mardi 19 août 2025

Au-revoir là-haut (2013)

Attention! Aujourd'hui, on a du lourd!

Il y a quelques semaines, TmBM publiait un avis si motivant sur Au-revoir là-haut de Pierre Lemaître que je réservais le roman dans ma médiathèque avant même de laisser un commentaire, de peur d'oublier de le faire plus tard. U
ne dizaine de jours plus tard, Grominou publiait à son tour un avis super positif, me confortant ainsi dans mon choix.

Lorsque j'ai récupéré le roman, toutefois, j'ai dû blémir; je n'avais pas réalisé que c'était un sacré pavé, 560 et quelques pages dans l'édition grand format d'Albin Michel. Quand allais-je bien réussir à lire ça?

Et puis, quand j'ai effectivement commencé à le lire, je suis rentrée dedans super facilement et je l'ai dévoré en moins d'une semaine. C'est hallucinant, ce roman se lit tout simplement TOUT SEUL. Tout s'enchaîne parfaitement, l'action est super prenante, le style est limpide même quand il adopte divers tons (par exemple en rapportant les pensées d'un personnage au discours indirect), c'est drôle, c'est cruel, c'est révoltant, c'est bien documenté (ou en tout cas ça donne l'idée d'une documentation solide, parce que je ne connais pas suffisamment la période historique pour vraiment juger 😅), ça se dévore.

Je suis joie, je suis bonheur. C'est totalement comme Antoine Bello, de la littérature de qualité, qui allie un vrai fond et un style mais sans jamais se regarder le nombril ou se prendre affreusement au sérieux. C'est merveilleux. Je suis joie, je suis bonheur.

Bonne nouvelle: je me demandais pourquoi l'épilogue disait que Louise, un personnage secondaire, "n'eut pas un destin très remarquable, du moins jusqu'à ce qu'on la retrouve au début des années 40". Fallait-il reconnaître en elle un personnage historique réel, tellement célèbre que son simple prénom et la mention des années 40 suffiraient à l'identifier? Mais pas du tout: en fait, ce roman a deux suites. On n'est pas obligés de les lire, l'intrigue se suffit totalement à elle-même ici, mais on peut continuer si on veut. Couleurs de l'incendie parle de Madeleine, et Miroir de nos peines parle, justement, de Louise. Je suis joie, je suis bonheur.

Pour ce roman, Pierre Lemaître a obtenu le Goncourt en 2013. C'est mérité. Et le roman a été adapté par Albert Dupontel au cinéma. Il faut que je me penche sur ça.

Cerise sur le gâteau: dans les remerciements, l'auteur évoque Jules Romains!!! AAAAAAAAAAAAAAHHH!!!

"Au revoir là-haut doit beaucoup à la littérature romanesque de l'après-guerre, d'Henri Barbusse à Maurice Genevoix, de Jules Romains à Gabriel Chevallier."
AAAAAAAAAAAAAAHHH!!!
 
Oh, et pour ceux qui s'interrogeraient sur l'intrigue: c'est l'histoire de deux poilus qui reviennent de la Première Guerre mondiale dans un état pas possible, soit physiquement soit mentalement. Une histoire à dormir debout en quelque sorte, mais totalement solide en même temps, et surtout ultraprenante. Le seul et unique reproche que je pourrais lui faire, c'est qu'Albert est très mou, mais, même ça, ça passe parfaitement! Du grand art!!! Merci aux copains pour la découverte!!! 🤩🤩🤩 Et chapeau à Albin Michel!!!

jeudi 14 août 2025

Les Producteurs (2015)

Après avoir lu avec une jubilation rare Les Falsificateurs, puis avec plaisir mais aussi une bonne dose de scepticisme Les Éclaireurs, j'ai entamé le troisième et dernier roman de cette série d'Antoine Bello avec autant d'enthousiasme que de crainte. Allais-je retrouver le plaisir que m'a procuré cet excellent auteur? Ou bien la série s'était-elle essouflée pour moi?

Par bonheur, je me suis régalée!! Ahlàlà. Quelle satisfaction. Même si la découverte n'est, inévitablement, plus au rendez-vous, j'ai jubilé comme une gamine en voyant Sliv, notre héros islandais, œuvrer au comité directeur du CFR pour concrétiser des falsifications ou des manipulations diversifiées et dingos. De l'élection de Barack Obama au thème de n'importe quel jeu vidéo, la réalité connue vaccille. Les choses se sont-elles vraiment passées comme nous le croyons en raison d'une succession de hasards et de faits plus ou moins indépendants les uns des autres, ou le CFR tirait-il les ficelles en coulisses, partout et tout le temps?

Ce doute typiquement belloïen est hautement réjouissant, et donne ici lieu à de nouvelles interrogations en raison de la disparition d'une mallette contenant de nombreux dossiers de falsification retoqués, qu'un agent a malencontreusement oubliée dans un taxi. Dans les mauvaises mains, ces dossiers peuvent constituer l'arrêt de mort du CFR, voire provoquer d'énormes remous. Mais que faut-il penser lorsque certains de ces scénarios deviennent réalité? La personne les ayant dérobés envoie-t-elle un message au CFR? Ou bien la réalité n'est-elle tout simplement pas si éloignée de la falsification?

Et quand on joue un rôle dans la falsification, est-ce qu'on devient son personnage?

En outre, ce roman constitue une belle occasion de revivre l'actualité des années 2007-2012, mais sous la plume claire et acérée de Bello, qui condense et explique tout d'une manière étonnamment facile à comprendre. C'est merveilleux. Et puis, la falsification est passée sur Internet, en cette période, et les thématiques résonnent fortement avec celles de notre époque et les élections de Trump – ainsi qu'avec l'usage de certains chimpanzés dans le dernier Superman, tiens. J'aimerais bien que Bello nous sorte un roman sur les années 2020, même si ce serait sans doute un chouïa anxiogène.

En plus, il y a beaucoup d'humour, comme dans les tomes précédents:

"Détestant travailler en avion, j'en profitais généralement pour conjuguer deux de mes passions en visionnant sur mon ordinateur des navets cinématographiques doublés et sous-titrés à la fois. Je me targue ainsi d'avoir vu ce monument de finesse qu'est Independance Day dans toutes les combinaisons de langue offertes sur DVD. Qui n'a jamais entendu Will Smith s'exclamer « Bienvenue sur Terre ! » en néerlandais avec des sous-titres en bengali passe à côté du chef-d'œuvre de Roland Emmerich et, accessoirement, d'une occasion d'apprendre à marchander dans les bazars de Calcutta."
Je me meurs, je me meurs.

Plus loin, un des personnages évoque aussi Transformers, dans une conversation sur la rédaction de scripts de blockbusters. 😂😂 Et James Cameron est évoqué au sujet d'un film tiré de l'exploration d'une épave (épave créée de toutes pièces par le CFR, bien sûr! Et non, ce n'est pas celle du Titanic 😂).

Bref, ce roman a été un régal, je me prosterne devant Antoine Bello et je vous recommande, une fois de plus, de lire cet écrivain!

samedi 9 août 2025

The Dispossessed (1974)

Cinq ans après avoir lu La Main gauche de la nuit, que j'ai trouvé absolument brillant, j'ai enfin lu un autre roman d'Ursula K. Le Guin, et il s'est avéré non moins brillant!

The Dispossessed raconte l'histoire de Shevek, un physicien qui est né, a grandi et a fait ses études sur Anarres, une planète où s'est implantée une société anarchiste. Anarchiste au sens original du mot: "sans gouvernement central". Dès le premier chapitre, toutefois, on le voit décoller pour Urras, la planète jumelle d'Anarres, celle dont sont partis ces anarchistes, quelques 170 ans plus tôt. Ses études sur le temps ayant traversé les frontières – ou plutôt l'espace –, Shevek a été invité à les poursuivre sur Urras.

Les chapitres vont ensuite alterner entre son présent sur Urras, où il rencontre d'autres scientifiques et découvre cette société "propriertaire" (comment ça a été traduit en français, propertarian? 😀), et son passé sur Anarres, ce qui permet de comprendre pourquoi ses études n'ont pas pu avancer autant qu'il le voulait et de constater que cette société très horizontale, qui met en avant le collectif et non l'individu mais où personne n'est contraint à rien, n'est tout de même pas à l'abri d'un certain autoritarisme.

Et donc voilà, c'était brillant. Déjà, la structure de l'aller-retour dans le temps fait vachement monter le suspense, car l'action est souvent interrompue en fin de chapitre. Ensuite, la vie de Shevek elle-même est passionnante, ou en tout cas Le Guin réussit à la rendre passionnante, même quand il s'agit "juste" de savoir où il va aller travailler. Et il y a un suspense plus concret dans la partie sur Urras, par exemple quand l'autrice nous relate une conversation entre deux scientifiques, qui discutent en présence de Shevek mais que celui-ci ne peut pas entendre parce qu'il dort après avoir bu trop d'alcool.

Quant au fond, c'est brillant aussi, avec plein de réflexions sur l'organisation de la société et le rôle de chacun. Ce que j'en retiens, c'est une des maximes d'Odo, la penseuse anarchiste à l'origine de l'exil vers Anarres: en gros, les moyens sont déjà la fin. Ou, en d'autres termes: atteindre l'objectif n'est pas le plus important; ce qui compte vraiment, c'est comment on progresse vers lui. Franchement, ça met du beaume au cœur. À peu près au même moment, j'ai relu complètement par hasard ma chronique de Yoga d'Emmanuel Carrère et cela rejoint totalement une citation de Lénine qui m'avait marquée et dont j'avais parlé.

Bon, il y a aussi plein de réflexions sur le temps, car c'est le sujet d'étude de Shevek, mais là je n'ai rien compris. :D À part que ses études permettent la création d'une certaine technologie primordiale dans l'univers de Le Guin.

Concernant le titre: je pense que l'éditeur français a bien fait d'opter pour le masculin pluriel, mais, techniquement, "The Dispossessed" peut se traduire aussi par "le dépossédé", "la dépossédée" et "les dépossédées". Et je me demande si Le Guin voulait vraiment parler du collectif, au pluriel, ou si elle faisait référence à Shevek en particulier...

Enfin, une note sur cette édition Gollancz. Avec ses reflets mordorés sur le nom de l'autrice et sur les petits points éparpillés, la couverture est superbe. À l'intérieur, en revanche, le texte est pénible à lire à cause de la police petite, serrée et grasse. C'est un vrai miracle que j'aie réussi à lire le roman en une dizaine de jours et avec mon cerveau branché.

Autres livres de ou sur l’autrice déjà chroniqués sur le blog
The Left Hand of Darkness (1969)
Le Langage de la nuit (1973-1977)
Monographie Ursula K. Le Guin. De l'autre côté des mots (2021)

Allez donc voir ailleurs si ces dépossédés y sont!
L'avis de Baroona
L'avis de Vert

lundi 4 août 2025

La gamelle de juillet 2025

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé!

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Superman de James Gunn (2025)

On ne peut pas dire que cette relance des films DC soit une très grande réussite, mais le film est tout de même plus solide que le début ne le laissait présager: quand j'ai vu qu'il s'ouvrait sur la scène du chien Krypto prêtant secours à un Superman exsangue, c'est-à-dire le plan le plus fort de la bande-annonce, je me suis dit qu'ils avaient grillé leur meilleure cartouche tout de suite et que ça allait être long. Heureusement, il y a tout de même quelques bonnes idées ou beaux plans, et un léger message animaliste bienvenu (par exemple, Superman sauve un écureuil, et un habitant de Métropolis évacue la ville en emportant sa tortue!). Mais enfin, rien de bien mémorable.

Jurassic World de Gareth Edwards (2025)

La scène des titanosaures qui se courtisent,
un potentiel d'émotion énorme flingué par une image de synthèse imbuvable.

Le naufrage total. L'infamie. Dès la scène d'introduction, durant laquelle le système de sécurité d'un laboratoire ultra perfectionné passe instantanément de "une porte ne se ferme pas" à "système défaillant" à "reboot système", ce qui provoque le chaos total (nan mais qui programme un système de sécurité comme ça, sérieux??? On commence par sonner l'alarme, non???), le film aligne les incohérences et échoue totalement à tenir la route, à commencer par l'image de synthèse globalement dégueulasse. Il y a quelques beaux plans, comme le mosasaure qui saute hors de l'eau (j'ai évidemment pensé à Payakan dans Avatar 2 💙💚🩵), quelques idées sympas, comme le tyrannosaure qui dort le ventre en l'air et la gueule grande ouverte, ou des manières sympathiques de cacher l'action en arrière-plan pour mieux attirer l'attention dessus (ce que Gareth Edwards avait déjà fait, et avec brio, dans Godzilla). Mais, dans l'ensemble, c'est l'agonie. Et les hybrides de laboratoire ignobles à regarder... AU SECOURS!!!

Les Quatre Fantastiques. Premiers pas de Matt Shakman (2025)

Un ennui abyssal pour un film en plastique. En plus, je déteste le message sur la famille, ainsi que le fait que le seul personnage féminin soit enceinte et ne parle que de son bébé. MAIS ce film inutile est précédé de la bande-annonce d'Avatar 3!!! Et elle est prometteuse. J'attends décembre, le cœur palpitant.

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

J'ai relu en diagonale deux vieilles revues: le numéro de Yoga Journal de janvier-février-mars 2018 et le hors-série Esprit Veggie de Esprit Yoga, daté du printemps 2017. Puis j'ai lu le hors-série de Mad Movies consacré à la saga Jurassic Park (que j'avais déjà lu en 2018, mais qui a été mis à jour avec les opus les plus récents) (ils disent du bien de Renaissance, je pense qu'on n'a pas vu le même film 😅) et mon Cheval Magazine habituel. ❤️

mercredi 30 juillet 2025

Montée des périls (1935)

Et voilà le neuvième tome de la saga des Hommes de bonne volonté de Jules Romains!

 
Comme toujours, ce roman a constitué un plaisir de lecture assez rare tellement il allie une écriture de très belle qualité, des personnages récurrents que j'adore, une complexité d'intrigues de malades et des réflexions fascinantes sur des tas de sujets. Malheureusement, je l'ai lu de manière assez hachée, et j'ai dû pas mal revenir en arrière pour me remémorer ce qui s'était passé dans les chapitres précédents. Mon organisation ne me permet pas de lire autant que je le voudrais au quotidien, et j'oublie presque tout en 48 heures, ce qui n'est pas du tout favorable à une lecture suivie...

Mais enfin, j'ai resurvolé quelques paragraphes de chaque chapitre une fois que j'ai tout terminé, et je peux vous dire que ce tome présente une belle diversité, comme d'habitude: une partie assez longue sur les classes ouvrières et la vie de Maillecotin, ouvrier de son état; de la politique avec Gurau (un de mes préférés 💙) et Briand, Premier Ministre; les difficultés de Mionnet, le prêtre envoyé en province dans le tome précédent; les démarches floues de Laulerque avec l'Organisation (la société secrète tellement secrète que lui-même ne sait pas comment elle s'appelle et dans quel but elle œuvre 👀); deux lettres entre un frère et une sœur; et les conversations passionnantes entre Jallez et Jerphanion (qui comptent également parmi mes préférés 💙).

Comme toujours, les différentes histoires se recoupent parfois, avec plus ou moins de poids, mais toujours avec une cohérence, une finesse et une maîtrise que j'ai rarement vues ailleurs. Le titre "Montée des périls" me fait trembler, en revanche. Nous sommes en 1910-1911 et tout le monde parle de la menace de la guerre... 😭😭

J'ai noté pas mal de passages marquants, mais je vous en laisse un seul, en partie par fleimme de tous les recopier et en partie pour la douceur merveilleuse que j'y trouve. Nous sommes ici avec Laulerque, qui fait travaillers ses élèves sur la classification des mammifères, mais qui a l'esprit ailleurs.

"Il pensait aussi qu'il avait dans la poche une lettre de Clanricard, à peu près neuve. Il l'avait trouvée chez la concierge, en descendant de chez lui. Il avait jeté un coup d'œil sur la signature, sur les dernières lignes du texte, pour voir si elle ne contenait pas une recommandation d'extrême urgence, puis avait remis la lettre dans l'enveloppe, et le tout dans sa poche. Un journal peut se parcourir pendant qu'on se hâte vers son travail. Une longue lettre d'ami se déguste à loisir, et au pas tranquille du retour."
"Une longue lettre d'ami se déguste à loisir, et au pas tranquille du retour": c'est toute la beauté d'une communication qui prend le temps et je trouve que c'est superbement dit.

vendredi 25 juillet 2025

XY, De l'identité masculine (1992)

Chronique express!

Je suis tombée sur ce vieil essai d'Elisabeth Badinter dans une boîte à livres. Je n'avais que de très vagues notions sur cette féministe et je n'aurais sans doute pas fait la démarche de lire cet ouvrage si j'avais dû l'acheter, mais là, évidemment, je n'ai pas hésité.

Ma lecture n'a pas été très enthousiasmante pour plusieurs raisons. Déjà, c'est beaucoup trop pointu pour moi, qui n'en ai, en réalité, rien à faire, de l'identité masculine; c'est d'ailleurs pour ça que j'ai lâché le podcast Les couilles sur la table après deux ou trois épisodes seulement. 😜 Ensuite, il y a pas mal de notions de psychanalyse qui m'ont un peu perdue ou que je trouve fumeuses; je trouve notamment que certains font peser trop de poids sur les premières années de la vie ou le comportement des parents. (Je suis en cela tout à fait incohérente, puisque je me dis tous les jours que, avec les parents que le hasard m'a collés, il n'est pas étonnant que je sois aussi mal barrée...) Ce que j'ai trouvé intéressant, en revanche, c'est prendre conscience que l'identité masculine ne va pas de soi, dans la plupart des cultures: un garçon doit souvent prouver qu'il est un homme par un rite d'initiation ou par certains comportements, tandis que les filles deviennent des femmes automatiquement. Cela donne des tas de névroses de mecs qui doutent d'être des mecs. Que tout cela soit lié à la coupure avec la mère me semble plus douteux, en revanche.

L'ouvrage évoque aussi l'homosexualité masculine, et j'ai été ravie de découvrir que Freud n'y voyait pas du tout une maladie (il a même écrit "mais je ne peux pas le soigner, votre fils, il n'est pas malade" à une femme lui demandant de soigner son fils homosexuel... ^^). Puis Elisabeth Badinter présente un "homme réconcilié", qui serait capable de dépasser cette culture masculine traditionnelle pour embrasser aussi des valeurs traditionnellement féminines dans une société plus juste. Je l'ai parfois trouvée bien optimiste sur le fait que la patriarcat d'hier a pris du plomb dans l'aile grâce au féminisme, surtout qu'elle a écrit ce livre il y a trente ans, mais il est vrai que certaines choses changent.

Bref, une lecture assez ennuyeuse et pas pleinement convaincante, mais dont j'aurai retenu tout de même quelques idées.

dimanche 20 juillet 2025

I Am Malala (2013)

Avant de lire ce livre, j'avais la très vague idée d'avoir déjà entendu parler d'une certaine Malala, que j'associais tout aussi vaguement à l'Afghanistan. Le fait de voir le livre dans la bibliothèque d'une amie a constitué la bonne occasion de parfaire un peu ma culture, et je remercie l'amie en question de me l'avoir prêté!

Bon, en fait, Malala Yousafzai n'est pas afghane, elle est pakistanaise. Mais mon erreur n'était pas totalement insensée, nous le verrons.

Pour lire son autobiographie, j'ai stratégiquement commencé... par la fin, c'est-à-dire par le lexique et le résumé des grands évènements de l'histoire du Pakistan. Le lexique n'est pas vital. En revanche, le point historique m'a été très précieux. Bien que certainement déjà très résumé, il présente un pays dont l'histoire est plus que mouvementée depuis sa création en 1947, avec bien peu de stabilité politique interne et des relations internationales un chouïa tendues – les affrontements avec l'Inde ont d'ailleurs fait la une de l'actualité récemment.

Je n'ai pas retenu grand-chose, si ce n'est que le Pakistan se composait au début de deux régions, le Pakistan Occidental et le Pakistan Oriental, et que ce dernier État a pris son indépendance en 1971, devenant ainsi... le Bangladesh. Voilà. Ça m'a marquée. Je n'avais aucune idée que le Bangladesh avait à peine cinquante ans d'existence.

(Nan mais déjà, répartir les gens dans des pays en fonction de leur religion, comme dans le cas de la partition Inde-Pakistan, ça me tue. Mais en plus, découper ces pays de telle sorte qu'il y a des bouts du pays de l'autre religion entre deux bouts, comme ici le Pakistan Occidental et le Pakistan Oriental qui étaient séparés par un énorme bout d'Inde, ça me tue encore plus. On a envie de créer les guerres de demain ou quoi?)

Bref bref bref. Malala Yousafzai nait en 1997 dans la vallée de Swat, au nord-ouest du Pakistan tel que nous le connaissons aujourd'hui (l'ex-Pakistan Occidental du temps où il y en avait deux, pour ceux qui essayent de suivre 😜). Elle va à l'école dans l'établissement fondé par son père, elle se dispute avec ses deux frères, elle a une meilleure amie, elle adore regarder sa série préférée. Bref, elle décrit un quotidien d'enfant assez classique, avec toutefois une grande passion pour l'apprentissage scolaire.

Les relations entre hommes et femmes sont déjà très encadrées à cette époque et on ne peut pas dire que la région soit très moderne, mais la situation dégénère à partir de 2007, lorsque les Talibans arrivent et propagent leur discours extrémiste. Personnellement, j'ai du mal avec une société où les femmes mangent séparément des hommes et peuvent être mariées dès l'adolescence, mais par rapport aux Talibans qui posent des bombes dans les écoles pour filles parce que les filles ne doivent recevoir absolument aucune éducation, il y a un certain écart... 👀👀👀

Le père de Malala était très engagé contre les Talibans. Il a pris la parole contre eux et a essayé de défendre la région auprès du gouvernement central, à Islamabad, qui est intervenu militairement (comme toujours, ça a donné des années de guerre, des centaines de milliers de déplacés, les joyeusetés habituelles). Malala a progressivement pris la parole avec son père afin de défendre son droit à l'éducation. Elle adorait l'école et n'avait aucune intention d'abandonner son apprentissage parce qu'on lui interdisait d'étudier. Elle a acquis une certaine notoriété et elle a même tenu un blog pour la BBC! Hélas pour elle, cela n'a pas plu aux Talibans, qui l'ont désignée comme cible. En octobre 2012, deux hommes ont fait feu sur elle dans le car qui la ramenait chez elle après l'école.

C'est sans doute à cette époque que j'ai entendu parler d'elle et que je l'ai associée à l'Afghanistan. J'ai probablement entendu "taliban" et pensé "Afghanistan". Hélas, ces sinistres individus ne se limitent pas à un seul pays...

Heureusement pour elle (et pour nous!), Malala n'est pas morte! Il a fallu de longs soins en Angleterre, mais elle s'en est sortie. Cette tentative d'assassinat sur une jeune fille défendant l'éducation des filles a même attiré encore davantage l'attention internationale sur elle.

Malala Yousafzai a écrit ce livre en collaboration avec Patricia McCormick et, même si elle parle beaucoup de dieu (auquel je ne crois pas) et si je me suis demandée si elle ne forçait pas un peu le trait en disant des choses du genre "à dix ans, j'étais déterminée à changer l'avenir de mon pays", son histoire constitue une belle leçon de vie. J'admire sans retenue les gens qui continuent à faire quelque chose malgré le danger. Pour nuancer un peu mon propos et être honnête, je comprends les gens qui n'interviennent pas. Ici, par exemple, je comprends très bien les parents pakistanais de la région de Swat qui ont retiré leur fille de l'école par peur qu'elle y laisse sa peau. Je pense que je ferais comme eux. Mais les gens qui prennent le micro! Qui dénoncent!! Quelle force morale!! Malala s'est pris une belle dans la tête à quinze ans et elle a quand même pris la parole à l'ONU, quoi. Elle a dit à Barack Obama qu'elle n'aimait pas les attaques de drones américains sur le territoire pakistanais!! Vous imaginez la droiture qu'il faut avoir!!

Malala Yousafzai a eu le prix Nobel de la paix en 2014, avec Kailash Satyarthi, qui a aussi beaucoup œuvré en faveur de l'éducation. J'aimerais dire "treize ans plus tard, les Talibans n'ont toujours pas eu sa peau" sur un ton moqueur, comme si ces minables avaient tout raté, même si le fait qu'elle n'habite plus au Pakistan y est sans doute pour quelque chose. Hélas, le désastre récent de l'Afghanistan m'en empêche... :(

mardi 15 juillet 2025

Les miracles du bazar Namiya (2012)

 

Une nuit, trois petits voleurs tombent en panne de voiture et n'ont d'autre choix que de se planquer dans un bazar abandonné. Bizarrement, quelqu'un glisse une lettre à travers une fente dans le rideau métallique pour demander un conseil. Après avoir trouvé une vieille revue qui les informe que le bazar a été célèbre, en son temps, parce que le propriétaire répondait à de telles demandes de conseil, les trois compères répondent à la lettre même s'ils ne sont pas du tout le propriétaire. Mais le courrier suivant de leur interlocutrice arrive bien trop vite, et ils ne tardent pas à se rendre compte que cette personne ne semble pas vivre à la même époque qu'eux.

Au fil de  cinq parties se passant à des époques différentes, Keigo Higashino trace plusieurs portraits de personnes assez lambdas, qui sont face à un choix difficile dans leur vie et sollicitent l'aide du bazar Namiya pour y voir plus clair. Parfois, le conseil qu'on leur prodigue ne leur plaît pas, alors elles insistent pour défendre leur point de vue, à tel point que le roman émet l'hypothèse que leur décision est prise et qu'elles veulent juste être confortées dans cette décision. (Hmmm. Moi, parfois, je demande conseil parce que j'espère bénéficier d'un regard plus acéré que le mien, qui me montrera tout ce que j'avais raté.) Parfois, elles croisent la route les unes des autres sans le savoir. Ces petits détails forment un puzzle très sympathique à reconstruire, jusqu'à ce qu'on en revienne à nos petites frapes du début dans la dernière partie.

D'un certain côté, le fait que les personnages se croisent et qu'on réfléchisse à la notion de choix m'a fait penser à Tant que le café est encore chaud de Toshikazu Kawaguchi, mais le style est bien meilleur. :D

Pour être tout à fait honnête sur le style, ce roman m'a tout de même posé quelques petits soucis, notamment dans l'usage des pronoms. Exemple pour les pronoms personnels: des "elle" ou "il" qui apparaissent brusquement alors qu'aucun personnage n'a été mentionné depuis plusieurs paragraphes, ce qui me fait toujours pas mal tiquer. Exemple pour les pronoms possessifs: des "son chat" et "son père" dans la même phrase, alors qu'ils ne renvoient pas à la même personne (disons que le chat appartient à Mathilde et le père appartient à Trucbidule.) Bon, je chipote, c'est vraiment une remarque de rédactrice, et je sais que les trois quarts des gens ne comprennent même pas de quoi je parle – c'est d'ailleurs difficile à expliquer. Dans l'ensemble, c'était très bien. Une lecture claire et plaisante, parfaite pour un roman assez feel-good au final. C'est Sophie Refle qui est à la traduction, et elle est Madame Keigo Hisashino chez Actes Sud: j'ai l'impression qu'elle a traduit absolument tout ce que Actes Sud a sorti de cet auteur.

Allez donc voir ailleurs si ce bazar y est!
L'avis de Baroona
L'avis de Ksidra
L'avis de Tigger Lilly