on sait d'emblée qu'ils ne survivront sans doute pas et qui prennent systématiquement la décision qui précipitera leur chute. (Comme le dit le chœur dans le merveilleux, l'excellent Antigone de Anouilh: "c'est cela qui est commode, dans la tragédie".) Purée, pourquoi n'ai-je pas lu ça quand j'étais au lycée, ça m'aurait sans doute ébouriffée!

Un vers ultracélèbre, dont je ne savais pas qu'il venait d'ici:

"C'est Vénus tout entière à sa proie attachée."

mercredi 13 décembre 2023

Célestopol (2019) 🌕🚀

J'avais envie de lire Célestopol d'Emmanuel Chastellière depuis longtemps, parce que tous les copains en disent du bien et que la ville homonyme est une ville russe, et que j'adore tout ce qui a trait à la Russie. Et un beau jour, mon copain est rentré du boulot avec Célestopol en main. J'ai cru à une vision, mais c'était bien vrai. Et ça n'avait rien à voir avec moi; il l'avait acheté pour lui. 😂

Célestopol est un recueil de nouvelles se déroulant sur la Lune, dans une ville sous cloche fondée à la fin du XIXe siècle par la Russie tsariste et dirigée par le duc Nikolaï. Les nouvelles sont indépendantes, mais certains personnages  reviennent plusieurs fois et certains événements s'influencent les unes des autres. Il y a un peu de tout: des automates, des maisons closes, des aristocrates, des gens du peuple, des scientifiques, des mercenaires, des policiers. Tous vaquent à leurs occupations quotidiennes, mais sont aussi influencés par le fait qu'ils habitent dans ce lieu si particulier, dont la puissance et le faste reposent sur l'exploitation du sélénium, étrange substance extraite des roches lunaires et dont on ne saura pas grand-chose.

Autant j'ai adoré ce contexte, comme je m'y attendais, autant j'ai été déçue par la rédaction, que j'ai trouvée faiblarde. Les incises dans les dialogues sont mal différenciées du dialogue et se contredisent parfois; l'usage des pronoms et la diversité des substantifs faisant référence à une même personne ("le jeune homme fit", "il alla", "le mécanicien était malheureux", "le dernier arrivé avait raté son train", et là je ne sais pas si on parle d'un seule et même homme qui est jeune, mécanicien et le dernier arrivé ou si on parle de trois hommes différents) m'a obligée à relire des paragraphes et des dialogues pour comprendre qui parlait à qui; et quelques éléments sont apportés si abruptement que je n'ai pas bien compris certaines nouvelles (notamment la première: le protagoniste se réveille avec une fille qui lui annonce qu'ils ont couché ensemble, et ça arrive si brutalement, sans aucun indice préalable, que je ne comprenais pas si c'était vrai ou si elle mentait).

Du coup, tristesse immense.

Et l'auteur a commenté tous les billets de blog que j'ai lus, alors il risque de lire mes critiques, c'est affreux. Et c'est un confrère traducteur, en plus. Ouin ouin.

Je pense quand même tenter Célestopol 1922 à l'occasion (mon copain rentrera peut-être du boulot avec un jour, comme pour le premier! 👀), parce que des Russes sur la Lune, c'est juste trop génial. Et aussi parce que malgré mes critiques, certains textes m'ont touchée, notamment celui avec le train et celui avec le chien. Et aussi parce qu'il y a un mec dans un corps d'ours. En fait, c'est vraiment un chouette voyage, et j'ai envie de le continuer!

Allez donc voir ailleurs si cette cité céleste y est!
L'avis de Baroona
L'avis du Chien critique
L'avis de Lorhkan
L'avis de TmbM
L'avis de Xapur

vendredi 8 décembre 2023

Lisière fantôme (2023)

Chronique express!

Un homme cherche son pull couleur mangue. L'objet étant introuvable, où que ce soit dans la maison, il part travailler sans. Il s'installe à la bibliothèque et entame ses recherches du jour afin d'écrire pour les autres: étudiants, diplomates, chercheurs, n'importe qui peut lui demander de rédiger un rapport sur les sujets les plus farfelus, que la personne fera passer pour sien. Mais quand notre homme rentre chez lui ce jour-là, le pull couleur mangue est à sa place, comme s'il avait toujours été là...

Ce pull qui change de place tout seul est le point de départ d'une histoire farfelue, mais passionnante, avec un protagoniste original, sa sœur qui est enseignante de surf, un fantôme, un chat, une bergère poétesse tuée dans un lointain passé, une bibliothécaire qui a des ennuis, un mafieux, un corbeau blessé, et sûrement des tas d'autres choses que j'ai oubliées, car j'ai tardé un peu trop à écrire ce billet. Je découvrais tant l'auteur, Jérôme Lafargue, que la maison d'édition, Quidam éditeur, et ça a été très agréable. Je dois quand même dire que j'ai un peu perdu le fil vers la fin et que je n'ai pas été 100% convaincue par les ramifications familiales, mais dans l'ensemble j'ai adoré et j'ai passé un super moment. C'est drôle même quand l'action n'est pas spécialement drôle, et ça se passe juste après le confinement alors ça a quelque chose de familier, et c'est humain en même temps. Une très sympathique lecture détente.

dimanche 3 décembre 2023

La gamelle de novembre 2023

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé!

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Le Discours d'un roi de Tom Hooper (2010)

Quel plaisir de revoir ce film! Je l'avais adoré au moment de sa sortie et je l'ai aimé tout autant cette fois-ci. C'est le genre d'instant de grâce que le cinéma réussit parfois à mijoter: acteurs parfaits, mise en scène léchée, propos poignant, et un choix de musique qui me donne des frissons (c'est d'ailleurs pour la musique accompagnant la scène du discours que je voulais le revoir: un morceau de la septième symphonie de Beethoven). Il y a pléthore d'acteurs anglais et ça fait du bien de voir Geoffrey Rush et, surtout, Helena Bonham Carter non grimés (voire de plus en plus ridicules dans le cas de la deuxième!). ET IL Y A DES CORGIS!! DES CORGIS!! Aaaah! Oscar du meilleur film en 2011 amplement mérité.

Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963)

J'avais vu ce film dans une autre vie, quand j'étais au lycée, et j'en gardais le souvenir de quelque chose de très chiant. Mon avis n'a pas changé en vingt ans: c'est très chiant. Par tous les dieux, qu'est-ce que c'est chiant. Ça dure moins de deux heures, mais vous les sentez passer. En revanche, je l'ai trouvé très intéressant sous plusieurs aspects. Déjà, la mise en scène très soignée, notamment dans la scène ultralongue dans l'appartement des deux protagonistes, qui vont et viennent dans les différentes pièces en tenant un dialogue haché, assez proche d'un véritable dialogue. Ensuite, la musique, ce thème extraordinaire de George Delerue qui parvient à rendre déchirants des plans absolument lumineux, genre Capri. Enfin, et surtout, pour voir Brigitte Bardot à l'apogée de sa jeunesse, de sa beauté, de son érotisme époustouflant et de sa gloire, et de là se demander tout au long du film si cette œuvre est un monument patriarcal et misogyne – notamment pour ces plans fesses ultralongs, qui semblent vraiment dire "allez-y les mecs, branlez-vous" – ou au contraire une dénonciation de la condition de la femme – on a quand même un producteur de cinéma qui rigole comme un ado attardé devant la vidéo d'une femme nue et qui renverse sa secrétaire devant lui, dans une pose tout à fait pertinente pour un rapport sexuel, pour écrire un chèque sur son dos (coucou, Valmont!). Probablement que, comme souvent, la situation n'est ni noire ni blanche et que le film est un peu des deux.

Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet (2003)

S'il constitue un bon ajout à ma culture générale, ce dessin animé ne m'a pas du tout enthousiasmée; je n'ai pas aimé les dessins, j'ai trouvé le tout très lent et le côté caricatural m'a saoulée. Il faut toutefois reconnaître que les bruitages sont très réussis et portent parfaitement ce film quasiment dénué de dialogues! (Je découvre que le réalisateur a aussi réalisé L'Illusionniste, que j'ai en revanche adoré au moment de sa sortie.)

Napoléon de Ridley Scott (2023)

Le début a été difficile. Enfin, la première heure a été difficile. De la musique me semblant appartenir au XXe sur des scènes du XVIIIe, une Joséphine Beauharnais hyper sexualisée, un Napoléon qui n'articule pas, une bataille à Toulon à laquelle je n'ai rien compris... Gloups, gloups. Heureusement, ça s'est amélioré en cours de route, avec même quelques scènes franchement saisissantes pendant les célèbres batailles d'Austerlitz (le dernier couple cheval-cavalier à fuir sur le lac) et de Waterloo, avec des choix musicaux plus à mon goût et un contraste saisissant entre la lisibilité des manœuvres vues d'en haut et le chaos du corps à corps. Le film se conclut sur le décompte des morts des guerres napoléoniennes, ce que je trouve très bien, car ce personnage me semble être passé à la postérité sous un jour bien trop positif en France. Et comme toujours chez Ridley Scott, les chevaux sont superbes.

Du côté des séries

Lentement mais sûrement, j'avance dans la saison 2 de Dinosaures.

Et le reste

J'ai lu le hors-série de Mad Movies sur le cinéma de vampires. Après une première partie difficile, énumérant des tas de vieux films dont je n'ai jamais entendu parler, j'ai retrouvé mon enthousiasme habituel pour ce magazine de très haute qualité. Avoir le temps de replonger dans tous ces films et d'en découvrir d'autres, quel rêve ce serait. 🤩 (Comme souvent, Michael Bay en prend pour son grade au détour d'un article qui ne le concerne pas du tout. Je pense qu'ils ont vraiment une dent contre lui chez Mad Movies. 🤣)

En fin de mois, j'ai lu mon Cheval Magazine, comme d'habitude.