dimanche 29 décembre 2019

Conduire sa barque (1998)

Chronique express!


J'ai découvert Ursula K. Le Guin il y a un peu moins d'un an avec Le Langage de la nuit, un recueil de textes sur le rôle de la littérature de l'imaginaire (et beaucoup d'autres choses). Par le hasard des doublons, je me suis retrouvée avec ce manuel d'écriture qu'elle a rédigé en se basant sur son expérience en animation d'ateliers d'écriture. (Moralité: inutile d'offrir du Le Guin à Vert, elle a vraiment TOUT, même cet ouvrage improbable que les libraires doivent aller chercher au fin fond d'un rayon abandonné. 😂)

Chaque chapitre de Conduire sa barque aborde un aspect de l'écriture, de la sonorité aux temps du verbe en passant par les répétitions, et propose un ou plusieurs exercices d'écriture (exemple: écrivez un texte sans adverbes ni adjectifs. Je ne vous raconte pas la ga-lè-re). Il s'agit clairement d'un manuel destiné à des personnes qui ont déjà écrit, réfléchi à leur processus d'écriture et acquis un certain savoir-faire. Je suis une grande débutante en écriture, mais je m'y suis retrouvée car je manie l'écriture pour mon travail depuis dix ans et que certains aspects techniques s'appliquent aussi bien à la fiction qu'à la non fiction. Il m'a ainsi fait extrêmement plaisir de lire le court paragraphe "fausses pistes et illusions d'optique" du chapitre 3 (page 47), qui m'a permis de me sentir moins seule dans mon rejet des phrases telles que "Sortant de la maison, un chêne centenaire les dominait de toute sa hauteur". (Je vous laisse réfléchir à ce qui me gêne dans cette affirmation. 😜) Les exercices d'écriture, en revanche, m'ont paru plus difficiles à exploiter en solitaire, même si j'ai essayé d'en faire deux ou trois.

Bref: un ouvrage très intéressant, mais à réserver à des écrivants ayant déjà un peu d'expérience – ou aux aficionados de Le Guin tels que Vert. 😊

jeudi 26 décembre 2019

Guerrier des lunes (2011)

Chronique express!

Encore une couverture irrésistible de Julien Delval.

Début 2017, j'ai profité de la présence de Michel Robert (l'écrivain, pas le cavalier... ^^) au Salon du Livre de Paris pour lui faire dédicacer Guerrier des lunes, le sixième tome du cycle de L'Agent des ombres. Il y a maintenant pas mal d'années, j'ai beaucoup aimé les cinq premiers tomes malgré des défauts stylistiques assez lourds et j'ai très rapidement parlé du tome 4 et du tome 5 ici. Force est de constater, toutefois, que ce sixième tome sera fort probablement le dernier: si j'ai très envie de lire de la fantasy bourrine, je trouve les faiblesses rédactionnelles de cette série trop importantes et la complexité de l'intrigue, qui part un peu dans tous les sens, trop rhédibitoire.

Bien que je n'aie aucun souvenir de la conclusion de Belle de Mort, j'ai pu reprendre ma lecture sans grandes difficultés. Cellendhyll de Cortavar, notre héros aux cheveux d'argent, tourne en rond dans la citadelle du Chaos, claque la porte au nez du duc Elvanthyell après que celui-ci l'ait traité de façon indigne, accepte l'invitation de l'Empereur de Lumière et part en mission avec Costance de Winter (ouiii Michel Robert adore Alexandre Dumas!). Il y a des bagarres et des combats, ainsi que la dose habituelle d'érotisme assumé, sans oublier les intrigues politiques et un jeu d'alliances toujours instable – voir ainsi le sale coup de l'empereur Priam en fin de tome. Deux nouveaux ennemis entrent en scène, probablement pour l'ensemble du deuxième cycle: une noble du Chaos servie par deux jumeaux incestueux et une créature portée sur la torture. L'univers me plaît beaucoup et Michel Robert est très doué pour nommer les choses, l'exemple que je trouve le plus réussi étant Belle de mort, la lame de Cellendhyll. Mais vu comme je manque de temps, je dois faire des choix, et j'ai envie de lire quelque chose de mieux maîtrisé...

Autres livres de l'auteur déjà chroniqués sur ce blog
Les quatre mousquetaires... et plus si affinités (2008)

samedi 21 décembre 2019

El Club Dumas (1993)

Cinq ou six ans ans après l'avoir acheté, j'ai enfin lu El Club Dumas d'Arturo Perez-Reverte, un écrivain espagnol que j'idôlatre en raison du Capitaine Alatriste, une série de cape et d'épée merveilleuse dont je vous ai déjà parlé ici.


L'histoire est celle de Lucas Corso, un "mercenaire de la bibliophilie" (dixit Punto de lectura, éditeur espagnol), dont la vie est perturbée par deux manuscrits.

Le premier est un chapitre original des Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas, "Le vin d'Anjou", écrit par deux mains différentes (Dumas et Maquet, bien sûr). Il lui a été remis par un ami libraire qui souhaite le faire identifier. Ce dernier l'a acheté auprès d'un autre libraire qu'on a retrouvé pendu à peine une semaine auparavant.

Le deuxième est De Umbrarum Regni Novem Portis, Les Neuf portes du royaume des Ombres, un livre occulte dont l'auteur a été brûlé sur le bûcher. Utilisé de manière adéquate, il permettrait d'invoquer le diable... Ce livre-ci est remis à Corso par un collectionneur millionnaire, qui souhaite le faire comparer aux deux autres exemplaires connus.

Lucas Corso part donc en mission avec les deux manuscrits sous le bras. La première étape est Sintra, au Portugal, afin de consulter le deuxième exemplaire des Neuf portes; la deuxième sera Paris, où il souhaite consulter le troisième exemplaire et faire authentifier le manuscrit de Dumas. Mais avant même de quitter Madrid, il rencontre la veuve du libraire pendu, une femme aussi belle que redoutable rappelant dangereusement Milady de Winter, et est suivi par un homme portant une cicatrice identifique à celle de Rochefort, l'âme damnée du cardinal dans Les trois mousquetaires... La réalité se mélange de plus en plus à la fiction et Lucas Corso semble propulsé dans un livre de Dumas...

J'ai bien retrouvé ici l'auteur d'Alatriste. Arturo Perez-Reverte a une manière très particulière de caractériser ses personnages par des descriptions assez longues, parfois en plein milieu des dialogues. Ainsi, deux répliques d'un même échange peuvent être séparées par une page entière, durant laquelle il décrit très précisément le ton et l'attitude des personnages, ainsi que les sous-entendus et l'implicite énormes de leurs mots. C'est absolument formidable, ça vous pose un personnage avec une efficacité redoutable et ça donne envie d'avancer dans sa lecture pour en savoir plus.

Ici, en outre, l'intrigue tourne autour d'Alexandre Dumas, écrivain que j'adore, de la passion des livres anciens (avec, notamment, le collectionneur pauvre de Sintra qui vend ses livres un par un pour subvenir à ses besoins et choisit toujours de céder celui qu'il aime le plus, dans un sacrifice qui le détruit à petit feu mais qui a quelque chose de sublime) et de l'occultisme/du satanisme, thème riche de potentiel. Interviennent également des personnages secondaires croustillants: Flavio La Ponte, l'ami libraire bon enfant, et Irene Adler (oui!), une mystérieuse jeune femme que Lucas Corso semble retrouver partout où il va.

Le résultat? Un thriller extrêmement réussi, truffé de références, qui assume parfaitement son amour du livre en général et du feuilleton en particulier, un hybride littéraire tenant autant d'Umberto Eco et d'Alexandre Dumas que de Dan Brown. J'ai adoré et j'ai découvert ce qu'est l'Enfer: lire ce livre mais super lentement parce que je le lis en espagnol, une torture insoutenable. 😜😜 Un peu déçue par la fin, toutefois, mais rien de gravissime – disons que l'auteur n'a pas fait le choix que j'aurais fait si j'avais écrit le bouquin à sa place. Je me dois aussi d'ajouter un mot sur la forte sexualisation des rares personnages féminins, dont la sensualité et les attributs physiques sont décrits à maintes reprises.

Et maintenant, reste à revoir La neuvième porte, l'adaptation réalisée par Roman Polanski... Même si, d'après mes vagues souvenirs, le film est très, très différent du roman!

Allez donc voir ailleurs si ce club y est!
L'avis de Grominou

lundi 16 décembre 2019

Piano Lessons Can Be Murder (1993)

Chronique express!


Voilà une trouvaille inattendue: un Chair de poule de R. L. Stine en version originale, trouvé pour 1€ chez Emmaüs. Je n'ai pas hésité une seconde à acheter et relire un de ces romans que j'ai tellement aimés aux alentours de mes dix ans (en CM1 et CM2, si ma mémoire est bonne). Je l'avais lu sous le titre Leçons de piano et pièges mortels (traduit par qui? Impossible de trouver l'info...).

L'histoire: lorsqu'il emménage avec ses parents dans une grande et vieille maison, Jerry découvre un piano abandonné au grenier. Étonnant, certes, mais pas de quoi s'inquiéter. Mais quand l'instrument joue, en pleine nuit, une triste mélodie que Jerry est le seul à entendre, le jeune garçon se pose quelques questions... Et pourquoi son enseignant de piano, Mr Screech, semble-t-il si enthousiasmé par ses mains? Pourquoi une camarade de classe prend-elle la fuite en courant en apprenant qu'il prend des cours auprès de ce drôle de monsieur?

Le verdict: que du plaisir! 😍 Si ce roman relève clairement de la littérature jeunesse, il est plutôt bien ficelé et sympathique. Le mystère s'épaissit de manière progressive et plutôt crédible. L'adulte comprend rapidement que les chapitres se terminent presque tous par une frayeur ou une fausse frayeur pour faire monter le suspense, mais je suppose que cela est mois flagrant pour un enfant qui a moins d'expérience et qui lit plus lentement. Je comprends très bien que j'aie autant adhéré à l'époque et j'ai bien envie d'essayer de reconstituer ma collection... 😍

mercredi 11 décembre 2019

Un été pour mémoire (1985)

Chronique express!


Dans Un été pour mémoire de Philippe Delerm, le narrateur – qui n'est, a priori, pas Delerm en personne – est de retour à Labastide, près de Montauban, suite à la mort de sa grand-mère. Il se remémore ses souvenirs d'enfance et commence un été qui sera le dernier, ses oncles et tantes ayant décidé de vendre la vieille maison familiale...

J'ai vu des chroniqueurs qualifier ce roman de "poème en prose" et je trouve que cela rend bien l'idée de cette rédaction soignée et magique, dans laquelle se reflètent le rythme des pensées et le fil des souvenirs. L'ouvrage est très différent des œuvres de Delerm que j'ai lues jusqu'à maintenant, qui se découpaient en courts chapitres portant sur des sujets indépendants les uns des autres. Ici, le narrateur raconte son été de manière relativement linéaire à partir du trajet en voiture qui le ramène dans les terres de son enfance: le retour dans la maison, les retrouvailles avec la famille à l'occasion de l'enterrement, les longues parties de pêche solitaires au bord de la Garonne, la rencontre d'une petite fille, Marine, et enfin le départ en septembre. Si certaines phrases sont un peu bizarres ou confuses, comme une légère crise de lyrisme, le ton est dans l'ensemble très beau et tout à fait déchirant tellement il capture bien la saveur d'éternité des souvenirs d'enfance – une époque envolée à jamais.
"Brétounel, Camparol, Gandalou, la vie de ce temps-là inventait les couleurs, il ne reste que la chanson, Camparol, Gandalou, grand-mère quelque part dans la douceur des mots d'avant."
Fatalement, tout ceci m'a tiré des larmes. Bref, lisez Philippe Delerm...

vendredi 6 décembre 2019

La gamelle de novembre 2019

Placé sous le signe de l'écriture grâce à ma participation (toute relative, en réalité) au NaNoWriMo, ce mois de novembre a été fort agréable, d'autant plus qu'il a commencé avec Equita Lyon et s'est terminé avec Les Rencontres de l'imaginaire de Sèvres. J'ai même réussi à aller au cinéma trois fois, ce qui est devenu exceptionnel... 😁

Sur petit écran

Rien. Ou plutôt: des bouts d'Ocean's Eleven, d'Ocean's Twelve et du Meilleur pâtissier de France. Mais ce n'est pas moi qui regardais la télé à ces moments-là. 😅

Sur grand écran

Abominable de Jill Culton et Todd Wilderman (2019)


Un dessin animé très sympathique, plein de sentiments positifs et de personnages attachants mais pas naïf pour autant. À noter, la scène de vol dans les nuages, très poétique et jolie.

Sorry We Missed You de Ken Loach (2019) 


Dur portrait des conditions de travail d'un livreur "indépendant", mais aussi de celles de sa femme, aide à domicile, et de la difficile croissance de leurs deux enfants dans une famille aux revenus limités et écrasée de travail. Si le film ne présente pas de "patte" ou de mise en scène particulière, il sonne très juste et évoque quasiment un documentaire. Le jeu des acteurs est très réaliste, on dirait de vrais personnes. Mon copain s'était fait livrer un câble par Amazon à 20h l'avant-veille et j'ai regretté qu'il ne soit pas présent à la séance...

La Reine des neiges 2 de Jennifer Lee et Chris Buck (2019)


Malgré quelques fausses notes (ahah), comme des morceaux de chansons pas très bien calés sur la musique ou une révélation fumeuse sur la mort des parents d'Elsa et Anna, j'ai tellement adoré ce film que je ne sais pas par où commencer. C'est, comme le premier, une histoire d'empowerment, d'acceptation de soi et de passage à l'âge adulte avec les quatre parcours d'Elsa, d'Anna, d'Olaf et, dans une moindre mesure, de Kristoff. Les personnages ont évolué par rapport au premier film et évoluent au fil de leur aventure. Le deuil est présent aussi, avec une scène tout à fait inattendue suivie d'une chanson qui m'a fait pleurer. Le tout est aussi drôle (merci Olaf!), enthousiasmant (merci les rennes qui chantent!) et SUPERBE (le cheval, putain!). À voir au cinéma pour profiter pleinement de ces images magnifiques et avoir envie, vous aussi, de partir into the unnnkkknnnnooooooowwwwwwwnnn. 🎶

Du côté des podcasts

Je continue avec Simple & Cité de Florie Teller, j'ai commencé Les Bulles Nomades de la même podcasteuse, j'ai écouté les émissions de La Compagnie des auteurs sur Émile Zola, Emmanuel Carrère et Annie Ernaux et j'ai même touché à La Méthode scientifique. Quand je pense à toutes ces années de vaisselles et de marches silencieuses, j'ai envie de pleurer.

Et le reste

J'ai lu un épais hors-série de Mad Movies sur les adaptations série et télé des écrits de Stephen King. Passionnant, comme d'habitude. Je vous épargne une photo à cause de la luminosité déplorable dans mon appartement.

Je n'ai pas eu le temps de lire mon Cheval Mag en fin de mois, le numéro de décembre étant arrivé un peu tard.

Et vous, qu'avez-vous découvert de beau en novembre? 😊

dimanche 1 décembre 2019

Flatland (1884)

Dans le roman Flatland. A Romance of Many Dimensions d'Edwin A. Abbott, l'univers est plat. Littéralement. C'est un monde en deux dimensions peuplé de figures géométriques, comme des carrés et des triangles, vivant dans des maisons plates. La société est très hiérarchisée en fonction du nombre d'angles des habitants. Ainsi, les lignes droites, les femmes, sont tout en bas de l'échelle sociale, tandis que les cercles (ou plutôt les polygones présentant tellement d'angles et de côtés qu'ils semblent des cercles) sont tout en haut.


Dans la première partie, le narrateur, un carré, décrit longuement le fonctionnement de Flatland: comment les habitants peuvent espérer voir leurs enfants monter dans l'échelle sociale, comment le nombre d'angles et la longueur des côtés influence le rôle dans la société, comment les figures se reconnaissent et s'organisent. Par exemple, les femmes présentant une extrémité pointue, elles peuvent se révéler dangereuses pour les autres figures, qu'elles pourraient percer. Elles disposent donc d'une entrée séparée dans les habitations et sont tenues de toujours signaler leur présence oralement, pour éviter tout accident. Les triangles avec des angles très aigus sont également dangereux. Plus un triangle a un angle aigü, d'ailleurs, moins sa vie a de valeur...

Dans la deuxième partie, notre carré décrit un rêve étonnant dans lequel il a vu un univers réduit à une simple ligne, puis sa découverte de l'existence d'un univers à trois dimensions grâce à l'irruption dans sa vie d'une sphère. Ce solide est pour lui inconcevable; quand la sphère lui explique qu'elle se compose d'une infinité de cercles superposés les uns aux autres, il est en effet incapable de comprendre la notion de superposition. Dans son univers, il y a un nord et un sud, mais pas d'au-dessus ou d'en-dessous. La sphère devra l'arracher à Flatland pour qu'il comprenne combien son monde est limité.

Ce court roman est tout à fait brillant. Il se lit tout seul et aborde des notions philosophiques et politiques tout à fait sérieuses avec une simplicité et une clairvoyance remarquables. La société très hiérarchisée de Flatland est en effet soigneusement maintenue en place par une combinaison de répression (mise à mort des figures irrégulières, par exemple) et d'espoir (le fait que la descendance des figures gagne, dans certains cas, un côté à chaque génération [le fils d'un pentagone sera un hexagone] cristallise les espoirs des parents, qui ne remettent pas en cause la société).

Mais le plus remarquable reste la présentation très claire de ce que voit ce pauvre carré quand la sphère débarque dans son salon. Comme il n'y a pas de hauteur dans son monde, il NE PEUT PAS avoir la sphère. Il voit seulement l'interception de la sphère et du plan de son monde, soit.... un cercle qui change de taille. Une fois soulevé de son plan d'existence, le carré, converti à l'existence d'une troisième dimension, ira jusqu'à supposer l'existence de mondes en quatre dimensions... Cinq dimensions... Et pourquoi pas six?

Si jamais le lecteur a du mal à visualiser tout ça, Adwin A. Abbott a parsemé son livre de petites figures très agréables et délicieusement rétros qui contribuent à faire de ce roman un agréable voyage dans le temps vers un XIXe siècle, voire un XVIIIe, aussi charmant dans son style que moderne et horrible dans son fonctionnement. Une belle lecture que je recommande.

Allez donc voir ailleurs si ce carré y est!

mardi 26 novembre 2019

His Majesty's Dragon (2006)

Réécrire l'affrontement entre l'Angleterre et la France à l'époque de Napoléon Ier avec des armées de l'Air composées de dragons? Mais quel coup de génie! 😍🐉

Le premier tome de la série Téméraire de Naomi Novik a totalement remporté mon adhésion. C'est tout simplement a-do-ra-ble. Peut-être un peu jeunesse, dans le sens qu'il y a quelque chose de simple et de très accessible, mais ça se lit très bien à l'âge adulte aussi.


En 1804, le capitaine William Laurence de la Marine britannique capture un navire français, au bord duquel il a la surprise de trouver un œuf de dragon. Encore plus surprenant: une fois né, le bébé dragon n'accorde pas la moindre attention au jeune homme qui lui a été destiné par tirage au sort, mais décide de discuter avec Laurence. Pour celui-ci, c'est la catastrophe: s'il devient capitaine de l'armée de l'Air, il mènera une vie isolée et difficile et sera lié à son dragon toute sa vie, sans possibilité de mener une vie sociale et familiale normale. Mais comment dire non à un dragon, d'autant plus quand votre patrie manque justement de dragons?

Une fois arrivés au Royaume-Uni, Laurence et son compagnon, qu'il a baptisé Temeraire (sans les accents dans la VO), commencent leur entraînement en Écosse, dans un camp dédié. Ils doivent apprendre les techniques de combat en groupe avec d'autres dragons, monter un équipage pour Téméraire (chaque dragon transporte plusieurs soldats qui ont des rôles différents) et retenir les nombreux codes à base de drapeaux utilisés pour communiquer entre dragons une fois en vol. En parallèle, Temeraire se révèle très différent de ses congénères, de par sa couleur noire mais aussi par son intelligence très vive. Par exemple, il a appris l'anglais et le français. 😍 Et pendant ce temps, Napoléon, sur le continent, rêve de conquérir l'Europe tout entière et d'envahir le Royaume-Uni...

Au-delà de l'idée amusante de réécrire l'histoire avec des dragons, j'ai trouvé que Naomi Novik a réussi à construire son roman de manière aussi simple que crédible. Tout est amené naturellement, comme si tout allait de soi, à commencer par la première réplique de Téméraire, qui est tellement inattendue qu'elle arrive à vous faire totalement oublier qu'il y a un dragon qui parle et qu'on ne sait pas comment il peut parler une langue humaine à peine sorti de son œuf.

Les personnages sont très réussis: il y a une belle galerie d'humains (dont deux ou trois femmes, l'armée de l'Air acceptant les femmes à une époque où elles n'ont pas leur place dans les autres corps militaires) mais aussi et surtout de dragons. Téméraire est, bien sûr, le plus travaillé, mais j'ai aussi beaucoup aimé le triste petit Levitas et la puissante Lily.

Enfin, l'imbrication avec l'histoire réelle est permanente. L'humanité emploie couramment les dragons, partout dans le monde, et les évènements historiques sont donc réécrits pour tenir compte de leur existence. C'est assez jubilatoire!

Seul problème: His Majesty's Dragon est le premier d'une série de neuf romans. C'est terrible, il va falloir que je les lise tous! 😜

Vous vous demandez pourquoi je parle d'un livre intitulé His Majesty's Dragon alors que la photo montre un livre intitulé Temeraire?
C'est parce que le titre du livre, d'abord paru aux États-Unis, a été modifié dans l'édition anglaise en ma possession et que je trouve ça stupide.

Pourquoi ce livre?
Parce que Vert en a dit du bien à maintes reprises et parce qu'une amie me l'a donné quand elle a fait de la place dans sa bibliothèque. Merci mon amie! 💖

jeudi 21 novembre 2019

Cartographie du merveilleux (2001)

Chronique express!


Cartographie du merveilleux est un guide de lecture sur la fantasy rédigé par André-François Ruaud et publié chez Folio SF. J'ai commencé à le lire il y a plus de deux ans, mais je l'ai malheureusement oublié dans un TGV (avec, comble de malheur, son compagnon Atlas des brumes et des ombres que j'avais ressorti de la bibliothèque et emmené avec moi en week-end 😭). J'ai eu la chance de retomber sur lui dans une bouquinerie lyonnaise (avec une couverture beaucoup moins kitsch 😝).

Comme souvent, ce genre de guide est extrêmement enthousiasmant et donne des idées de lecture à n'en plus finir. Il commence par une introduction assez longue sur l'historique du genre, puis résume cent romans classés par ordre alphabétique d'auteur. De quoi explorer toutes sortes de voyages littéraires, de l'aventure épique du Seigneur des Anneaux à la fantasy animalière de Watership Down en passant par des œuvres méconnues comme Moumine le troll de Tove Jansonn. Autre point fort: l'auteur cite une proportion relativement importante de femmes, généralement très peu représentées dans ce genre. Je n'ai pas compté, mais j'ai constaté avec plaisir qu'il ne se limitait pas à Le Guin et Zimmer Bradley (par contre, point de McCaffrey, ce qui me semble étonnant).

Un seul désaccord entre Ruaud et moi: il recommande L'Éveil de la Lune d'Elisabeth Hand, livre que j'ai trouvé bien médiocre quand je l'ai relu à l'âge adulte. 😉

samedi 16 novembre 2019

La Rabouilleuse (1842)

Après avoir lu Les Chouans l'année dernière, une des lectures les plus pénibles de ma vie, je pensais avec effroi qu'il me restait encore un livre de Balzac dans ma pile à lire: La Rabouilleuse. Heureusement, ce roman, que je n'ai attaqué que parce que je suis déterminée à vider ladite pile de ses plus anciens locataires d'ici la fin de l'année, m'a plutôt plu.


Bon, j'ai dû lire les trois premiers chapitres deux fois, puis les survoler en prenant des notes, pour comprendre qui était qui dans les familles Rouget, Descoings et Bridau. On n'est quand même pas dans la complexité de l'arbre généalogique des Rougon-Macquart, mais ce n'est pas franchement limpide. Ça commençait mal. 😂😂 Mais une fois les personnages posés, je me suis plutôt passionnée pour cette histoire d'héritage, dans laquelle Agathe Bridau, née Rouget, revient à Issoudun pour empêcher son frère Jean-Jaques Rouget de laisser son héritage à une jeune fille que leur père a ramassée dans les champs et qui, après la mort de celui-ci, a réussi à prendre l'ascendant sur le fils (Jean-jaques, le frère d'Agathe, donc). Agathe est accompagnée de son fils, peintre de son état, et a terriblement besoin d'argent car son mari est mort et que son autre fils, un ancien soldat de Napoléon, a dilapidé les ressources de la famille. Mais la jeune fille qui vit avec Jean-Jaques (le frère d'Agathe, je vous le rappelle) ne compte pas renoncer à sa fortune aussi facilement, d'autant plus qu'elle est amoureuse d'un autre ancien soldat de Napoléon, un petit voyou qui fait les cent coups dans les rues d'Issoudun la nuit et qui compte lui aussi sur l'héritage.

Pour résumer: Jean-Jaques Rouget, 57 ans, est riche et amoureux fou d'une femme qui a trente ans de moins que lui. Celle-ci veut être sûre d'hériter à sa mort, tandis que sa sœur (du vieux Rouget, pas de la jeune fille, hein 😆) veut l'en empêcher. Le titre de la troisième partie résume l'enjeu du roman: "À qui la succession?" 😁

Ce livre est plutôt enlevé et amusant. Après le début difficile dont j'ai parlé, je me suis plutôt prise au jeu, espérant évidemment que les horribles profiteurs ne l'emporteraient pas. Le tout est plutôt noir et lucide quant à la nature humaine, mais non dénué d'humour. Le contexte politique est aussi très intéressant, avec une société assez nettement séparée entre tenants de la monarchie et bonapartistes qui espèrent que Napoléon reviendra un jour de Sainte-Hélène. Je suis toujours fascinée par ces sociétés passées beaucoup plus clivées que les livres d'histoire ne le laissent penser.

Mais pourquoi ce livre s'appelle-t-il donc La Rabouilleuse, me demandez-vous? C'est le surnom de Flore Brazier, la petite fille que le vieux père Rouget (le père de Jean-Jaques et d'Agathe) a ramassée dans un champ quand elle avait douze ans. Son travail consistait alors à rabouiller, c'est-à-dire à agiter l'eau des ruisseaux pour déloger les écrevisses et les pousser à se jeter dans un filet de pêche. Un élément assez étrange et perturbant de ce roman est que Balzac ne dit pas clairement si le vieux père Rouget (qui devait avoir 60 ou 70 ans quand il l'a rencontrée) a couché ou non avec cette enfant. Ils ont vécu sous le même toit pendant cinq ans et il y a de gros sous-entendus sur leurs relations, mais rien de définitif. On ne sait pas non plus si, après la mort du vieux père Rouget, Flore couche avec le fils Rouget (Jean-Jaques, le frère d'Agathe, rappellez-vous), mais je penche plutôt pour la négative car il est présenté comme étant totalement soumis à sa moindre volonté et fort peu séduisant.

Bref, encore une famille parfaitement saine et aimante et une intrigue super optimiste, décidément le XIXe était formidable. 😂

Livres de Balzac déjà chroniqués sur ce blog

lundi 11 novembre 2019

Strumpet City (1969)

Strumpet City de James Plunkett m'a été chaudement recommandé par un ami italien que j'ai connu à Dublin et qui est dingue de l'Irlande. J'ai d'ailleurs acheté ce roman à Dublin, en présence du copain en question, des années plus tard. Le livre a ensuite végété pendant quatre ans dans ma pile à lire. Je m'étais mis en tête que le vocabulaire était difficile et qu'il me fallait du temps pour le lire. Quand j'ai enfin franchi le pas, j'ai vite  compris que je tenais entre mes mains un livre d'exception...


Strumpet City présente effectivement un vocabulaire particulier. Il suit les parcours d'une petite dizaine de personnages dans la Dublin des années 1907 à 1914, une période de revendications sociales fortes de la part de la classe ouvrière. La plupart des personnages sont, justement, ouvriers et parlent un anglais populaire doublé d'expressions irlandaises. Je dois dire que je n'ai pas toujours tout compris, mais ce parler est un des grands atouts du livre: il donne vie à des personnages extrêmement réels.

La rédaction est aussi très belle, avec un style simple, vivant et tout en nuances que j'ai beaucoup apprécié et qui parvient à partager les pensées et les ressentis des personnages avec une justesse remarquable. Ce livre est incroyablement HUMAIN et certains passages m'ont bouleversée, notamment la fin de la deuxième partie, où se produit un accident grave.

L'intrigue se déroule presque exclusivement dans les quartiers ouvriers et pauvres de Dublin, non loin du port. Un paysages d'usines et de tenements, des immeubles où chaque famille occupait une chambre (et non un appartement). Au recensement de 1911, une maison de Henrietta Street abritait plus de 800 personnes... 😱 Le travail est précieux et précaire. La misère noire m'a bien sûr évoqué Germinal de Zola, d'autant plus que la lutte pour les droits sociaux tient une part prépondérante. Le syndicaliste James Larkin a mené un mouvement de revendication, notamment en faveur du droit à la représentativité, qui a débouché sur le lock-out de 1913-1914: des centaines d'employeurs ont suspendu leurs activités pour lutter contre le syndicalisme et des milliers d'ouvriers se se sont retrouvés sans revenus.
"The police followed but kept their distance. The procession was big, but orderly. There was no band and there were no speeches. [...] Fitz watched them too. [...] The flaming torches were telling the city that the people of his class would not be starved for ever."
Cette lutte sociale a aussi eu des liens avec le mouvement nationaliste et les revendications en faveur du Home Rule (une indépendance accrue par rapport au Royaume-Uni). Il est d'ailleurs intéressant de noter que le premier syndicat de Larkin était en fait un syndicat anglais, qui avait juste une branche en Irlande.

Un aperçu des personnages...

Rashers Tierney, le plus pauvre des pauvres. Il vit dans un sous-sol sur un lit de paille et de haillons et gagne sa vie en jouant de la flûte dans la rue. Il a un chien. Il est plein de répliques aussi drôles que dramatiques. C'est lui que j'ai le plus aimé et qui m'a le plus marquée.

Mary et Fitz, un jeune couple honnête et aimant, très travailleur. Mary quitte sa bonne position dans une maison aisée de Kingstown (l'actuelle Dun Laoghaire, pour ceux qui connaissent 😉) pour épouser l'homme qu'elle aime, qui participera avec un sens moral irréprochable au mouvement de protestation.

Le père O'Connor, qui essaye de se mettre au service des pauvres mais est tout de même dégoûté par leur pauvreté et très fermement anti-socialiste. Avec ce personnage, James Plunkett critique la position officielle de l'église catholique, qui a condamné le mouvement ouvrier. Mais O'Connor est aussi tragique, à sa manière.

Le père Giffley, un vieil alcoolique bougon, qui est du côté des ouvriers mais ne les aide pas concrètement. Tragique car il porte un certain espoir aux yeux du lecteur. Son entrevue avec Larkin est un terrible constat d'échec.

Yearling, un homme à l'humour mordant, membre du comité d'administration d'une grande entreprise du secteur du charbon. Sentant que le vent a tourné et que la masse ouvrière n'acceptera plus d'être exploitée, il ricane face au comportement de ses collègues et prête un peu d'aide à certains ouvriers. Mais il fuira surtout les difficultés en allant pêcher dans le Connemara.

Strumpet City est un grand roman. Je peux difficilement juger en matière de littérature irlandaise vu que je n'ai lu que quatre livres irlandais, mais c'est un Grand Livre qui devrait être connu en Europe. Il n'a malheureusement jamais été traduit en français. (Il n'a pas non plus été publié en Italie, mais le copain italien qui me l'a conseillé l'a traduit en italien par pur plaisir [c'est un dingue de l'Irlande, vous ai-je dit]. Bien que cette lutte soit vaine, j'essaye de le convaincre de chercher un éditeur. 😊)

Un mot sur le titre: "strumpet" signifie prostituée, donc on pourrait adapter Strumpet City par Putain de ville ou, mieux, Chienne de ville. Dublin n'est pas la jolie capitale du XXIe siècle que l'on connaît maintenant, mais un environnement dur où il faut se battre pour survivre. Même les policiers qui répriment les manifestants par la violence se sentent en danger en passant devant les immeubles délabrés où vit la classe ouvrière. Rashers, notamment, exprime ce rapport difficile à la ville.
"The lock-out was general throughout the city. [...] Gates closed, machinery came to a standstill. The city of Dublin was practically paralysed. It was reckoned that about twenty-four thousand men were involved. In a matter of days the streets filled with the hungry hordes Rashers had feared."
La conclusion du roman m'a paru un peu en-deça du reste de l'œuvre, comme si James Plunkett avait voulu mettre un point final à toutes ses intrigues quitte à aller vite, mais elle reste dure, pleine de désespoir et d'espoir à la fois. Et Rashers, putain, Rashers... 💔

mercredi 6 novembre 2019

Les Centaures (1904)

Publié en 1904, Les Centaures d'André Lichtenberger a été dépoussiéré par les éditions Callidor dans la collection "L'âge d'or de la fantasy"...


Situé dans une préhistoire mythologique, le roman met en scène des centaures (ahah, vous l'aviez deviné au titre, c'est ça? ^^), les rois parmi les animaux-rois, le peuple aux six membres, les plus forts de tous, qui règnent sur tous les autres animaux. Les eaux appartiennent aux tritons et les forêts appartiennent aux faunes, mais Klévorak, le roi des centaures, assure le bien de tous. Sous son règne, tous peuvent vivre en paix et les mangeurs de chair ne sauraient tuer: c'est uniquement lorsqu'un animal meurt de mort naturelle que son corps leur est donné en pâture.
"La voix de Klévorak troue le silence. Aux meurtriers il annonce la mort. Telle est la loi des centaures. Et la clameur de son peuple répète en tonnerre la formule inflexible qui imposa la paix sur la terre:
— Périssent ceux qui ont tué !"
Depuis des lustres, toutefois, les centaures reculent progressivement vers l'occident, fuyant face à l'arrivée du gel et de la pluie. Et, dans tous les endroits qu'ils quittent, ce nouveau climat menaçant s'accompagne de la seule espèce qui n'obéit pas à leur loi: les écorchés, ceux qui portent la fourrure des autres animaux.
"Avec lui nul traité n'est sûr. La parole qu'il jure aujourd'hui, l'Écorché demain la viole. Sa voracité est insatiable. Indistinctement, comme Krouon le sanglier, il se gorge de tous les fruits et de toutes les racines. Mais sa passion est le sang. Bien qu'il soit lâche, l'Écorché tue pour le plaisir de tuer. Il dévore les chairs palpitantes et, rassasié, tue encore."
Kadilka, la blanche et vierge fille de Klévorak, est la seule de son peuple à s'intéresser aux écorchés, ces animaux faibles et nus, certes, mais dotés de doigts agiles capables de créer des objets...

Le roman est découpé en cinq parties. À l'exception de deux combats, le premier contre des animaux tueurs et le deuxième contre un village humain, les trois premières parties ne comptent guère d'action. Mais elles sont néanmoins prenantes. Après quelques pages pour m'habituer au style quelque peu impérial, qui fait parfaitement sens dans un livre peuplé de créatures mythologiques, j'ai été complètement ferrée. Les deux dernières parties viennent clore le roman avec des scènes inoubliables: [divulgâcheur] la traversée de la mer à la nage par les centaures et les faunes, soutenus par les tritons, une lutte contre les éléments époustouflante portée par une volonté de vivre impressionnante, et l'affrontement final contre les écorchés, qui sortiront vainqueurs d'un bain de sang épique et déchirant [fin du divulgâcheur].

Les Centaures est rédigé au présent, un choix rare qui, loin d'être simpliste, lui confère un souffle épique et mythologique particulier. On se croirait vraiment dans un mythe grec ou une épopée nordique. C'est d'ailleurs pour vous donner une idée de ce souffle que j'ai cité les deux passages ci-dessus. Je trouve la chose assez indescriptible...

Sous certains aspects, le roman est daté: il en va ainsi de la description des mœurs amoureuses des centaures, qui sont juste du viol institutionnalisé (avec centauresses lascives qui se refusent à l'accouplement alors qu'elles ne désirent que ça, juste pour chauffer les mâles 😡), et de la prépondérance du groupe sur l'individu. Le but ultime, la seule priorité, est la survie de l'espèce. Toutefois, ce dernier aspect renforce le ton du roman, cette sensation de monde qui bascule et de fin d'une ère. Il y a quelque chose ici qui rappelle l'abandon de la Terre du Milieu aux hommes par les elfes qui en quittent les rivages, mais dans une vision beaucoup moins mélancolique et plus cruelle, impitoyable. L'autre référence qui m'est évidemment venue en tête, c'est La Guerre du feu, à cause des aurochs, des mammouths et des espaces vierges...

Pourquoi ce livre?
Parce les couvertures des livres des éditions Callidor sont trop belles, que la maison n'a publié (sauf erreur de ma part) que deux auteurs francophones, André Lichtenberger et Nathalie Henneberg, et que l'éditeur m'a donné plus envie de lire ce roman-ci quand je l'ai interrogé aux Rencontres de l'imaginaire de Sèvres l'année dernière. Il est toutefois fort probable que j'achète le livre de Nathalie Henneberg cette année. 😀

vendredi 1 novembre 2019

La gamelle d'octobre 2019

Octobre a été un mois bien rempli sous bien des aspects, mais j'ai peu de choses à vous raconter du point de vue culturel...

Sur petit écran

Transformers 2: Revenge of the Fallen de Michael Bay (2009)


Énième visionnage du deuxième opus de ma franchise préférée (parce que mon copain l'a mis sur la télé) (mais pourquoi regarder à la télé, avec des coupures pubs, un film que tu as en DVD? Je me le demande). J'ai ri et j'ai bavé sur les robots. Cette fois, la réplique qui m'a marquée est celle de StarScream qui dit à Megatron: "Not to call you a coward, master... But sometimes... cowards do survive." 😂 Je vous ai parlé de ce film plus longuement ici.

J'ai aussi regardé d'un œil distrait des morceaux des trois Hobbit. Ce n'est pas très stimulant mais ça donne quand même envie de remettre le nez dans Tolkien...

Sur grand écran

Ad Astra de James Gray (2019)


Très beau film spatial... que je n'ai pas très bien suivi. C'est un peu spécial et, malgré des similitudes (notamment dans la thématique du gars qui part de plus en plus loin dans l'inconnu), beaucoup moins "accrocheur" que Lost City of Z. La mise en scène est tout aussi soignée, Brad Pitt est excellent et j'ai apprécié l'aspect contemplateur – mais l'arrivée d'informations au compte-gouttes ne m'a pas convaincue et je n'ai pas du tout compris le désespoir [divulgâcheur] du père, qui refuse de quitter sa station pour ne pas avouer son échec; l'absence de preuves n'étant pas une preuve d'absence, la galaxie pourrait contenir des milliers de planètes peuplées d'êtres vivants intelligents sans qu'on ne puisse les détecter à distance (des planètes peuplées de chevaux parlants, par exemple) [fin du divulgâcheur]. L'aspect voyage initiatique pour se retrouver m'a rappelé Gravity, dans lequel la protagoniste redevient elle-même au sortir de ses épreuves.

Downton Abbey de Michael Engler (2019)


Un deuxième visionnage aussi plaisant et émouvant que le premier.💖💖

Du côté des podcasts

Voilà une bonne nouvelle: l'habitude d'écouter des podcasts en faisant la vaisselle est bien implantée! J'ai avancé Simple & Cité de Florie Teller et écouté une bonne partie de la saison 2 de Procrastination. Une corvée de ménage m'a aussi permis d'écouter le premier épisode de La compagnie des auteurs sur Émile Zola.

Et le reste



J'ai lu Translittérature, la revue de l'Association des traducteurs littéraires de France; le numéro d'automne était un peu moins passionnant que d'habitude mais toujours très qualitatif. J'ai profité d'une visite à l'exposition Tolkien de la BNF pour découvrir le magazine gratuit Chroniques, très qualitatif lui aussi. Et puis j'ai lu mon Cheval Magazine, comme d'habitude.

Au moment où ce billet passera en ligne,
je serai à Lyon à l'occasion d'Equita.
Bonne lecture et bon festival à tous ceux qui sont à Nantes! 💕

dimanche 27 octobre 2019

Memoirs of a Geisha (1997)

Chronique express! 


Sayuri, une vielle dame japonaise vivant aux États-Unis, raconte son parcours de geisha dans la Kyoto des années trente, quarante et cinquante. Née dans une famille pauvre dans un village de pêcheurs, la petite Chiyo est vendue par son père à une maison de geishas, tandis que sa sœur, moins jolie, est "orientée" vers la prostitution. Chiyo tente bien de fuguer, mais elle échoue et voit son destin compromis; sa maîtresse ne souhaite pas investir le coût de la formation d'une geisha en faveur d'une jeune fille susceptible de prendre la fuite et la relègue donc au rôle de servante. C'est l'intérêt d'une geisha très célèbre, Mameha, qui permet à la jeune fille de reprendre sa formation, de "percer" à Gion, le quartier des geishas, sous le nom de Sayuri et de vivre son destin marqué par une figure masculine assez discrète, "le président".

Une immersion très intéressante dans la formation et la vie d'une geisha. Sous certains aspects, le Japon me laisse très perplexe – il en va ainsi du "masque" blanc du visage des geishas, que je trouve fort peu séduisant –  et je pense que ce qui m'a fait accrocher à ce livre (la langue recherchée dans sa simplicité, le souci du détail) relève plutôt de la vision occidentale du Japon que de Japon à proprement parler. Quoi qu'il en soit, j'ai beaucoup apprécié cette lecture; Arthur Golden a su me tenir en haleine alors même qu'il ne s'y passe pas grand-chose et il a le mérite de parler (bien que sans aucune revendication) d'exploitation de la femme, de l'enfance et de la pauvreté. Un petit bémol sur la fin, malheureusement ([divulgâcheur] je n'ai pas trop aimé que Sayuri fasse (excusez-moi) un tel coup de pute à Nobu pourvu d'avoir une chance de finir avec le président, il ne méritait vraiment pas ça [fin du divulgâcheur]), mais je recommande néanmoins. Je ne suis pas sûre de faire l'effort de revoir le film un jour, toutefois; le fait que les rôles des geishas japonaises aient été attribués à des actrices chinoises me laisse très perplexe...

mardi 22 octobre 2019

Marcovaldo ovvero Le stagioni in città (1963)

Chronique express!


Lors d'un week-end à Vérone il y a quelques semaines, un ami m'a offert ce recueil d'Italo Calvino mettant en scène Marcovaldo, un ouvrier pauvre, père de famille nombreuse, qui vit de petites aventures au contact de la nature, discrète mais néanmoins présente en ville. Chaque texte aborde une saison et le cycle se répète cinq fois (sur cinq ans, donc).

Le ton est résolument tragicomique. Dans la postface, on apprend même que Calvino parlait "d'éducation au pessimisme"! 😂 En effet, tout tourne toujours mal pour ce pauvre Marcovaldo. Dans le premier texte, par exemple, son immense joie de pouvoir offrir un bon repas à ses enfants grâce à l'apparition de champignons à côté de son arrêt de bus se solde par une intoxication alimentaire. 😂 Parfois, la chute est plus symbolique et touche justement au tragicomique. Calvino parle de la société italienne au lendemain de la guerre; des textes comme Luna e gnac, sur la pollution lumineuse, ou Marcovaldo al supermarket sont d'une actualité folle, ce dernier présentant la course éperdue de Marcovaldo, sa femme et ses nombreux enfants dans un supermarché: ils ne peuvent rien se payer, mais ils fantasment de remplir leur chariot comme les autres clients... 😭 Je retiendrai aussi un passage poignant sur un lapin de laboratoire et un texte sur des chats très déterminés.

Il faut que je laisse décanter cette lecture pour savoir si j'en retiendrai plutôt l'aspect comique ou tragique, mais il est certain que j'ai adoré et que je recommande chaudement. Après une expérience difficile avec Pourquoi lire les classiques, je me dis maintenant qu'il faut que je lise d'autres romans de Calvino! En France, le recueil existe chez Folio sous le titre Marcovaldo ou Les saison en ville dans la traduction de Martin Rueff.

jeudi 17 octobre 2019

The Legend of Sleepy Hollow and Other Tales (1819-1820)

Nous connaissons tous le film Sleepy Hollow de Tim Burton. J'avais 14 ans quand il est sorti et il a largement façonné mes goûts et mon imaginaire. Enthousiaste, j'ai aussitôt lu la nouvelle de Washington Irving qui l'a inspiré, La Légende du Val dormant, mais j'ai été assez déçue, le texte et le film n'ayant pas grand-chose en commun. Je voulais toutefois la relire en anglais depuis de nombreuses années et je suis enfin passée à l'action, trois ans après avoir acheté cette jolie édition économique de Collins.



Pour la petite histoire, ce recueil devrait plutôt s'appeler The Sketch Book of Geoffrey Crayon, Gent. Je suppose que Collins a voulu capitaliser sur la célébrité de Sleepy Hollow. 😉

Le recueil contient 34 textes, principalement de courtes descriptions de la vie en Angleterre, et forme une sorte de carnet de voyage. Il y a aussi quelques nouvelles. Par manque de temps, d'énergie et (soyons honnêtes) de choses à dire sur certains d'entre eux, je ne vais pas les chroniquer un par un.

Dans la préface, Washington Irving remercie Walter Scott, qui a largement contribué à la publication du recueil en Angleterre. Le XIXe, mes enfants, était vraiment un siècle de géants. 😉

Dans The Voyage, il décrit la traversée de l'Atlantique en bateau et son arrivée en Angleterre. Le ton est donné, la langue est belle et recherchée, mais avec cette limpidité du XIXe que j'adore. J'ai tout de suite adhéré.

Tout au long du recueil, de très nombreux textes recensent ses expériences en Angleterre et décrivent le quotidien des habitants: Rural Life in England, The Country Church, A Sunday in London, The Boar Head's Tavern, Eastcheap (un texte sur Shakespeare auquel je n'ai rien capté), Rural Funerals, Westminster Abbey, London Antiques, Little Britain, Stratford-on-Avon (autre texte sur Shakespeare auquel je n'ai rien capté) et John Bull.

Vers la moitié du recueil, une série de cinq textes (Christmas, The Stage Coach, Christmas Eve, Christmas Day et The Christmas Dinner) décrivent les célébrations de Noël dans un manoir anglais dirigé par un vieux monsieur très à l'ancienne. C'est charmant et amusant. Ce recueil pourrait donc aussi bien se lire à Noël qu'à Halloween, en fait. ^^

Deux textes, Traits of Indian Character et Philip of Pokanonet, abordent avec une modernité étonnante le génocide des Amérindiens, dont Irving prend la défense.

La fiction est également présente. Rip Van Winkle, un des textes les plus célèbres d'Irving, nous ramène aux États-Unis auprès d'un vieux monsieur qui s'endort vingt ans dans la montagne et ne reconnaît plus son pays, devenu indépendant pendant son sommeil. The Spectre Bridegroom parle avec humour d'une légende allemande sur un fiancé décédé le jour même où il devait rencontrer sa future épouse. La célèbre Legend of Sleepy Hollow raconte comment Ichabod Crane, un maître d'école quelque peu tyrannique, essaye de séduire la belle et riche Katrina Von Tassel dans une petite ville isolée de l'État de New York peuplée de colons hollandais. Les noms des personnages et la légende du cavalier sans tête sont à peu près les seuls points communs entre ce texte et le film. 😜

Quelques textes indépendants parsèment aussi le recueil: Roscoe parle d'un auteur de Liverpool, The Wife raconte une histoire conjugale, English Writers on America décrit comment les écrivains anglais comprennent les Américains totalement de travers, The Broken Heart parle des chagrins d'amour irréparables, The Pride of the Village parle de l'enterrement d'une jeune fille. The Widow and her Son, le texte qui m'a le plus marquée, décrit un enterrement auquel n'assiste qu'une vieille et pauvre femme tout en noir; je ne sais plus si j'en ai pleuré mais il m'a brisé le cœur.

Apparemment, ce recueil a constitué l'un des premiers succès de la littérature américaine en-dehors des États-Unis et a contribué à "légitimiser" les auteurs américains, au même titre que l’œuvre de James Fennimore Cooper. Son succès est mérité. J'ai adoré le style élégant et recherché, qui correspond bien à ce que j'aime dans le XIXe. Comme je le disais à propos d'Edgar Allan Poe, il y a quelque chose de très européen ici – mais sans citations latines et sans le côté ampoulé. 😀 La lecture de ce type de texte en version originale reste toutefois assez exigeante, il faut être assez à l'aise avec l'anglais pour se lancer dans ces 400 pages.

Je vous laisse avec un extrait touchant de Rural Funerals:
"The sorrow for the dead is the only sorrow from which we refuse to be divorced. Every other wound we seek to heal - every other affliction to forget; but this wound we consider it a duty to keep open - this affliction we cherish and brood over in solitude. Where is the mother who would willingly forget the infant that perished like a blossom from her arms, though every recollection is a pang? Where is the child that would willingly forget the most tender of parents, though to remember be but to lament? Who, even in the hour of agony, would forget the friend over whom he mourns? [...] No, the love which survives the tomb is one of the noblest attributes of the soul. If it has its woes, it has likewise its delights; and when the overwhelming burst of grief is calmed into the gentle tear of recollection, when the sudden anguish and the convulsive agony over the present ruins of all that we most loved are softened away in pensive meditation on all that it was in the days of its loveliness - who would root out such a sorrow from the heart?"