Strumpet City de James Plunkett m'a été chaudement recommandé par un ami italien que j'ai connu à Dublin et qui est dingue de l'Irlande. J'ai d'ailleurs acheté ce roman à Dublin, en présence du copain en question, des années plus tard. Le livre a ensuite végété pendant quatre ans dans ma pile à lire. Je m'étais mis en tête que le vocabulaire était difficile et qu'il me fallait du temps pour le lire. Quand j'ai enfin franchi le pas, j'ai vite compris que je tenais entre mes mains un livre d'exception...
Strumpet City présente effectivement un vocabulaire particulier. Il suit les parcours d'une petite dizaine de personnages dans la Dublin des années 1907 à 1914, une période de revendications sociales fortes de la part de la classe ouvrière. La plupart des personnages sont, justement, ouvriers et parlent un anglais populaire doublé d'expressions irlandaises. Je dois dire que je n'ai pas toujours tout compris, mais ce parler est un des grands atouts du livre: il donne vie à des personnages extrêmement réels.
La rédaction est aussi très belle, avec un style simple, vivant et tout en nuances que j'ai beaucoup apprécié et qui parvient à partager les pensées et les ressentis des personnages avec une justesse remarquable. Ce livre est incroyablement HUMAIN et certains passages m'ont bouleversée, notamment la fin de la deuxième partie, où se produit un accident grave.
L'intrigue se déroule presque exclusivement dans les quartiers ouvriers et pauvres de Dublin, non loin du port. Un paysages d'usines et de tenements, des immeubles où chaque famille occupait une chambre (et non un appartement). Au recensement de 1911, une maison de Henrietta Street abritait plus de 800 personnes... 😱 Le travail est précieux et précaire. La misère noire m'a bien sûr évoqué Germinal de Zola, d'autant plus que la lutte pour les droits sociaux tient une part prépondérante. Le syndicaliste James Larkin a mené un mouvement de revendication, notamment en faveur du droit à la représentativité, qui a débouché sur le lock-out de 1913-1914: des centaines d'employeurs ont suspendu leurs activités pour lutter contre le syndicalisme et des milliers d'ouvriers se se sont retrouvés sans revenus.
Un aperçu des personnages...
La rédaction est aussi très belle, avec un style simple, vivant et tout en nuances que j'ai beaucoup apprécié et qui parvient à partager les pensées et les ressentis des personnages avec une justesse remarquable. Ce livre est incroyablement HUMAIN et certains passages m'ont bouleversée, notamment la fin de la deuxième partie, où se produit un accident grave.
L'intrigue se déroule presque exclusivement dans les quartiers ouvriers et pauvres de Dublin, non loin du port. Un paysages d'usines et de tenements, des immeubles où chaque famille occupait une chambre (et non un appartement). Au recensement de 1911, une maison de Henrietta Street abritait plus de 800 personnes... 😱 Le travail est précieux et précaire. La misère noire m'a bien sûr évoqué Germinal de Zola, d'autant plus que la lutte pour les droits sociaux tient une part prépondérante. Le syndicaliste James Larkin a mené un mouvement de revendication, notamment en faveur du droit à la représentativité, qui a débouché sur le lock-out de 1913-1914: des centaines d'employeurs ont suspendu leurs activités pour lutter contre le syndicalisme et des milliers d'ouvriers se se sont retrouvés sans revenus.
"The police followed but kept their distance. The procession was big, but orderly. There was no band and there were no speeches. [...] Fitz watched them too. [...] The flaming torches were telling the city that the people of his class would not be starved for ever."Cette lutte sociale a aussi eu des liens avec le mouvement nationaliste et les revendications en faveur du Home Rule (une indépendance accrue par rapport au Royaume-Uni). Il est d'ailleurs intéressant de noter que le premier syndicat de Larkin était en fait un syndicat anglais, qui avait juste une branche en Irlande.
Un aperçu des personnages...
Rashers Tierney, le plus pauvre des pauvres. Il vit dans un sous-sol sur un lit de paille et de haillons et gagne sa vie en jouant de la flûte dans la rue. Il a un chien. Il est plein de répliques aussi drôles que dramatiques. C'est lui que j'ai le plus aimé et qui m'a le plus marquée.
Mary et Fitz, un jeune couple honnête et aimant, très travailleur. Mary quitte sa bonne position dans une maison aisée de Kingstown (l'actuelle Dun Laoghaire, pour ceux qui connaissent 😉) pour épouser l'homme qu'elle aime, qui participera avec un sens moral irréprochable au mouvement de protestation.
Le père O'Connor, qui essaye de se mettre au service des pauvres mais est tout de même dégoûté par leur pauvreté et très fermement anti-socialiste. Avec ce personnage, James Plunkett critique la position officielle de l'église catholique, qui a condamné le mouvement ouvrier. Mais O'Connor est aussi tragique, à sa manière.
Le père Giffley, un vieil alcoolique bougon, qui est du côté des ouvriers mais ne les aide pas concrètement. Tragique car il porte un certain espoir aux yeux du lecteur. Son entrevue avec Larkin est un terrible constat d'échec.
Yearling, un homme à l'humour mordant, membre du comité d'administration d'une grande entreprise du secteur du charbon. Sentant que le vent a tourné et que la masse ouvrière n'acceptera plus d'être exploitée, il ricane face au comportement de ses collègues et prête un peu d'aide à certains ouvriers. Mais il fuira surtout les difficultés en allant pêcher dans le Connemara.
Strumpet City est un grand roman. Je peux difficilement juger en matière de littérature irlandaise vu que je n'ai lu que quatre livres irlandais, mais c'est un Grand Livre qui devrait être connu en Europe. Il n'a malheureusement jamais été traduit en français. (Il n'a pas non plus été publié en Italie, mais le copain italien qui me l'a conseillé l'a traduit en italien par pur plaisir [c'est un dingue de l'Irlande, vous ai-je dit]. Bien que cette lutte soit vaine, j'essaye de le convaincre de chercher un éditeur. 😊)
Un mot sur le titre: "strumpet" signifie prostituée, donc on pourrait adapter Strumpet City par Putain de ville ou, mieux, Chienne de ville. Dublin n'est pas la jolie capitale du XXIe siècle que l'on connaît maintenant, mais un environnement dur où il faut se battre pour survivre. Même les policiers qui répriment les manifestants par la violence se sentent en danger en passant devant les immeubles délabrés où vit la classe ouvrière. Rashers, notamment, exprime ce rapport difficile à la ville.
"The lock-out was general throughout the city. [...] Gates closed, machinery came to a standstill. The city of Dublin was practically paralysed. It was reckoned that about twenty-four thousand men were involved. In a matter of days the streets filled with the hungry hordes Rashers had feared."
La conclusion du roman m'a paru un peu en-deça du reste de l'œuvre, comme si James Plunkett avait voulu mettre un point final à toutes ses intrigues quitte à aller vite, mais elle reste dure, pleine de désespoir et d'espoir à la fois. Et Rashers, putain, Rashers... 💔
OOooh, mais c'est intéressant ça ! C'est dommage pour le niveau de langage, il va falloir que je progresse encore ou attendre une traduction.
RépondreSupprimer@Shaya: Oui, très intéressant, et un pan d'histoire inconnu en dehors de l'Irlande, je crois.
SupprimerDommage que c'est pas traduit dis donc, ça a l'air terriblement bien ce livre.
RépondreSupprimer@Tigger Lilly: Oui, et ça te plairait en plus.
SupprimerMais du coup, quel rapport avec la trompette ? #JeanMichelGémallu
RépondreSupprimerDommage pour la traduction en effet, tu en parles bien, ça donne envie.
@Baroona: J'ai pas compris ton mot-dièse, il faut que tu m'expliques :D
SupprimerNe jamais expliquer une blague, jamais ! Surtout quand ça n'en est pas vraiment une.
SupprimerPeut-être que j'ai mal lu le titre, c'est tout. =P
@Baroona: Merci pour les explications reçues à part :D
SupprimerOh quel regret qu'il ne soit encore traduit!
RépondreSupprimerS'il parvient à être traduit en italien, fais-moi signe, je serai preneuse.
Je suis sûre que ce roman me plaira et j'aime ce que tu en dis.
@Ite: Ahah connaissant le copain en question, il ne l'enverra *jamais* à un éditeur, mais qui sait :D
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