Tout ayant déjà été dit sur Le Seigneur des Anneaux, et dans la plupart des cas par des gens bien plus érudits que moi, je me contenterai de quelques remarques rapides que j'aimerais ne pas oublier! Qu'est-ce qui m'a marqué cette fois-ci?
Divulgâcheur: malgré ma volonté de ne pas faire de chronique à proprement parler, ce billet est interminable. Lol.
1/ Cette relecture n'avait que trop tardé, puisqu'elle était au programme depuis 2015, mais, au final, je pense que ce retard était un mal pour un bien, car je connais le roman presque trop bien: je me souviens souvent, en commençant un chapitre, de tout ce qu'il s'y passe, et de ce qu'un tel va dire à tel moment. Si je l'avais relu aussi vite que je le voulais (en 2015 par rapport à 2011), cela m'aurait probablement gâché mon plaisir. Je ne sais donc pas si je le relirai encore une fois un jour. Il faut quand même dire que c'était la sixième fois que je le lisais.
2/ Au début, le roman commence assez doucement, presque naïvement. Les affaires des hobbits sont plutôt rigolotes, et il y a même des chansons que l'on peut presque qualifier de chansons à boire. On est tout de suite portés par le récit, certes, mais même le chapitre 2, "The Shadow of the Past", qui raconte pourtant l'histoire de l'Anneau, n'est pas très épique. Ce n'est qu'au chapitre 5, "A Knife in the Dark", qu'on a le premier passage DINGO – et c'est d'ailleurs grâce aux hobbits, car c'est là que les habitants de Buckland sonnent l'alarme à cause des Cavaliers noirs.
"AWAKE! FEAR! FIRE! FOES! AWAKE!"
3/ Les poèmes de Tolkien me semblent assez inégaux. Parfois, il touche au génie, c'est absolument exceptionnel, comme dans la fameuse comptine de l'Anneau. Parfois, et notamment dans les chansons rigolotes, je n'y trouve ni rimes ni rythme, et ça me laisse très froide.
4/ À part ça, tout est génial DINGO EXCEPTIONNEL STUPÉFIANT INOUBLIABLE BOULEVERSANT. J'ai lu des tas de passages deux fois pour bien les savourer et m'en imprégner. Quel génie de la langue, de la construction de personnages, de la création de monde évidemment, de la construction d'une intrigue où chaque bout microscopique est parfaitement à sa place et même essentiel à l'ensemble, halàlàlàlà.
5/ La droiture morale. En juin dernier, j'ai relu Légende de David Gemmell pour me donner du courage en pleine catastrophe politique. Le Seigneur des Anneaux joue sur les mêmes ressorts: il me donne à voir des gens qui sont DROITS, fidèles à leurs valeurs. Par exemple, lors de la poursuite de Merry et Pippin, Gimli, visiblement d'humeur chafouine, râle beaucoup et fait remarquer à Aragorn que s'ils ne trouvent pas à bouffer, ils ne pourront pas faire grand-chose pour les hobbits, même à supposer qu'ils les retrouvent, à part témoigner de leur amitié en mourant de faim avec eux. Et Aragorn répond, en gros: "Si c'est tout ce que nous pouvons faire, c'est ce que nous ferons". Putain. Si tout ce que tu peux faire c'est crever de faim avec ton pote, alors tu crèves de faim avec ton pote. C'est exactement comme quand tout ce que tu peux faire c'est te faire tailler en pièces sur les remparts de Dros Delnoch. Putain. C'est DINGO. Je pense aussi au terrible calvaire de Frodo dans le Mordor et à la dernière étape sur les flancs du volcan. Il rampe. Vous vous rendez compte. Il ne tient plus debout, alors il rampe. IL RAMPE sur la pente pour se rapprocher de la route et du sommet. Il rampe, putain. (Sam, à l'inverse, est brutal avec Gollum, et c'est sa faute si Gollum est perdu pour toujours; et je trouve dommage que Tolkien ne le condamne pas.) Et Faramir!!! Alors là!!! Faramir!!! Un de mes personnages préférés!!!
6/ Faramir m'amène à une autre chose qui m'a marquée: les films de Peter Jackson sont quand même assez loin du roman, sur certains plans. Peter Jackson est scrupuleusement fidèle à certaines choses, mais il y a ajouté quelque chose de spectaculaire que Tolkien aurait sans doute renié, à commencer par les Cavaliers Noirs qui sont bien plus effrayants dans les films que dans le premier roman. Et certaines choses sont carrément contradictoires, comme le fait que Narsil ne soit reforgée que vers la fin. Sinon, je lui reproche très fort d'avoir modifié Faramir ainsi – sans compter que le détour par Osgiliath doit sacrément foutre la merde dans les calendriers méticuleux de Tolkien. 😂😂
7/ À propos de calendrier: le plus dur à comprendre et surtout à retenir, ce n'est pas qui est qui, mais quel jour on est, où en est la lune et où sont les différents reliefs les uns par rapport aux autres. 😂😂 J'ai passé mon temps à consulter la carte, car Tolkien décrit tout le temps ce que les personnages voient à l'horizon, et bien sûr les différents reliefs sont à des points cardinaux différents selon où vous vous trouvez, donc les montagnes qui étaient au sud de machin sont à l'ouest de truc, etc.
"Amroth for Gondor!" they cried. "Amroth to Faramir!"
9/ Shelob!! N'oublions pas Shelob!! Elle est terrifiante, avec son appétit qui pourrait avaler le monde et la relation gagnant-gagnant entre elle et Sauron.
"But still, she was there, who was there before Sauron, and before the first stone of Barad-dûr; and she served none but herself, drinking the blood of Elves and Men, bloated and grown fat with endless brooding on her feasts, weaving webs of shadow; for all living things were her food, and her vomit darkness."
11/ Je n'ai pleuré qu'à la fin, et à peine, mais l'émotion a été grande en le refermant. La nostalgie qui s'en dégage, le crève-cœur des séparations, la conviction que c'est là ce que l'humanité a fait de mieux, que ça rachète bien des misères et des petitesses, que c'est l'œuvre d'art ultime, qu'on est même au-delà d'Avatar (que je considère pourtant comme le film qui m'a sauvé la vie, quand je me parle à moi-même sur un ton dramatique) – et en même temps la sérénité qui se dégage de ce monde où les échelles de temps sont autres et où l'on peut espérer panser ses plaies, un jour.
"Well, here at last, dear friends, on the shores of the sea comes the end of our fellowship in Middle-earth. Go in peace! I will not say: do not weep; for not all tears are an evil."
12/ Dans la dernière partie des appendices, Tolkien parle de ses choix de traduction depuis la langue commune de la Terre-du-Milieu vers l'anglais, avec les difficultés et les limites de son travail. C'est tout à fait les genres de question qu'on se pose, les vrais traducteurs, et on en viendrait presque à se dire que le gars n'a pas du tout ÉCRIT Le Seigneur des Anneaux mais l'a réellement TRADUIT, et c'est DINGO, parce que cela voudrait dire... que tout était vrai. 💕💖
13/ La Communauté de l'Anneau étant sorti en 1954, Le Seigneur des Anneaux fête ses soixante-dix ans cette année. Comme Godzilla! 🥳🥳🥳