jeudi 19 octobre 2023

La Princesse de Clèves (1678)

Lors de son arrivée à la cour d'Henri II, à la fin des années 1550, la jeune demoiselle de Chartres attire tous les regards en raison de sa grande beauté. C'est le prince de Clèves, tombé fou amoureux d'elle, qui a la chance de l'épouser. Mais peu après le mariage, notre protagoniste, devenue Madame de Clèves, rencontre le duc de Nemours, beau gosse et womaniser de service; il tombe immédiatement sous le charme, et elle sent sa vertu chanceler.

Ce roman de Madame de Lafayette décrit essentiellement comment cette pauvre Madame de Clèves va tout faire pour lutter contre l'infidélité: elle s'interdit d'abord de s'avouer ses sentiments, puis, quand ils lui crèvent trop les yeux, elle s'éloigne de la cour et va même jusqu'à avouer à son mari qu'elle en aime un autre – sans préciser qui – afin qu'il l'aide à rester isolée, loin de la tentation. Hélas, le duc de Nemours est nettement moins vertueux; il est amoureux, et il veut cette femme; il va donc tout faire pour la rencontrer, y compris en rentrant sur sa propriété à la nuit tombée et en louant une chambre donnant sur ses jardins afin de l'espionner. Un bel exemple de harcèlement et de masculinité toxique, pour résumer la chose en termes modernes.

La pauvre Madame de Clèves a donc d'autant plus de mérite de lui résister jusqu'au bout et d'être lucide quant au malheur qu'elle éprouverait en cédant aux avances d'un homme connu pour ses nombreuses conquêtes, en raison du coup que cela porterait à sa réputation mais aussi parce qu'il finirait probablement par se lasser. En cela, ce court roman est l'histoire inverse de La Princesse de Montpensier, dans lequel la protagoniste trompe son mari (même si, à peine trois mois après ma lecture, j'ai déjà tout oublié des détails).

Au-delà de cette intéressante histoire "d'amour", La Princesse de Clèves se lit très agréablement car il permet de découvrir la cour de Henri II, fils de François Ier et époux de la grande Catherine de Médicis. Savez-vous que leur fils François, qui deviendra roi de France à la mort de Henri II en 1559 (pour un an seulement, le pauvre ^^), avait épousé Mary Stuart d'Écosse, qui avait grandi en France? Who knew! Les liens de parenté et de pouvoir sont nombreux, complexes et difficiles à suivre (d'où mes notes en cours de lecture sur la photo ci-dessus), mais c'est passionnant. En ce qui concerne le style, il y a pas mal d'usages du français qui ont changé, et les subjonctifs de l'imparfait abondent, ce qui donne à ce livre un charme assez unique. Quelle préciosité, le XVIIe siècle!

"Vous m'étonnez, reprit Mme de Clèves, et je vous ai ouï dire plusieurs fois qu'il n'y avait point de femme à la cour que vous estimassiez davantage."

Le petit truc en plus que je ne veux pas oublier
J'ai trouvé cette édition Edmont Charlot de 1947 dans le coin de livres à donner de ma médiathèque. Les pages étaient clairement non découpées lors de la première lecture, et j'ai eu la chance d'en découper une moi-même, la seule que le ou les lecteurs précédents n'avaient pas coupée! Quel bonheur! Quel voyage dans le temps! Même si la coupe a été bien faite, il y a des irrégularités, ce qui fait que le bord du livre paraît plus épais. C'est merveilleux.

17 commentaires:

  1. Encore un classique que je n'ai pas lu. L'histoire a l'air édifiante, encore un livre dont on sait pourquoi il passe le temps.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Tigger Lilly: Oui, même si je me demande si le comportement du mec était critiqué durant toutes ces années. Aujourd'hui, ça me semble une évidence, mais je me demande tout de même si j'aurais eu la même impression quand j'étais au lycée il y a vingt ans.

      Supprimer
  2. Je garde également un bon souvenir de cette lecture ( et relecture ) que j'appréhendais pour son statut de grand classique difficile. Deuxième surprise, mon fils, lorsqu'il a dû le lire adolescent, a complètement accroché. Comme quoi...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Marilyne: Quelle belle surprise que ton fils ait aimé! Ce n'est pas facile-facile, et il y a bien peu d'action pour accrocher un jeune lecteur. Ce sont essentiellement des gens qui se rencontrent en soirée et s'envoient des billets.

      Supprimer
  3. C'est l'exemple même du livre "classique" que je connais de nom mais absolument rien de ce que ça raconte. Merci de faire ma culture (au moins temporairement, parce que je ne me fais pas confiance pour m'en souvenir 🙈).

    RépondreSupprimer
  4. "Savez-vous que leur fils François, qui deviendra roi de France à la mort de Henri II en 1559 (pour un an seulement, le pauvre ^^), avait épousé Mary Stuart d'Écosse, qui avait grandi en France? Who knew! " Je savais pour Marie Stuart par contre je ne me souvenais pas de ses parents ! C'est un classique que je devrais rattraper, un jour !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Shaya: Bravo!! 😊😊 Je pense que tu apprécieras, quand tu le liras!

      Supprimer
  5. Je souris, car je retrouve dans tes lectures (ou relectures) la trace de mes lectures scolaires.
    Donc ce classique, dont j'avais totalement oublié le contenu, c'est dire si ça date, à part savoir que j'ai dû l'étudier, je ne sais pas si j'ai aimé, si ça a été une corvée. J'ai peu de sentiment de cela dans mes lectures de lycée. Un peu plus dans celles imposées de la fac...
    Bon merci du rafraîchissement :p

    (bien vu de relever l'aspect Stalker du Monsieur ^^)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Ite: C'est souvent le cas des lectures scolaires, les gens oublient, ou alors ils se souviennent que c'était horrible. Voir le nombre de traumatisés de Zola, lol!!!

      Supprimer
  6. Je l'ai lu il y a une douzaine d'années et je n'avais pas relevé le côté masculinité toxique du monsieur! Je pense que nos mentalité ont beaucoup évolué durant cette période et qu'aujourd'hui, cela m'aurait sauté aux yeux!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Grominou: Je pense aussi. Moi aussi, je vois très différemment des choses avec lesquelles j'ai grandi et qui ne me choquaient pas du tout, voire que je trouvais géniale...

      Supprimer
  7. Dans mon précédent boulot, on avait des coupe-papiers parce qu'il nous arrivait de récupérer des bouquins aux pages non coupées, c'est un geste effectivement très satisfaisant ^^

    RépondreSupprimer
  8. Un classique non lu pour ma part...
    Mais qu'est ce que ces pages non découpées ? Je ne crois pas en avoir déjà rencontrées 🤔

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Ksidra: Ce sont des pages qui sont reliées les unes aux autres par le côté ou le sommet. Je n'ai pas les idées très claires sur l'impression, mais en gros on imprime plusieurs pages de texte sur une seule feuille de papier, qu'on plie de manière à ce que les pages soient dans le bon ordre. Eh bien, le pli que forme cette page reste dans le livre, et il faut le défaire au coupe-papier pour tourner les pages.
      Il y plus d'infos par là: https://bibliomab.wordpress.com/2010/06/09/livres-non-rognes-et-coupe-papier/

      Supprimer

Exprime-toi, petit lecteur !