Le chat de Schrödinger de Philippe Forest est un livre hybride et inclassable oscillant entre l'essai vulgarisateur sur la physique quantique, le traité de philosophie et, dirait-on, l'autofiction (mais en fait non: il s'avère que l'auteur a perdu sa fille et que tous ses livres ne parlent que de cela...).
Notre narrateur distingue un jour une forme, peut-être un chat, au fond de son jardin. Et le voilà parti pour 320 pages de monologue sur ce qu'est la réalité, sur la superposition des états (être quelque chose et son opposé en même temps – théorie que l'expérience du célèbre chat de Schrödinger était censée illustrer tout en la ridiculisant), sur l'absence... Je me suis souvent perdue dans ses pensées purement théoriques, ne sachant pas du tout où l'auteur voulait aller, et j'en ai tiré l'impression que ce livre était assez vain.
Heureusement, il se lit (paradoxalement!) extrêmement bien car son auteur sait vraiment écrire. Et j'en retiendrai quelques passages touchants, voire poignants, sur les chats, l'absence et ce qui aurait pu être, ainsi qu' une série de fins possibles de sa relation avec ce mystérieux chat dont certaines m'ont donné des sueurs froides dans le RER qui me ramenait de Paris dans la nuit noire...
"Je dis que je l'ai aperçu. Mais, en vérité, quand on n'a pas encore fait connaissance avec eux et que la prudence les tient toujours un peu à l'écart des humains, on ne voit jamais les chats. Du moins pas distinctement. Du regard, on attrape seulement le mouvement qu'ils font quand ils fuient: la trace qu'ils semblent laisser dans l'air où ils passent en partant."
"Je n'ouvre jamais aucun carton. Si je le faisais, tout ce qu'ils contiennent se mettrait soudain à exister. Mais sous la forme effondrée d'un amas de déchets, pathétique, où je ne retrouverais rien de ce que j'aimais. Sinon la preuve terriblement tangible que tout cela n'est plus."
(Moi, Alys: tout ce que j'ignore délibérément, tout ce qui est caché-enterré-oublié chez moi, de peur que le fait de regarder toutes ces traces d'époques révolues ne me détruise...!)
"Il vient un moment dans la vie – et sans doute est-il différent pour chacun – où l'on se retrouve à la merci du plus petit des chagrins. N'importe quelle peine se met à valoir pour toutes les autres: celles que l'on a déjà connues comme celles dont on sait qu'elles finiront par venir. [...]
Quand arrive le plus grand malheur, on reste les yeux secs.
Parce que toute l'énergie du désespoir vous vient alors en aide et qu'elle vous rend fort comme vous ne l'avez jamais été. D'ailleurs, en de telles circonstances, il n'y a pas tellement le choix. Sauf à s'effondrer. Et l'on se surprend à penser que l'on est devenu indestructible. Mais, un jour, c'est la plus petite peine qui vous trouve infiniment vulnérable. Comme si le néant avait patiemment attendu que vous ayez baissé la garde pour vous toucher au point le plus faible. Lorsque vous ne vous y attendiez plus."
(Moi, Alys: story of my life.)
Si vous vous y frottez, je vous conseille de lire ce livre par petites doses; je pense que je l'ai trouvé vain, comme je le disais, car je l'ai lu presque d'une traite. Mais j'en retiendrai tout de même une expérience de lecture intéressante, et une fin très émotionnelle qui m'a touchée.
Allez donc voir ailleurs si ce chat y est!
Présentation de l'éditeur (pour lire la quatrième de couverture qui est irrésistible)
Philippe Forest, Le chat de Schrödinger
Éditions Gallimard, 336 pages, 19,90€