mardi 19 septembre 2023

The Secret Garden (1911) 🌱🌷🌹

Quand j'étais enfant, j'ai lu et adoré Le Jardin secret de Frances Hodgson Burnett. C'est donc avec grand bonheur que je l'ai acheté en VO lorsque je suis tombée dessus dans un magasin type Emmaüs d'une ville d'Écosse. Il était vendu une livre, et comme la dame n'avait pas la monnaie à me rendre sur un billet de dix, elle s'est contentée de mes piécettes, qui devaient faire 65 pence cumulés. 🥰

Cette relecture a été à peu près aussi merveilleuse que ma lecture d'enfant. J'ai adoré retrouver Mary Lennox, une gamine affreusement gâtée et égoïste qui s'installe dans la maison de son oncle après la mort de ses parents, et le merveilleux jardin clos depuis dix ans qu'elle découvre dans les immenses terrains du domaine. D'abord renfermée sur elle-même et hautement tyrannique, Mary va s'intéresser à d'autres personnes, comme Martha, la bonne qui s'occupe d'elle, et Dickon, le petit frère de Martha. Grâce à l'aide de ce dernier, elle se met au jardinage et prend un immense plaisir à retourner la terre, planter des graines et observer les oiseaux. Puis, une nuit, elle fait une découverte étonnante: dans l'immense maison de son oncle vit un autre enfant, un petit garçon malade dont on ne lui a rien dit.

Maintenant que je suis adulte, j'ai, bien entendu, vécu ma lecture un peu différemment. Le but pédagogique crève tellement les yeux que ça prête à sourire; l'autrice parle son temps à expliquer combien le grand air, le vent des landes, l'exercice physique et les plaisirs simples comme le lait frais et le jardinage sont bons pour la jeunesse et font de gosses gringalets et odieux d'adorables jeunes personnes en pleine forme. Mais le tout est très bien fait. La manière dont Mary découvre la maison et le domaine, puis perce progressivement les secrets qu'on lui cache, est très bien menée. Il y a un petit côté roman gothique ou sœurs Brontë au début, avec cette maison sombre, pleine de chambres fermées et de mystères, dans laquelle Mary entend des cris étranges tandis que la tempête bat la lande. Puis le printemps arrive, la nature renaît, et on entre au contraire dans un monde très coloré, plein de pousses et de fleurs, qui fait simplement rêver – surtout si on est bien éco-anxieux comme moi et qu'on regrette amèrement de ne pas pouvoir vivre des saisons normales!

La présence des animaux de Dickon fait rêver aussi: un corbeau, un agneau, deux écureuils et un renard le suivent partout. C'est bien peu vraisemblable et un peu culcul, mais qu'est-ce que c'est mignon! Et puis, tout le monde est gentil. Les personnages peuvent être grognons comme Ben Weatherstaff, le jardinier, ou désespérés comme l'oncle de Mary, mais ils ont tous un bon fond qui  n'attend qu'une chose, une bonne raison de ressortir. 😃😃 Et notons un point très moderne: il n'y a aucune différence dans le traitement de Mary par rapport aux deux garçons. Elle jardine exactement comme eux et cette activité est aussi positive pour elle que pour eux. Il n'a aucune référence au fait que c'est une fille pour expliquer quoi que ce soit chez elle. Ils sont juste, tous les trois, des gamins!

Qu'est-ce que ça met du baume au cœur, un bouquin pareil. Je l'ai lu à un moment où je digérais de mauvais nouvelles vétérinaires et ça a été un vrai refuge – même si, oui, c'est super culcul. Je crois que j'adore le culcul. ^^ Comme j'ai déjà lu (et adoré!) Le Petit Lord Fauntleroy de la même autrice, je pense que j'ai tout intérêt à tenter La Petite princesse!

jeudi 14 septembre 2023

I racconti (2015)

Ayant récemment relu et réadoré Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, je me suis penchée sans hésiter sur son autre œuvre, un recueil posthume de quatre textes.

Le premier, intitulé "Ricordi d'infanzia", est un ensemble de souvenirs d'enfance. C'est ce que signifie le titre. C'est très intéressant quand on a connaît Le Guépard car Lampedusa s'est énormément inspiré de sa propre vie dans la noblesse sicilienne pour écrire son roman. On retrouve par exemple les superbes plafonds peints destinés à être détruits par une bombe Alliée durant la Seconde Guerre mondiale, ou la véritable expédition que constitue le trajet jusqu'au palais de la famille à la campagne.

Le deuxième texte est une nouvelle, "La gioia e la legge" (La joie et la loi). C'est une jolie, mais triste, histoire sur un petit employé qui rentre du travail avec un superbe panettone de sept kilos (!!!). Les collègues ont voté pour que ce cadeau de l'entreprise lui soit attribué en l'honneur de son bon travail. Il se doute bien qu'ils se sont mis d'accord sur lui parce qu'il est le plus pauvre, et non le meilleur, mais il est quand même super content de rentrer chez lui avec ce superbe gâteau et de faire la joie de ses enfants. Hélas, d'autres lois s'imposent en matière de relations sociales, et le panettone géant finira chez quelqu'un d'autre. Une fin triste à mes yeux, même si le texte reste léger dans son ton. J'ai trouvé ça super.

"La sirena" est le plat de résistance du recueil. Cette nouvelle met en scène un Sicilien parti vivre dans le Nord de l'Italie, qui tombe par hasard sur un compatriote et découvre que celui-ci est un célèbre spécialiste du grec (et ancien sénateur au passage). D'abord hautain et cassant, l'homme va finir par sympathiser avec lui et lui raconter une rencontre éblouissante: dans sa jeunesse,  un été où il s'était isolé dans une bicoque loin de tout en Sicile, au bord de la mer, il a été l'amant d'une sirène. Ce texte est bien maîtrisé et réussi, et j'imagine que c'est celui que Lampedusa a le plus travaillé, même s'il m'a moins touchée.

"Tre gattini ciechi" (Trois chatons aveugles) constitue quant à lui le premier chapitre du roman que Lampedusa n'a jamais écrit, vu qu'il est mort (en 1957). On y rencontre un propriétaire terrien sicilien aux dents très longues, occupé à compléter les conquêtes faites par son père avant lui dans l'idée de constituer un petit royaume à leur nom. Un début prometteur pour un roman qui n'a jamais vu le jour.

Bien que ce recueil ne soit pas du tout à la hauteur du Guépard, j'ai été très contente de le lire, car il donne un aperçu très complémentaire à ce roman-là et un éclairage intéressant sur la vie de l'auteur. Pour info, le recueil existe en français aux éditions du Seuil, sous le titre Le Professeur et la sirène et dans une traduction de Jean-Paul Manganaro et Nathalie Bauer (et avec une couverture ma-gni-fi-que!).

samedi 9 septembre 2023

Quelques lectures numériques

Chroniques express!

En fin de vacances, j'ai profité de mes derniers jours de liberté et de la liseuse qu'avait empruntée mon homme pour me pencher enfin sur un fichier ePub qui traînait sur mon bureau depuis trop longtemps, ainsi que pour relire deux fichiers dont j'avais oublié l'existence.

La providence du reclus de Timothée Rey (2012)

Ce recueil de trois nouvelles propulse l'horreur lovecraftienne au cœur de la Savoie, ce qui est tout à fait inattendu. C'est bien fait et efficace et j'ai été contente de le relire. Voir aussi mon avis de l'époque et mes autres lectures de l'auteur: Gros Œuf et Petit Œuf et Les Griffes du Grogneur, ainsi que Les Souffles ne laissent pas de traces. Il faudrait que je relise du Timothée Rey un jour (et pas en relecture, mais en découverte).

Rentrer par tes propres moyens de Rich Larson, traduit de l'anglais par Pierre-Paul Durastanti (2013)

Un joli texte sur les liens familiaux et la disparition des êtres chers. Je pense que je l'ai plus apprécié cette fois-ci; je crois me souvenir que j'avais trouvé ça culcul la première fois.

Je vous ai donné toute herbe de Christian Léourier (2021)

C'est ce texte qui traînait sur mon bureau depuis trop longtemps, à savoir un an et demi. Bien que la réflexion soit pertinente et la chute rigolote, Je l'ai trouvé assez anecdotique, mais il paraît que ce n'est pas ce que l'auteur a fait de mieux, alors il n'est pas impossible que je lise autre chose de lui un jour. 😊

lundi 4 septembre 2023

La gamelle de juillet et d'août 2023

Une fois n'est pas coutume, voilà une gamelle bimestrielle pour récapituler les activités culturelles des mois de juillet et d'août! Avant-goût: au cinéma, il y a eu beaucoup de voitures et de femmes, voire les deux réunies.

Sur petit écran

Le Livre de la jungle de Wolfgang Reitherman (1967)

Une belle découverte pour moi qui ai certes vu ce dessin animé quand j'étais enfant, mais probablement une seule fois. J'ai apprécié beaucoup de choses, car j'aime les dessins, les bruitages, l'humour et la simplicité de cette époque. Les animaux sont drôles et mignons, comme des peluches, et Kaa est super drôle. Shere Khan fait un bon méchant, bien qu'on le voie que peu. En revanche, les passages avec les singes et les vautours ne m'ont pas plu et m'ont un peu sortie du film. Quant au traitement de la gent féminine, c'est la catastrophe...

Rebelle de Mark Andrews et Brenda Chapman (2012)

J'ai été agréablement surprise en revoyant ce film que j'avais trouvé assez mou au cinéma. Certes, ce n'est pas marquant, mais c'est très amusant et le personnage de Mérida, la princesse qui ne veut pas se marier, a un beau parcours. Je suis étonnée que le film n'ait pas été interdit dans certains pays ultramisogynes, HAHAHAHA!

Sur grand écran

Spider-Man. Across the Spider-Verse de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson (2023)

Un film d'animation hyper-réussi malgré quelques longueurs. Mon avis lors de mon premier visionnage, le mois précédent.

Harry Potter à l'école des sorciers de Chris Columbus (2001)

Revoir ce film au cinéma a été un immense bonheur. La magie opère encore à la perfection, tout simplement, et le film excelle à présenter un nouvel univers dense et riche. C'est merveilleux.

Mission Impossible 7 - Dead Reckoning partie 1 de Christophe McQuarrie (2023) 🚗

Un film d'action efficace avec un Tom Cruise au sommet de sa forme, malgré les années qui passent, et une féminisation partielle mais bienvenue. C'est toutefois un peu long; on aurait notamment pu s'épargner la scène du train qui dégringole à la fin, qui est de trop. J'irai voir la deuxième partie l'année prochaine. (Ou quand elle sortira, vu que le tournage a été suspendu en raison de la grève des scénaristes...)

Gran Torino de Clint Eastwood (2008) 🚗

J'ai revu avec un immense plaisir ce film que j'avais adoré lors de sa sortie. C'est une belle histoire de "l'aller vers l'autre", en dépassant les différences d'âge et d'origine. Mais surtout, Clint Eastwood est super drôle et croustillant en vieux con grognon qui s'exprime par monosyllabes; il aurait pu jouer Geralt ou John Wick sans problème.

Gran Turismo de Neill Blomkamp (2023) 🚗

Gran Torino et Gran Turismo ont des noms des similaires et parlent de bagnoles, et le hasard des séances a fait que je les ai vus à la suite dans la même salle, mais l'ambiance n'était pas la même... et la qualité non plus. Évidemment, je ne suis allée voir Gran Turismo ni pour les bagnoles ni pour l'adaptation du jeu vidéo, mais pour Orlando Bloom. Et par malheur, Orlando Bloom n'est pas très beau dans ce film, et il joue d'une manière insupportable – comme la plupart des autres acteurs, en fait: tout le monde gesticule et grimace pour montrer qu'il est un vrai mec. Et comme je ne m'intéresse pas le moins du monde à la course automobile et que la mise en scène est ultrapoussive, ça m'a semblé bien long, deux heures et quart. Et c'est la première fois que je vois un film susceptible d'égaler, voire de dépasser, Transformers 3 niveau placemens de produits; c'est incessant et éhonté. Notons quand même que le film a quelques bonnes idées pour montrer comment le protagoniste visualise la voiture (qui n'existe pas) quand il joue, puis visualise son tracé quand il se retrouve au volant d'un vrai véhicule. De même, des effets issus du jeu montrent régulièrement le classement de sa voiture dans la course (ouf! Sinon, je n'avais aucune idée de qui était qui!). Et l'histoire dont le film est tiré est assez dingue.

Ninja Turtles: Teenage Years de Jeff Rowe et Kyler Spears (2023)

Fidèle à une passion d'enfance, j'ai foncé au cinéma pour retrouver nos chères tortues. Hélas, le film n'est pas terrible en soi, les plans sont souvent très chargés et il est donc difficile de tout voir, l'affrontement final a lieu de nuit et est donc encore moins lisible, et je me suis sentie bien trop vieille pour un film qui cite Gru comme méchant et dont je suis obligée de lire les sous-titres parce que je ne comprends rien aux blagues à l'oral. En plus, les tortues ressemblent parfois à des crapauds. Mais bon, je suis contente de voir les personnages poursuivre leur chemin avec de nouvelles générations de spectateurs. Et un jour, je lirai les comics avec lesquels tout a commencé.

Oppenheimer de Christopher Nolan (2023)

Une bonne surpise pour un film que je ne voulais pas voir, car la bande-annonce m'avait laissée indifférente et qu'il est bien long. C'est effectivement un très bon film dans l'absolu, avec la mise en scène soignée à laquelle Nolan nous a habitués, quelques questions éthiques qui font froid dans le dos et un casting hors de l'ordinaire.

Persepolis de Marjane Satrapi (2007) 👩‍🦰

Adaptation filmique des bandes dessinées de la réalisatrice, Persepolis raconte l'enfance et la jeunesse de ladite réalisatrice en Iran pendant les années 1970 à 1990, avec une parenthèse de quelques années en Autriche. La révolution islamique de 1979 y joue évidemment un grand rôle. Je ne peux pas dire que j'aie aimé ce film, mais c'était très bien pour moi de le voir, car ça m'a un peu cultivée sur l'Iran. Le moins qu'on puisse dire est que je me suis réjouie de ne pas être née dans ce pays. De cette réalisatrice, j'avais déjà vu The Voices et Radioactive.

Barbie de Greta Gerwig (2023) 👩‍🦰 🐴

Une belle surprise très créative, méta et amusante, ET AVEC DES CHEVAUX! Et c'est cool de voir un film au discours aussi antipatriarcal cartonner. Il n'y aucune finesse nulle part, mais comme ils ont assumé et poussé le côté Barbie jusqu'au bout, ça passe très bien. J'ai adoré. De cette réalisatrice, j'avais déjà vu, mais avec moins d'enthousiasme, Les Filles du Docteur March.

Thelma & Louise de Ridley Scott (1991) 👩‍🦰🚗👩‍🦰

Un putain de chef d'œuvre, une belle histoire d'émancipation, une révélation et un réservoir à scènes mythiques. J'ai adoré et je suis sortie de ma séance gonflée à bloc. (Est-ce que j'aurais pris Brad Pitt en stop? Est-ce que qui que ce soit peut ne pas prendre Brad Pitt en stop?)

Du côté des séries

Once More With Feeling de Joss Whedon – Buffy contre les vampires – saison 6, épisode 7 (2001)

L'épisode comédie musicale de Buffy contre les vampires. Un grand moment, de super chansons, le plaisir et l'émotion de retouver des personnages que je considère comme des amis dans un épisode déterminant, où les relations entre eux évoluent profondément. Magique.

The Witcher – saison 3 (2023)

Geralt ❤ Jaskier ❤

Comme toujours, j'oscille dans cette série entre l'enthousiasme le plus hystérique et la consternation la plus totale. Les lieux et les distances semblent totalement farfelus, les personnages se comportent parfois de manière incompréhensible, les scénaristes eux-mêmes ne semblent pas connaître la vérité sur Siri et l'épisode 7 est une vraie purge. Mais dans l'ensemble, je les adore et j'ai hâte de les retrouver – même si ce ne sera plus pareil sans Henri Cavill. 💔

Et le reste

J'ai lu deux vieux numéros de Livres Hebdo, ainsi que mes deux Cheval Magazine habituels et, pour la première fois, le hors-série du moment – je n'ai pas eu le choix lors de mon réabonnement, l'abonnement de deux ans n'existait qu'avec les hors-séries inclus.

Et voilà! Avec la rentrée et la reprise des activités, je doute d'aller autant au cinéma, mais faire sept séances en trois semaines m'a fait grand, grand plaisir!

mercredi 30 août 2023

L'arte della gioia (1998)

Il y a quelques années, un ancien collègue que je n'avais pas vu depuis des lustres m'a recommandé L'Art de la joie de Goliarda Sapienza, un livre italien dont je n'avais jamais entendu parler. Dans l'immédiat, je n'ai pas suivi son conseil, car j'ai vu qu'il y avait une histoire d'inceste et que j'essaye d'éviter les histoires d'abus sexuels. Mais il y a peu, l'émission Bookmakers d'Arte a reçu Frédéric Martin, éditeur qui a largement contribué à la sorte de la traduction française, réalisée par Nathalie Castagné. Il a dit énormément de bien du roman, et il a fait le lien avec Le Guépard de Lampedusa, ce qui m'a donné envie de sauter le pas...

Bon, eh bien, je ne remercie pas beaucoup Frédéric Martin. Enfin, c'est bien que j'aie lu ce roman, car j'y ai trouvé du bon et que c'est bon pour ma culture. Mais ça n'a pas été une partie de plaisir.

Déjà, l'édition italienne, chez Einaudi, fait la bagatelle de 540 pages au grand format, et ce dans une police correcte, mais pas franchement gigantesque. Il faut donc prendre du temps pour ce livre. Heureusement, je l'avais emporté en vacances, et j'ai pu lire les trois premières parties dans d'excellentes conditions, de l'ordre de cent pages par jour, quatre jours d'affilée. La quatrième partie, en revanche, a été étalée sur quatre ou cinq jours, ce qui a contribué à mon désintéressement final.

Ensuite, le début est très dur et sexuel d'une manière qui ne m'a pas plu, même hors viol. Attention: je vais vous résumer les trois premiers chapitres pour que vous compreniez le choc. Si vous êtes comme moi, il est peu probable que ça vous plaise.

Chapitre 1: Modesta naît le 1er janvier 1900 dans une famille sicilienne pauvre. Sa sœur ainée a visiblement un problème mental; quand leur mère s'absente, il faut l'enfermer dans les toilettes, où elle hurle en continu jusqu'au retour de maman. (À ce stade, je blêmissais déjà, et ce n'était que la première page.) Lorsqu'elle a quatre ou cinq ans, Modesta découvre, tandis qu'elle écoute les hurlements de sa sœur enfermée, qu'elle peut se donner du plaisir en se touchant "là où sort le pipi". (Alors là, moi...)

Chapitre 2: À neuf ans, Modesta se fait faire un cunnilingus par un garçon plus âgé qu'elle avec qui elle est amie. C'est tout à fait volontaire, pas du tout un viol. (Mais moi, là...)

Chapitres 3 et 4: Le père de Modesta, qui a disparu depuis qui sait quand, vient rendre visite à son ex. Découvrant qu'il a une jolie fille de neuf ans, il enferme la mère et la sœur ainée aux toilettes, puis déshabille Modesta et fait des commentaires sur son corps, et notamment ses seins, dont les tétons sont de la même couleur que ceux de sa sœur (à lui) au même âge. (Moi: un vaste horizon d'horreur s'ouvre à moi. Le gars espionnait-il sa sœur quand elle avait neuf ans, pour connaître la couleur de ses tétons? L'a-t-il violée?) Puis il viole Modesta, évidemment. Dans le chaos, la maison brûle; la mère et la sœur ainée meurent dans l'incendie, le père disparaît dans la nature et Modesta est recueillie dans un couvent.

Bon, là, mon cerveau était une loque et je me suis sérieusement demandée si j'allais continuer. En plus, la rédaction n'est pas facile à suivre: Modesta, qui est narratrice, parle d'elle-même à la première personne, mais aussi à la troisième, ce que je trouve très déstabilisant; elle est désincarnée/lyrique/rêveuse dans certaines descriptions, et il faut un peu comprendre de quoi elle parle, chose que j'ai beaucoup de mal à faire. Au final, la présence ponctuelle du sicilien, que je redoutais, était le moindre de mes problèmes.

Mais comme je suis très complétiste, j'ai poursuivi ma lecture. Modesta s'est révélée une manipulatrice et une meurtrière, ce qui a contribué à ma mauvaise opinion d'elle. Malgré tout l'amour qu'elle affirme éprouver pour les autres, elle ne pense pas beaucoup à eux tandis qu'elle grimpe les échelons au sein d'une famille noble et riche; elle n'hésite pas à coucher avec le père de sa première amante, puis avec le fils de celui-ci le lendemain de son enterrement (!!), mais aussi à marier ladite première amante à son deuxième amant. Elle laisse tranquillement se marier des gens dont elle sait (et surtout dont elle est la seule à savoir) qu'ils ont des liens de parenté. Le roman se remplit vite d'innombrables enfants issus des croisements les plus improbables, que j'ai renoncé à retenir. 

Alors, 540 pages de torture, vous demandez-vous? Eh bien, aussi étonnant que ça puisse paraître, non. Car j'ai aussi été happée par l'histoire et ce ton particulier, qui vient tout droit de l'intime et mélange ressentis et faits. Certains personnages secondaires sont formidables (la grand-mère tyrannique, le premier amant, la compagne de cellule) et j'ai vraiment aimé les rencontrer. L'histoire de la Sicile et de l'Italie qui se devine en filigrane est très bien décrite; on voit, dans des petites choses à peine perceptibles, toute la montée du fascisme, puis ces années dures, jusqu'à la guerre qui fait rage sur le continent. Et bien que Modesta soit un exemplaire fort peu recommandable de l'humanité à mes yeux, elle a quelque chose d'irrésistible dans sa force de caractère incroyable. Partie de rien, elle parvient à se faire une situation enviable financièrement (pour cela, il lui faut épouser un héritier riche et trisomique qui n'a aucune idée de ce qui lui arrive, mais elle n'est pas à ça près...) et elle s'ouvre aux idées communistes et anarchistes par la lecture jusqu'à devenir une figure respectée du communisme sicilien – ce qui lui vaudra d'ailleurs de finir dans une prison fasciste pendant la guerre. Et surtout, elle mène sa vie comme elle l'entend, notamment en couchant avec qui elle veut, hommes comme femmes. Moi, les coucheries à répétition ne m'intéressent pas beaucoup, et je me suis dit plus d'une fois que ce roman aurait plutôt dû s'appeler "L'art de l'orgasme", mais c'est indéniablement une figure forte et hors de l'ordinaire au sein d'une société encore bien corsetée (et elle s'efforce de transmettre cette force aux filles de la famille, de ne pas les élever différemment des garçons, ce que je trouve bien, et particulièrement éclairé de la part de Goliarda Sapienza qui a écrit ce roman de 1967 à 1976).

Outre que sur son parcours éditorial (manuscrit refusé en Italie, publication posthume, redécouverte à l'étranger), je pense que le succès du roman repose en grande partie sur ce combo "figure féminine plus grande que nature et fresque historique".

Et le lien avec Le Guépard, alors? Hmm, il n'est pas très net, selon moi, à part qu'il s'agit d'une fresque familiale sicilienne (ce qui est déjà beaucoup, me direz-vous). Le Guépard raconte plutôt, avec désenchantement mais aussi une certaine neutralité politique, l'échec d'un changement de régime et le déclin d'une société, et il se concentre sur la tristesse du temps qui passe; L'Art de la joie est résolument antifasciste, même si les communistes en prennent pour leur grade aussi, et se concentre sur la force de vivre d'un personnage que rien ne peut arrêter. Deux visions du monde qui s'opposent, en quelque sorte.

vendredi 25 août 2023

The Amateur Emigrant (1895)

En 1879, environ un an après sa randonnée dans les Cévennes en compagnie de l'ânesse Modestine, dont je vous ai déjà parlé, Robert Louis Stevenson a entrepris de rejoindre la femme qu'il aimait en Californie, où elle s'occupait de divorcer de son premier mari. Pour cela, il a traversé l'Atlantique en bateau, puis les États-Unis en train. Ce sont ces deux récits que Penguin réunit sous le titre The Amateur Emigrant dans cette édition. Apparemment, il existe une troisième partie sur le séjour en Californie, mais je ne sais plus pourquoi elle n'est pas présente ici. Quoi qu'il en soit, le récit complet n'est sorti que bien plus tard, en 1895, après la mort de l'auteur (survenue aux Samoa, soit bien loin de son Écosse natale).

From The Clyde to Sandy Hook

Cette première partie raconte le trajet en paquebot de Glasgow, ville où coule la Clyde, jusqu'à New York. Je ne sais plus pourquoi le titre mentionne Sandy Hook, qui se trouve au New Jersey, en face de New York, car je crois que Stevenson a bel et bien débarqué dans le port de New York. Quoi qu'il en soit, il a voyagé en deuxième classe (la "second cabin"), mais il a passé la plupart de son temps avec les passagers de l'entrepont (le "steerage"), ce qui donne lieu à de multiples descriptions de personnages (d'où ils viennent, qu'est-ce qu'ils attendent des États-Unis) et de situations (comment s'organise leur quotidien, présence de la musique et des jeux, répartitions  des nationalités dans les dortoirs, comment se cachent les clandestins). C'est l'émigration des pauvres qui cherchent une vie meilleure, et ça résonne fort avec cette même thématique dans le monde moderne. Il est évident que Stevenson est du côté des pauvres ères et non des riches et lointains passagers de première classe. Tout ceci rappelle évidemment très fortement Titanic, sauf que le Devonia n'a pas rencontré d'iceberg. 😆

Across the Plains

Après une journée pluvieuse (et bien merdique, si je me souviens bien) à New York, Stevenson a pris place dans un train d'émigrants afin de rejoindre San Francisco. Il était possible depuis peu de traverser l'ensemble du pays, d'une côte à l'autre, en train, car les voies ferrées de l'est et de l'ouest s'étaient rejointes, et des trains étaient affrétés spécialement pour les émigrants.

Commence alors un long trajet d'au moins une semaine, si je me souviens bien, dans des paysages très diversifiés. Les passagers sont répartis par genre ou par nationalité: les hommes dans des wagons dédiés, les femmes et les enfants dans d'autres, et... les Chinois à part. Les services à bord sont très limités et il n'y a pas de lits (il faut déplacer les banquettes pour s'allonger au sol, si j'ai bien compris). Cette partie est encore plus politique que la première, car Stevenson parle ouvertement de discrimination et de racisme. Par exemple, les arrêts permettent aux passagers de sortir manger en gare ou d'acheter de la nourriture aux locaux, mais le train n'annonce pas à l'avance qu'il redémarre! Tant pis si les émigrants restent en route! Ils doivent donc toujours garder un œil dessus et courir s'ils voient que ça y est, il démarre... Et un chapitre entier est consacré aux mépris des Blancs envers les Chinois et les Amérindiens, dont Stevenson prend la défense.

Un passage m'a marquée: tandis que leur train progresse vers l'ouest, l'horizon de l'espoir, il transporte aussi bien des émigrants venus de l'est – à savoir de l'Europe ou de la côte est des États-Unis – que des émigrants venus à l'origine de l'ouest – à savoir de la Chine. Ce sont toutes les misères du monde et tous les rêves qui se réunissent, car il n'y a pas d'El Dorado:

"Hungry Europe and hungry China [...] had come here face to face. The two waves had met; east and west had alike failed; the whole round world had been prospected and condemned; there was no El Dorado anywhere; and till one could emigrate to the moon, it seemed as well to stay patiently at home."

Et tandis qu'il file vers l'ouest, leur train croise des trains tout aussi remplis qui voyagent en sens inverse. Ce sont les émigrants déçus qui ont laissé tomber le rêve américain...

Alors que j'étais bien plus intéressée par Voyage dans les Cévennes avec un âne, vu qu'il y avait un âne, c'est ce récit de voyage-ci que j'ai le plus aimé. Le fait que je l'aie lu entièrement en vacances, et donc de manière plus resserée que son prédécesseur, que j'avais commencé à un rythme d'escargot, a sûrement joué. Il y a aussi, peut-être, mon intérêt pour le voyage en train, mon moyen de transport préféré. Quoi qu'il en soit, il était très intéressant d'en apprendre plus sur l'immigration aux États-Unis vers la fin du XIXe. L'histoire humaine est un éternel recommencement...

Livres de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
Travels With a Donkey Through the Cévennes (1879)
Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde (1886)

dimanche 20 août 2023

My Cousin Rachel (1951)

Après la mort de ses parents, Philip Ashley est élevé par son cousin Ambroise Ashley, célibataire endurci. Les deux hommes vivent dans une grande et belle demeure des Cornouailles, dont le personnel est entièrement masculin. Hélas, la santé d'Ambroise décline et le médecin lui recommande de changer de climat. Ambroise part donc en Italie une partie de l'année. Mais un jour, il annonce dans ses lettres qu'il a rencontré une femme, une Italo-anglaise liée de loin à leur famille... Puis qu'il l'épouse!! Philip tombe des nues et développe une violente jalousie envers cette inconnue, cette Rachel qui a rompu son lien privilégié avec Ambroise.


Couverture de l'édition Virago, que j'ai lue.

Puis le ton des lettres d'Ambroise change. Rachel devient une figure mystérieuse et fourbe, indigne de confiance, et Ambroise va jusqu'à l'accuser d'essayer de le tuer... Après avoir reçu une lettre particulièrement inquiétante, Philip se précipite en Toscane – un voyage qui prend pas moins de trois semaines à l'époque, avant les transports modernes – mais il arrive trop tard: Ambroise est mort, et Rachel a disparu dans la nature.

Le cœur brisé, plus plein de haine que jamais envers cette femme honnie, Philipp repart en Angleterre. Et là, quelque temps plus tard, Rachel, la veuve éplorée, débarque.

À partir de là, Daphnée du Maurier développe une histoire plein de mystère comme elle en a le secret. Rachel est charmante, adorable même. Elle semble sincèrement peinée par le décès d'Ambroise et elle ne réclame pas le moindre sou, acceptant sans un murmure que feu son mari ne lui ait rien laissé dans son testament. Elle se rapproche de Philip, qui est totalement sous le charme, mais sans jamais profiter de lui. Alors, pourquoi Ambroise, après l'avoir épousée, l'a-t-il soupçonnée du pire?

Il vous faudra lire ce roman brillant pour percer l'énigme – ou essayer. Pour ma part, je l'ai dévoré en faisant de mon mieux pour prêter attention au moindre détail, dans l'espoir de trouver la bonne interprétation, et si la fin ne m'a pas bluffée comme celle de Rebecca, j'ai néanmoins trouvé l'ensemble excellent et mené d'une main de maîtresse. Le seul petit bémol, c'est que Philip est impulsif et parfois agaçant, d'autant qu'il est le narrateur et est donc omniprésent.

Daphnée du Maurier était vraiment une grande écrivaine! Elle écrivait merveilleusement bien et savait créer des personnages complexes, pleins de couches et de contradictions. Quant à la vie à la Downton Abbey dans une riche maison des Cornouailles, c'est tout simplement à tomber...

Livres de l'autrice déjà chroniqués sur ce blog
L'auberge de la Jamaïque (1936)
Rebecca (1938) (adapté en 1940 par Alfred Hitchcock)

mardi 15 août 2023

Zahhâk, le roi serpent (2017)

Au début des années 1990, au lendemain de la chute de l'URSS, le Tadjikistan sombre dans la guerre civile. Andreï, jeune garçon de père tadjike et de mère russe, apprend que son père a été assassiné. Toute la famille étant en danger, sa mère décide de se réfugier dans les montagnes du Pamir, auprès de la famille de feu son mari. Pour elle, qui est russe et a toujours vécu en ville, c'est un changement radical, d'autant qu'elle ne parle pas le tadjik. Pour Andreï et sa sœur jumelle Zarina, ce n'est guère plus facile...

Jusque-là épargné par le conflit, le massif du Pamir, chaîne de montagne qui s'étend dans le Tadjikistan, l'Afghanistan, la Chine et le Kirghistan, ne va pas tarder à en sentir les répercussions à son tour. Zouhourcho, ancien cadre du Parti communiste devenu apprenti chef de guerre, débarque dans la région afin de convertir les paysans à la culture du pavot. Il est accompagné de Davron, qui lui sert de bras armé, et d'un énorme python qu'il aime porter autour du cou, à la manière du roi Zahhâk dans le Livre des Rois.

Dans ce roman de Vladimir Medvedev, chaque chapitre adopte le point de vue de l'un personnage: Davron, les deux jumeaux, leur oncle Djoroub, un journaliste, un jeune garçon timide amoureux de Zarina, un echon (un saint homme)... L'intrigue qui se dessine ainsi donne à voir un milieu rural, pauvre et traditionnaliste (imaginez l'Afghanistan, exception faite de l'islam intégriste) confronté à une violence à laquelle il ne peut faire face et à des changements qu'il ne comprend pas. Les paysans sont très attachés à la parole des anciens et à une politesse ritualisée; alors, Zohourcho qui exécute un des leurs en public, c'est compliqué à gérer. Les habitants du village réagiront de manières diverses, entre ceux qui souffrent du changement, comme Djoroub, et ceux qui en profiteront éhontement pour en tirer un pouvoir personnel, comme l'odieux Pois Cassé.

J'ai eu du mal avec ce roman, et ce pour plusieurs raisons. Déjà, je ne connais rien au Tadjikistan, et je suis bien incapable de le situer avec précision sur une carte (même après avoir passé un certain temps sur Wikipédia pour tenter de combler mes lacunes, hihi). Je connais tout aussi mal le délitement des ex-républiques soviétiques après la chute de l'URSS. Du coup, le contexte et les références politiques m'ont souvent semblé obscures.

Par ailleurs, le ton n'est pas facile à suivre: chaque personnage réfléchit à sa façon, parfois de manière étrange (ainsi, l'echon commence par parler de lui à la troisième personne...), et il y a parfois des changements de temps de narration qui m'ont laissée perplexe. Par exemple, un même personnage utilise le passé simple et le passé composé dans le même paragraphe, au sujet du même récit. Un procédé qui me déstabilise énorménent. (Et je me demande à quoi ça correspondait en russe, mais mes notions de grammaire étant rudimentaires, je ne peux pas formuler de théorie.)

Enfin, l'intrigue m'a vite lassée, car tout ceci n'avance pas beaucoup. Cinq cent soixante-dix pages au grand format, ça demande un bel investissement en temps (et en attention, vu le sujet et les innombrables ramifications entre les différents récits), mais il n'y a pas tellememnt de récompense à la fin. Le seul personnage que j'en retiens, c'est Davron, le chef de la milice de Zouhourcho, qui est un bon guerrier relativement droit dans ses bottes malgré son travail difficile. Une machine à tuer attachante, en quelque sorte.

Je dois toutefois dire que l'intrigue, malgré sa grande longueur, repose sur des détails plutôt modestes, les personnages s'influençant sans le savoir, et est bien solide sur ce point. Et cette lecture me permet de participer au challenge Pavés de l'été de Sibylline, ce qui est cool.


Pourquoi ce livre, vous demandez-vous?

Parce que la traductrice française, Emma Lavigne, a obtenu le prix Jean-François Caillé de la traduction en 2020. J'ai assisté à la remise dudit prix l'année suivante (en 2020, il n'y avait pas eu de cérémonie à cause de la situation sanitaire) et je l'ai trouvée convaincante. En plus, l'auteur est russe et écrit en russe, et moi je suis une dingo du russe, donc voilà.

jeudi 10 août 2023

Travels with a Donkey in the Cévennes (1879)

Me voilà de retour après les vacances! Revenir à la maison, c'est la déprime... Mais revenir sur la blogo, c'est cool! ⭐⭐

On commence avec ma première lecture de vacances, que j'ai commencée en France et terminée en Écosse.

En septembre-octobre 1878, quelques années avant de publier L'Île au Trésor, Robert Louis Stevenson a entrepris une randonnée d'une dizaine de jours dans les Cévennes en compagnie d'une ânesse, Modestine. Le choix de l'âne pour compagnon de voyage était motivé par la fragilité et le caractère difficile du cheval; l'âne, en comparaison, était plus fiable et pratique. Après environ un mois de préparation à Le Monastier, durant lequel il s'est équipé d'un sac de couchage et d'une selle de bât à laquelle je n'ai rien compris, notre futur écrivain célèbre est parti sur la route en solitaire.

Le récit qu'il en a tiré, qui se compose pour l'essentiel de son journal, raconte ainsi son parcours, avec toutes les difficultés rencontrée. Au début, Modestine n'avance pas, par exemple, et les étapes prévues deviennent intenables! D'autres fois, Stevenson ne trouve plus son chemin et les gens du coin ne l'aident pas, voire se moquent ouvertement de lui. Le tout est raconté avec un ironie mordante très rigolote et inattendue dans un livre du XIXe.

Plusieurs choses m'ont marquée. La première, c'est qu'on ne s'attarde pas tant que ça sur Modestine, alors que, vous vous en doutez, elle était ma principale motivation pour lire ce livre, car j'adore les ânes. À la fin, Stevenson regrette quand même la séparation, mais ce n'est pas le sujet principal. En plus, leur relation ne commence pas très bien, il lui reproche de faire des bêtises et il la frappe pour la faire avancer! 😱😭

La deuxième, c'est le fait que la société française que présente Stevenson est très divisée. À Le Monastier, la population se divise très nettement entre royalistes, bonapartistes et républicains, et les gens se détestent et s'insultent à cause de leurs opinions politiques. Sur le chemin, il parle beaucoup des guerres de religion, car les Cévennes ont abrité une forte communauté protestante et il y a eu la guerre pendant des décennies, avec force massacres. Je ne connaissais pas l'existence des Camisards et j'ai donc découvert tout un pan de l'histoire de France bien sanglant.

La troisième, c'est que Stevenson évoque la Bête du Gévaudan, car le Gévaudan est en partie dans les Cévennes, et il la qualifie de "Napoléon Bonaparte des loups", ce qui m'a bien fait marrer. 🤣🤣🤣

Le chemin qu'a parcouru Stevenson porte aujourd'hui son nom, et j'en ai appris l'existence dans le film Antoinette dans les Cévennes il y a trois ans. Comme je rêve de randonner avec un âne, il fallait que je lise ce bouquin. 🤩 Et pour la petite histoire, j'ai visité le musée des écrivains d'Edimbourg juste au moment où je lisais ce livre, et ça a été chouette car Stevenson est l'un des trois écrivains qui y sont présentés. (Et oui, il était écossais!)

Je vous reparle de Stevenson très bientôt, car cette édition Penguin contient un autre récit de voyage, The Amateur Emigrant, que j'ai lu peu de temps après celui-ci.

Allez donc voir ailleurs si cette ânesse y est!
L'avis de Grominou

Livre de l'auteur déjà choniqué sur le blog
Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde (1886)

samedi 15 juillet 2023

Vacances! 🍬

Depuis quelques mois, j'arrive à alimenter le blog "en flux tendu": généralement, je termine un livre juste à temps pour en publier la chronique dans le respect du rythme que j'ai choisi. Pour cela, il faut parfois ruser – d'où le retour d'Amélie Nothomb dans mes lectures, par exemple: un livre qui se lit en deux heures, c'est parfait quand la date approche et vous n'avez rien à publier.

Mais même en rusant, c'est de plus en plus difficile.

Et là, je me suis retrouvée, l'avant-veille, sans rien pour mon billet prévu samedi 15 juillet. Celui que vous êtes en train de lire, donc. Pleine de bonne volonté, j'ai cherché dans ma bibliothèque un bouquin à lire en une soirée et j'ai choisi La Chute d'Albert Camus. Sauf que je n'ai pas compris un traître mot de ce que je lisais et que je me suis endormie à peu près vingt fois dessus parce qu'il était plus de 22 heures. Je suis donc bien en peine de le chroniquer.

Par ailleurs, même en supposant que j'arrive à meubler en m'inventant un billet pour samedi 15, il était clair que je n'aurais rien lu pour sortir le billet suivant à la date prévue, vu le planning qui m'attend avant mes vacances. Et quand je serai partie, je ne sais pas si je pourrai taper et publier mes articles comme je veux.



Par conséquent, je me suis dit que c'était le moment de faire une pause vacances sur le blog. Je reviendrai aux alentours du 10 août avec, je l'espère, des tas de lectures de vacances à chroniquer. Cette pause me saoule à mort, parce que le blog, c'est la vie. Mais il me semble plus judicieux de le mettre en pause que d'essayer de vous parler de La Chute d'Albert Camus là maintenant tout de suite. 🤣 Tout ce que je peux en dire, c'est que j'ai parfois cru lire du Amélie Nothomb, ce qui a réussi à me surprendre entre deux endormissements.

Bel été à vous, chers lecteurs! 💖 J'espère pouvoir au moins vous lire, à défaut d'écrire moi-même! ❤

lundi 10 juillet 2023

Il Colombre e altri cinquanta racconti (1966)

Il y a fort longtemps, quand j'étais au collège, j'ai lu Le K de Dino Buzzati, vraisemblablement dans la traduction de Jacqueline Remillet pour Pocket. Depuis, j'ai toujours eu l'idée de le relire en italien, parce que bon, quand même. C'est enfin chose faite, et même pas vingt-cinq ans plus tard!

Il Colombre e altri cinquanta racconti est un recueil de nouvelles, dont la plus célèbre est la première, qui lui donne son nom. C'est l'histoire d'un marin pourchassé toute sa vie durant par un terrible requin, le colombre. "Colombre" n'est pas un mot italien, c'est le nom précis de ce requin-là. (Et le fait que ça a ait été rendu par "le K" en français n'est pas du tout idiot, contrairement à ce qu'on pourrait penser – même si je suis sourciste et que je l'aurais, BIEN ENTENDU, appelé "colombre" en français aussi.) C'est une excellente entrée en matière: un texte futé, intéressant, qui laisse un goût amer en bouche et qui exprime sans doute quelque chose sur la futilité de l'existence humaine, de même que le roman le plus connu de l'auteur, Le Désert des Tartares.

Étant donné que je manque de temps pour revenir sur les textes, ne serait-ce que ceux que j'ai le plus aimés, je vais résumer ce recueil en évoquant quatre axes.

L'empathie. Buzzati est extrêmement fort pour vous faire ressentir ce que ressentent ses personnages et vous causer un chagrin terrible face à leurs souffrances. Le cas d'école, le chef d'œuvre, c'est "Povero bambino" / "Pauvre petit garçon", qui m'a énormément marquée quand j'étais adolescente. Mais ce n'est pas le seul. "Viaggio agli inferni del secolo" est aussi bien gratinée sur ce point, avec ses multiples enfers tous plus affreux les uns que les autres dans lesquels le pauvre humain est broyé lentement.

L'humour. Bien qu'il sache nous serrer le cœur, Buzzati est aussi très drôle. Il y a plusieurs fois la figure d'un journaliste aux prises avec un travail ou une direction pas faciles ou la stratégie hilarante de Dieu dans "La lezione del 1980" (comment faire rentrer l'humanité dans le droit chemin une bonne fois pour toutes 🤣).

L'étrange / le fantastique. Il y a plein de choses pas franchement normales dans ce recueil: une voiture qui se conduit toute seule, des bosses qui apparaissent toutes seules dans un jardin, une tour Eiffel qui n'en finit pas de grandir, des filles qui tombent du dernier étage pendant un temps extraordinairement long, des chiens qui ressemblent étrangement à des humains (coucou Circé ^^). Un surnaturel discret, qui met juste ce qu'il faut d'étrange dans la normalité pour nous intriguer et nous amuser – et nous parler d'autant mieux de l'humanité, ses travers, ses espoirs, et l'inutilité totale de son combat.

La futilité vs la valeur intrinsèque. Globalement, on pourrait dire que ces textes sont plutôt décourageants, car on peut facilement en faire une lecture montrant combien l'humain s'attache à des choses inutiles, qui ne font pas le poids face au temps qui passe, à la vieillesse et à la mort. Et pourtant, ce n'est pas vrai, car il s'en dégage quelque chose de très humain, justement, quelque chose qui a de la valeur en soi et a le mérite d'exister même si, un jour, il n'en restera rien.

Enfin, je tiens à noter, en vue de m'en souvenir, que ce recueil des années soixante fleure bon la Guerre froide et décrit une Milan en plein miracle économique, ce qui fait franchement plaisir. Même si Buzzati dénonce une urbanisation effrénée et la froideur d'une ville où tout le monde est seul, il est tellement rare d'entendre un Italien dire autre chose que "l'Italie fait partie du tiers-monde" que j'ai été très heureuse. 😊

Voilà, une relecture extrêmement agréable, un excellent bouquin et un auteur que je continuerai sans aucun doute à lire – idéalement sans attendre quasiment vingt-cinq ans!

Allez donc voir ailleurs si ce K y est!
L'avis de Shaya
L'avis de Tigger Lilly
L'avis de Vert

mercredi 5 juillet 2023

Les BD du deuxième trimestre 2023

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques des trois derniers mois.

Béa Wolf de Zach Weinersmith (texte) et Boulet (dessin), traduit de l'anglais par Aude Pasquier (2023)

Les auteurs de cette bande dessinée ont transposé l'histoire du poème Beowulf du Xe siècle dans le monde contemporain, et remplacé les protagonistes par des enfants qui luttent contre un affreux vieux monsieur bien décidé à faire d'eux des adultes. C'est très inventif et les dessins sont très réussis, avec des enfants qui prennent super bien la pose pour montrer combien leur combat est épique. Et je suppose que c'est un régal si on connaît Beowulf. Moi, toutefois, je ne connais pas Beowulf et les histoires d'enfants qui ne veulent pas grandir me tombent des bras; et j'ai été très déstabilisée par l'irrégularité des rimes. Parfois, des lignes rimaient, ou bien il y avait une rime interne en milieu de ligne, et je criais au génie; puis les lignes suivantes n'en avaient pas, alors j'avais l'impression que tout clochait. La postface, qui évoque justement la structure du poème d'origine, m'a donc plus passionnée que la BD en elle-même. 😄 M'enfin, je tire quand même mon chapeau à Aude Pasquier, la consœur qui a assuré la traduction depuis l'anglais et qui nous a sorti un bon rythme et des allitérations aux petits oignons. (Et les rimes qui vont et viennent, c'est apparemment la faute de la VO, pas la sienne, je préfère le préciser.)
Un autre avis: Vert vous en dit beaucoup de bien.
Éditeur: Albin Michel

Pisse-Mémé de Baur Cati (2023)


Une jolie BD sur quatre amies qui ouvrent un bar-librairie-salle de yoga grâce à l'héritage inattendu de deux d'entre elles. Si j'ai trouvé certains éléments un peu naïfs ou convenus (la maman de trois enfants en burn-out est un tel cliché...), j'ai beaucoup aimé cette aventure humaine et sa fin touchante, je me suis reconnue en partie en elles toutes et leur projet m'a vendu du rêve.

Jamais de Bruno Duhamel (2018)

Ayant appris grâce à Baroona que Bruno Duhamel avait sorti une suite à cette sympathique BD, j'ai décidé de la relire pour me rafraîchir la mémoire. Je l'ai trouvée tout aussi réussie cette fois-ci et je vous la recommande de nouveau. C'est frais, c'est touchant, c'est positif, et la vielle dame qui refuse de quitter sa maison posée sur une falaise en voie de disparition a un chat.
Mon avis de l'époque.
Éditeur: Grand Angle

Jamais. Le jour J de Bruno Duhamel (2022)

Et voilà donc la suite des aventures de Madeleine, notre résistante préférée! J'ai retrouvé tous les personnages avec grand plaisir, notamment le brave et obèse Balthazar (la tirade sur les croquettes m'a fait mourir de rire). Le charme est un peu moins présent, mais l'ensemble fonctionne quand même très bien. Bruno Duhamel est décidément une valeur sûre.
Éditeur: Grand Angle

Bons baisers de Limon d'Edo Brenes, traduit de l'anglais par Basile Béguerie (2019)

Un Costaricain rentre à la maison pour trier des photos de famille, ce qui le plonge dans l'histoire de ses grands-parents. Malgré la jolie ambiance désuète, j'ai trouvé l'ensemble assez creux.
Éditeur: Casterman.

vendredi 30 juin 2023

La gamelle de juin 2023

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles de l'énième mois ayant filé à la vitesse de la lumière!

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Transformers. Rise of the Beasts de Steven Caple Jr. (2023)

Michelle Yeoh dans son meilleur rôle. 😇

Aaaaaaah!!! Aaaaaaaah!!! Les Transformers sont de retour!!! Aaaaaaaaah!!! C'était génial!!! Aaaaaaah!!! Optimus avait sa grosse voix!!! Michelle Yeoh était trop classe en oiseau!! Il y avait un Tranformer guépard!!! Aaaah!!!! Et des squelettes de dinosaures!!! Et des lamas!!!! Aaaaaaaaah!! Tellement génial!!! Bon, la nostalgie des années 1990 à grands coups de Wu-Tang Clan, ça ne me parle pas le moins du monde. Mais les robots géants qui se tirent dessus, oui. Et je suis ravie de voir la franchise tourner enfin le regard vers l'espagnol et l'Amérique du Sud. Aaaaaaaaah!!!!!!!
PS: On voit que ce n'est pas un film de Michael Bay: il n'y a pas de plans en contre-jour et il n'y a pas le moindre plan nichon. Youhouh! D'ailleurs, les personnages non humains se féminisent: il y a pas moins de trois robots féminins, deux gentilles et une méchante. Dingue. Pour le personnage humain féminin, ça reste pas mal paternaliste, mais on est quand même loin de Megan Fox et son nombril si nonchalamment allongé sur une voiture de course.

Spider-Man. Across the Spider-Verse de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson (2023)


Il y a quelques mois, je me suis emballée pour Le Chat potté 2, entre autres parce que les scènes d'action étaient réalisées dans un style, et presque une texture, différente des autres. Après trois minutes de Across the Spider-Verse, j'ai compris que le chat pouvait aller se rhabiller – et croyez-moi, ça me heurte profondément de prononcer ces mots. Mais Across the Spider-Verse est une putain de claque visuelle qui m'a emballée même quand elle a recours à des styles que, en soi, je n'aime pas. Tout est maîtrisé à la perfection et la musique est exploitée avec brio pour vous plonger dans le rythme de l'action. Alors, certes, l'enjeu renvoie à l'un des éléments science-fictifs que j'aime le moins — le multivers —, le scénario n'est pas spécialement original et il y des longueurs dans les scènes sur la relation avec les parents. Mais quelle claque, mes petits, quelle claque. Je suis sortie de là en trépignant d'impatience. Vivement la suite l'année prochaine!
Mon avis sur le premier film.

Du côté des séries

Working de Caroline Suh (2023)


Cette minisérie documentaire en quatre épisodes explore notre relation au travail à travers les parcours et le quotidien de différentes personnes, en partant des postes les plus modestes pour remonter vers ceux qui cumulent le plus de responsabilités, de pouvoir et de revenus. Ça donne à voir plusieurs facettes des États-Unis d'aujourd'hui, ce que j'ai trouvé intéressant, et certaines réflexions ont résonné avec mes propres réflexions sur mon rapport au travail. Et Barack Obama, qui apparaît dans chaque épisode, est simplement À TOMBER. Toutefois, j'en ressors mitigée; certains dialogues sont creux, ce qui me laisse perplexe dans une série montée avec tant de soin (les gens n'avaient vraiment rien à dire, alors?), et j'ai parfois eu l'impression qu'on était dans l'opération de com pour montrer combien Obama est cool. (Ce qui est indubitablement vrai. Obama est mégacool, quoi qu'il fasse. Mais s'il avait pu allier sa coolitude à des propos approfondis, ça aurait été encore mieux.)

Et le reste

J'ai feuilleté et partiellement lu deux anciens numéros de Livres Hebdo (j'approche de la fin 2022, youhouh! 💪), et j'ai lu (en entier, bien comme il faut) un vieux numéro de Bifrost, le 78 consacré à Ursula K. Le Guin, et mon Cheval Magazine habituel.

dimanche 25 juin 2023

Sistersong (2021)

Au Ve siècle, en Domnonée, un royaume situé dans l'actuel Pays de Galles, l'inquiétude monte face à l'avancée des Saxons, qui conquièrent l'Angleterre en venant de l'est. Le roi Cador et ses trois filles, Riva, Keyne et Sinne, vivent encore dans la paix et une relative prospérité, mais le mauvais temps laisse présager de maigres récoltes et la guerre gronde à l'horizon.


Riva, l'aînée, souffre de terribles blessures à la main et au pied, qu'elle a subies dans un incendie durant son enfance, et désespère d'avoir une vie normale un jour. Qui voudra d'une fille ainsi abîmée? Quel destin pourra-t-elle avoir, si elle ne se marie pas? Ironie du sort, elle qui peut soigner les autres grâce à la magie est incapable de soigner ses propres blessures.

Keyne se pose autant de questions et a autant de mal à trouver sa place, mais pour des raisons différentes: elle sent, depuis toujours, qu'elle n'est pas une femme, contrairement à ce que tout le monde lui dit. Mais porter des vêtements d'homme n'est pas bien vu. Alors, se comporter comme un homme...

Enfin, Sinne, la plus jeune, rêve d'évasion, d'amour et d'aventure.

Les chapitres adoptent tour à tour le point de vue de chaque soeur, construisant ainsi leur quotidien et les événements plus importants qui se mettent en place. Outre la menace saxonne, leur peuple traverse une période de changement religieux: le prêtre chrétien Gildas, proche de leur mère, a une influence grandissante et détourne le roi des anciens dieux et de l'ancienne magie, ce que les sœurs voient avec horreur. Keyne, notamment, a une forte connexion à la terre et voit bien que le roi, qui pouvait autrefois commander aux éléments, a perdu de son pouvoir depuis qu'il n'accomplit plus les anciens rites.

Deux personnages vont également jouer un rôle important: Myrdhim, le druide qui revient après un temps d'absence, et Tristan, le représentant d'un royaume voisin.

Ce roman de Lucy Holland a traîné six mois dans ma pile à lire pour diverses raisons, entre autres parce que je l'avais identifié comme du young adult à cause de la couverture et parce qu'il est rédigé au présent. Je déteste la rédaction au présent. Je n'ai jamais aimé ça, mais depuis que j'en ai traduit, JE DÉTESTE. La rédaction au présent est un argument fort pour ne pas lire un livre. En plus, j'ai feuilleté les premières pages et vu que le prêtre chrétien était un affreux obscurantiste, un cliché avec lequel j'ai du mal depuis que je me suis rendu compte que c'est, justement, un cliché.

Et puis...

... J'ai commencé à lire et je suis rentrée dedans, et je me suis rendu compte que j'aimais. Je me suis rendu compte que j'avais hyper envie de retrouver Riva, Keyne et Sinne d'un jour sur l'autre – j'aime un peu moins Riva par rapport à ses sœurs, en fait, mais même elle, j'ai adoré la lire.

En toute objectivité, Sistersong n'est pas exempt de défauts: une certaine révélation scénaristique ([divulgâcheur] la véritable identité de Tristan [fin du divulgâcheur]) était facile à deviner; le prêtre, qui est toujours là pour faire chier son monde pendant la première moitié du roman, disparaît soudain durant des événements pourtant majeurs, à tel point que je me suis demandée si je n'avais pas raté quelque chose le concernant; et la rédaction suit la structure "bout de dialogue – commentaire sur le personnage qui bouge les mains, lève les yeux au ciel, change de position, de ton ou d'expression – bout de dialogue – etc.", qui est très répétitive et pauvre (et que je hais presque autant que la rédaction au présent depuis que j'en traduis).

Et pourtant, j'ai adoré, donc. Cette rédaction au présent que j'appréhendais tant passe plutôt bien quand il s'agit d'être près des sentiments et réflexions des trois personnages (même sil e passé l'aurait permis tout aussi bien, évidemment), personnages qu'on apprend vite à aimer avec toutes leurs faiblesses et défauts, et dont les enjeux sont bien différents bien qu'elles vivent dans le même contexte. Myrdhim est formidable de classe et de savoir ancestral, et sa magie est très intéressante – bien qu'un peu trop patator une fois que la jeune Keyne, pourtant totalement inexpérimentée, commence à la manier.

Enfin, le roman repose sur une vieille chanson populaire anglaise et la réinterprète de manière littérale dans un développement affreux de carnage et de tristesse, ce que j'ai trouvé brillant. Sérieux, j'aimerais bien être comme Lucy Holland et avoir ce genre d'idée en écoutant une vieille chanson. Je ne vous dis pas laquelle c'est, car je me suis divulgâchée l'intrigue en allant voir de quoi il s'agissait... 👀

Franchement, j'ai trouvé Sistersong super, au final; j'ai passé un excellent moment, et il m'a même donné envie d'écrire des vers, chose que je trouve ultrafrustrante et que j'aurais plutôt tendance à éviter. Je me réjouis de pouvoir dire tout ça à la personne qui me l'a offert, car je m'attendais vraiment à trouver ça naze et que j'étais gênée pour elle qu'elle m'ait offert un truc naze. 😊😊