Quo Vadis?, publié en 1896, a permis à l’écrivain polonais Henryk Sienkiewicz d’obtenir le prix Nobel de littérature en 1905 (c’était un des tout premiers lauréats). Mervyn LeRoy, réalisateur par ailleurs de Les Quatre filles du Docteur March (1949), l’a adapté au cinéma en 1951, dans une superproduction avec Robert Taylor (huit nominations aux Oscars, même si on n’en gagne aucun, ce n’est pas rien); je vous en reparlerai si j’arrive à emprunter le DVD quelque part.
L’histoire: Nous sommes en 64, sous le règne de l’empereur Néron. Marcus Vinicius, riche soldat blessé pour une raison que j’ai oubliée (il me semble qu’il est tombé de cheval), est recueilli par une riche famille romaine, qui le soigne pendant plusieurs jours. Ayant aperçu leur fille adoptive, Lygie, la fille d’un roi barbare retenue à Rome comme otage depuis des années, il en tombe éperdument amoureux.
Vous savez, c’est le coup de foudre incontrôlable entre un jeune homme aux muscles bien saillants et une jeune fille vierge au regard pur comme de l’eau claire, dont on devine les formes rondes et souples à travers les voiles de ses vêtements, mais qui reste tout de même profondément virginale, prude et naïve.
Après avoir retrouvé la santé et quitté la famille en question, Marcus parle de sa passion à son oncle, Pétrone, un riche patricien très bien placé à la cour. Afin d’aider son neveu, Pétrone n’a d’autre idée que de suggérer à Néron de convoquer Lygie au palais –comme il en a tout à fait le droit du fait qu’elle est un otage de Rome– pour ensuite l’offrir à Marcus.
Lygie, qui n’a jamais mis les pieds en dehors de la maison de sa famille adoptive, se retrouve ainsi à la cour, le lieu de tous les excès et de tous les crimes. Terrorisée par l’attitude de Marcus, qui lui saute pratiquement dessus en pleine orgie, elle décide d’appeler à l’aide ses camarades chrétiens et de prendre la fuite, afin d’éviter de finir comme concubine chez Marcus.
Ce long résumé du début de l’intrigue a son importance: le court passage de Lygie au palais de Néron, puis la recherche frénétique mise en œuvre par Marcus pour la retrouver à tout prix, auront en effet des conséquences très néfastes pour eux et pour l’ensemble des chrétiens.
Malgré le résumé un peu ironique que je viens d’en faire, je me suis bien amusée à relire ce livre-péplum, que j’avais déjà lu quand j’étais plus jeune. J’aime tout ce qui tourne autour de l’Antiquité et surtout de Rome à l’époque où Rome était le monde (ou du moins le monde qu’il valait la peine de connaître, le reste de l’univers étant alors peuplé de barbares recouverts de peaux de bêtes et chassant les sangliers). J’ai été servie: banquets somptueux, esclaves et fauves en provenance de l’Empire tout entier, Empereur fou à lier et totalement mégalo, décadence et splendeur dans des palais incroyables, parmi les marbres les plus précieux et les parfums les plus rares...
Dans sa deuxième partie, ce livre possède aussi un côté spectaculaire indéniable, lorsque Néron fait mettre le feu à Rome pour avoir un spectacle digne de son art et fait porter le chapeau aux premiers chrétiens, qu’il fait torturer et massacrer par milliers. Je précise d’ailleurs que cet empereur matricide et fratricide a toute ma sympathie et que je lui trouverai un ministère quand je pourrai enfin composer mon Gouvernement Idéal de Super-Méchants (Sauron président, Scar ministre de la Destruction des familles et des environnements naturels, Voldemort ministre de la Magie noire avec Jafar pour vice-ministre, Mégatron ministre des Technologies et des Télécommunications, etc etc).
J’aime tout particulièrement le personnage de Pétrone, le patricien esthète et indolent, qui navigue tant bien que mal dans un contexte politique dangereux et qui finit par tirer sa révérence à Néron avec une verve toute particulière; et je dois avouer une certaine tendresse pour (Saint) Pierre, qui nous est présenté ici comme un vieil homme bon et aimant.
Le titre de l’œuvre vient d’ailleurs de la question posée par Pierre au Christ, qui lui apparaît alors qu’il quitte Rome pour fuir les persécutions: "Quo vadis, domine?" ("Où vas-tu, Seigneur?"). L’apparition lui ayant répondu qu’il va à Rome pour s’y faire crucifier une deuxième fois, Pierre fait demi-tour… Et finira effectivement crucifié, la tête en bas paraît-il.
Attention! Une bonne partie du livre consiste à partager les pensées religieuses des chrétiens. S’il est évident que ces personnages sont croyants (bien qu’ils soient quand même très exaltés et enchaînent les crises mystiques à une vitesse tout à fait déroutante), il est un peu irritant que l’auteur-narrateur soit aussi clairement de leur côté et utilise lui aussi des expressions comme "la lumière de la véritable religion" à propos de leur foi. Si vous n’êtes pas catholique et si les manifestations extatiques d’une foi que vous ne partagez pas vous irritent, passez votre chemin!