En octobre, je suis tombée sur ce recueil de Conan Doyle chez Hodges Figgis, une grande et belle librairie dublinoise (dont j'apprends avec tristesse qu'elle n'est pas indépendante mais appartient à la chaîne britannique Waterstones). J'ai adoré tout ce que j'ai lu de Doyle, le titre parlait de terreur et il y avait un bel œil de chat en couverture: je n'ai évidemment pas hésité à l'acheter (et j'ai aussi acheté Tales of Twilight and the Unseen qui était à côté ^^).
C'était une lecture jubilatoire et vraiment brillante, même si je dois tempérer un peu son titre: on n'a guère peur ici et on ne risque pas de faire des nuits blanchesl! On est plutôt dans le domaine de l'énigme. Dans les Tales of Mystery, certains textes sont même des compte-rendus d'enquêtes policières apparemment insolubles.
Tales of Terror
The Horror of the Heights (1913)
Si ce n'est pas un titre lovecraftien avant l'heure, ça! 😊 Et c'est même une nouvelle lovecraftienne tout court, puisqu'on y lit le journal d'un aviateur qui explique comment il s'est élevé au-dessus des nuages, à l'altitude record de 30 000 pieds (soit un peu plus de 9 000 mètres), pour explorer les "jungles" aériennes présentes à cette altitude. Et cet aviateur, après avoir aperçu des choses, a disparu...
The Leather Funnel (1902)
Un Anglais de passage à Paris chez un ami très porté sur l'occulte passe la nuit avec un entonnoir en cuir (le funnel du titre – je ne connaissais pas ce mot) qui a attiré son attention et qui, selon son ami, présente des caractéristiques très particulières. Et en effet, une fois endormi, le narrateur semble voyager dans le temps dans ses rêves.
Cette nouvelle fantastique assez classique, que Maupassant aurait très bien pu écrire, est très savoureuse (j'aime tellement ce genre!!) et un peu plus sombre que la précédente. Les histoires de torture, ça met rarement à l'aise...
The New Catacomb (1898)
Pas d'élément fantastique cette fois, juste une belle ambiance mystérieuse et sombre, et un brin étouffante, lorsqu'on accompagne deux amis britanniques dans une toute nouvelle catacombe découverte par l'un d'eux près de Rome. J'ai vu venir la fin très vite cependant, le suspense n'était pas insoutenable.
The Case of Lady Sannox (1893)
Un mystérieux visiteur turc demande l'aide d'un célèbre chirurgien londonien. J'ai vu venir la chute très vite. La nouvelle est cruelle mais n'a rien d'effrayant.
The Terror of Blue John Gap (1910)
Autre nouvelle lovecraftienne avant l'heure!! Haha!! J'ai adoré!!
La rumeur veut que Blue John Gap, une grotte inexplorée dans la campagne anglaise, soit habitée par une créature monstrueuse qui en sort pendant les nuits sans lune pour dévorer quelques moutons dans les environs. Le narrateur, un homme rationnel qui n'est pas du coin, n'y croit pas une seconde et décide d'explorer la grotte pour prouver qu'il n'y a pas de monstre. Haha!! Quelle idée!!
The Brazilian Cat (1898)
J'ai été un peu déçue par ce texte car je m'étais fait tout un film avec un chat-vampire exotique. Mais ce cat brésilien est en réalité un big cat, un grand félin. Le grand félin de la couverture d'ailleurs, l’œil jaune n'étant pas, comme je le croyais, celui d'un chat. La nouvelle est sympa en soi, mais il n'y a pas de surnaturel et ça m'a manqué.
Tales of Mystery
The Lost Special (1898)
Un train express, un special demandé par un riche passager pressé, n'est jamais arrivé à destination. Il est parti à l'heure de la gare de départ, a passé la deuxième gare à l'heure, la troisième gare à l'heure, et soudain, plus personne ne l'a vu passer. Où est-il et qu'est-il advenu des passagers? La police ne sait quoi penser et les indices sont si rares que même un détective très en vue qui parle des "elementary principles of practical reasoning" (suivez mon regard.....) ne sait trouver le fin mot de l'histoire! Des années plus tard, heureusement, une confession vient éclairer l'affaire...
The Beetle-Hunter (1898)
Un jeune médecin londonien sans le sou est recruté pour ses compétences médicales mais aussi, étrangement, en raison de son intérêt pour les insectes! Ce texte est plaisant mais plus anecdotique.
The Man with the Watches (1898)
Autre texte plus anecdotique (à tel point que je ne me souviens plus très bien). Ça concerne un cadavre retrouvé les poches pleines de montres dans un train à bord duquel il n'est jamais monté. Comme dans The Lost Special, l'enquête échoue jusqu'à ce qu'une confession vienne expliquer les faits des années plus tard.
The Japanned Box (1898)
Un texte guère mystérieux à cause des progrès de la technique, mais touchant et un brin triste. Après vérification, japanned signifie en laque.
The Black Doctor (1898)
Autre texte plus anecdotique, une histoire de meurtre à la campagne. Ça reste plaisant parce que Conan Doyle écrit bien, évidemment, mais ce n'est pas mémorable.
The Jew's Breastplace (1899)
Le niveau repart à la hausse avec ce texte assez fascinant qui se passe dans un musée d'antiquités londonien, rempli de momies et de bijoux issus d'un passé lointain. Ça fait rêver! Et le mystère concernant le plastron hébreux est assez intéressant, puisqu'un voleur détache les pierres précieuses qui le décorent mais ne les vole pas...
The Nightmare Room (1921)
Une très belle fin. Dans cette histoire d'empoisonnement, tout tient dans l'ambiance et dans la description de la diabolique empoisonneuse. J'y ai cru jusqu'au bout...
Une très belle lecture, donc. Conan Doyle est un génie, m'a dit un jour un copain sur Facebook, et c'est vrai. Il est vraiment très fort pour poser une atmosphère et distiller les indices de ses histoires, et le petit côté rétro de la société anglaise de la fin du XIXe et du début du XXe est juste jubilatoire. Il est aussi extrêmement plaisant et stimulant de lire autre chose que Sherlock Holmes; j'adore Sherlock Holmes, mais Conan Doyle a eu une production absolument hallucinante et il est dommage qu'elle ait été éclipsée par la célébrité de son détective! J'ai hâte de lire l'autre recueil en ma possession et je pense que je commanderai les autres recueils disponibles auprès de cet éditeur.
Ce qui m'amène au mot de la fin, sur cet éditeur justement: Alma Books. C'est une petite maison d'édition (j'aime!) britannique fondée par deux Italiens (j'adore!), qui s'attache notamment à publier des classiques peu connus dans sa collection Alma Classics, dont fait partie ce recueil. Pour vous donner une idée du niveau, ils ont publié la traduction anglaise du Rêve de Zola, un tome des Rougon-Macquart qui n'est même pas franchement connu en France (un de ceux qu'on ne lit que quand on lit tous les Rougon-Macquart, quoi!).
Je dois dire que ce livre était joliment soigné pour un prix raisonnable (je ne sais plus combien je l'ai payé à Dublin, mais la couverture annonce 8£ pour le Royaume-Uni) et j'ai été marquée par la pertinence des notes explicatives, qui m'ont bien aidée dans le cas de certaines références antiques. Un éditeur à suivre, donc!
Directement ou indirectement, je vous ai déjà parlé de Conan Doyle sur ce blog...
Une citation rigolote quand j'ai fini de lire l'intégrale de Sherlock Holmes
Une adaptation en BD très pratique pour réviser ses classiques
Pour aller plus loin...
Une interview des fondateurs (en anglais)
La liste des œuvres de Conan Doyle où j'ai pris les dates de publication de chaque nouvelle composant ce recueil de 1922 (hallucinant, il était trop prolifique!!)