vendredi 26 juillet 2024

Le Petit Prince (1943) 🌟🦊🐑🐍

Chronique express!

Il me semble inutile de présenter Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry, un des livres les plus connus (et traduits!) au monde. Je l'ai lu il y a longtemps, mais je ne me souvenais pas de grand-chose, à part les passages les plus célèbres ("Dessine-moi un mouton..."). Au contraire, je l'avais un peu pris en détestation comme un truc affreusement mignonnet, naïf et moralisateur sur l'amitié. Bon, en fait, je l'ai trouvé très mignon – dans le sens positif du terme – et j'ai été émue à la fin. Je ne suis pas sûre de bien comprendre pourquoi il a fait un tel triomphe, mais Saint-Exupéry a indéniablement mis le doigt sur quelque chose de très simple et essentiel de l'expérience humaine et de l'amitié... Et puis, ça m'a permis d'utiliser un marque-page de circonstance! 🥰

Pourquoi ce livre?
Parce que ma nouvelle enseignante de russe me le fait lire en russe et préférait que je le lise d'abord en français, de manière à comprendre plus facilement. Moi, j'étais partie pour ne pas le faire, car je trouve, justement, que ça devient trop facile. Mais vu comment j'en chie avec cette enseignante, je ne me suis pas fait prier quand elle m'a dit qu'elle préférait la stratégie facile. 😂

samedi 20 juillet 2024

Chien 51 (2022)

Après Eldorado, que j'ai trouvé brillant, je me suis empressée de chercher du Laurent Gaudé sur mon chemin. J'ai eu la chance de trouver La Mort du roi Tsongor dans jenesaisplus quelle boîte à livres, et j'ai emprunté Chien 51 en bibliothèque. Le prêt en bibliothèque étant limité dans le temps, j'ai commencé par là.

La couverture, superbe, est créditée au nom de Xiaohui Hu.

L'histoire se passe dans une mégalopole futuriste appartenant à une entreprise, GoldTex. La ville est divisée en trois zones, de la plus riche à la plus pauvre, et le personnage principal, Zem Sparak, est un policier de la zone 3, la plus pourrie. Dans une autre vie, il était grec. Mais un jour, la Grèce a été rachetée par GoldTex. La population a été déplacée. Zem a changé de vie, est devenu policier. Un "chien", ainsi surnommé parce qu'il flaire partout. Un beau jour, il est mis en binôme avec une inspectrice de la zone 2 pour résoudre un meurtre sordide, qui pourrait avoir un lien avec un trafic d'implants.

Comme les autres romans de Laurent Gaudé que j'ai lus, ce livre parle essentiellement des inégalités sociales. Magnapole, le genre de ville ultra hiérarchisée que la SF affectionne, est une scène parfaite pour dénoncer le traitement de certains citoyens de seconde zone et aborder la question de la puissance des entreprises jouant à armes égales avec les États, voire, ici, les rachetant. Et franchement, tous les souvenirs du protagoniste font froid dans le dos tellement ils résonnent avec la crise grecque et l'échec cuisant de bien des luttes. Cela m'a rappelé L'ombre de ce que nous avons été, dans lequel Luis Sepulveda met en scène d'anciens militants chiliens; je ne me souviens pas des détails, si ce n'est que ces hommes ont été vaincus par la torture, l'exil et le temps et ne sont plus, dans leur vieillesse, que l'ombre des jeunes d'autrefois. (D'où le titre du bouquin.)

Dans ce décor totalement déprimant (notamment lorsque Zem profite d'un casque de réalité augmentée pour juste voir Athènes telle qu'elle était... C'est à pleurer...), Laurent Gaudé met en scène une enquête assez classique, avec ses deux enquêteurs que tout sépare mais qui vont devoir apprendre à travailler ensemble, ses informateurs, ses pourris, ses réseaux. De ce point de vue, cela m'a rappelé les romans de Rosa Montero sur Bruna Husky, dans lequels le contexte science-fictif est certes intéressant, mais n'est pas le fond du sujet, puisque l'idée est essentiellement de savoir qui a tué Machin et pourquoi.

Chien 51 m'a moins marquée que Eldorado, voire relativement peu marquée de manière générale, mais ce qui est cool, c'est que Laurent Gaudé nous dit quelque chose et nous happe même quand il n'est pas à son meilleur, ce qui est fort admirable. Et je l'ai trouvé très intéressant, humble, lucide et pourtant encourageant dans l'épisode de C'est plus que de la SF consacré à Chien 51. Bref, je l'adore. 🥰 Je vais juste laisser passer plus de temps avant de lire La Mort du roi Tsongor, de peur que ses écrits perdent de leur force si je les lis de manière trop rapprochée.

Autres livres de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
Le Soleil des Scorta (2004)
Eldorado (2006)
Ouragan (2010)

dimanche 14 juillet 2024

Le Mage du Kremlin (2022)

Chronique express!

Dans une maison superbe aux alentours de Moscou, Vadim Baranov raconte comment il a contribué, en 1999, à la nomination de Vladimir Poutine au poste de Premier ministre, puis à son élection à la présidence de la Fédération de Russie. Le personnage est fictif, mais il est inspiré – selon Wikipédia – d'une figure réelle, celle de Vladislav Sourkov. Ce qui est intéressant, dans tous les cas, c'est qu'il retrace toute l'évolution de la Russie à compter de la fin du communisme, depuis ses jeunes années et tout au long de ses décennies de travail au Kremlin, et qu'il détaille certain éléments-clés de l'ascension et du règne de Poutine: l'influence des attentats de Moscou de 1999 sur la population russe, la chute de Mikhaïl Khodorkovski (PDG de Ioukos), l'enjeu des JO de Sotchi et la guerre en Ukraine en 2014.

J'ai beaucoup apprécié ce roman de Giuliano da Empoli, qui m'a bien rafraîchi la mémoire sur un certain nombre d'actualités que j'avais suivies de loin durant les années 2000, mais je n'y ai pas non plus trouvé un chef d'œuvre stylistique – je me demande bien pourquoi l'Académie française lui a remis son Grand Prix, même si c'est déjà bien plus justifié que pour La Vérité sur l'affaire Harry Québert en 2012 🤣. J'ai aussi trouvé qu'il y avait quelques clichés ou généralités bizarres sur les Russes ("à l'époque les  fonctionnaires ne souriaient jamais en Union soviétique" – comment le sait-on? Quelqu'un a consulté tous les fonctionnaires de l'URSS et vérifié s'il leur arrivait de sourire? Il y a des pays où les fonctionnaires ont pour habitude de sourire?). En revanche, il y a parfois un point de vue qui fait contrepoint à la vision occidentale et qui est intéressant – ainsi, Vadim se moque de la communauté internationale qui trouve à redire sur les élections ukrainiennes de 2014 alors qu'elle valide les yeux fermés celles menées en Irak avec les soldats américains qui gardent les bureaux de vote. En bref, une lecture fort intéressante sur la Russie (un bon complément à Limonov d'Emmanuel Carrère!) et les mécanismes du pouvoir. Le roman étant sorti en avril 2022, il a dû se vendre comme des petits pains...

lundi 8 juillet 2024

Les BD du deuxième trimestre 2024

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques des trois derniers mois.

Métal Hurlant hors-série spécial chats (avril 2024)

Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! Métal Hurlant a sorti un hors-série spécial chats! HAHAHAHAHAHAAHAHAHAHAHA!! Fallait-il encore une preuve que les chats dominent l'univers? Non, mais c'est quand même trop cool d'en avoir une aussi mythique!!! 😂😂😂 (Et oui, le numéro est très bien. Je n'ai pas tout compris à certaines BD, mais dans l'ensemble, c'est très bien.)

Giant de Mikaël (2017)

Un beau diptyque sur les ouvriers irlandais qui ont bâti les gratte-ciels de New York. Les dessins ne sont pas 100% à mon goût, mais ils sont extrêmement soignées et évocateurs. Une réussite découverte chez Baroona.
Éditeur: Dargaud

Transformers. Tome 1: Pleins gaz de Daniel Warren Johnson, traduit de l'anglais par Julien di Giacomo (2023)

Ce volume réunit les six premiers numéros de la série Transformers, publiée aux États-Unis par Image. Hélas, je n'ai pas compris grand-chose aux dessins; j'ai eu le plus grand mal à différencier les Transformers les uns des autres, à part Optimus, et vous conviendrez que c'est un problème quand l'histoire tourne autour de l'affrontement entre deux clans qui se bastonnent. 🙈 À noter toutefois: Image sort plusieurs séries Transformers et GI Joe dans un univers partagé, le "Energon Universe", ce qui rejoint la scène de fin du dernier film Transformers, Rise of the Beasts. Je ne poursuivrai pas en comics, mais je me réjouis de voir un jour cela au cinéma, et j'espère qu'Hasbro en tirera suffisamment d'argent pour que les Transformers nous accompagnent encore longtemps. 😊
Éditeur: Urban

mardi 2 juillet 2024

La gamelle de juin 2024

Juin 2024, le mois de la dépression totale. À la fatigue que je traîne depuis des années et à mon pessimisme cosmique qui me fait tout voir en noir, se sont ajoutés: le russe qui est devenu encore plus difficile avec une nouvelle enseignante (je savais que j'étais nulle, mais là j'ai découvert que je ne maîtrise même pas l'alphabet – je suis tombée plus bas que bas), le crève-cœur de voir mon centre équestre s'émietter et "mes" chevaux souffrir et d'y vivre très probablement mes dernières heures (avec un cheval en particulier 💔💔💔), la perspective d'un long trajet en voiture que je dois assurer seule et qui me terrifie, la catastrophe politique, le constat que tout est bloqué dans ma vie parce que JE SUIS UNE INCAPABLE. J'ai même à peu près laissé tomber la lecture et jeté l'éponge concernant la régularité du blog.

Voilà, ceci non pas pour faire pleurer dans les chaumières, mais pour bien me souvenir d'où j'en étais à cette période. En fin de mois, j'ai retrouvé plus d'élan et j'ai saisi une occasion pour affronter un problème qui me taraudait depuis des années, donc j'ai tendance à oublier le négatif et à croire que tout roule à peu près, mais ça a son importance!

Et maintenant, place au bilan culturel.

Sur petit écran

Rien.

Sur grand écran

Jurassic Park de Steven Spielberg (1993)

En un mot: la perfection.

En plusieurs mots: tout y est. La mise en scène, les acteurs, le fond, la technique, l'humour, la musique. Quel putain de chef-d'œuvre. J'ai vu un gros parallèle avec Titanic, autre film à grand spectacle qui n'oublie pas de tenir un propos sur le monde. Quels putains de chefs-d'œuvre.

Max Max: Fury Road de George Miller (2015)

Quel ovni, ce film! Je n'adhère pas 100% à tout, mais quelle vision, quelle cohérence, quel rythme, quelle musique!! Charlize Theron est tout simplement exceptionnelle (même quand elle fait quelque chose d'aussi anodin que de regarder dans le rétro, elle est OUFISSIME!!) et le réalisateur accomplit l'exploit de mettre une touche de sentiments et de tendresse (le geste d'adieu aux mortes, les secours que Max porte à Furiosa en parlant de manière presque balbutiante) dans un univers super dur. Un grand moment de cinéma!

Collateral de Michael Mann (2004)

Hellllloooo, beau gosse!!!

Dur! Même Tom Cruise n'a pu me sauver de l'ennui face à ce film qui  n'a pas grand-chose pour me plaire. Une histoire de gangsters, une caméra qui bouge et tremble, des énormités de moins en moins plausibles, des modèles d'hommes virils qui me laissent indifférente... Bon, Tom Cruise ne me laisse pas indifférente, mais il n'est pas non plus ici au top du top, donc voilà, quel ennui mortel. Je suis très étonnée que ce film ait été réalisé par la même personne qui a réalisé Le Dernier des Mohicans. Le grand écart!

Du côté des séries

J'ai regardé les bonus de Dinosaures dans le vague objectif d'écrire un billet sur le sujet, puis j'ai complètement lâché l'affaire (c'est-à-dire que j'ai renoncé à la fois à l'idée d'écrire un billet sur le sujet et à celle de regarder une série quelconque). On verra si j'arrive à me motiver pour regarder la deuxième saison de La Roue du Temps en juillet.

Et le reste

Le mois a été positif sur le plan des revues. J'ai d'abord lu un vieux numéro de La Croix L'Hebdo trouvé en boîte à livres, celui du 26 août 2023. J'avais déjà lu la plupart des articles du dossier climatique grâce à une amie abonnée; je ne vous raconte pas la catastrophe écologique en Dordogne, c'est un cauchemar. La couverture rend bien l'idée. 🙈🙈 Puis j'ai lu avec avidité le Mad Movies sur Batman, qui m'a donné envie de voir tous ces films. Cette revue est juste magique. Tout a l'air passionnant. Puis j'ai lu en diagonale un ancien numéro de Livres Hebdo, celui de septembre 2023. Et en fin de mois, j'ai miraculeusement réussi à lire Cheval Magazine. Je n'y croyais pas du tout, mais c'est l'avantage des insomnies: on a un peu de temps pour lire!

samedi 22 juin 2024

Légende (1984) 🪓🗡🏹💔💖✨

Dimanche 9 juin, je n'ai pas échappé au résultat des élections européennes pour la France. Je n'ai pas creusé le sujet, mais l'information principale est venue à moi lors de ma balade de clôture de week-end sur Instagram.

Lundi 10 juin, par conséquent, j'ai soigneusement évité l'actualité. Je n'ai pas creusé les résultats français et je ne suis pas allée chercher les résultats italiens.

Lundi 10 juin au soir, toutefois, j'ai commis l'erreur de regarder les stories sur Messenger. Je voulais voir des photos de chevaux. Mais soudain, j'ai cru comprendre qu'on parlait d'un certain mot en "d".

J'ai vérifié. C'était exact.

Vous imaginez ma sidération. Vous l'avez probablement éprouvée aussi. Mais ajoutez-y que je n'ai pas la nationalité française, moi.

Et puis...

Aux grands maux, les grands remèdes.

J'ai décidé de me casser dans un monde où les gens ont des valeurs.

J'ai décidé de relire Légende.

Légende!

Légende!

Le roman qui a révélé David Gemmell. Un des dix livres les plus importants de ma vie. Le livre où il y a Druss. Le livre où il y a Dros Delnoch, la forteresse imprenable mais condamnée.

💖💖💖 Légende 💖💖💖

Et vous savez quoi ? Légende est tellement merveilleux, tellement efficace, tellement plein de gens courageux, tellement plein de valeurs, que j'ai passé la semaine du 10 juin sans angoisse particulière. Totalement abattue par mes problèmes personnels, comme d'habitude. Ne déconnons pas. Mais sans angoisse particulière au regard de la catastrophe totale dans laquelle nous naviguions.

Pourquoi ce roman, que je lisais pour la quatrième ou cinquième fois, m'a-t-il fait un tel effet? Pourquoi ai-je vibre et pleuré? Pourquoi m'a-t-il fait oublier le reste? Pourquoi m'a-t-il donné, du moins quelques jours, du courage?

Parce que tout Légende ne parle que de deux choses: le courage de faire le choix difficile et l'acceptation de sa propre mort. Décider, collectivement mais surtout INDIVIDUELLEMENT, de tenir Dros Delnoch face à l'armée Nadir, forte de cinq cent mille hommes.

Décider de tenir Dros Delnoch même si on n'a aucune chance. 

Décider d'aller à Dros Delnoch même si on sait qu'on y mourra.

"Come and seek me if you will, old warrior! I stand on the walls of Dros Delnoch."

C'est la mort en personne, qui a un différent avec Druss, qui adresse ces mots au guerrier de légende, idolâtré depuis quarante ans par tout le peuple drenaï.

Et Druss, à plus de soixante ans, prend sa hache et se met en route. À pied. Avec son dos raide, son genou plein d'arthrite. Parce que Druss n'est jamais allé nulle part à cheval et qu'il sera bon pour le moral des troupes de le voir arriver à pied. Bien sûr, il pourrait faire une partie du trajet à cheval et finir à pied, de manière à s'économiser. Mais Druss est plus grand que nature. Un humain comme Druss, il y en a un par siècle. Druss n'est pas du genre à s'économiser. Druss n'est pas du genre à tricher. Alors, il va à pied. Alors, il accepte de prendre la direction de la forteresse en attendant l'arrivée du nouveau conte. Alors, il se bat au cœur de la mêlée sans jamais reculer, sans jamais se reposer.

Et il n'est pas le seul. Rek, qui filait aussi vite que possible vers le sud, pour la simple et bonne raison que les Nadir étaient au nord. Virae, élevée dans les mythes des guerriers d'antan. Bowman, l'archer désabusé et peut-être, au fond, idéaliste. Les Trente, les moines-guerriers qui ne font qu'un. Gilad, le fermier raté, et Bredan, le fermier heureux, qui vont apprendre la guerre et la camaraderie. Et Orrin, l'officier incompétent et détesté qui va oser courir avec ses hommes pour améliorer sa forme physique. Pour quelqu'un comme moi qui a toujours été nullissime en sport, la scène dans laquelle Orrin parvient à finir sa course sans être dernier est très, très puissante. Et comme le dit un autre personnage, il a en quelque sorte plus de mérite que les autres à se battre sur les murs de Dros Delnoch, car il a plus peur.

Et en face? Une horde de Nadir assoiffés de sang, unis sous la bannière d'Ulric, le premier à fédérer les clans nomades des steppes. Oui, certes. Mais aussi des Nadir pris un par un, qu'on suit brièvement dans le combat et qui ne sont pas différents des Drenai qui leur barrent le passage. Et Ulric, un chef spectaculaire, de la même stature que Druss. Un homme impitoyable et lucide. Un homme qui ne veut pas rabaisser les Drenai MAIS ÉLEVER LES NADIR. Un homme qu'on ne peut qu'admirer. Un homme que Druss lui-même admire. Leur conversation sous les murs du Dros est aussi courte que pleine de respect. Car même si chacun se battra jusqu'au bout pour anéantir l'autre, ils savent qu'ils sont égaux.

C'est une des choses que j'aime dans ce bouquin: que l'ennemi soit justement un ennemi et un adversaire, mais non méchant par essence. Seul Nosta Khan, le chamane, peut être considéré comme mauvais. Ulric n'a rien de mauvais. Et les gentils sont pleins de failles et de doutes. Druss lui-même dit, à son propre sujet:

"They will say, 'Here lies Druss. He killed many and birthed none'."

Paye ton bilan de vie, pour un gars que la nation idolâtre.

J'aime aussi que Gemmell prenne son temps pour réunir ses personnages à Dros Delnoch et montrer comment Druss réorganise la forteresse et entraîne ses hommes. Dans mon édition Orbit, l'assaut commence à la page 275 sur 430. Soit à bien plus de la moitié du bouquin.

Alors parfois, Gemmell quitte la camaraderie guerrière pour des passages d'une mièvrerie étrange – Rek dit vraiment à Virae que le ciel est plus bleu depuis qu'il l'a rencontrée 😂 –, il se répète pas mal dans ses conversations, et il abuse des deus ex machina à la fin – même si le premier d'entre eux est parfaitement logique et un autre m'a tiré des larmes. Et la femme est chez lui une exception dans un monde d'hommes, et un objet de désir sexuel. Mais il expose un des grands dilemmes de l'expérience humaine sans aucun manichéisme et j'ai besoin, terriblement besoin, de modèles tels que ses personnages. Face aux gens qui votent pour des idées affreuses, face aux gens qui privilégient leur confort au détriment du reste du monde, face aux gens qui exploitent les animaux, qui veux-je être? Je suis une trouillarde, je le sais. Mais que ferait Druss? Que ferait Druss? Je devrais me poser cette question tous les jours.

Allez donc voir ailleurs si Druss y est!
L'avis de Lorhkan
L'avis de Vert
L'avis de Xapur

mercredi 12 juin 2024

Eldorado (2006)

En 2014, mes beaux-parents me faisaient découvrir Laurent Gaudé en me prêtant Ouragan, un roman se déroulant à la Nouvelle-Orléans lors de l'ouragan Katrina. L'année suivante, peut-être toujours grâce à un prêt de leur part, je lisais Le Soleil des Scorta. Deux réussites qui ont clairement placé l'auteur parmi les écrivains contemporains de qualité à mes yeux. Mais depuis, rien. Et puis, en mai dernier, je suis tombée sur un autre de ses romans dans une boîte à livres et j'ai sauté dessus.

Eldorado s'ouvre à Catane, en Sicile. Salvatore Piracci, commandant d'une frégate italienne, sent un regard peser sur lui pendant qu'il achète son poisson au marché. Ce regard est celui d'une migrante clandestine qu'il a trouvée sur un bateau abandonné au large des côtes italiennes par les passeurs deux ans plus tôt. Une femme digne et dure, qui ne baisse pas le regard, et qui lui adresse une demande. Une demande déraisonnable. Une demande à laquelle Salvatore Piracci décide d'accéder.

Ailleurs, vraisemblablement au Soudan, deux frères passent leur dernière journée dans leur ville natale. Le moment est venu pour eux de partir. Ce jour, c'est leur dernier jour. Mais ils ne peuvent dire au revoir à personne, car leur départ est un secret. Ils partiront en cachette, avec un inconnu. Ils partiront en sachant qu'ils ne reviendront jamais de l'Europe qui les attend, l'Europe où ils pourront gagner leur vie.

Le thème de ce roman est donc, vous l'aurez compris, l'immigration clandestine à travers la Méditerranée, de l'Afrique du Nord vers l'Europe-forteresse. Depuis vingt ans, Salvatore Piracci, l'Italien, secoure des immigrants clandestins en Méditerranée. Il les tire des eaux mortelles, il leur donne à boire. Mais après, il les remet aux autorités qui les installeront dans des camps. Après la rencontre au marché, ce n'est plus possible. Les émotions qui montent en lui trouvent une échappatoire. Pour Soleiman, le deuxième personnage point de vue, le périple de l'exil ne commence pas comme prévu. À peine son frère et lui sont-ils arrivés en Libye que l'euphorie laisse la place au chagrin. Son frère ne fera pas réellement le voyage. Son frère fait demi-tour. Soleiman est seul pour aller là-bas.

Laurent Gaudé nous donne à voir ces deux parcours avec une justesse incroyable. Salvatore et Soleiman sont très différents, mais chacun est plein de couches d'émotions diverses et d'une sorte de droiture qui le mènera jusqu'au bout d'un parcours inversé mais passionnant, terrifiant, remuant. J'ai lu ce roman comme je ne lis plus que rarement, en oubliant le reste, en réfléchissant sur ma propre expérience de l'immigration – rien à voir avec celle de Soleiman : ce n'est pas moi qui ai émigré, ce sont mes parents, même si cela a façonné ma vie, et c'était parfaitement légal –, en retrouvant des valeurs que j'aimerais défendre dans ma vie, en vivant, en bref, au rythme de ces chapitres courts dont la richesse est inversement proportionnelle à la longueur. Le tout porté par une très belle écriture. J'ai bien tiqué sur quelques phrases, mais dans l'ensemble ce roman se lit tout seul sans jamais être simpliste, ni sur la forme ni sur le contenu.

"Lorsque les marins italiens montèrent à bord, munis de puissantes lampes torches dont ils balayaient le pont, ils furent face à un amas d'hommes en péril, déshydratés, épuisés par le froid, la faim et les embruns. Il se souvenait encore de cette forêt de têtes immobiles. Les rescapés ne marquèrent aucune joie, aucune peur, aucun soulagement. II n'y avait que le silence, entrecoupé parfois par le bruit des cordes qui dansaient au rythme du roulis. La misère était là, face à lui. Il se souvenait d'avoir essayé de les compter ou du moins de prendre la mesure de leur nombre, mais il n'y parvint pas. Il y en avait partout. Tous tournés vers lui. Avec ce même regard qui semblait dire qu'ils avaient déjà traversé trop de cauchemars pour pouvoir être sauvés tout à fait."

"Et nos enfants, Jamal, nos enfants ne seront nés nulle part. Fils d'immigrés là où nous irons. Ignorant tout de leur pays. Leur vie aussi sera brûlée. Mais leurs enfants à eux seront saufs. Je le sais. C'est ainsi. Il faut trois générations. Les enfants de nos enfants naîtront là-bas chez eux. Ils auront l'appétit que nous leur avons transmis et l'habileté qui nous manquait."

"Nos enfants ne seront nés nulle part." Quel crève-cœur, putain, quel crève-cœur.

Il faut que je continue à lire Laurent Gaudé. Il a écrit de la science-fiction, en plus...

Allez donc voir ailleurs si cet Eldorado y est
L'avis de Grominou

jeudi 6 juin 2024

La gamelle de mai 2024

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lecture!

Sur petit écran

Pas de film. (Pourquoi je garde cette catégorie, déjà?)

Sur grand écran

Jusqu'au bout du monde [The Dead Don't Hurt] de Viggo Mortensen (2024)

Voilà un western assez classique, avec une petite ville dominée par le gros richard du coin, un projet minier, un petit connard à la gâchette facile et une vengeance. Mais dans le même temps, ce film est atypique, d'une part parce que la protagoniste est francophone et le protagoniste danophone, et d'autre part parce que ça parle essentiellement du destin d'une femme et non de celui d'un homme. Viggo Mortensen est merveilleux, évidemment (même si la moustache ne lui va pas, même à lui! Mais quel cauchemar, la moustache!), mais j'ai surtout été marquée par Vicky Krieps, qui a récemment joué la reine Anne d'Autriche dans Les Trois mousquetaires de Martin Bourboulon et qui joue extrêmement bien. Une actrice à suivre. Attention toutefois, le film parle de viol et n'est donc pas facile! Le titre anglais (qui signifie "Les morts ne souffrent pas") laisse d'ailleurs bien mieux deviner que le ton sera dramatique que l'adaptation française...

La Planète des singes: Le Nouveau Royaume de Wes Ball (2024)

Je ne pouvais, bien sûr, pas rater le retour au cinéma de cette série pour laquelle j'ai beaucoup d'affection. L'ensemble, malgré quelques bonnes idées, est fort paresseux. Je ne me suis pas ennuyée, mais bon, ce n'est pas marquant. J'ai surtout été intéressée par la présence de Freya Allan, qui joue Siri dans The Witcher, et de William H. Macy, que j'ai reconnu de Fargo (et qui, après vérification, joue aussi dans Jurassic Park 3, lol), et par le fait que l'intrigue part dans une direction résolument différente de celle du livre de Pierre Boulle et du premier film ([divulgâcheur] il est évident que les humains vont se réorganiser maintenant qu'ils ont récupéré les télécommunications, tandis que Noa va faire évoluer les singes [fin du divulgâcheur]).

Le Petit Dinosaure et la vallée des merveilles [The Land Before Time] de Don Bluth (1988)

Je savais très bien que j'allais pleurer en revoyant un des films les plus importants de mon enfance, mais j'ai tout de même été surprise: je me suis mise à pleurer AVANT le film. La séance étant destinée aux enfants, le cinéma a organisé un petit quiz avec des jouets à gagner. La première question portait sur le prénom du héros du film. La petite fille qui a levé la main la première a répondu "Petit Pied". Moi, je me suis mise à chialer. Voilà.

Bon. Malgré le crève-cœur absolu de ce retour en enfance, lié aussi bien à des raisons personnelles qu'au fait que certaines scènes vous démontent réellement le cœur (cf. l'image ci-dessus), j'ai trouvé que c'était absolument brillant. En à peine une heure et dix minutes, Don Bluth et ses scénaristes vous posent une très belle histoire d'entraide et d'amitié avec des personnages crédibles et nuancés, des enjeux importants, de l'aventure, un décor sublime et de l'humour. Je pense qu'il y a vraiment quelque chose à étudier si on s'intéresse à l'écriture d'histoires concises et riches à la fois. Et le tout sans aucun moralisme mièvre: le message sur l'entraide est porté par l'action plutôt que par les dialogues, ce qui est parfait. En même temps, ce dessin animé bénéficiait d'une équipe stupéfiante: Don Bluth (qui a aussi réalisé Le Secret de NIMH, autre dessin animé marquant de mon enfance) à la réalisation, Steven Spielberg, George Lucas, Kathleen Kennedy et Frank Marshall (mari de Kathleen Kennedy) à la production (excusez du peu!!!) et le stupéfiant, l'incroyable, le parfait James Horner (Titanic et Avatar, chef d'œuvres parmi les chefs d'œuvres!!) à la musique, musique qui tient d'ailleurs un rôle important pour porter l'histoire et qui se termine par la très belle chanson If We Hold On Together de Diana Ross.

Dernière chose que je tiens à noter pour avoir une chance de m'en souvenir: le plan de Céra qui essaye d'attraper un insecte ressemble à s'y méprendre à un plan du Roi Lion avec Simba, à tel point que je me suis demandé si celui le deuxième n'était pas un hommage au premier.

Du côté des séries

J'ai enfin terminé Dinosaures!! J'espère trouver l'énergie de lui consacrer un billet dédié.

Et le reste

J'ai lu en diagonale un ancien numéro de Livres Hebdo et j'ai lu mon Cheval Magazine habituel. Il y avait beaucoup de dressage dans ce numéro, ce qui est chouette, mais il y avait aussi une brève HONTEUSE invitant à "se méfier" de PETA (la plus grande association mondiale de défense des animaux, oui oui!!). Un nouveau sommet anti-animaliste qui m'a mise en rage et m'a même fait envisager (mais envisager seulement) de ne pas me réabonner. 🤬🤬🤬

Et sinon, j'ai aussi replongé dans Mad Movies, mais j'ai très peu avancé et ça m'occupera sans doute tout le mois de juin. ^^

samedi 1 juin 2024

Le café du temps retrouvé (2017)

Chronique express!

Après Tant que le café est encore chaud, j'ai eu envie de poursuivre ma lecture des romans de Toshikazu Kawaguchi sur le Funiculi Funicula, un café tokyoïte dans lequel on peut, si on parvient à s'asseoir à une place bien précise, remonter dans le temps. Comme dans le premier roman, on a ici quatre chapitres articulés autour d'une personne à chaque fois.

Mon avis est le même que pour le premier roman: c'est humain et touchant, j'ai été émue et je paierais cher pour pouvoir faire le voyage, moi aussi. 💖💖 Mais le style n'est pas à la hauteur, notamment au niveau des répétitions – par exemple, on nous répète les règles à peu près quarante fois en cent vingt pages et on nous dit mille fois que la serveuse débarrasse les tables (d'ailleurs, elle essuie un nombre de verres et de tasses qui semble franchement décorrélé du nombre de clients, qui est infime 😂). Le premier tome était traduit par la brillante Miyako Slocombe, mais c'est la tout aussi brillante Mathilde Tamae-Bouhon qui a pris le relais ici et les défauts stylistiques sont exactement les mêmes, ce qui confirme à mes yeux qu'ils viennent du texte de départ. Je ne suis donc guère motivée pour lire le troisième tome, en soi. Sauf que je vois qu'il se passe dans un autre café, dans le nord du pays, qu'il est plus épais (250 pages, ce qui peut laisser espérer plus de corps) et surtout qu'il est traduit par une troisième traductrice de haut vol, Géraldine Oudin. Donc, il n'est pas impossible que je voyage dans le temps une troisième fois... 👀

Autres traductions de la traductrice déjà chroniquées sur le blog
La Saveur du printemps de Kevin Panetta et Savanna Ganucheau (2019) 

lundi 27 mai 2024

A Prayer for the Crown-Shy (2022)

Après A Psalm for the Wild Built, premier tome de la série Monk and Robot, Becky Chambers retrouve dans ce deuxième roman Dex, moine du thé qui a quitté son travail en pleine crise existentielle, et Mosscap, robot essayant de découvrir de quoi les humains ont besoin. Au fil de six chapitres constituant autant d'étapes dans un monde résolument charmant et souhaitable, nos deux protagonistes vont faire quelques rencontres sympathiques, mais surtout approfondir les liens qui les unissent.

Pour une rare fois, j'ai lu ce court roman dans de bonnes conditions, c'est-à-dire d'une traite, sans m'endormir dessus et sans perdre la mémoire entre deux séances de lecture. Cela explique donc peut-être que je l'aie encore plus aimé que le premier tome. Je comprends les critiques concernant le fait qu'il ne s'y passe pas grand-chose et que c'est gentillet. C'est absolument vrai. Il ne s'y passe pas grand-chose et tout le monde est gentil. Et j'ajouterai que la traductrice que je suis a bien relevé les innombrables références aux gestes des personnages destinées à aérer les répliques et à rythmer les dialogues (un truc qui me rend folle dans mon boulot). Mais il s'en dégage quelque chose d'assez magique qui m'a enthousiasmée quand même.

Je serai au rendez-vous pour le prochain bouquin de Becky Chambers, ça ne fait pas de doute. 😊😊

#BeckyRules

Pour finir, la minute police du net.
Je trouve dommage que Becky Chambers, avec sa vision d'un monde tellement plus collectivement sage que le nôtre, ne prône pas le végétarisme, ou tout du moins n'y insère pas le végétarisme (car, en fait, je l'apprécie aussi, entre autres nombreuses raisons, parce qu'elle ne prône rien, mais donne à voir, ce que je trouve beaucoup plus fin). J'ai mangé des animaux pendant quasiment trente ans et je me souviens très bien de l'époque où ça ne me posait aucun problème, donc j'arrive encore à prendre du recul, mais je constate que ce recul est de plus en plus difficile à prendre. Et donc, ici, la scène du poisson m'a totalement déprimée.

Allez donc voir ailleurs si ces cimes timides y sont!
L'avis de Baroona
L'avis de Yuyine

mercredi 22 mai 2024

Ravage (1942)

Pendant des années, Méli du Bazar de la littérature a évoqué Barjavel sur son blog, me donnant envie de lire cet auteur un jour. Mais comme pour l'écrasante majorité des innombrables auteurs que les blogueurs me donnent envie de lire, ça ne s'est jamais concrétisé. Et puis un jour, voilà que je tombe sur Ravage dans l'entrée de mon immeuble. Enthousiasme de ma part. En plus, c'était quelques jours après que l'auteur avait été cité dans l'épisode de C'est plus que de la SF sur la ville en science-fiction...


Eh bien, quelle découverte! Je comprends que Méli ait adoré cet auteur!

Ce roman relève du post-apo. La première partie décrit un monde futuriste extrêmement technologique. C'est très bien écrit et j'ai donc accroché immédiatement. On rencontre quelques personnages, notamment François, le protagoniste, et Blanche, son love interest. J'ai trouvé le trait un peu forcé sur les innombrables gadgets qui permettent aux habitants de se déplacer très vite ou de réguler la température de leur foyer, mais rien de grave. Et puis, au début de la deuxième partie, l'électricité fait défaut, et on comprend pourquoi la première partie mettait tant l'accent sur la technologie. Maintenant qu'aucune machine ne fonctionne plus, la société s'effondre en une journée à peine.

Et voilà. C'est brillant. C'est d'un pessimisme cosmique assez hallucinant, avec pillages, catastrophes interminables, violence constante, mais c'est très bien maîtrisé et ça se lit tout seul alors même que ça donne des sueurs froides plus d'une fois. Car bon, le COVID a fait paniquer pas mal de monde en 2020 et on voit bien combien tout ceci est parfaitement plausible. Et le climat affreusement chaud de l'été 2052 ressemble de trop près aux conditions actuelles et à venir.

Stylistiquement, c'est un vrai régal, une langue élégante, cultivée et riche comme je les aime. Il y a même pas mal de subjonctifs imparfaits, dont dans un dialogue dont j'ai pris note:

"J'ai pensé, dit-il à François, qu'il conviendrait que vous vinssiez jeter un coup d'œil sur ces lieux, avant que la caravane les traversât."

Je ne peux recommander assez chaudement cette lecture, mais je tiens toutefois à souligner deux bémols. D'une part, j'ai trouvé l'histoire des malades mentaux traités aux rayons énergétiques assez délirante, car ils accumulent tellement d'énergie en eux qu'ils peuvent changer leur corps ou le monde. Bon. Rien de grave. Je n'ai pas aimé cet épisode, mais il occupe nos personnages pendant peu de pages. Le deuxième bémol est beaucoup plus grave: l'affreux sexisme de l'histoire. Les femmes sont au mieux inutiles, au pire au fardeau. Le petit groupe de survivants que François réunit autour de lui est tout entier géré par les hommes, et François est d'ailleurs l'archétype du brave mec de campagne viril qui sait se servir de ses mains, par opposition aux assistés des villes qui sont perdus sans technologie. Quant à la fin, elle est d'un machisme hallucinant...

"Blanche avait passé par la filière de l'enseignement féminin, et suivait depuis six mois les cours de l'École nationale féminine, qui préparait, physiquement, moralement et intellectuellement, des mères de famille d'élite."

"Des mères de famille d'élite". Vous avez bien lu. Et ça, c'est dans le monde d'avant, quand tout va bien. Une fois la catastrophe survenue, c'est encore pire. 😆 Mais bon, lisez Ravage quand même, c'est un chef d'œuvre!!!

vendredi 17 mai 2024

Crime de Quinette (1932)

De concert avec un tome d'introduction extrêmement convaincant, Le 6 octobre, Jules Romains a publié début 1932 le deuxième tome de sa saga des Hommes de bonne volonté, Crime de Quinette. Je l'ai attaqué avec beaucoup d'enthousiasme, vu l'excellente surprise de son prédécesseur, et je l'ai refermé en me disant que j'avais clairement rencontré un énorme cerveau. Et ce, alors que j'ai lu ce tome dans des circonstances assez défavorables, en lisant trop peu de pages par session de lecture et à des intervalles trop espacés.

Il est difficile de résumer ce tome, car les personnages sont très nombreux et que certaines intrigues avancent à peine, par exemple celle de la femme triste qui fait relier un livre. On sait qu'elle est mariée et aime un autre homme que son mari, mais c'est tout. Je suis très curieuse d'en savoir plus. L'histoire avance plus pour le député Gurau, qui compte partir en croisade contre des pétroliers profitant d'un environnement fiscal très favorable (TIENS TIENS) et se trouve encerclé par des forces sournoises, bien décidées à l'arrêter. Dans le dernier chapitre, qui clôt brillamment le livre avec un suspense insoutenable, a-t-il décidé de vendre son âme? J'espère que nous le saurons dans le troisième roman.

Ce deuxième tome s'intéresse principalement à Quinette, le relieur, auquel il doit d'ailleurs son titre. Je n'aime pas Quinette, mais force est de reconnaître que c'est un cerveau très fin avec des nerfs d'acier, capable de penser à tout. Un personnage remarquable, franchement.

En toile de fond, un petit groupe de penseurs (les hommes de bonne volonté dont la saga porte le titre, peut-être?) s'inquiète des menaces de guerre en Europe. Nous sommes toujours en octobre 1906, et la situation est plus que tendue entre la Bulgarie et l'empire Ottoman...

Je ne sais pas trop comment je chroniquerai les prochains tomes, car l'exercice risque de devenir à la fois très répétitif si les intrigues individuelles avancent si peu et très ardu si je ne veux pas tout divulgâcher. Je ferai peut-être un billet tous les deux romans, par exemple. Quoi qu'il en soit, je me réjouis de passer vraisemblablement les deux, trois ou quatre prochaines années avec Jules Romains, c'est une super rencontre!

dimanche 12 mai 2024

Demain j'arrête (2011)

Chronique express!

Cela fait des années que Gilles Legardinier cartonne en librairie et que je regarde avec amusement ses couvertures à chat... Et un beau jour, je trouve un de ses bouquins dans ma location de vacances! J'ai donc entamé ce célèbre Demain j'arrête avec beaucoup de curiosité, et j'ai bien rigolé. Le style est moderne et drôle, avec, par exemple, les pensées de la narratrice qui alternent avec ses répliques réelles – ainsi, quand on lui demande si elle veut du sucre dans son café, elle pense qu'il lui en faut trente-huit pour rendre ça buvable car elle déteste le café, mais elle n'en demande que deux. 😂 Les personnages sont rapidement sympathiques (ou rapidement détestables, comme l'exécrable client qui incendie tout le temps tout le monde quand il fait la queue à la boulangerie 😂 Une pépite, ce gars!) et le tout se lit super vite. Difficile, en outre, de ne pas se retrouver un minimum dans des situations de vie très communes. Le tout reste néanmoins un peu simplet, l'intrigue se résumant à "la narratrice tombe amoureuse de son voisin au premier regard et se met dans toutes sortes de situations absurdes suite à ça". Mais l'auteur ne prétendant rien de plus que d'offrir un peu de bonheur à ses lecteurs, la mission est remplie.

mardi 7 mai 2024

Petite géographie amoureuse du cheval (2017)

Quand on m'a offert ce livre de Jean-Louis Gouraud, je me suis légèrement inquiétée. En effet, Jean-Louis Gouraud tient une petite rubrique d'humeur dans Cheval Magazine depuis de nombreuses années – voire de nombreuses décennies – et il étrille régulièrement les affreux amis des animaux qui s'indignent de pratiques ancestrales et menacent de nous priver d'équitation.

(Le sujet revient sans cesse dans I Am an Equestrian, un podcast sur les sports équestres, et Cheval Magazine en général. Les journalistes s'émeuvent des protestations animalistes, mais ne prennent évidemment pas le temps et la peine de les écouter. Ça me saouuuuuuule. Heureusement, il y a, dans le même temps, un vrai mouvement de fond en faveur du bien-être du cheval.)

Fort heureusement, ce livre est loin d'être un concentré de mises en garde contre le péril animaliste!

Une couverture magnifique de adi wiratmo, disponible chez eyeem.

Il s'agit d'un recueil de textes sur les voyages que Jean-Louis Gouraud a faits dans le monde entier en raison des chevaux, soit parce qu'il est allé visiter un lieu lié aux chevaux ou découvrir une race, soit parce qu'il a parcouru une région à cheval. (D'ailleurs, sa célébrité vient en partie du fait qu'il a fait Paris-Moscou à cheval en 1990.) Et ce qui est passionnant, c'est que la plupart des lieux évoqués ici sont situés dans des parties du monde que je connais très mal, par exemple autour de la mer Caspienne. Kazakhstan, Turkménistan, Azerbaïdjan, Arménie, je suis bien incapable de les situer sur une carte. (Maintenant, je situe mieux le Kazakhstan, pour la simple et bonne raison que c'est un pays énorme.) Plus à l'est, je ne suis même pas foutue de situer avec exactitude le Tadjikistan, alors même que j'ai lu, l'été dernier, un pavé qui s'y déroulait. Toutes ces régions, Jean-Louis Gouraud y est allé, ce que je trouve fantastique. Et il y est même allé avant la chute de l'URSS, ce que je trouve encore plus fantastique. Il est aussi allé en Russie. Et il est même allé en Corée du Nord. Dingue.

"Pour tenter d'agrémenter la vie quotidienne de ses citoyens, qui, jusqu'à présent, il faut bien le dire, n'était pas rose tous les jours, l'actuel dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong Un, petit-fils du fondateur de la République (le président éternel Kim Il Sung), a décrété l'édification de toutes une série de lieux de loisirs. [...] Et enfin, l'apothéose: l'ouverture, en octobre 2013, d'un gigantesque et très luxueux complexe équestre, édifié à Mirim, proche banlieue de la capitale, sur un terrain appartenant à l'armée, qui a d'ailleurs été chargée de sa construction."

D'un côté, ces pays à la réputation parfois sinistre et aux mœurs politiques douteuses pouvaient renforcer mes craintes d'avoir affaire à un vieux réac, mais il me semble au contraire qu'il en fait un portrait assez nuancé, sans cacher certaines difficultés. Bien sûr, le cheval reste le principal sujet des textes, mais j'ai appris pas mal de choses. Le chapitre sur la Corée du Nord, notamment, m'a fourni quelques informations fort pertinentes pour comprendre la situation actuelle. J'ai aussi découvert que, au moment de l'indépendance vis-à-vis de la France, l'Algérie était officiellement un pays socialiste. WHO KNEW? Carotte sur la ration d'avoine, j'ai découvert que Boris Eltsine a fait bombarder le Parlement russe en 1993. (Véridique. Lisez la page Wikipédia sur la crise constitutionnelle russe.)

Who knew. Who knew.

Tant de mondes qui s'ouvrent à moi en lisant un bouquin sur les chevaux, tout de même.

Et les chevaux, donc? Eh bien, ils sont nombreux et variés: beaucoup de races de petite taille en Asie centrale, des modèles plus racés autour de la Caspienne (dont l'akhal-téké, que Jean-Louis Gouraud a beaucoup défendu en France) (un des textes les plus prenants concerne d'ailleurs l'akhal-téké de François Mitterrand, une affaire dans laquelle la curiosité d'un passionné [Gouraud] a pris des proportions nationales inattendues 😂 J'ai lu ça en n'en croyant pas mes yeux), des races exportées de manière improbable (les haflingers de l'armée indienne, encore une histoire de dingues!), les incontournables pur-sang arabe et pur-sang anglais cités par-ci par-là. Et beaucoup de cavaliers très différents, de Gengis Khan aux Agojié du Dahomey (coucou Viola Davis dans The Woman King) en passant par Anabia, filleul de Louis XIV venu de la côte ouest de l'Afrique et devenu mousquetaire (le mousquetaire noir dans Milady de Martin Bourboulon, c'est lui, avec quelques décennies d'avance!).

Bref, un vrai régal, d'autant que Jean-Louis Gouraud écrit d'une manière très particulière, pleine de verve et d'incises, très drôle, avec des images rigolotes (les "chevaux-crottin" par opposition aux chevaux-vapeur 🤣) et parfois des formules assassines. Alors, certes, il étrille régulièrement les écolos et, qui sait pourquoi, il a une opinion affligeante de l'UNESCO, et, trois fois sur quatre, il signale que telle femme est jolie ou a un sourire charmant; et quand les gens affirment qu'ils "aiment l'Afrique", ça sent toujours le vieux boomer blanc, alors j'ai un peu grincé des dents quand même, mais dans l'ensemble c'était un super voyage de par le monde.

"Pas facile de survivre en Afrique ! Tous les Africains vous le diront. L'Afrique, comme aimait le répéter mon ami Frédéric Noah, "c'est comme la typhoïde: ou on en meurt ou on en sort idiot!". Sans aller jusque-là, il faut bien reconnaître que, question climat, il y a mieux. Surtout pour l'élevage des chevaux : l'Angleterre, c'est vrai, c'est nettement moins pourri."

Vous avez là un parfait aperçu du bouquin: un début un peu boomer, même s'il n'y a rien de précisément méprisant, et une fin qui fait rire et qui est indéniable. Parce que l'Angleterre a effectivement le climat idéal pour élever des chevaux.

Au sujet d'une randonnée équestre en Turquie, réunissant six Anglais, lui-même et leur guide en 1986, il écrit:

"Quelles que soient leurs origines ethniques, leurs croyances, leur façon de vivre, sédentaire ou nomade, tous ces gens, jeunes et vieux, hommes et femmes, font preuve d'une gentillesse si spontanée, d'un sens de l'hospitalité si émouvant que l'on ne peut éviter de se poser la question: serait-ce réciproque? Quel accueil un paysan des Cornouailles ou un villageois du Hampshire réserverait-il à un groupe de six cavaliers turcs, ne parlant pas un mot d'anglais, et flanqués, de surcroît, d'un septième cavalier – arménien, par exemple – ahuri de se trouver parmi eux ? Je n'ose l'imaginer..."
Excellente question... 🙃

jeudi 2 mai 2024

La gamelle d'avril 2024

Plus la loose culturelle que ce mois d'avril, tu meurs! 😄 Mais bon, j'ai vu des tas d'amis, je suis allée en Espagne, j'ai fait plein de cheval... On ne peut pas tout avoir!

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Godzilla x Kong d'Adam Wingard (2024)

Godzilla est très joli en rose :)

Halàlà. Je ne m'attendais certes pas à une réussite, mais là... L'histoire est naze. L'image de synthèse est bof dès que ça bouge (et ça bouge beaucoup). Côté humains, il n'y a rien à sauver. Côté non humains, il y a quelques trucs bien. Mais bon. Kong est trop humanisé. Godzilla prend la pose tellement de fois que ça perd une grande partie de son intérêt. Pour résumer, je dirai deux choses. Premièrement, n'est pas James Cameron qui veut. James Cameron sait créer un écosystème et le montrer au spectateur. Deuxièmement, n'est pas Mickael Bay qui veut. Il y a beaucoup à critiquer dans les Transformers, mais Mickael Bay sait filmer et détruire des villes. (Bon, ok, parfois, il vous sort Ambulance. Mais dans les Transformers, il savait filmer.) Et il sait faire des personnages faciles à comprendre mais intéressants.

Du côté des séries

Je continue d'avancer Dinosaures à raison de deux épisodes par semaine, mais seulement deux semaines ce mois, alors ça ne va pas vite. 😅

Et le reste

J'ai survolé un ancien numéro de Livres Hebdo et lu un ancien numéro de La Croix L'Hebdo, car j'étais intéressée par le dossier sur le travail. C'était un peu maigre, hélas, et je suis restée sur ma faim. Mais j'ai eu le plaisir de constater que les journalistes de La Croix, comme moi, ne croient pas du tout que "les gens ne veulent plus bosser". 🤗 Et en fin de mois, j'ai lu mon Cheval Magazine habituel (et en stage d'équitation en plus, hihi!).

samedi 27 avril 2024

13!

Après avoir totalement oublié ce bel évènement durant deux ans, je tiens aujourd'hui à fêter mon anniversaire de blog!

Cela fait en effet treize ans que j'ai publié mon premier billet. Treize ans! Ce n'est pas rien. Tout a changé depuis, et pourtant rien n'a changé. Cela a quelque chose d'étrange. Mais je suis toujours aussi heureuse, au fil du temps, d'avoir commencé à parler de mes lectures. 😊😊

Merci à vous tous qui faites vivre le blog! Merci mille fois d'être là!!

lundi 22 avril 2024

Le 6 octobre (1932)

Qui a déjà entendu parler de Jules Romains?

Pas moi.

Et voilà-ty-pas qu'on m'offre pas moins de sept de ses romans d'un coup. SEPT. Et en plus, ce n'est que le début. Car dans cette série, il y en a vingt-sept. VINGT-SEPT.

VINGT-SEPT.

Remettons les choses dans leur contexte. Le même jour où mon copain faisait dédicacer à un ancien Premier ministre français le cadeau de Noël destiné à sa mère (j'ai totalement oublié de lui demander si elle a adoré, j'ai honte de moi 🤣🤣🤣), il demandait conseil pour le cadeau de Noël destiné à ma petite personne, et la vendeuse de Gibert, apprenant que j'adore les Rougon-Macquart, lui recommandait Les Hommes de bonne volonté de Jules Romains.

La recommandation est censée. Les Hommes de bonne volonté est une saga retraçant l'histoire de la France de 1908 à 1936 à travers le destin de nombreux personnages, parfois liés entre eux mais pas forcément. L'analogie avec les Rougon-Macquart est évidente, à tel point que Jules Romains évoque la célèbre saga zolienne dans sa préface (pour souligner que son projet est différent, soit – mais quand même). Seul détail que mon copain ne semble pas avoir pris en compte: l'œuvre de Jules Romains, publiée de 1932 à 1946, compte la bagatelle de vingt-sept romans. Ce premier tome des éditions Bouquins, qui fait la bagatelle de 1 380 pages, en réunit sept. À supposer que j'en vienne à bout un jour, il me restera trois autres volumes tout aussi épais à lire. Et je crois comprendre, au moment où je rédige ce billet, que le troisième tome est épuisé. Formidable. 🙈

Frustration ultime: comme les sept romans sont réunis dans un volume unique, il faut que je les lise tous pour sortir ledit volume unique de ma pile à lire, et donc ma pile à lire n'évoluera pas de ce point de vue-là tant que je n'aurai pas tout lu. Je suis désespoir.

Le premier roman s'intitule Le 6 octobre. Nous sommes à Paris en 1908, par une journée ensoleillée et chaude qui témoigne d'un été particulièrement long.

"Le 6 octobre, en se levant, les Parisiens les plus matinaux avaient mis le nez à la fenêtre, avec la curiosité de voir si cet automne invraisemblable poursuivait son record. On sentait le jour un peu moins loin de son commencement, mais aussi allègre et encourageant que la veille."

Mais cette journée est surtout importante en raison de l'actualité diplomatique. En effet, la veille, la Bulgarie – qui était alors assujettie à l'empire Ottoman, je le précise pour les gens qui n'auraient aucune notion d'histoire, comme moi – a proclamé son indépendance. Et "l'Autriche parle d'annexer la Bosnie-Herzégovine". En gros, des tensions régionales risquent, par le jeu des alliances, de faire éclater la guerre en Europe. En d'autres termes, la Première Guerre mondiale aurait bien pu commencer en 1908 et non en 1914!! C'est d'ailleurs le premier paragraphe de ce roman et donc de toute la saga:

"Le mois d’octobre 1908 est resté fameux chez les météorologistes par sa beauté extraordinaire. Les hommes d’État sont plus oublieux. Sinon, ils se souviendraient de ce même mois d’octobre avec ferveur. Car il faillit leur apporter, six ans en avance, la guerre mondiale, avec les émotions, excitations et occasions de se distinguer qu’une guerre mondiale prodigue aux gens de leur métier."

Dans ce premier chapitre, Jules Romains décrit le réveil de Paris, les ouvriers puis les petits employés qui vont au travail. J'ai adoré, et ça rappelle fortement Zola!! Puis viennent de nombreux chapitres présentant le réveil d'encore plus nombreuses personnes, qui seront, logiquement, les personnages récurrents des vingt-sept romans. Il y a toutes sortes de profils: une famille noble et argentée, un apprenti peintre qui arrondit les fins de mois en pariant aux courses, une jeune femme pâle et effrayée qui veut faire relier un livre, un relieur qui reçoit la visite très mystérieuse d'un homme aux habits tachés de sang, une actrice qui attend son amant, un instituteur très inquiet à cause de la guerre susceptible de mettre l'Europe à feu et à sang, un petit garçon qui court dans les rues en jouant avec son cerceau.

Seuls deux de ces personnages vont connaître une évolution narrative importante dans ce premier roman: d'une part, le relieur, Quinette, décide d'aider le criminel qui est entré dans son atelier; d'autre part, l'apprenti peintre, Wazemmes, rencontre un monsieur riche et bien comme il faut qui lui propose un travail.

Malgré l'absence d'évolution, ce roman témoigne d'une belle ambition en raison du nombre de personnages, et surtout d'une vision assez bluffante. Car on sent très bien que Jules Romains a tous les fils de son intrigue bien en main et qu'il sait où il va. C'est un roman d'exposition, et même un exemple parfait de roman d'exposition: voici la ville de Paris, voilà mes quinze personnages, voilà ce qui les caractérise sur une journée. Leurs aventures, ce sera dans la suite.

J'ai adoré la première moitié du roman, que j'ai pu lire sur une seule journée. J'ai moins aimé la deuxième moitié, mais je pense que c'est essentiellement lié au fait que je l'ai lue dans les conditions habituelles de lecture qui me désolent (le soir, en m'endormant toutes les deux pages). Je suis donc très motivée pour lire la suite!! J'espère lire rapidement le deuxième, Le Crime de Quinette. Jules Romains a publié les deux premiers en même temps, ce qui est probablement significatif, et je suis très curieuse d'en savoir plus. Pour les vingt-cinq suivants, on verra, mais ce début est très prometteur.

Deux dernières infos:

Jules Romains est surtout connu pour avoir écrit Knock ou le triomphe de la médecine, donc, en fait, je l'ai croisé dans mon cursus scolaire!! J'ai en effet lu un extrait de cette pièce en primaire (cette scène-ci: http://classe.bilingue.free.fr/fr/TDM-theatre/Doc/knock2.html).

Cette édition Bouquins contient des résumés roman par roman. C'est absolument merveilleux. Chaque fois que j'en lirai un, je pourrai lire le résumé des précédents pour me rafraîchir la mémoire. 💖💞

mercredi 17 avril 2024

Of Mice and Men (1937)

En pleine Grande Dépression, deux hommes très différents se présentent dans un ranch de Californie pour y travailler les champs. George est petit, rapide et débrouillard; Lennie est grand, baraqué et lent. On comprend rapidement que ce dernier a eu des ennuis dans leur ranch précédent, car il a caressé une fille de trop près. Lennie adore caresser les lapins et les chiens, et il ne voit pas bien la différence avec une fille... Dans leur nouveau ranch, ils rencontrent les différents travailleurs, ainsi que le fils du patron. Une nouvelle vie commence, avec le rêve, répété chaque jour, de mettre suffisamment de côté pour acheter un lopin de terre et devenir leurs propres patrons. De travailler pour eux. Et, pour Lennie, de s'occuper de leurs lapins.

Dans ce monde pauvre, où les employés du ranch travaillent onze heures par jour, le lecteur, en très peu de temps, comprend que tout ça va mal finir.

Tout ça va mal finir pour le chien de Candy, un autre employé du ranch. Le chien de Candy est vieux et à moitié aveugle. Le chien de Candy a du mal à se déplacer. Le chien de Candy pue.

Tout ça va mal finir pour nos deux protagonistes. Vous ne savez pas exactement comment, mais la dynamique est évidente d'emblée:  George passe son temps à protéger Lennie et à rattraper ses conneries, mais Lennie continue à répéter les mêmes erreurs parce qu'il n'a pas du tout conscience de ce qu'il se passe autour de lui et de sa force. Je ne sais pas quel trouble mental on pourrait lui diagnostiquer, mais il n'est clairement pas en pleine possession de toutes ses facultés. Il m'a beaucoup rappelé John Coffey dans La Ligne verte de Stephen King, bien que ce dernier personnage soit plus attachant et encore plus tragique.

Même si on comprend dès le début que tout ça va mal finir, la manière implacable dont les événements s'enchaînent m'a serré la gorge, jusqu'à la fin qui m'a paru effroyable.

Stylistiquement, Of Mice and Men est très simple et efficace, sans grandes fioritures stylistiques, mais avec un style très visuel. Je me suis dit plus d'une fois que ça doit être l'enfer à traduire. Les dialogues ne sont pas faciles à suivre pour un non-anglophone, car ils emploient beaucoup de vocabulaire spécifique, de slang et de déformations vocales transposées à l'écrit.

"I like it here. Tomorrow we're gonna go to work. I seen trashin' machines on the way down. That means we'll be bucking grain bags, bustin' a gut. Tonight I'm gonna lay right here and look up. I like it."

"Curley's like a lot of little guys. He hates big guys. He's alla time picking scraps with big guys."

Je ne vous propose pas de traduction, c'est au-dessus de mes moyens de rendre ça, mais, par exemple, j'attire votre attention sur "alla time" pour "all the time". Ça se comprend, mais ça demande un peu d'ajustement quand ce n'est pas votre langue maternelle.

Cette rencontre avec John Steinbeck, dont j'avais lu uniquement Le Roi Arthur et ses preux chevaliers (qui me semble fort peu représentatif de son œuvre 😁), est décidément puissante, et ce malgré sa brièveté (121 pages dans cette édition Penguin). Un auteur dont je comprends le succès, et le Nobel, et que j'espère retrouver sur mon chemin.

vendredi 12 avril 2024

Contes au fer rouge (1883-1888)

Dans une boîte à livres planquée près du parking d'un centre commercial, stratégiquement placée pour que l'écrasante majorité des utilisateurs dudit centre commercial ne la voie jamais (😅), je suis tombée sur ce recueil de contes d'Auguste de Villiers de l'Isle-Adam, auteur que j'ai étudié au lycée et pour lequel je garde une certaine tendresse. Bien sûr, j'ai sauté dessus.

En fait, ce recueil est un montage moderne et n'a jamais existé en tant que tel du vivant de l'auteur; les textes qu'il réunit ont tous été publiés ailleurs, notamment dans les Contes cruels, que je connaissais déjà. Le titre de "contes au fer rouge" est d'ailleurs un titre que l'auteur avait envisagé pour les Contes cruels.

Force est de constater que la sélection de l'anthologiste, Olivier Michel, rejoint fortement la mienne. 😊

La Torture par l'espérance
Originellement publié dans Nouveaux contes cruels en 1888, ce texte nous plonge dans une geôle de Saragosse, où décrépit un rabbin soumis à la torture depuis une année entière. Le style est stupéfiant de littéraire, l'intrigue est prenante, la fin est abominablement cruelle. J'ai adoré.

Vox populi
Originellement publié dans Contes cruels en 1883, ce texte donne à voir l'extrême volubilité du peuple – ou plutôt de la populace, vu la moralité douteuse dont il fait preuve –, toujours prêt à manifester son adoration du puissant du moment. La seule constante dans tout ça, c'est le cri plaintif d'un aveugle qui mendie. Notons que j'avais justement mis en avant ce texte dans ma chronique de 2013 des Contes cruels!

L'Amour du naturel
Originellement publié dans Nouveaux contes cruels en 1888, ce texte alambiqué m'a beaucoup perdue. On y entend deux jeunes personnes pérorer sur leur amour du naturel (les arbres, la vraie nourriture), la conclusion étant que pour savourer le naturel, il faut surtout avoir de l'argent. La chute m'a bien fait marrer, mais je n'ai pas compris grand-chose à ce que racontaient les deux protagonistes.

L'Intersigne
Dans ce texte originellement publié dans Contes cruels en 1883, le narrateur se remémore une visite qu'il a faite en Bretagne, chez un vieux abbé de ses amis. Apparition, mystère, galopade éperdue dans la nuit: j'ai adoré l'ambiance de roman gothique, parfaitement portée par le style de l'auteur. Je suis donc très étonnée de ne pas en avoir parlé dans ma chronique des Contes cruels de 2013... 😂

Deux augures
Un texte humoristique dans lequel un directeur de journal explique en long, en large et en travers à un aspirant journaliste qu'il ne peut pas le publier parce qu'il (l'aspirant journaliste) a trop de talent. Voilà qui fait relativiser une certaine médiocrité actuelle. Originellement publié dans Contes cruels en 1883, ce texte était présent dans ma chronique de 2013!

L'Affichage céleste
Une dissertation théorique sur une idée brillante, l'exploitation du ciel pour passer des publicités ou des messages politiques. LOL! C'est génial, et quelque chose me dit que l'humanité finira par y venir. 😂😂 Originellement publié dans Contes cruels en 1883, ce texte était présent dans ma chronique de 2013!

L'Inconnue
Un noble de province fraîchement arrivé à Paris, une femme superbe, l'amour au premier regard dans un théâtre... et un handicap qui empêche cette femme de suivre ses sentiments. Autant je trouve que la femme, qui est sourde, tient un discours par trop cohérent avec son interlocuteur, autant je trouve très chouette que Villers de l'Isle-Adam ait mis en scène un personnage sourd. Originellement publié dans Contes cruels en 1883, ce texte était présent dans ma chronique de 2013!

Véra
Une très belle histoire de fantôme et/ou de hantise, un chef d'œuvre du genre, une pépite du vaste sujet "l'amour et la mort": j'ai beau connaître cette nouvelle extrêmement bien car je l'ai étudiée au lycée et que je l'ai relue depuis, elle marche toujours du tonnerre. Elle a été originellement publié dans Contes cruels en 1883 et elle était bien sûr présente dans ma chronique de 2013!

Le Tueur de cygnes
Originellement publié dans Tribulat Bonhomet en 1887, ce  texte met justement en scène Tribulat Bonhomet, un personnage fort peu recommandable, qui se glisse dans un étang la nuit pour faire peur aux cygnes et leur tordre le cou à l'aube. En grande amie des animaux, je l'ai évidemment haï, mais le style est très bon!

Profession de foi
Originellement publiée dans Tribulat Bonhomet en 1887, cette profession de foi du personnage éponyme m'est tombée des mains alors qu'elle ne fait qu'une page. Je n'ai strictement rien pigé.

Et voilà! Ce receuil est sans doute intéressant pour découvrir l'auteur, mais je reste perplexe quant à la présentation: l'introduction explique bien de quels recueils sont tirés les textes, mais ça reste assez discret et il est donc facile de le prendre pour un recueil d'époque. En outre, les contes ne sont pas classés par ordre chronologique, ce que j'aurais trouvé logique... Donc, je vous conseillerais plutôt de lire l'un des vrais recueils parus du vivant de l'auteur! Pour ma part, j'espère tomber sur Nouveaux contes cruels un jour, et j'aimerais bien lire L'Ève future, qui est selon Wikipédia un roman de science-fiction...