jeudi 24 février 2022

Vert-de-Lierre (2019)

Un écrivain de polars en manque d’inspiration retourne dans la maison de sa grand-mère décédée afin d’y faire du tri. Dans le petit village où rien n’a changé, il retrouve des souvenirs d’enfance et se souvient notamment d’une légende locale, celle du Vert-de-Lierre, un être végétal qui volerait l’essence vitale de ses victimes. Il décide de visiter le château où serait née la légende et est témoin d’une apparition mystérieuse. Une Anglaise dissimulé par une voilette s’est installée au village et attise les commérages…

Vert-de-Lierre de Louise Le Bars a d’abord été publié en auto-édition. La version que j’ai lue est celle publiée ensuite par la maison Noir d’absinthe, avec une couverture (superbe) de Marcela Bolivar et un blurp en quatrième de couverture proposé par rien moins qu’Amélie Nothomb!

Ce roman reprend pas mal de codes du roman fantastique et gothique, comme le fait qu’une partie du récit est constituée des écrits de certains personnages, essentiellement le roman écrit par Rose, la jeune femme qui partage la maison de la mystérieuse Anglaise. On a aussi la grande maison de campagne entourée de son jardin luxuriant, où l’on se balade la nuit au clair de lune…

Étant friande ce genre d’histoire, je suis rentrée dedans sans aucune difficulté, d’autant que Louise le Bars écrit bien, avec une plume élégante, riche et facile à lire à la fois. Le style n’est pas parfait (si tant est que la perfection existe, merci de ne pas m’étrangler dans les commentaires 😉) et sa richesse même laisse deviner le jeune auteur un peu naïf face au brillant de certains termes, mais ça reste agréable à lire et ça colle bien à l’ambiance un peu surannée de l’histoire, très tournée vers le passé. La progression est un peu scolaire, mais tout ça marche bien; on n’a pas un chef d’œuvre, mais pour un premier roman, c’est pas mal du tout.

Ce qui m’a moins plu, c’est l’impression que tout ceci m’aurait plus parlé il y a quinze ans, voire vingt, quand je rêvais moi aussi de jeunes filles mystérieuses entrevues dans un jardin ou fuyant dans la forêt, et une certaine lassitude, de ma part, envers un élément que je commence à considérer comme un poncif ([divulgâcheur] la protagoniste du roman de Rose a été accusée de sorcellerie et internée en asile psychiatrique; loin de moi de contester les persécutions dont ont été victimes les femmes en raison de leur sexe, hein, mais bon, c’est comme quand le méchant est un nazi, ça ne me fait pas crier à l’originalité et à l’engagement politique [fin du divulgâcheur]). S’est ajoutée à cela une tristesse diffuse en constatant que ce qui me parlait, ou plutôt me définissait, à un certain âge s’est totalement dissous dans le découragement et l’indifférence; j’ai tellement VOULU être le genre de personne qui écrit ce genre de bouquin, ou son équivalent dans un univers de fantasy, et maintenant il n’en reste rien dans ma vie. Aux alentours de la trentaine, j’en ressentais au moins le manque, j’éprouvais de la frustration et de la jalousie. Ce n’était pas agréable, hein, mais c’était quelque chose. Maintenant, il n'y a même plus ça. Il n’y a rien. Alors certes, je souffre moins, car passer ses journées avec la frustration et la jalousie n’a rien d’agréable. Mais c’est l’encéphalogramme et le cardiogramme plats. Je n’ai plus de rêves et je n’ai plus d’imagination. Je n’ai rien du tout.

Mise à jour: j'ai rédigé le présent billet à chaud, le jour après avoir fini de lire ce roman, et j'ai sorti le dernier paragraphe en toute honnêteté. Normalement, j'efface ce genre de chose lors de la relecture. Là, exceptionnellement, je laisse, car je pense que ce serait bien que je me souvienne d'avoir pensé ça sur le coup. Si jamais vous vous êtes inquiétés, rassurez-vous: je ne pense pas du tout, à temps plein, que "je n'ai rien du tout" dans ma vie. Il n'y a pas d'écriture, certes, mais il y a d'autres choses. Je ne peux toutefois m'empêcher de regretter d'être devenue l'adulte que je suis, et je constate quotidiennement que je trahis la fille que j'étais à quinze ans...

samedi 19 février 2022

Le Serveur de Brick Lane (2021)

Chronique express!

Kamil, serveur dans le restaurant Tandoori Knights de Brick Lane à Londres, est un ancien policier indien venu décompresser en Angleterre après une affaire qui a mal tourné. Par malheur, lors d'une soirée huppée à laquelle il participe en sa qualité de serveur, un cadavre fait son apparition dans la piscine. Le mort n'est autre que l'hôte de la soirée, un millionnaire indien proche des propriétaires du Tandoori Knights, qui ont accueilli Kamil les bras ouverts. Kamil reprend donc son ancienne casquette d'enquêteur...

Ce roman policier d'Ajay Chowdhury, auteur indien vivant à Londres, se lit avec grand plaisir. L'action se sépare entre le présent de l'enquête londonienne et le passé de l'affaire qui a fait plonger Kamil en Inde, et, bien sûr, les deux intrigues vont se rejoindre. Une structure un peu scolaire, mais qui fonctionne bien et donne envie de tourner les pages. Le fait que l'histoire se passe dans la communauté indienne de Londres apporte un changement agréable et – très important – donne envie de manger indien, d'autant que la moitié des personnages travaille dans un restaurant! Ohlàlà! 🤤 Et on ajoute à cela une petite touche d'humour très bienvenue. Je ne peux pas juger la plume de l'auteur, mais la traductrice française, Lise Garond, offre un texte clair et agréable à lire, qui se lit tout simplement tout seul.

"Tout a changé à Brick Lane. [...] Il faut faire attention aux avis des gens sur Trip Advisor et Instagram. Du grand délire. Click-click devant leurs assiettes toute la soirée. Et vas-y que je te twitte, et vas-y que je te schnapse. Bien manger, être bien servi, ça ne suffit plus. Maintenant il faut aussi une jolie présentation, tu comprends, pour que les gens puissent prendre leurs petites photos. Mais tu m'expliques comment on fait pour rendre un chapati photogénique?"

😂😂😂😂😂😂

Pourquoi ce livre?
Parce qu'il a été traduit par Lise Garond, justement, consœur que je connais dans la vraie vie et qui a un gros cerveau.

lundi 14 février 2022

Dictionnaire insolite des pays baltes (2018)

Chronique express!

De "Ačiū" (prononcé "atchou" 😉) à "Zappa, Frank", le Petit dictionnaire insolite des pays baltes de Marielle Vitureau, publié par Cosmopole, permet de découvrir trois petits pays que les Occidentaux connaissent mal, voire confondent carrément: l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Ils font partie du continent européen et de l’Union européenne et ils partagent un passé commun et de nombreux traits culturels, mais ils sont aussi très différents les uns des autres. Leur histoire s’est écrite de concert avec celle de la Pologne et celle de la Russie, la puissante voisine qui occupe, encore aujourd’hui, une place centrale dans l’actualité politique. (En ce début 2022, je pense d'ailleurs que leur actualité doit se composer à 100% de la Russie... 🙄)

Marielle Vitureau décrit tout cela avec clarté et précision à la fois, et surtout avec beaucoup de nuances; rien n’est simplifié ou stéréotypé, y compris dans l’héritage très lourd des souffrances de la Deuxième Guerre mondiale et de l’annexion à l’URSS (ou plutôt les annexions à l’URSS: 1941 et 1944). Rien d’étonnant quand on la connaît: Marielle est quelqu’un de super positif et lucide à la fois et surtout de très respectueux, et, moi qui la connais comme consœur, je me fais la réflexion que je devrais aussi la découvrir comme journaliste. Et si les autres tomes sont de la même qualité, cette collection de Cosmopole vaut clairement le détour pour découvrir un pays autrement qu’avec un guide touristique.

mercredi 9 février 2022

Soroé, reine des Atlantes (1905)

Après les Centaures d'André Lichtenberger et les Dieux Verts de Nathalie Henneberg, place à une nouvelle publication des éditions Callidor: Soroé, reine des Atlantes de Pierre-Barthélémy Gheusi et Charles Lomon. Initialement paru en 1905, ce roman est proposé ici dans la version remaniée en 1941 par Pierre-Barthélémy Gheusi, avec, en bonus, la fin originale publiée en 1905, un chapitre supprimé en 1941 et une postface de Brian Stableford destinée à la sortie du roman en anglais chez Black Coat Press en 2015.

Une couverture superbe de Valérian Rambaud 😍

Dans un passé lointain, Argall et Maghée quittent leurs terres du nord pour se mettre en quête d'Atlantis, la patrie d'origine de Dahéla, mère de Maghée et mère adoptive d'Argall. Lorsqu'il abordent enfin sur l'île mythique, ils sont confrontés à une situation politique tendue. La reine immortelle, Yerra, est alliée à Nohor, le sinistre prêtre des dieux de l'Or et du Fer, assoiffés de sang. Face à eux, Ruslem, prêtre des anciens dieux de Lumière, sent son pouvoir décroître de jour en jour. Lorqu'Argall sauve Yerra et Soroé, la petite-fille de Ruslem, des griffes d'une créature effrayante, il entre sans en avoir pleinement conscience dans une prophétie ancestrale sur l'avenir même d'Atlantis. La rivalité entre Yerra et Soroé, toutes deux prétendantes au trône d'Atlantis et au cœur d'Argall, ne sera pas sans effusions de sang.

Que dire? Soroé avait tout pour me plaire, et il n'a pas manqué d'y parvenir. Ton épique, Antiquité fantasmée pleine de temples et de bijoux, personnages sans peurs ni reproches, intrigues de cour, batailles monumentales... Tout y est. J'ai un peu eu l'impression de regarder un péplum des années cinquante, notamment à cause de la figure de la jeune fille virginale qu'est Soroé – quel cliché ridicule, franchement, mais qu'est-ce que j'aime ces clichés totalement dépassés. 🤩

Ce roman a bien quelques faiblesses, notamment une fin un peu hâtive. Il m'a semblé extrêmement dommage que Gheusi ait supprimé le chapitre proposé en bonus, car il est super inportant pour comprendre [divulgâcheur] ce que Yerra fait d'Argall après l'avoir envoûté [fin du divulgâcheur]. En son absence, je me suis demandée si j'avais raté une information quelque part. 

Outre le ton épique et le décor antique, je retiens une très belle bataille entre les forces d'Iztemph, un général expérimenté fidèle à Soroé, et Illaz, le meneur qui change plusieurs fois de camp et combat ce jour-là pour Yerra. Le souffle épique est bien présent, le terrain choisi se prête bien à la bataille, avec quelques reliefs ou points stratégiques à saisir ou défendre (un pont, par exemple), et la stratégie d'Iztemph est intéressante... Puis la situation se retourne totalement, sans que l'on sache pourquoi, et le fait d'être dans l'ignorance, comme les personnages, rend le tout encore plus prenant. J'ai lu ce roman peu de temps après la Débâcle de Zola et j'y ai retrouvé un certain souffle guerrier, bien que très différent.

Prochaine étape: mettre la main sur les Aventures de Setnê de Rosny aîné, qui a aussi l'air totalement fait pour moi! 🤩🤩

vendredi 4 février 2022

La gamelle de janvier 2022

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé.

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Belle de Momoru Hosoda (2021)
Influencée par un certain podcast, j’ai décidé d’aller voir ce dessin animé que je n’avais pas du tout repéré. Je suis contente de l’avoir fait, car cela me change des grosses productions que je vois habituellement et que j’ai bien aimé le rendu de la Bête. En revanche, je n’ai pas du tout accroché les dessins de l’univers virtuel, ni l’univers virtuel de manière générale, et j’ai trouvé les réactions des personnages déroutantes ou exaspérantes… Du coup, je suis sortie de ma séance mitigée. En revanche, tout comme le réalisateur m’avait épatée en mettant en scène une mère célibataire vivant des allocations dans les Enfants-loups, Ame et Yuki, j’ai été épatée de le voir aborder une thématique délicate ([divulgâcheur] un père violent envers ses enfants [fin du divulgâcheur]) qui n’apparaîtra probablement jamais avec autant de netteté chez Disney!

Le Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki (2001)
Une déception pour ce film à la très bonne réputation. J’ai apprécié de nombreux éléments visuels et j’ai été suffisamment émue pour verser une larmouille à la fin, mais globalement le côté farfelu ne m’a pas séduite. Il faut aussi préciser que je l’ai vu un jour de grande fatigue et que je me suis endormie quinze-vingt minutes vers le début, quand Chihiro arrive dans le bâtiment des bains, et que j’ai donc eu du mal à suivre l’intrigue…

Aline de Valérie Lemercier (2021)


Un film fort sympathique sur Céline Dion la chanteuse Aline Dieu et son rapport avec son mari. J’ai adoré les chaaaansssooooons et le fait que ladite relation soit montrée sous un jour positif, avec deux personnes qui se sont aimées jusqu’au bout. On est loin d’une certaine représentation que j’en avais, avec le manageur un chouïa pervers sur les bords qui "s’approprie" sa star ultrajeune (même si, indéniablement, la différence d’âge était importante). Il y a aussi pas mal d’humour (lors d’une série de spectacles suivant la naissance de ses jumeaux, la chanteuse, qui allaite encore, se plaint d’avoir "du lait qui coule dans les paillettes" 😂). Seuls problèmes: je ne comprends rien quand les Québécois parlent 🤣 et je m’interroge sur la décision de nommer la chanteuse "Aline Dieu" alors que c’est assumé que le personnage est Céline Dion. 🤔

Matrix Résurrections de Lana Wachowsky (2021)
Un reboot sympathique et très méta, qui me semble s’être fait avec la sincérité qui a quelque peu manqué à Star Wars. Ce film est tellement rempli de références à Matrix que même moi, qui ne connais réellement que le premier (j’ai vu le deuxième une seule fois, lors de sa sortie au cinéma, et je n’ai jamais vu le troisième), j’en ai relevé plein. 😉 Et le spectateur non spécialiste est plutôt bien accompagné pour recoller les morceaux avec la trilogie initiale. J’ai apprécié de nombreux éléments (le côté méta, donc, l’humour, l’alchimie de malades entre Keanu Reeves et Carrie-Ann Moss, le fait qu’un logiciel puisse se projeter dans le monde réel et que certaines machines soient passées du côté humain, la classe intergalactique de tous les personnages) et d’autres moins (le fait que les méchants tirent toujours à côté, par exemple, et un plan d'action qui tombe un peu du ciel) (en même temps, il y a de longs plans sur les mots "deus machina" dans une scène, alors…) Tout ça ne révolutionne rien mais c’est sympathique. Et il y a un chat. Donc…

Du côté des séries

Je poursuis avec hystérie enthousiasme la saison 2 de The Witcher. 😍

Et le reste


J'ai lu mon Cheval Magazine habituel et un vieux hors-série de Pour la science sur les trous noirs, la matière noire et l'énergie sombre. Pointu, mais émerveillant.