jeudi 31 mai 2012

Lourdes (1894)

Après avoir bouclé la saga des Rougon-Macquart, Zola s'est attaqué aux Trois Villes: Lourdes, Rome, Paris. Malgré son succès initial, cette série n'est pas autant passée à la postérité que les aventures de la famille dysfonctionnelle dont nous avons tous lu au moins un tome -- d'ailleurs cette trilogie n'est disponible en poche que chez Folio --, mais mon parcours zolien sera exhaustif ou ne sera pas, et j'ai donc lu Lourdes comme Zola du mois de mai. (À chaque mois son Zola.)

L'histoire: Pierre Froment, un jeune prêtre ayant perdu la foi, accompagne une amie malade en pèlerinage à Lourdes.

Le livre est divisé en cinq parties, une pour chacun des jours que Pierre consacrera au pèlerinage, et commence et se termine dans le train réservé aux grands malades et aux infirmes. Comme toujours, Zola s'est documenté à fond sur son sujet et c'est l'occasion de visiter Lourdes, d'en apprendre plus sur Bernadette et de découvrir comment le grand pèlerinage du mois d'août est géré (accueil des malades, stratégies commerciales de la ville, étude des cas de guérison). Mais c'est surtout une étude du désarroi qui traverse l'esprit d'un prêtre qui ne croit plus en son dieu et qui observe en silence une sorte de mouvement collectif exalté dont il ne peut faire partie. Bernadette lui apparaît comme une hystérique hallucinée et la foi brûlante des cadavres ambulants qui envahissent la ville est la consolation des désespérés, qui ont absolument besoin de croire qu'ils seront guéris tôt ou tard (si la Vierge les laisse repartir sans les sauver cette année, c'est qu'elle les sauvera une autre fois). Le fossé infranchissable entre la foi et la non-foi est aussi abordé.

Lourdes est un Zola assez classique. Je m'attendais à ce que ce livre traite de la foi aveugle et extatique qui fait tomber les foules à genoux, les yeux brillants (une manifestation qui est longuement traitée dans La Conquête de Plassans après que l'abbé Faujas ait pris l'ascendant sur Marthe Mouret [la maman d'Octave, patron du Bonheur des Dames, soit dit en passant]), et j'avais bien deviné.

Par ailleurs, l'action est très limitée, l'essentiel du livre étant composé de descriptions (des maladies, des plaies et des malformations, de la ville, du comportement de la foule, de la vie de Bernadette). Le thème de la fécondité est très présent (ce qui m'a surprise, car Zola avait déjà eu ses enfants au moment de l'écriture de Lourdes et j'aurais donc pensé qu'il serait moins obsédé par la notion de paternité). On aime ou on aime pas. Moi, j'ai évidemment barboté dans mon petit nuage intellectuel et stylistique personnel de pur bonheur pendant tout le livre, qui a (encore!) renforcé l'adoration que je porte à cet auteur. Mention spéciale à la description de la douleur (morale) de Mme Vincent: je n'ai pas fait la maline en lisant les passages la concernant, d'autant plus qu'on se doute de suite qu'elle a peu de chances d'obtenir ce qu'elle demande à la Vierge.

Lourdes a été mis à l'Index par l'Église catholique trois mois après sa publication. J'imagine l'enthousiasme qui a régné au Vatican quand il s'est avéré que la suite des aventures de Pierre Froment s'appelait... Rome. ^^ (Mon Zola du mois de juin, soit également dit en passant.)

Émile Zola, Lourdes.
Éd. Folio classique, 640 pages, 11,50€.

samedi 26 mai 2012

Tamango

"Le capitaine, pour ratifier le traité, frappa dans la main du Noir plus qu'à moitié ivre, et aussitôt les esclaves furent remis aux matelots français, qui se hâtèrent de leur ôter leurs fourches de bois pour leur donner des carcans et des menottes en fer; ce qui montre bien la supériorité de la civilisation européenne."

Prosper Mérimée
Tamango

C'est bien la première fois que Mérimée réussit à me faire rire. :)

lundi 21 mai 2012

Considérations bouquinesques florentines

À chaque fois que je rentre à Florence, je suis étonnée de constater avec quelle facilité on trouve des livres en langue étrangère dans cette ville. N'importe quelle librairie propose au moins un petit rayon en anglais, français, espagnol et allemand. Et les rayons en italien proposent bien plus de livres traduits du français qu'il ne sort de livres italiens en France... De quoi contredire le cliché selon lequel les Italiens ne connaissent pas d'autre langue que la leur et ne sont pas ouverts sur le monde.

Maintenant que The Book Depository livre gratuitement dans le monde entier et que je hante Gibert à la recherche de livres d'occasion dans mes langues de lecture, il n'est plus tellement intéressant pour moi d'acheter mes livres dans les libraires florentines; mais je vais toujours y flâner quelques temps pour voir ce qu'il se trame dans le monde de l'édition italienne.

 Ha! Il est là-bas aussi, lui.

 Ha! Lui aussi... En masse, qui plus est.

La suite de L'Ombre du Vent et du Jeu de l'ange est déjà sortie.

Noter la catégorie dans laquelle est classée cette Fille de papier.

Surprise surprise! Je ne m'y attendais pas du tout à celui-là. C'est cool.

mercredi 9 mai 2012

La Liseuse

Cette toute première lecture effectuée pour le comité de lecture nouveau-né de ma médiathèque adorée a été un vrai succès! La Liseuse de Paul Fournel est un petit voyage rafraîchissant dans le monde très germano-pratin de l'édition. Le narrateur, un éditeur "à l'ancienne", décrit son travail de manière désenchantée et pourtant avec beaucoup d'optimisme. Lorsqu'une jeune stagiaire lui amène la tablette électronique fournie par la maison pour qu'il lise les manuscrits qui lui incombent pendant le week-end sans s'encombrer d'un gros sac bien lourd, il rencontre un nouveau monde: d'une part, l'univers de la liseuse, qu'il explore avec perplexité; et d'autre part, l'univers des stagiaires de la maison d'édition, qui débordent d'idées neuves et à qui il décide de faire confiance.

L'adjectif qui me vient en tête à propos de ce livre est adorable. C'est touchant, c'est émouvant, c'est réconfortant aussi, c'est frais, c'est optimiste, c'est amusant!

Si vous voulez en savoir plus: l'avis de Cachou et celui de Pierre Assouline (remarquez combien il est classe de citer ce dernier monsieur comme si je le connaissais, alors que je n'ai aucunement cet honneur, étant donné que j'ai loupé son passage à la Société française des traducteurs). J'ajouterai le lien vers mon avis sur le blog de ma médiathèque chérie lorsqu'il sera en ligne.

La Liseuse de Paul Fournel, éditions P.O.L., 16€.

Mise à jour du 10 mai: Ma critique sur le blog de la médiathèque.

mardi 8 mai 2012

Top Ten Tuesday (8)

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.


Le thème de cette semaine:
Vos 10 couples préférés dans la littérature

Classement effectué en fonction de l'efficacité de ma mémoire défaillante.

1. Miette et Sylvère dans La Fortune des Rougon de Zola (premier tome des Rougon-Macquart). Deux enfants qui tombent amoureux l'un de l'autre en regardant leurs reflets dans l'eau du puis pris dans le mur séparant leurs deux propriétés.

2. Octave Mouret et Denise Baudu dans Au Bonheur des Dames de Zola.

3. Faramir et Eowyn dans Le Retour du Roi de Tolkien. Le fait que ce couple ait été totalement délaissé au profit d'une absurde prise de tête entre Aragorn et Arwen (au sujet de laquelle Tolkien se retourne certainement dans sa tombe) est un des éléments qui me désolent dans la trilogie de Peter Jackson.

4. Antigone et Hémon dans Antigone de Jean Anouilh. Pour leur amour innocent et complètement lucide et adulte à la fois.

5. Le Comte d'Athol et Véra dans la nouvelle Véra de Villiers de l'Isle-Adam. L'amour plus fort que la mort, toussa...

6. Pétrone et Eunice dans Quo Vadis? de Henryk Sienkiewicz. Le courtisan cynique et l'esclave amoureuse.

7. Armand et Daniel Molloy dans La Reine des Damnés d'Anne Rice. Parce que mon cœur a loupé un battement à chaque fois que j'ai lu ce livre, lorsque Daniel se retrouve soudain dans la voiture d'Armand, qui l'a pourchassé d'un coin de la planète à l'autre.

8. Pandora et Marius dans différents livres d'Anne Rice. Parce que c'est le couple balaise et bagarreur et qu'il évolue sous l'Empire romain, une époque que j'aime beaucoup.

9. Madame de Merteuil et le Vicomte de Valmont dans Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. "Dans le temps où nous nous aimions, car je crois que c'était de l'amour, j'étais heureuse; et vous, Vicomte?..." (Lettre 131).

10. Marius et Armand dans différents livres d'Anne Rice. Je triche un peu en citant deux fois ces personnages... mais je les aime à la folie, comme pratiquement tous les vampires de cette grande écrivain!

lundi 7 mai 2012

La Nuit de l'iguane

Ho! Décidément, John Huston et moi étions faits l'un pour l'autre. Après Les Gens de Dublin (1988) et L'Homme qui voulut être roi (1975), gros coup de coeur pour La Nuit de l'iguane, réalisé en 1964 et tiré d'une pièce de Tennesse Williams. Avec Richard Burton, la splendide Ava Gardner, Deborah Kerr et Sue Lyon. Un film comique et un peu disjoncté, mais subtil et émouvant.


"Oh courage! Could you not as well
Select a second place to dwell
Not only in that golden tree
But in the frightened heart of me!"

mardi 1 mai 2012

Top Ten Tuesday (7)

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.


Le thème de cette semaine:
Les 10 meilleures adaptations cinématographiques ou télévisuelles de livres

Classement effectué en fonction du rangement dans ma DVDthèque.

1/ Le Chat du Rabbin (2011) de Sfar. Tiré de la BD du même nom et du même auteur.


2/ Danse avec les loups (1990) de Kevin Costner, tiré du livre homonyme (1988) de Michael Blake. Mon souvenir du livre reste très nébuleux et je n'ai pas vu le film depuis des lustres (le DVD prend la poussière en attendant que j'aie accès à un grand écran), mais il me semblait juste de le citer.

3/ Diamants sur canapé (1961) de Blake Edwards, tiré de la nouvelle Petit-déjeuner chez Tiffany (1958) de Truman Capote. Parce que Audrey Hepburn et la chanson Moon River.

4/ Le Garçon au pyjama rayé de Mark Herman (2008). Adaptation du livre homonyme de John Boyne (2006).

5/ Germinal de Claude Berry (1993). Adaptation du livre de Zola (1885).


6/ Entretien avec un Vampire de Neil Jordan (1994). Adaptation du livre d'Anne Rice (1976). Parce que tout y est, parce que le réa a parfaitement capturé les tempéraments des différents vampires, et parce que Kirsten Dunst a donné vie à une Claudia inoubliable...


7/ La Ligne verte de Frank Darabon (1999), tiré du livre de Stephen King (1996). Malgré les longueurs. Parce que c'est un film très fidèle à l'original et parce que Michael Clarke Duncan a campé un John Coffey inoubliable et déchirant.


8/ Le Dernier des Mohicans de Michael Mann. Adaptation du livre homonyme de James Fennimore Cooper (1826). En fait je trouve le film beaucoup plus intéressant que le livre.


9/ 20 000 lieues sous les mers de Walt Disney (1954). Adaptation du roman de Jules Verne (1870).


10/ Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Parce que c'est un de mes films préférés en dépit de quelques choix fortement contestables.

11/ [Je me permets de déborder pour une fois.] La série Orgueil et préjugés de la BBC (1995), tiré du livre de Jane Austen (1813). Là aussi, j'ai trouvé l'adaptation plus intéressante que l'original, qui m'ennuie un peu (comme les lecteurs réguliers de ce blog le savent déjà).

12/ [idem.] Les Gens de Dublin de John Huston (1988), tiré de la nouvelle Les Morts de James Joyce (1914). J'en ai déjà parlé ici.

et 13/ [idem.] Les Harry Potter. Parce que la magie des livres est bien présente dans les films, qui réussissent en outre à rendre la richesse de l'intrigue (pas facile de condenser 1000 pages en deux heures!).

Mise à jour après avoir vu le top de Tigger Lilly: N'oublions pas Jurassic Park, L'histoire sans fin, Les fils de l'homme, et, maintenant que j'y pense, La Dernière licorne... Bref, Top impossible à finir...