Spielberg et moi, c'est une relation contrastée. Autant Jurassic Park est probablement le film qui m'a le plus influencée (avec L'histoire sans fin et Coeur de dragon), autant ses autres films me laissent un peu sceptique à cause de la trop grande sentimentalité qu'ils véhiculent (sauf Lincoln, qui m'a beaucoup plu du premier coup). Comme, en plus, on ne m'avait dit que du mal de sa Guerre des mondes, je ne m'attendais pas à un chef d'oeuvre...
... Et si le film n'en est effectivement pas un, notamment à cause d'un certain "flottement" généralisé au début, comme si personne ne croyait à son rôle, d'une image de synthèse parfois brouillonne et d'une musique un peu fade, je dois dire que c'est une adaptation réussie et fidèle de La Guerre des mondes de H. G. Wells.
Ce film est d'ailleurs un bon exemple de combien il est compliqué de juger l'adaptation d'un livre. Je m'explique: le livre se passe à Londres à la fin du XIXème et met en scène un homme seul, tandis que le film se passe aux États-Unis à notre époque et met en scène un homme – Tom Cruise – responsable de la vie de ses deux enfants. On pourrait donc penser que c'est mal parti pour être fidèle à l'original.
Malgré cela, j'estime que cette adaptation est une réussite parce que les éléments et le ton du livre sont là: le passage de la curiosité face aux extra-terrestres à la panique, la fuite, la foule incontrôlable, la peur animale, le raisonnement résistance/peur du mec planqué dans la cave et même la chute toute bête que je craignais de voir disparaître au profit de l'intervention d'un héros balèze venu sauver l'humanité.
Je vous avais dit que le livre m'avait beaucoup marquée à cause de la panique des foules et de la dislocation de l'ordre social. Cet élément est très bien rendu dans le film et j'ai franchement été prise à la gorge pendant les scènes se passant autour du ferry.
Je sais que ce que je vais vous dire n'est pas très vendeur... Mais ce passage m'a furieusement fait penser à Titanic. Je garde une grande tendresse pour ce film malgré ses indéniables défauts, et je trouve notamment que James Cameron a bien mis en scène ce même procédé de dislocation – je dirais même de déglinguement si seulement ce mot existait. D'ailleurs, la progression est à peu près la même dans Titanic et La Guerre des mondes: la première réaction face au désastre est une simple curiosité ou une faible protestation parce que, quand même, ce n'est pas pratique de mettre des fichus gilets de sauvetage; puis viennent la réalisation du danger et la terreur qui l'accompagne; puis fait irruption la panique pure, la lutte irrationnelle pour la survie.
D'autres passages m'ont marquée et m'ont semblé, à leur manière, très durs. Je pense au moment où le personnage de Tom Cruise se nettoie de toute la poussière qui le recouvre (poussière qui ne vient pas seulement des bâtiments détruits, mais aussi des gens tués autour de lui), au moment où il comprend pourquoi les plantes extra-terrestres sont rouges, et surtout au moment où il bande les yeux de sa fille et s'enferme dans la cave avec le mec cité plus haut... Cette scène-ci est, dans les faits, abominable, mais elle est présentée avec une grande pudeur, un peu comme l'entrée dans le camp allemand dans Cheval de guerre. Il y a une grande différence entre montrer la violence physique et transmettre l'idée de la violence et je crois que Spielberg sait très bien faire les deux.
Enfin, la performance de Dakota Fanning, qui avait dix ou onze ans au moment du tournage, est vraiment très marquante. Dommage qu'une actrice aussi prometteuse ait ensuite atterri dans cette daube intergalactique qu'est Twilight!
Tom Cruise ne joue pas forcément son meilleur rôle, mais c'est agréable de le voir dépassé par les événements et ne pas être un surhomme mais juste un gars normal. Je suis de toute manière très friande de cet acteur, donc je ne suis peut-être pas hyper objective.
Au final, cette Guerre des mondes n'a pas été un coup de cœur incontrôlable, mais je lui ai trouvé beaucoup de bons côtés et je pense que c'est un film de SF tout à fait valable, dans la mesure où il a avant tout pour objectif de faire réfléchir le spectateur et de le sortir de son petit confort. (Il me semble que la SF ne se résume pas purement à la présence d'extra-terrestres et de gadgets futuristes, mais nécessite aussi une certaine réflexion sur ce que nous sommes et où nous allons.) Je me serais bien passée des éléments critiqués en début de billet et des passages sentimentaux typiquement spielbergiens... On ne bat quand même pas le record de niaiserie de la fin de Cheval de guerre, mais on sent qu'il avait envie d'en approcher, lol.