Publié en 1904, Les Centaures d'André Lichtenberger a été dépoussiéré par les éditions Callidor dans la collection "L'âge d'or de la fantasy"...
Situé dans une préhistoire mythologique, le roman met en scène des centaures (ahah, vous l'aviez deviné au titre, c'est ça? ^^), les rois parmi les animaux-rois, le peuple aux six membres, les plus forts de tous, qui règnent sur tous les autres animaux. Les eaux appartiennent aux tritons et les forêts appartiennent aux faunes, mais Klévorak, le roi des centaures, assure le bien de tous. Sous son règne, tous peuvent vivre en paix et les mangeurs de chair ne sauraient tuer: c'est uniquement lorsqu'un animal meurt de mort naturelle que son corps leur est donné en pâture.
"La voix de Klévorak troue le silence. Aux meurtriers il annonce la mort. Telle est la loi des centaures. Et la clameur de son peuple répète en tonnerre la formule inflexible qui imposa la paix sur la terre:— Périssent ceux qui ont tué !"
Depuis des lustres, toutefois, les centaures reculent progressivement vers l'occident, fuyant face à l'arrivée du gel et de la pluie. Et, dans tous les endroits qu'ils quittent, ce nouveau climat menaçant s'accompagne de la seule espèce qui n'obéit pas à leur loi: les écorchés, ceux qui portent la fourrure des autres animaux.
"Avec lui nul traité n'est sûr. La parole qu'il jure aujourd'hui, l'Écorché demain la viole. Sa voracité est insatiable. Indistinctement, comme Krouon le sanglier, il se gorge de tous les fruits et de toutes les racines. Mais sa passion est le sang. Bien qu'il soit lâche, l'Écorché tue pour le plaisir de tuer. Il dévore les chairs palpitantes et, rassasié, tue encore."
Kadilka, la blanche et vierge fille de Klévorak, est la seule de son peuple à s'intéresser aux écorchés, ces animaux faibles et nus, certes, mais dotés de doigts agiles capables de créer des objets...
Le roman est découpé en cinq parties. À l'exception de deux combats, le premier contre des animaux tueurs et le deuxième contre un village humain, les trois premières parties ne comptent guère d'action. Mais elles sont néanmoins prenantes. Après quelques pages pour m'habituer au style quelque peu impérial, qui fait parfaitement sens dans un livre peuplé de créatures mythologiques, j'ai été complètement ferrée. Les deux dernières parties viennent clore le roman avec des scènes inoubliables: [divulgâcheur] la traversée de la mer à la nage par les centaures et les faunes, soutenus par les tritons, une lutte contre les éléments époustouflante portée par une volonté de vivre impressionnante, et l'affrontement final contre les écorchés, qui sortiront vainqueurs d'un bain de sang épique et déchirant [fin du divulgâcheur].
Les Centaures est rédigé au présent, un choix rare qui, loin d'être simpliste, lui confère un souffle épique et mythologique particulier. On se croirait vraiment dans un mythe grec ou une épopée nordique. C'est d'ailleurs pour vous donner une idée de ce souffle que j'ai cité les deux passages ci-dessus. Je trouve la chose assez indescriptible...
Sous certains aspects, le roman est daté: il en va ainsi de la description des mœurs amoureuses des centaures, qui sont juste du viol institutionnalisé (avec centauresses lascives qui se refusent à l'accouplement alors qu'elles ne désirent que ça, juste pour chauffer les mâles 😡), et de la prépondérance du groupe sur l'individu. Le but ultime, la seule priorité, est la survie de l'espèce. Toutefois, ce dernier aspect renforce le ton du roman, cette sensation de monde qui bascule et de fin d'une ère. Il y a quelque chose ici qui rappelle l'abandon de la Terre du Milieu aux hommes par les elfes qui en quittent les rivages, mais dans une vision beaucoup moins mélancolique et plus cruelle, impitoyable. L'autre référence qui m'est évidemment venue en tête, c'est La Guerre du feu, à cause des aurochs, des mammouths et des espaces vierges...
Pourquoi ce livre?
Parce les couvertures des livres des éditions Callidor sont trop belles, que la maison n'a publié (sauf erreur de ma part) que deux auteurs francophones, André Lichtenberger et Nathalie Henneberg, et que l'éditeur m'a donné plus envie de lire ce roman-ci quand je l'ai interrogé aux Rencontres de l'imaginaire de Sèvres l'année dernière. Il est toutefois fort probable que j'achète le livre de Nathalie Henneberg cette année. 😀
C'est vrai qu'elles sont belles ces éditions ! Faudra que je songe à m'en procurer un un jour. Cela dit celui-ci ne m'intéresse pas plus que ça.
RépondreSupprimer@Tigger Lilly: J'ai oublié de préciser que les illustrations de ce volume sont celles de l'édition de 1924. Callidor a un catalogue tout petit mais très intéressant et je pense que tu y trouveras ton bonheur.
SupprimerPersonnellement je n'avais pas deviné, je pensais qu'il s'agissait d'un essai sur la responsabilité et les préjudices - les cents torts, voyez - quelle surprise. *auto-facepalm de la honte*
RépondreSupprimerToujours fascinant ces anciennes oeuvres. Le style a l'air effectivement particulier, j'ai peur qu'il soit lassant sur le long terme, mais j'imagine qu'on y accroche ou pas. ^^
@Baroona: Tu réussis toujours à sortir quelque chose de comique, c'est trop drôle :D
SupprimerOui tout à fait, je pense qu'on est ici dans un style qui rebute ou qui ferre.
Autant je trouve les centaures fascinants, autant là tout de suite, je me dis que je n'arriverais pas à passer outre certains passages fâcheux.
RépondreSupprimerUn bon point pour la couverture par contre, indéniablement!
Toujours des trucs à découvrir ici (que je sois tentée ou non de les lire d'ailleurs)
@Itenarasa: C'est tout l'avantage des blogs <3 :)
SupprimerIntrigant ! On a rarement des romans qui mettent en scène des centaures, et la référence à Tolkien me fait envie, forcément XD
RépondreSupprimer@Shaya: Contente d'avoir suscité ton intérêt. Je peux te le prêter si tu veux essayer.
SupprimerToi au moins tu as réussi à lire ton achat avant l'édition suivante des rencontres ^^. Je serais curieuse d'avoir ton retour sur le Nathalie Henneberg, il me tentait plus que celui-là ^^
RépondreSupprimer@Vert: Si je tiens le même rythme en 2020, rendez-vous en novembre prochain pour la chronique :D
SupprimerJ'ai le droit de dire que TOUT le catalogue de Callidor me tente, alors que je possède que trois de leurs livres (dont les deux tomes du Serpent Ouroboros) ? :D
RépondreSupprimer@Lorhkan: Ahah c'est terrible :D Le stand de Sèvres était terriblement alléchant...
Supprimer