Portée par l'enthousiasme délirant qu'a suscité en moi ma lecture des Falsificateurs d'Antoine Bello, j'ai abordé sa suite avec frénésie et ravissement. Nous avions dans le premier roman un jeune Islandais, Sliv Dartunghuver, embauché par une entreprise de falsification tentaculaire, le Consortium de falsification du réel (CFR). Après diverses péripéties, la question se posait de connaître la finalité de cette entité.
Dans la première partie des Éclaireurs, Sliv apporte son aide à un projet de longue haleine du CFR: l'entrée du Timor-Oriental aux Nations Unies. C'est le dernier coup de collier afin de convaincre les représentants de l'ONU que le pays pourra tenir la route seul, sans plus dépendre de l'Indonésie. Très inspiré, Sliv sort scénario sur scénario et attribue au pays des tas d'atouts dont celui-ci ne dispose pas réellement, et c'est là que j'ai commencé à m'interroger: même en s'appuyant sur la formidable force de frappe du CFR (dès que Sliv s'invente un rapport économique, par exemple, les équipes de falsificateurs du CFR créent ledit rapport et l'insèrent dans les dossiers de son pseudo-émetteur), comment peut-il si bien mener en bateau des gens qui bossent pour l'ONU et qu'on peut supposer un minimum informés de la situation économique et sociale du pays qu'ils évaluent?
Dans la deuxième partie, on suit les conséquences du 11-Septembre et la préparation de l'invasion de l'Irak par les États-Unis. C'était passionnant, d'autant que j'ai vécu cette époque mais que j'étais trop jeune pour suivre l'actualité de près (et que, de toute manière, j'ai tout oublié depuis). L'ambiance devait être chouette en Irak, avec la première puissance mondiale qui affirmait, en s'appuyant sur des données plus que floues, que votre dirigeant cachait des armes et qu'il fallait intervenir par la force pour les lui retirer. (Par la force chez vous, personne lambda qui n'était pas Saddam Hussein.) Mais ce qui interpelle le plus Sliv dans ce fatras de "preuves" qui ne tient pas la route, c'est 1/ d'apprendre que le CFR a largement contribué à la création d'Al-Qaida et 2/ que certaines des "preuves" brandies par la CIA semblent aussi provenir de dossiers montés par le CFR! Commence donc une course contre la montre pour débusquer le traître qui transmet des faux à la CIA et, peut-être, empêcher la guerre...
La troisième partie, enfin, mène Sliv devant le Comité exécutif, les six grands chefs qui dirigent le CFR, et qui vont lui en révéler les origines et la finalité. Je me contenterai de dire que CFR ne signifie pas du tout "Consortium de falsification du réel"... 🤣🤣🤣
Si j'ai retrouvé ici tout le talent habituel d'Antoine Bello, je dois dire que ce deuxième opus m'a beaucoup moins emballée que le premier, essentiellement parce que la falsification à l'œuvre m'a semblé trop colossale. C'était une chose d'inventer une espèce de poisson ou un film d'art et d'essai allemand; il me semble en être une autre de mener par le bout du nez les experts des Nations Unies en face à face. Quant aux motivations du membre du Comex qui a soutenu le développement d'Al-Qaida ([divulgâcheur]: mettre en garde l'Occident contre l'affrontement Occident-Islam en portant un groupuscule terroriste en particulier afin que l'Occident voie ce qui se passe et réagisse [fin du divulgâcheur]), je les ai trouvées d'une absurdité rare, et il m'a donc semblé imposible qu'une organisation aussi bien rodée et "sérieuse" que le CFR s'engouffre là-dedans...
Je dois aussi dire que j'ai étalé ma lecture sur deux semaines, en lisant parfois à peine un chapitre par jour, ce qui m'a donné l'impression de ne pas avancer et m'a empêchée de bien identifier et cerner les nouveaux personnages. À part les amis de Sliv rencontrés dans le premier roman, je suis absolument incapable de décrire avec certitude les personnages de ce tome-ci. Ça me désespère un peu. Même en vacances, je n'ai pas pu accorder à ce roman le temps qu'il méritait...
Mais enfin, tout ceci ne m'empêchera pas de plonger dans Les Producteurs dans quelques mois, parce que je suis très curieuse de voir comment le CFR va évoluer et que j'ai très envie de retrouver Sliv et ses collègues!!!
Un divulgâcheur que je ne peux pas lire, c'est terrible !
RépondreSupprimer"une autre de mener par le bout du nez les experts des Nations Unies" : tout le monde sait pourtant qu'il n'y a que des gens compétents et intelligents dans les hautes fonctions du monde, l'actualité nous le prouve tous les jours...
Un avis tiède c'est presque un avis négatif vu la qualité habituelle de l'auteur. Déjà que le côté "complot géopolitique" m'attire moins, ça résonne trop avec une certaine réalité, je suis un peu refroidi. Heureusement qu'il y a le premier tome pour que je me lance.
@Baroona: Ah, mais moi je suis une grande idéaliste: sans aller à dire que tout le monde est 100% bosseur et compétent dans les organisations internationales, je les considère, dans l'ensemble, comme compétentes et même pointues!! 😊😊
SupprimerAhlàlà je suis tellement curieuse de voir ton avis si tu te lances!
Je trouve qu'il y a une petite vibe Person of Interest avec cette atmosphère de théorie du complot (coucou Baroona si tu repasses)
RépondreSupprimerAh oui ? Et elle est bien cette série ? 👀
Supprimer@Tigger Lilly et Baroona: J'ai regardé la bande-annonce de la première saison pour me faire une idée ^^ Alors, en vrai, c'est très différent, MAIS... imaginez un instant si Antoine Bello se mettait sur une histoire ayant un pitch du genre de Person of interest... 😱😱😱
Supprimer