vendredi 20 juin 2025

The Hammer of God (1993)

Aujourd'hui, on décolle avec Arthur C. Clarke!! 🤩🤩🤩🚀🚀🚀

Après un long voyage, le capitaine Robert Singh et son vaisseau, le Goliath, arrivent à destination. Face à eux, Kali, un astéroïde. Un astéroïde qui doit son nom à la déesse de l'hindouisme, celle qui porte une ceinture de crânes. Car cet astéroïde fonce droit vers la terre, et, si rien n'est fait, l'humanité est très, très mal barrée.

La mission du Goliath: dévier Kali de sa trajectoire actuelle.

Le roman s'articule en sept parties. L'action principale se situe en 2109, mais au moins la moitié des chapitres se situent avant, ce qui permet de reconstituer la vie de Robert Singh depuis sa participation au tout premier marathon sur la Lune. Le tout premier marathon sur la Lune, vous imaginez!! Dingo!! On assiste aussi à la mise en place de SPACEGUARD, un système de détection des corps célestes baptisé "en référence à un obscur roman" (figurez-vous que Clarke s'auto-référence en parlant de Rendez-vous avec Rama, excusez du peu 🤣🤣🤣), et on voit toute l'évolution de la société mondiale, notamment avec l'apparition du chrislam, puis la détection de Kali et le lancement de la mission du Goliath.

Nombre de ces chapitres mettant en scène des personnages qu'on ne retrouve pas plus tard, j'ai eu un peu de mal à tous les cerner, mais Arthur C. Clarke a un vrai talent pour leur donner vie en quelques pages et les caractériser. Mon problème est surtout que je n'ai aucune mémoire des prénoms, alors je passe mon temps à me dire "mais je l'ai déjà vu, lui, ou non?".

Sinon, tout est passionnant, comme d'habitude. L'humanité a mis en place un gouvernement mondial unique, il n'y a plus de guerres, et elle a colonisé la Lune et Mars (et dans ce dernier cas, elle a même commencé la terraformation). Il y a plein d'explications scientifiques rationnelles distillées avec simplicité. De l'humour. Et un suspense très sympathique, même si, connaissant Clarke, j'étais confiante quant au fait que ça ne finirait pas trop mal. (Ai-je eu raison? À vous de lire le roman pour le savoir.)

Le ton est donné dès la première page:

"All the events set in the past happened at the times and places stated; all those set in the future are possible.
And one is certain.
Sooner or later, we will meet Kali."
Tenez-vous-le pour dit. 👀

Bon, évidemment, une histoire d'astéroïde tueur, ça fait tout de suite penser à Armageddon, et [divulgâcheur] figurez-vous que l'option de la bombe atomique est bel et bien tentée dans ce roman, dans l'idée de péter l'astéroïde en deux, sauf que ça ne va pas se passer comme prévu 🤣🤣🤣 [fin du divulgâcheur]. Je ne saurais dire si le film est inspiré du roman, mais enfin c'est rigolo, quand même, surtout que le roman est sorti seulement quelques années plus tôt. En revanche, ce roman a bel et bien, quoique temporairement, inspiré le film Deep Impact: d'après Wikipédia, le film est devenu tellement différent du roman que le roman n'est même pas crédité dans le film. Lol. 

Comme toujours, ce bouquin est un régal jusque dans les remerciements.

Bref, je conclurai comme d'habitude, en disant que Clarke était un génie. Lisez Clarke!

dimanche 15 juin 2025

The Galaxy, and the Ground Within (2021)

Retrouver Becky Chambers est toujours un plaisir pour moi, et ce roman, le quatrième de la série des Wayfarers, n'a pas fait exception! 😊😊

Au début, comme dans les romans précédents, j'ai eu un peu de mal à identifier les espèces extraterrestres en présence et à associer un prénom de personnage à une espèce donnée, mais Internet m'a été d'une grande aide. Merci aux amateurs qui dessinent les personnages de Becky Chambers, hihi! Et ce petit temps d'ajustement ne m'empêche pas de profiter de l'histoire.

Nous rencontrons cette fois cinq personnes réunies par un problème technique. Ouloo est une Laru qui tient une sorte de petit hôtel sur une minuscule planète, en compagnie de son enfant Tupo. Au début du roman, elle reçoit trois clients: une Aeluon (la seule espèce dont je me souviens d'un roman à l'autre 🤣), une Akarak et un Quelin. Malheureusement, ces clients ne vont pas pouvoir repartir comme prévu, car toute circulation est brusquement interrompue.

Comme d'habitude chez Becky Chambers, il n'y a pas énormément d'action là-dedans, mais on apprend à connaître des personnages qui ont des manières de penser et de faire très différentes, en raison tant de leurs physiques que de leurs cultures. Par exemple, les Aeluon s'expriment grâce à la couleur de leur peau, donc tout élément coloré dans leur environnement leur semble signifier quelque chose. Les Akaraks, en revanche, se déplacent systématiquement avec une combinaison, car ils ne respirent pas la même atmosphère que la plupart des autres espèces sentientes. Ouloo, que j'ai imaginée comme une espèce de gros lama dégindandé, est une hôtesse extraordinaire, qui essaye de répondre aux besoins de tous et toutes.

Inévitablement, des tensions ressortent, mais, dans l'ensemble, c'est un séjour incroyablement agréable dans un microcosme où, en gros, tout le monde est sympa et respectueux de son prochain. Peu à peu, les personnages vont faire connaissance et s'ouvrir les uns aux autres, révélant leur passé ou les choix difficiles auxquels ils sont confrontés.

En bref: j'ai adoré, comme toujours. La seule chose qui m'étonne là-dedans, comme je l'ai évoqué dans ma chronique de A Prayer for the Crown-Shy, c'est qu'il n'y ait aucune mention du végétarisme, qui est à mes yeux la brique numéro un d'un monde plus juste (à moins que les innombrables plats évoqués ne soient censés se comprendre comme étant végétaux, mais ces noms fictifs me semblent relever des deux mondes). D'autant qu'il y a une scène très drôle où les personnages poussent de grands cris horrifiés en découvrant le concept du fromage humain. Un produit à base de lait, ça manque d'hygiène, mais tuer quelqu'un et consommer sa chair après la mort, ça passe? 🤔🤔

Il ne me reste plus grand-chose à lire de Becky Chambers: un roman écrit à huit mains avec Yoon Ha Lee, Rivers Solomon et S.L. Huan, ainsi que quelques nouvelles parues isolément qui ne semblent pas avoir été reprises en recueil. Je suis un peu tristesse.

mardi 10 juin 2025

Elle et Lui (1859)

Un jour de mai, je passe chez Gibert pour racheter les deux tomes de La Force des choses de Simone de Beauvoir en neuf, car je désespère de les trouver assortis l'un à l'autre en occasion (et que posséder les deux tomes d'un même ouvrage dans deux éditions différentes, ça me crispe). Au moment de payer, le jeune homme de la caisse fait ma journée: il m'annonce que Folio propose actuellement une opération commerciale "un Folio offert pour deux achetés". Et parmi les trois livres proposés, je vois George Sand. Je choisis donc sans hésiter, car je viens tout récemment de lire – et d'apprécier grandement – La Mare au Diable. Je sors de Gibert dans un état d'euphorie assez plaisant. Deux Beauvoir achetés, un Sand offert! 🤩🤩

Bon, j'ai fini par déchanter, mais ce cadeau inattendu est vraiment un bon souvenir.

Dans Elle et Lui, George Sand met en scène deux peintres, Thérèse et Laurent, qui se rencontrent à Paris. Ils se fréquentent d'abord amicalement, puis Laurent commence à tourner autour de Thérèse, qui finit par céder à ses avances, car elle l'aime énormément. Mais après leur départ de Paris, tout dégénère: Laurent a une hallucination, puis est rattrapé par son sale caractère en Italie, puis quitte Thérèse, puis tombe malade, puis se repent de son comportement abject, puis...

Bon, en bref, ce roman est une longue description d'un phénomène de masculinité toxique: un gars qui ne sait pas ce qu'il veut, ou bien qui veut surtout ce qu'il n'a pas, en tout cas qui veut Thérèse de temps à autre mais la massacre verbalement entre deux crises d'adoration, et qui alterne entre gentillesse-travail-génie et caractère de merde-paresse-tromperie. Le fait qu'il ne contrôle pas du tout son humeur, et qu'il ait ces espèces de crises cérébrales incontrôlables que le XIXe aimait quand même pas mal, m'a laissée supposer qu'on le diagnostiquerait aujourd'hui comme un bipolaire ou un schizophrène sévère. Mais bon. Ça n'excuse pas.

En face, Thérèse, animée d'un amour quasi-maternel, lui pardonne à peu près tout. Elle cherche plusieurs fois à se protéger, mais elle lui tient la main à peu près jusqu'au bout. Elle est autant animée par un amour sincère que par la responsabilité qu'elle ressent d'aider Laurent à exploiter son talent – et même son génie.

Bon. Vous voyez. Le génie torturé qui se fait les nerfs sur sa femme, et ladite femme qui subit et se dévoue. Et ça se désole de page en page. C'est bien pire que les deux personnages du Blé en Herbe de Colette...

Ce qui est très déprimant là-dedans, c'est que cette histoire est en fait inspirée de la réalité! Et plus précisément de la relation de George Sand et d'Alfred de Musset. Eux aussi, ils se sont aimés, puis se sont déchirés en Italie, puis se sont remis ensemble à Paris, puis se sont déchirés de nouveau. Ici, on a le récit de George Sand, et on peut donc supposer qu'elle a présenté certaines choses à son avantage. Thérèse est d'ailleurs une vraie sainte, et on peut douter qu'une personne réelle soit aussi douce et altruiste.

Mais on peut vérifier l'autre son de cloches, si on le souhaite... Car bien avant tout ça, en 1836, Alfred de Musset avait déjà mis en scène sa relation avec George Sand!!! C'est de ça que parle La Confession d'un enfant du siècle, en fait!!! Nan mais mon cerveau a explosé!!! Un couple qui se sépare... le gars en fait un roman... vingt ans plus tard, la fille en fait un roman à son tour...

Et là, le roman de George Sand soulève un tollé lors de sa parution!! D'après le dossier sur sa réception critique, le frère d'Alfred de Musset, Paul, a très vite sorti un roman intitulé Lui et elle, dans lequel c'est le personnage féminin qui est odieux avec le personnage masculin. Puis une certaine Louise Collet, ex-maîtresse d'Alfred de Musset, a sorti un roman intitulé Lui... 👀👀👀

Voilà qui fait relativiser certains réglements de compte publics de notre époque. 🤣🤣🤣

Et sinon: oui, hélas, bien que les deux personnages m'aient grave saoulée à se torturer comme ils le font, je suis très curieuse de lire La Confession d'un enfant du siècle pour avoir l'avis de l'autre partie. Il est peu probable que je franchisse vraiment le pas, mais je suis curieuse.

jeudi 5 juin 2025

La gamelle de mai 2025

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois!

Sur petit écran

Alice au pays des merveilles de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Juske (1951)

Ahlàlà. Le moins qu'on puisse dire, c'est vraiment que ce Disney n'est pas mon préféré. Heureusement qu'il ne dure qu'une heure quinze. 😅 Mais le Chat est bien.

Sur grand écran

Thunderbolts* de Jake Schreier (2025)

Ah! Ça y est. Marvel redresse la barre. Je ne sais pas si ça durera, mais j'ai vraiment apprécié ce film "en dur" avec relativement peu d'images de synthèse, des scènes de combat relativement modestes – quand New York est en danger, c'est une grue qui tombe, pas plusieurs immeubles – et des armures qui avaient l'air solides (à part le costume de Sentry, lol!). Et le ramassis de personnalités peu portées sur la collaboration est plutôt sympathique. En outre, le film parle de santé mentale et le méchant est vaincu non pas par la violence, mais par le soutien émotionnel. Dingo! Bon, le seul truc que je n'ai pas digéré, c'est le traitement de Red Guardian, qui a le rôle du bouffon de service. Sérieux, les Russes doivent se sentir tellement insultés... 🙃🙃🙃

Mission: Impossible - The Final Reckoning de Christopher McQuarrie (2025)

Parfait exemple de la maxime "trop de suspense tue le suspense", ce film s'auto-sabote en voulant en faire trop. Par exemple, plonger seul dans un sous-marin endommagé au fond de l'océan est un enjeu suffisant; il n'y a pas besoin de faire rouler le sous-marin sur lui-même au bord d'une falaise. 👀 C'est dommage, car il y a aussi beaucoup de bonnes choses: des cascades et des stratagèmes sympas, des personnages secondaires qui débordent de charisme même s'ils n'apparaissent pas longtemps à l'écran, et une efficacité générale assez sympathique. Bref, un film pop-corn, mais qui aurait pu mieux faire.

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

Un mois très modeste: j'ai uniquement lu mon Cheval Magazine habituel, alors que je suis censée lire une revue ou un journal par mois (en plus de Cheval Mag, j'entends). Et je n'ai pas non plus lu de bande dessinée. Je ne crois pas qu'il y ait de raison particulière à ça. Ça m'est un peu sorti de la tête, et quand j'y pensais, je n'avais pas envie de lire ce que j'avais à disposition. Or, j'ai déjà raté ma lecture de revue du mois en mars, et la rater de nouveau deux mois après m'inquiète un peu. J'espère que ce n'est pas le début de la fin. ^^

(J'écris pour m'en souvenir, plus tard: j'ai lu Cheval Mag par une journée de gros stress. J'avais prévu de ne pas travailler, ce qui était bien. Mais il n'y a pas vraiment eu de repos. J'ai réagi moins mal que d'autres fois et qu'on ne pourrait s'y attendre. Mais bon. Cheval Mag était vraiment la somme de l'effort intellectuel que je pouvais fournir.)

samedi 31 mai 2025

Under the Tuscan Sun (1996)

Quand j'ai commencé à lire ce livre de Frances Mayes, j'ai d'abord eu un faux départ. J'ai lu l'introduction, puis une page du premier chapitre, durant laquelle l'autrice-narratrice, une Américaine, décrit le processus de signature de l'achat de sa maison en Toscane. D'une part, l'évocation de l'Italie m'a foutu un cafard monstre. D'autre part, la description de la notaire qui demande tranquillement aux acheteurs de partiellement payer le vendeur au noir m'a fait penser que le livre allait enchaîner les clichés. (Même si, la seule fois où j'ai eu des infos sur un achat immobilier en Italie, c'est précisément ce qui s'est passé: il y avait le prix de vente indiqué dans les papiers officiels, et le vrai prix payé par les acheteurs. 👀)

Déprimée et excédée, j'ai rangé le bouquin.

Plusieurs mois plus tard, j'ai retenté ma chance. Et, cette fois, ça a marché. Je suis même tombée sous le charme. 😊

Donc. En 1989, Frances Mayes et son compagnon ont acheté une villa en Toscane. Bramasole, un vieux machin énorme, abandonné depuis trente ans, niché dans les collines d'oliviers et de cyprès à deux kilomètres de Cortone. Comme ils étaient tous deux enseignants à l'université, ils avaient de très longs congés d'été, et leur vie s'est donc articulée entre l'année scolaire en Californie et les trois mois d'été en Toscane, où ils ont entrepris de rénover la demeure.

Rien que sous cet aspect-là, le livre est charmant. Je suis incapable de réparer un robinet, alors je ne pense pas sous-estimer la montagne de travail que représente la rénovation d'une maison entière. Mais en Toscane! Quand tout est méga vieux! Les obstacles sont nombreux et toujours différents. Découverte d'une sorte de citerne géante sous la maison, déblayage de racines gigantesques, découverte de vieilles inscriptions et vieux objets... C'est une épopée! Et les relations avec les différents ouvriers sont aussi rigolotes et touchantes. Il y a les vieux artisans taiseux qui vous font des œuvres d'art, les chefs d'entreprise bordéliques qui font n'importe quoi, les Polonais payés au lance-pierre qui sont quand même contents parce qu'ils gagnent plus en Italie qu'en Pologne...

Peu à peu, la villa retrouve une belle allure, et on sent la satisfaction de l'autrice. Ça doit être quelque chose, de vivre dans un lieu dont on a repeint les poutres et les murs soi-même, où on a taillé des arbres abandonnés depuis des décennies, où on a aidé les ouvriers à porter des pierres et des briques, où on a décidé où percer le puits, etc. etc. Où, en somme, on a vu les lieux se façonner. Et où on a partagé tant de bons moments avec ses proches.

Et, bien sûr, c'est en Toscane. Une partie de la Toscane très éloignée de la mienne, ok, mais en Toscane quand même. Et on parle constamment de bouffe. Durant les premiers chapitres, j'ai été très perturbée émotionnellement. Puis j'ai plongé dedans. Je me suis réjouie de redécouvrir des tas de trucs, de voir que Frances Mayes décrit la cuisine toscane comme je le fais (la cuisine du peuple, rien à voir avec la gastronomie française). Je donnerais un rein pour manger le castagnaccio de ma grand-mère. En réalité, je crois que je n'aimais pas spécialement ça. J'avais même oublié que j'en mangeais dans mon enfance! Mais tout est revenu: les cavités creusées par les pignons et le thym dans la pâte, le goût, la ricotta qu'on mangeait avec. J'ai presque l'impression de revoir le plat de métal dans lequel il était cuit.

Genre le critique culinaire qui a une vision en mangeant la ratatouille préparée par Rémi, quoi. Tout à fait, tout à fait.

Oui, retrouver ça, ça vaudrait bien un rein.

Alors certes, Frances Mayes a une vision assez américaine de l'Italie. Elle parle sans cesse du fait que les gens prennent le temps, par exemple. C'est facile à dire, quand on passe dans un pays les mois qui constituent nos vacances. Même si rénover la villa était un sacré travail, ça n'a rien à voir avec un emploi! Et puis Cortone, c'est la province, et même la campagne. Comparer la frénésie de San Francisco et le calme de Cortone n'a aucun sens. Il faudrait comparer la frénésie de San Francisco à celle de Milan ou de Rome. Pour vous donner une idée par rapport à la France, ce serait comme entendre un Londonien dire que la vie est plus calme en France qu'en Angleterre en se basant sur son expérience de, disons, Saint-Malo. Lol.

Mais malgré cela, j'ai senti un vrai respect pour son pays d'adoption, et surtout une vraie passion et une vraie volonté de connaître des tas de choses différentes. Je pense que son bouquin donne une très belle image de la Toscane, d'ailleurs!

Pour finir sur une note bassement matérialiste: disons quand même que ce livre démontre, pour la trente-six millième fois, combien l'argent fait le bonheur. L'argent pour acheter une résidence secondaire. L'argent pour rénover ladite résidence. L'argent pour faire une ou deux fois par an un vol intercontinental. L'argent pour acheter à manger tout ce qu'on veut et nourrir des tas d'invités. L'argent pour louer une voiture pour trois mois. L'argent pour acheter des pots et des plantes en quantité et ensuite regarder tout ça pousser...

D'ailleurs, si vous avez un paquet d'argent, la villa est à louer!! Frances Mayes l'a visiblement revendue, à un moment donné. Au moment où j'écris ces lignes, une quinzaine de jours avant la publication du billet, il y a une promo sur les dates les plus proches: on descend à seulement 18 510 € la semaine! Pour les périodes les plus demandées, à savoir l'été et les fêtes de fin d'année, en revanche, prévoyez 30 850 € la semaine.

Le pognon, je vous dis!

Enfin, le livre a été adapté au cinéma en 2003, et c'est l'affiche de ce film qui est reprise sur la couverture de cette édition Broadway Books (que j'ai trouvée je ne sais plus où dans une boîte à livres). L'histoire est très différente, puisqu'on est sur le parcours d'une fille célibataire (qui ne le sera plus à la fin, j'imagine), mais ça me dirait quand même pas mal de le voir. Hélas, mes médiathèques ne l'ont pas en rayon...

lundi 26 mai 2025

Le blé en herbe (1932)

Comme toujours lorsque je croise un bouquin de Colette, j'ai sauté dessus sans hésiter!! Le hasard a fait, en outre, que je suis tombée sur Le blé en herbe quelques jours seulement après avoir lu le billet de Caroline Doudet à son sujet.

L'histoire est celle de Philippe et Vinca, deux adolescents qui passent leurs vacances d'été en Bretagne, du côté de Saint-Malo, comme tous les ans. Sauf que, cette année, ils ont respectivement seize et quinze ans, et ils ne sont donc plus des enfants, comme les années précédentes. Philippe se désespère en pensant à la monotonie de son avenir tout tracé – études puis travail – et Vinca le couve d'un œil inquiet entre deux parties de pêche. Puis un événement d'apparence anodine vient perturber ces vacances déjà tendues: en rentrant d'une commission, Philippe rencontre une femme habillée de blanc, Madame Camille Dalleray, qui loue une villa voisine.

Le blé en herbe est très clairement le récit de la fin de l'enfance et de l'entrée dans le monde des adultes – "le monde des adultes" signifiant ici "la sexualité". Philippe et Vinca s'aiment, mais d'un amour imprécis et enfantin, qui a toujours été là mais qui commence à changer. Ils se posent beaucoup de questions et se cherchent l'un l'autre sans jamais se trouver. Je dois dire que c'est là ce qui m'a pas mal échappé, puis a commencé à me saouler vers la fin: leurs dialogues un peu sans queue ni tête, pleins de disputes reposant sur des implicites.

Mais, en parallèle, j'ai apprécié la vision déchirante de ces changements qui nous broient sans qu'on ne puisse rien y faire. De base, on imagine facilement ces adolescents dans une période d'une insouciance unique dans leur vie, le genre de vacances qu'on regrette amèrement quand on regarde en arrière, bien plus tard, mais, en fait, ils ne sont pas du tout insouciants. Même les choix de Philippe ne dégagent pas d'insouciance, alors qu'on pourrait très bien les résumer en disant que c'est un garçon qui se laisse mener par sa bite et qui [divulgâcheur] gagne le gros lot, puisqu'il couche d'abord avec la femme adulte et expérimentée, puis avec la jeune fille innocente et amoureuse de lui [fin du divulgâcheur]. Comme on comprend, lorsqu'il rentre chez lui au coeur de la nuit, que ses traits soient "moins pareils à ceux d'un homme qu'à ceux d'une feune fille meurtrie"...

J'ai aussi apprécié, et beaucoup, le talent pur de Colette pour décrire cette campagne bretonne changeante et pleine de couleurs. De ce point de vue, c'est un vrai régal, le genre de roman qui vous pose un décor, comme Le Guépard pour la Sicile...

Moralement, je me suis tout de même interrogée sur ce que cela dit de Colette, qui a en partie basé ce roman sur sa propre expérience: en 1920, à quarante-sept ans, elle a noué une relation avec le fils de son mari de l'époque, qui en avait... dix-sept (le fils du mari, pas le mari, hein). Trente ans d'écart, donc. Quand c'est l'homme qui a trente ans de plus, j'y vois presque automatiquement un obsédé avide de seins fermes. Mais quand c'est la femme? Je ne sais pas. Si vous avez une opinion sur la question, ça m'intéresse, en toute sincérité. Pensez-vous qu'un amour sincère soit possible avec un tel écart d'âge? Si oui, quel que soit l'âge du plus jeune des deux? Parce que là, le plus jeune est un ado, quoi. Un grand ado, mais un ado quand même. (Sans même parler du fait que c'est le fils du mari, lol.) Dites-moi tout!

mercredi 21 mai 2025

L'Impératrice de Pierre, tome 2 (2021)

Après un premier tome absolument enthousiasmant, j'étais impatiente de retrouver Catherine Ire, impératrice de Russie, sous la plume de l'autrice lituanienne Kristina Sabaliauskaitė.

Le principe est le même dans ce deuxième tome: chaque chapitre correspond à une heure battue par l'horloge le 17 mai 1727, tandis que Catherine agonise dans son lit et se remémore sa vie. Le premier tome racontait une histoire totalement dingo de fille de petite noblesse pauvre passée par l'esclavage pour arriver dans le lit du tsar; le deuxième, en comparaison, est donc relativement "tranquille", puisque Catherine est déjà arrivée au pouvoir et y restera jusqu'à sa mort.

On y parle plutôt des relations familiales complexes, pour ne pas dire ultra malsaines, à la cour de Pierre le Grand – l'autrice fait même comprendre qu'il a tué son fils aîné de ses propres mains –, des manœuvres toujours délicates de son épouse pour le raisonner alors qu'il était ivre les trois quarts du temps, des relations diplomatiques tendues avec le reste de l'Europe, de la modernisation à marches forcées de la Russie, et bien sûr de la construction progressive de Saint-Petersbourg.

Une lecture passionnante, prenante, qui vous fait touner les pages sans pouvoir vous arrêter.

Les deux seules choses qui me laissent un peu perplexe, au final, sont la relative impuissance et/ou passivité de Catherine, qui ne semble pas énormément profiter de sa position et de son influence une fois qu'elle arrive au faîte du pouvoir, et la vision sombre de Pierre le Grand. L'homme est certes présenté comme un réformateur, mais aussi comme un saoulard incessant, qui grille sa santé à la vodka et fait n'importe quoi en se foutant de tout, sans respecter aucun protocole. Un peu genre Trump en roue libre. Mais en plus, il fait torturer les gens qu'il n'aime pas. Bon, l'alcool, au-delà d'une certaine quantité, explique beaucoup de choses, mais j'ai tout de même trouvé que ça faisait très "légende noire", et je me suis même demandé s'il n'y avait pas là une vision de la Russie assez négative... En tout cas, vu comment je saute au plafond en voyant certaines descriptions de l'Italie par des étrangers, j'ai tendance à penser que, si j'étais russe, je me sentirais insultée.

Sur la forme, c'est toujours Marielle Vitureau qui est à la traduction, et c'est toujours formidable. La version française se lit TOUTE SEULE. C'est fou. Et l'édition grand format de la Table Ronde est à tomber.

Bref, une fantastique épopée dans la Russie des années 1680-1720, une figure féminine dingo, un tsar dingo, un pays dingo, j'ai adoré. 🤩🤩

vendredi 16 mai 2025

Province (1934)

Comme son nom l'indique, le huitième roman de la saga des Hommes de bonne volonté de Jules Romains – le premier du deuxième volume de la collection Bouquins – nous emmène en province!

Une province variée, où les enjeux sont très différents en fonction des personnages: pour M. de Saint-Papoul, il s'agit de se faire élire député, puis de remercier ses soutiens; pour l'abbé Mionnet, il s'agit de résoudre une subtile affaire de société de tramways qui risque d'éclabousser un évêque; pour Jerphanion, il s'agit de décrire, dans une longue lettre à son cher Jallez, tout le petit monde réuni au château de Saint-Papoul à l'occasion d'un mariage. Quant à Laulerque – celui qui a rejoint une société secrète tellement secrète que le lecteur ne sait rien à son sujet –, sa première mission l'emmène carrément hors de France, à Amsterdam.

Ce qui m'éblouit toujours dans cette série, c'est la complexité des ramifications entre personnages. Ainsi, lorsque Mionnet note dans son carnet la confession d'une fidèle, le lecteur peut rapidement reconnaître ladite fidèle et apprend ainsi une information assez importante sur celle-ci et sur Jerphanion (mais Mionnet ne connaît pas Jerphanion, lui, et Jerphanion ne se doute de rien!). Les actions politiques peuvent bien sûr influencer le quotidien d'autres personnages, ou bien des enjeux majeurs d'un roman précédent reviennent en filigrane. Ici, par exemple, Germaine Baader passe une nuit dans la ville d'eaux que nous avons vu naître avec force détails dans Les Superbes.

Par ailleurs, je suis également ébahie par la manière dont Jules Romains construisait et posait ses personnages avec une aisance déconcertante. Je me suis fait cette réflesion au sujet du contact de Laulerque à Amsterdam, une femme vraisemblablement croate. Elle s'exprime et se révèle peu, et leur rencontre est racontée du point de vue de Laulerque, mais elle a une vraie personnalité et une vraie présence. J'espère qu'elle reviendra! Firmin Gambaroux est également posé avec beaucoup d'efficacité, quoiqu'en davantage de pages, et je suis curieuse de voir comment va se résoudre l'affaire des tramways.

Bref, Jules Romains était un génie, vive Jules Romains, lisez Jules Romains. Ce qui est rigolo, c'est que j'ai écouté quelques archives de lui sur Radio France et il avait une élocution très vieille France et imbue de soi-même, que j'ai du mal à associer à ses romans et qui me fait juste penser "encore un mec qui se regarde le nombril"! Mais le côté désuet est charmant. ^^

dimanche 11 mai 2025

Et si les chats disparaissaient du monde... (2012)

Je ne sais plus trop où j'ai entendu parler de ce petit roman de Genki Kawamura (auteur qui, soit dit en passant, est surtout producteur de cinéma et a notamment été producteur du merveilleux Your Name de Makoto Shinkai). Peut-être a-t-il été mis en avant dans la newsletter de ma libraire. Quoi qu'il en soit, j'ai évidemment sauté dessus – dans le sens que je l'ai réservé dans mon réseau de médiathèques, probablement en adressant une prière à la personne l'ayant emprunté pour qu'elle le rende à la date prévue. Puis, lorsque je l'ai récupéré, je l'ai lu le soir même, d'une traite. Un soir où ça n'allait pas très fort et où le brouillard intellectuel était tel que je ne me sentais pas d'attaque pour lire Jules Romains, pour vous donner une idée.

Le protagoniste, trentenaire, écrit une longue lettre pour raconter la semaine qui vient de s'écouler. Cette semaine a commencé très mal, puisqu'on lui a diagnostiqué un cancer au cerveau. Ses perspectives de survie sont très mauvaises: il est condamné à très brève échéance. Mais alors même qu'il essaye de lister des dix choses à faire avant de mourir, voilà que le diable débarque chez lui et lui propose un marché: il lui accordera un jour de vie en plus si notre héros accepte de faire disparaître quelque chose du monde.

Le premier soir, le narrateur choisit – avec quand même une certaine influence du diable – les téléphones.

En toute objectivité, ce roman n'a rien de véritablement exceptionnel. Mais il a tenu la promesse implicite de son titre, de son résumé, de sa couverture et de la vague de bouquins feel-good japonais dont les éditeurs français nous recouvrent: il m'a touchée, il m'a fait pleurer, il m'a un peu apaisée. Parce que le protagoniste, à l'annonce de sa mort prochaine, se demande bien sûr avec qui il a envie de parler, et qu'il n'a pas énormément de réponses à apporter à cette question. La première personne est son ex, grande amatrice de cinéma, ce qui donne lieu à quelques réflexions touchantes sur le septième art. Mais, surtout, il repense à ses parents – sa mère, décédée, et son père avec qui il est fâché – et à ses chats – Laitue, le chat de la famille, décédé également, et Chou, le sien.

Moi, vous me mettez des chats et des décès, et je me décompose. Et je pense que j'en ai besoin, en fait. Car le lendemain de ma lecture, je me suis réveillée plus reposée, en forme, lucide, dynamique et optimiste que depuis des jours, si ce n'est des semaines. Pas "reposée, en forme, lucide, dynamique et optimiste" dans l'absolu, hein. Mais "plus reposée, en forme, lucide, dynamique et optimiste que depuis des jours, si ce n'est des semaines". Observez la nuance. Bref, cela n'a pas été sans me rappeler le fait que j'ai cessé d'être insomniaque après avoir sangloté désespérément en séance d'EMDR. Foncièrement, je déteste souffrir et je suis convaincue que la douleur détruit, mais il semble y avoir un certain type de chagrin qui vous laisse plus apaisé après vous avoir secoué...

Le pitch de ce roman n'est pas sans rappeler Mémoires d'un chat de Hiro Arikawa, mais je l'ai trouvé mieux géré, et la version française, aux soins de Diane Durocher, m'a semblé mieux rédigée, sans les problèmes de concordance de temps sur lesquels j'ai buté lors de plusieurs traductions du japonais ces derniers temps. Ça se lit tout simplement tout seul.

Pour info, le roman est d'abord paru en France sous le titre Deux milliards de battements de coeur. C'est plutôt cool pour moi que le titre ait été modifié, parce que, évidemment, je l'ai lu essentiellement parce qu'il y avait "chats" dans le titre. 😊😊😸😸

Je n'y vois qu'un seul problème, en définitive: la superbe couverture n'est pas créditée!! 😱😱😱

mardi 6 mai 2025

La gamelle d'avril 2025

Comme toujours, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lecture.

Sur petit écran

Crazy Kung-fu de Stephen Chow (2004)

Bon, j'ai regardé ce film parce que je travaille sur les arts martiaux en ce moment et que mon copain l'a regardé, attirant ainsi mon attention dessus. C'est très excessif et grotesque, et pas vraiment mon délire, et ce n'est sûrement pas l'idéal pour voir des arts martiaux vraisemblables, vu que les gens volent quand ils sautent, et tout et tout. 😅 Mais la femme aux bigoudis et à la cigarette est très drôle, et les coups de pied sautés, c'est la classe.

(À la base, mon copain a téléchargé le film. Moi, je suis quelqu'un d'honnête; alors, quand j'ai entrevu un bout sur son écran et que j'ai décidé de le regarder à mon tour, je l'ai emprunté à la médiathèque. Au bout d'un mois, je ne l'avais pas encore regardé, alors j'ai prolongé mon emprunt d'un mois. J'ai fini par le regarder trois jours avant la date limite de rendu, parce que je ne pouvais pas prolonger encore. Bref, ma motivation pour regarder des films à la maison est vraiment inexistante...)

Sur grand écran

Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) de Pat Boonnitipat (2024)

Cette comédie dramatique thaïlandaise pourrait très bien se passer en France: si vous remplacez les acteurs par des gens parlant français, tout le scénario et les dialogues (ou du moins ce que les sous-titres en donnent à voir) peuvent être réutilisés tels quels. C'est fou, car, d'un autre côté, c'est un peu dépaysant, tout de même, la Thaïlande (ne serait-ce qu'à cause de tous ces câbles électriques dans les rues ^^). La musique est horriblement culcul et invasive, mais j'ai trouvé que la vision des relations familiales était assez fine et qu'il y avait un beau message humain, sans cacher une certaine souffrance liée à la maladie (la scène des cheveux est d'une finesse!) et à la vieillesse. Un très bon moment, en somme.

Gladiator de Ridley Scott (2000)

Revoir ce film m'a fait le plus grand bien! J'avais en tête que je ne l'aimais pas trop, mais de manière vague, et l'enthousiasme de Tigger Lilly m'a motivée à lui redonner une chance. Outre la musique absolument stratosphérique de Hans Zimmer (il y a juste la chanson de fin que je déteste 😅), il présente des tas de caractéristiques que j'adore: des épées, des guerriers, des chevaux à tomber, des scènes épiques, de la baston!! Et tout est léché, n'importe quel bout de l'écran est mis en scène à la perfection. J'ai même tempéré le (vague) reproche de sexisme que je lui faisais, car le personnage de Lucilla est très présent. Seuls bémols: des ralentis que je n'ai pas trouvés qualitatifs, et un méchant très méchant pour lequel j'ai eu du mal à ressentir de la compassion, alors qu'il a un vrai côté tragique qui pourrait en faire un personnage passionnant. Et puis Ridley aurait pu nous épargner le côté incestuel dégueulasse. Mais à part ça, du grand Cinéma!!

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

J'ai lu La Croix du 1er avril, dont la une était tout simplement irrésistible. Quelle satisfaction, d'un côté. Mais quelle crainte, de l'autre, que cela ne joue en leur faveur malgré tout. À part ça, j'ai découvert qu'il y a eu une guerre au Tigré tout récemment (2020-2022). Vous savez où est le Tigré, vous? Mon ignorance n'a de cesse de m'étonner.

En fin de mois, j'ai, comme d'habitude, lu mon Cheval Magazine adoré. Ce mois-ci, point de mention des animalistes. Youpi!

jeudi 1 mai 2025

Toine (1886)

Il y a des tas de choses que je trouve formidables chez Guy de Maupassant, mais je vais en souligner deux en particulier pour commencer ce billet:

Premièrement, le gars a été tellement prolifique que je n'ai toujours pas fini son œuvre alors que je le lis depuis l'année scolaire 1998-1999.

Deuxièmement, je n'ai jamais rien lu de mauvais sous sa plume. Le gars était uniformément brillant.

Cette année, j'ai deux recueils de nouvelles à lire: Toine et La Petite Roque, tous deux parus en 1886.

Toine réunit dix-huit nouvelles:

Toine (1885)
L'Ami Patience (1883)
La Dot (1884)
L'Homme-fille (1884)
La Moustache (1884)
Le Lit 29 (1884)
Le Protecteur (1884)
Bombard (1884)
La Chevelure (1884)
Le Père Mongilet (1885)
L'Armoire (1884)
La Chambre 11 (1884)
Les Prisonniers (1884)
Nos Anglais (1885)
Le Moyen de Roger (1885)
La Confession (1884)
La Mère aux monstres (1883)
La Confession de Théodule Sabot (1884)

Toutes étaient précédemment parues dans Gil Blas, sauf La Confession de Théodule Sabot qui était parue dans Le Figaro.

Bien sûr, ça a été un vrai régal.

Certains textes sont plutôt drôles, comme Toine avec son gros bonhomme cloué au lit avec ses œufs de poule, ou Les Prisonniers avec sa brave paysanne qui ne se laisse pas démonter par l'arrivée chez elle d'un petit contingent de soldats prussiens. D'autres sont tragiques, par exemple La Dot, Le Lit 29, L'Armoire, La Confession et La Mère aux monstres.

Évidemment, la femme est très présente: elle est objet de désir et souvent victime d'une société impitoyable. De ce point de vue, La Mère aux monstres est d'une modernité épouvantable. Maupassant était plutôt d'une mysoginie crasse dans la vie, mais, en lisant certains de ses textes, j'ai quand même le sentiment qu'il avait bien pigé que les femmes partaient perdantes dans la société de son temps. Citons toutefois que, à l'inverse, c'est l'épouse qui cloue spectaculairement le bec à son mari dans Bombard, ce qui m'a bien fait rigoler. (Note pour moi-même: ce texte m'a tellement rappelé La Fenêtre du recueil Le Rosier de Madame Husson que je suis étonnée que les notes de cette éditon Folio n'évoquent pas le parallèle...)

D'autres textes parlent des mœurs du temps, comme L'Homme-Fille et La Moustache, et la sexualité est évidemment présente à peu près partout.

La Chevelure
, enfin, est un classique de Maupassant qui pourrait presque relever du fantastique, tant il peut s'interpréter comme une histoire de hantise (même si l'explication rationnelle avancée par le corps médical relève de la sexualité la plus dégueu qu'on puisse imaginer).

Bref, c'était super. Quel génie, ce Guy. Et quelle langue parfaite! Sérieux, le XIXe, c'était quelque chose.

"La solitude m’emplit d’une angoisse horrible, la solitude dans le logis, auprès du feu, le soir. Il me semble alors que je suis seul sur la terre, affreusement seul, mais entouré de dangers vagues, de choses inconnues et terribles ; et la cloison qui me sépare de mon voisin, de mon voisin que je ne connais pas, m’éloigne de lui autant que des étoiles aperçues par ma fenêtre. Une sorte de fièvre m’envahit, une fièvre d’impatience et de crainte ; et le silence des murs m’épouvante. Il est si profond et si triste ce silence de la chambre où l’on vit seul ! Ce n’est pas seulement un silence autour du corps, mais un silence autour de l’âme, et, quand un meuble craque, on tressaille jusqu’au cœur, car aucun bruit n’est attendu dans ce morne logis."
(Extrait de La Confession)
Et vive l'imparfait du subjonctif, bien sûr!! 💞💞
"C’est à peine si on apercevait de temps en temps un homme qu’on devinât lavé, parfaitement lavé, et dont tout l’habillement eût un air d’ensemble."
(Extrait de L'Armoire)

"Elle parlait vite, les yeux baissés, d’un air hypocrite, pareille à une bête féroce qui a peur. Elle adoucissait le ton âpre de sa voix, et on s’étonnait que ces paroles larmoyantes et filées en fausset sortissent de ce grand corps osseux, trop fort, aux angles grossiers, qui semblait fait pour les gestes véhéments et pour hurler à la façon des loups."
(Extrait de La Mère aux monstres)

samedi 26 avril 2025

Le Voyageur imprudent (1944)

Après Ravage et La Nuit des temps, j'ai embarqué pour un nouveau voyage avec René Barjavel aux commandes. Un voyage qui présentait une caractéristique que, en soi, je déteste: il était temporel...

Par une nuit glaciale, Pierre Saint-Menoux galère dans la neige avec une colonne de soldats. Alors qu'il se repose en s'appuyant contre une porte, on lui ouvre et on lui annonce qu'il est attendu. Il est tombé chez un scientifique infirme, Noël Essaillon, et sa fille, Annette. Noël Essaillon affirme avoir mis au point une substance permettant de voyager dans le temps, qu'il a baptisée la noëlite, et il propose à Pierre de l'essayer, dans l'objectif de le convaincre de se joindre à ses travaux par la suite.

Pierre accepte... et ça marche!

Dans la première partie du roman, intitulée "L'appentissage", il découvre le fonctionnement de la noëlite et fait ses premières expériences de voyage dans le temps, avec des destinations de plus en plus éloignées dans l'avenir. Dans la deuxième, "Le voyage entomologique", il décrit minutieusement une société très différente de la nôtre, celle de l'an 100 000. Dans la troisième, "L'imprudence", il se tourne en revanche vers le passé...

Inutile de faire durer le suspense: Barjavel a réussi à me faire lire avec plaisir une histoire de voyage dans le temps, ce qui n'est pas une évidence! Ce roman ne m'a pas autant retourné le cerveau que Ravage, mais je l'ai trouvé très plaisant et très bon, et je pense l'avoir préféré à La Nuit des temps (qui, rappelons-le toutefois, a sans doute souffert d'être passé juste après Ravage, justement). Ça se lit absolument tout seul tout en étant très bien écrit, et la progression de Pierre dans l'expérience  du voyage temporel est bien menée. Le clou du roman, c'est la "société" de l'an 100 000, qui n'a rien à voir avec la nôtre; elle n'a rien d'enviable, elle fait même un peu peur à voir, mais elle a une vraie originalité, très loin des ouvrages qui ne savent décliner que l'industrialisation du monde et la victoire du capitalisme.

La dernière partie, sur le retour dans le passé, est peut-être plus prévisible, mais le plaisir n'a pas diminué pour moi.

Cette édition se conclut, enfin, sur un "post-scriptum" intitulé "To be and not to be" ajouté par l'auteur en 1958. Ça m'a bien fait rigoler, car [divulgâcheur] Barjavel aborde précisément ce qui me rend zinzin quand on me parle de voyage dans le temps et me fait détester ça [fin du divulgâcheur]. 😀😀

La seule critique que je peux faire à ce roman, c'est qu'on nous parle quand même pas mal du corps d'Annette et de ses seins en particulier (même si elle collabore sérieusement avec son père, voyage elle aussi dans le temps et sauve même la peau de Pierre à un moment – bref, elle ne sert pas exclusivement de love interest au protagoniste), ce qui semble être une constante de l'auteur. Soupir.

Bref, encore une victoire de Barjavel. Je suis joie.

PS de service: le blog fêtera ses quatorze ans demain (incipit). C'est chouette. 😊

Allez donc voir ailleurs si ce voyageur y est!
L'avis de Baroona
L'avis de Vert

lundi 21 avril 2025

Les Éclaireurs (2009)

Portée par l'enthousiasme délirant qu'a suscité en moi ma lecture des Falsificateurs d'Antoine Bello, j'ai abordé sa suite avec frénésie et ravissement. Nous avions dans le premier roman un jeune Islandais, Sliv Dartunghuver, embauché par une entreprise de falsification tentaculaire, le Consortium de falsification du réel (CFR). Après diverses péripéties, la question se posait de connaître la finalité de cette entité.

Dans la première partie des Éclaireurs, Sliv apporte son aide à un projet de longue haleine du CFR: l'entrée du Timor-Oriental aux Nations Unies. C'est le dernier coup de collier afin de convaincre les représentants de l'ONU que le pays pourra tenir la route seul, sans plus dépendre de l'Indonésie.  Très inspiré, Sliv sort scénario sur scénario et attribue au pays des tas d'atouts dont celui-ci ne dispose pas réellement, et c'est là que j'ai commencé à m'interroger: même en s'appuyant sur la formidable force de frappe du CFR (dès que Sliv s'invente un rapport économique, par exemple, les équipes de falsificateurs du CFR créent ledit rapport et l'insèrent dans les dossiers de son pseudo-émetteur), comment peut-il si bien mener en bateau des gens qui bossent pour l'ONU et qu'on peut supposer un minimum informés de la situation économique et sociale du pays qu'ils évaluent?

Dans la deuxième partie, on suit les conséquences du 11-Septembre et la préparation de l'invasion de l'Irak par les États-Unis. C'était passionnant, d'autant que j'ai vécu cette époque mais que j'étais trop jeune pour suivre l'actualité de près (et que, de toute manière, j'ai tout oublié depuis). L'ambiance devait être chouette en Irak, avec la première puissance mondiale qui affirmait, en s'appuyant sur des données plus que floues, que votre dirigeant cachait des armes et qu'il fallait intervenir par la force pour les lui retirer. (Par la force chez vous, personne lambda qui n'était pas Saddam Hussein.) Mais ce qui interpelle le plus Sliv dans ce fatras de "preuves" qui ne tient pas la route, c'est 1/ d'apprendre que le CFR a largement contribué à la création d'Al-Qaida et 2/ que certaines des "preuves" brandies par la CIA semblent aussi provenir de dossiers montés par le CFR! Commence donc une course contre la montre pour débusquer le traître qui transmet des faux à la CIA et, peut-être, empêcher la guerre...

La troisième partie, enfin, mène Sliv devant le Comité exécutif, les six grands chefs qui dirigent le CFR, et qui vont lui en révéler les origines et la finalité. Je me contenterai de dire que CFR ne signifie pas du tout "Consortium de falsification du réel"... 🤣🤣🤣

Si j'ai retrouvé ici tout le talent habituel d'Antoine Bello, je dois dire que ce deuxième opus m'a beaucoup moins emballée que le premier, essentiellement parce que la falsification à l'œuvre m'a semblé trop colossale. C'était une chose d'inventer une espèce de poisson ou un film d'art et d'essai allemand; il me semble en être une autre de mener par le bout du nez les experts des Nations Unies en face à face. Quant aux motivations du membre du Comex qui a soutenu le développement d'Al-Qaida ([divulgâcheur]: mettre en garde l'Occident contre l'affrontement Occident-Islam en portant un groupuscule terroriste en particulier afin que l'Occident voie ce qui se passe et réagisse [fin du divulgâcheur]), je les ai trouvées d'une absurdité rare, et il m'a donc semblé imposible qu'une organisation aussi bien rodée et "sérieuse" que le CFR s'engouffre là-dedans...

Je dois aussi dire que j'ai étalé ma lecture sur deux semaines, en lisant parfois à peine un chapitre par jour, ce qui m'a donné l'impression de ne pas avancer et m'a empêchée de bien identifier et cerner les nouveaux personnages. À part les amis de Sliv rencontrés dans le premier roman, je suis absolument incapable de décrire avec certitude les personnages de ce tome-ci. Ça me désespère un peu. Même en vacances, je n'ai pas pu accorder à ce roman le temps qu'il méritait...

Mais enfin, tout ceci ne m'empêchera pas de plonger dans Les Producteurs dans quelques mois, parce que je suis très curieuse de voir comment le CFR va évoluer et que j'ai très envie de retrouver Sliv et ses collègues!!!

mercredi 16 avril 2025

L'Impératrice de Pierre, tome 1 (2019)

En 1727, alors qu'elle agonise dans son lit, Catherine Ire, impératrice de Russie, écoute l'horloge battre les coups. Douze coups, douze heures, douze chapitres durant lesquels elle se remémore son parcours...

Et quel parcours. Née en 1684 en Livonie, une région qui semble correspondre à une partie des États Baltes actuels et qui était à l'époque sous domination suédoise, Catherine perd ses parents très jeune. Elle est recueillie par une tante, qui l'envoie ensuite travailler comme domestique (on pourrait presque dire comme esclave) dans une famille de Marienburg, également suédoise à l'époque. Ça ne se passe pas bien pour Catherine, dans l'ensemble. Puis elle est mariée à un soldat suédois, et, moins d'une semaine après, les Russes prennent la ville et massacrent à peu près tout le monde.

Catherine est emmenée par un officier qui la viole quotidiennemnet. Par la suite, toutefois, elle atterrit entre les bras du prince Alexandre Danilovitch Menchikov. Et grâce à lui, elle rencontre Piotr Alekseïevitch Romanov, le tsar qui veut moderniser et occidentaliser la Russie autant qu'il veut en étendre le territoire et la poser sur l'échiquier international. Le tsar qui préfère se faire appeler Peter, la version allemande de son prénom, et qui est entré dans l'histoire sous le nom de Pierre le Grand, fondateur de Saint-Petersbourg...

Bon, franchement, cette histoire est totalement dingo. La petite noble lituanienne de rien du tout qui traverse les tumultes de la guerre pour finir entre les bras d'un prince russe, puis du tsar en personne, c'est totalement dingo. Mais ce qui est encore plus dingo, c'est que le tsar l'a épousée, cette maîtresse-là, et qu'elle lui a succédé lorsqu'il est mort!!!!! 🤯🤯🤯

Kristina Sabaliauskaitė, autrice lituanienne, donne la parole à Catherine pour raconter ce parcours hors du commun et un caractère qui l'est tout autant. Tout cela est forcément pas mal romancé pour ce qui est des détails (par exemple, je doute que les archives nous apprennent que Catherine a découvert le plaisir sexuel avec Mechikov), mais les grandes lignes correspondent bien à la réalité (ou en tout cas à ce que Wikipédia m'en apprend). J'ai adoré découvrir cette époque turbulente, cette guerre de vingt ans entre la Suède et la Russie, durant laquelle la Pologne tient un rôle important, et où l'Empire Ottoman pointe aussi le bout de son nez. J'ai fait toute ma scolarité en France et on ne m'a pratiquement jamais parlé de l'Est, mais il y a autant de périodes palpitantes à découvrir, autant de familles royales et d'alliances éphémères, autant de palais somptueux, autant de familles aux ramifications impossibles à retenir (d'autant plus que, en bons Russes, les trois quarts des personnages de ce roman ont quatre diminutifs, lol!). Il y avait un monde entier qui n'avait, en fait, rien à envier à l'Europe occidentale pour ce qui est du pognon des riches. Sous d'autres aspects, en revanche, la Russie des années 1700-1710 semble effectivement très éloignée des standards européens, plutôt comme certains pays mulsulmans aujourd'hui. Par exemple, les femmes vivaient très confinées, et l'une des innombrables raisons pour lesquelles Pierre était appelé l'Antéchrist était qu'il faisait asseoir les femmes aux mêmes tables que les hommes...

Le roman se termine à huit heures du matin, alors que Catherine vient de se remémorer son mariage officiel avec Pierre, après un premier mariage organisé en secret. Nous sommes donc en 1712. Mais son histoire ne s'arrête pas là!!! Deux ans après avoir publié ce premier tome, Kristina Sabaliauskaitė a publié le deuxième, que j'ai déjà en ma possession et que je me réjouis immensément de lire bientôt. Franchement, le seul défaut que j'y ai trouvé, c'est le rôle prépondérant du sexe dans la vie de Catherine, d'abord par le viol puis comme outil de survie. Mais bon, j'imagine que ce n'est pas invraisemblable: une femme de rien du tout qui n'avait aucune alliance, elle devait sécuriser sa place comme elle le pouvait, quand elle en avait l'occasion.

Pour finir, un mot sur cette édition de la Table Ronde: le grand format est absolument superbe, avec titre doré en couverture et marque-page assorti. Un régal. C'est juste un peu dommage qu'il soit fragile: le simple fait de retirer l'étiquette du prix a laissé une marque sur la quatrième de couverture.

Pourquoi ce livre, me demandez-vous?
Mais parce qu'il est traduit du lituanien par Marielle Vitureau, bien sûr!!! Je vous ai déjà parlé d'elle parce qu'elle a écrit le Dictionnaire insolite des pays baltes et parce que c'est grâce à elle que j'ai lu La Saga de Youza de  Youozas Baltouchis. Je ne peux, bien sûr, pas évaluer sa traduction en tant que telle, vu que je ne lis pas le lituanien, mais la version française est un régal et se lit toute seule!!! 375 pages au grand format et je l'ai lu en cinq jours, dont deux où je n'ai pas lu, en fait, donc en trois jours de lecture réelle!!! Une rareté!!!

vendredi 11 avril 2025

Imperial Earth (1975) 🪐🌎

Arthur C. Clarke fait partie de mes auteurs valeurs sûres. Il ne m'a jamais déçue, et avec ce roman sur lequel je suis tombée par hasard, dans une librairie anglophone des Pays-Bas, il m'a encore emmenée immensément loin sur tous les plans: géographique, mental, humain.

Imperial Earth s'ouvre sur Titan, une lune de Saturne, qui doit sa richesse et son influence au sein du Système solaire à l'exploitation de l'hydrogène, que l'on y trouve en abondance. Le protagoniste est Duncan Makenzie, le troisième membre de la famille – presque de la dynastie – qui dirige ce petit monde. Nous sommes en 2776, et la Terre invite Duncan à donner un discours lors de la commémoration du cinq centième anniversaire de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis. Pour lui et sa famille, c'est une occasion importante de tisser des liens politiques et commerciaux, surtout à une époque où un nouveau système de propulsion risque de remplacer l'hydrogène à moyenne échéance, mettant ainsi en péril le modèle commercial de Titan. Mais c'est aussi l'occasion de procéder au clonage de Duncan. Car les Makenzie sont en réalité des clones depuis trois générations, le grand-père de Duncan n'ayant pas pu avoir d'enfant viable par la reproduction conventionnelle.

Dans la première partie du roman, on rencontre Duncan dans son quotidien sur Titan, et on découvre les enjeux de sa visite sur Terre et quelques bribes importantes de son passé, notamment ses relations avec un homme de Titan et une femme de la Terre, plusieurs années plus tôt. La deuxième partie raconte son voyage vers la Terre. Enfin, la troisième partie décrit son séjour sur Terre, jusqu'au fameux discours à l'occasion des cinq cents ans de la Déclaration d'indépendance.

Trois choses ressortent tout particulièrement de ce roman. Aucune des trois n'est surprenante quand on connaît l'auteur, mais je tiens à les noter pour bien m'en souvenir.

Premièrement, tout est très tranquille. Lorsque Duncan découvre le vaisseau à bord duquel il voyage, puis la Terre, je me suis dit que c'était quasiment de la cozy science fiction. Comme il ne connaît rien, tout l'intéresse et est sujet à émerveillement, y compris un cheval (Duncan ne croyait pas qu'ils étaient si grands!) ou le goût du miel. C'est absolument merveilleux de se lover là-dedans sans raison de flipper, en toute confiance.

Deuxièmement, l'auteur nous donne à voir une humanité qui a évolué en bien. Le progrès n'a pas été facile, et tout n'est pas parfait dans ce monde-là non plus, mais il n'y a plus d'États tels que nous les entendons et plus de guerres, et la technique a été utilisée à bon escient, pour faciliter le quotidien tout en redonnnant vie à un environnement très malmené. Duncan ressent un certain choc culturel en revenant sur Terre – la planète où il est né, puisque c'est là qu'il a été cloné –, mais il l'exprime toujours avec beaucoup de tact et de diplomatie. J'ai souri lorsqu'il se demande avec horreur si ses hôtes vont lui proposer "de la vraie viande"... (Réponse: non! Ouf! Duncan n'a jamais mangé de viande sur Titan et l'idée lui répugne!)

Troisièmement, j'ai retrouvé ici l'émerveillement pur face à l'exploration spatiale et les échelles de temps et de distance ahurissantes d'un système solaire et de l'espace en général. La première partie raconte comment, à l'occasion d'une eclipse, la planète Saturne passe devant le Soleil et permet ainsi à Duncan de distinguer, dans la relative obscurité qui s'ensuit, une autre étoile. Une autre étoile qui, en fait, n'est pas une étoile, mais la planète Terre, si distante de Titan qu'elle n'est qu'un point lumineux, visible uniquement lorsque le Soleil est caché!!

"He could not take his gaze off that faint little star, during the few seconds before Saturn wiped it from the sky. He continued to stare long after it was gone, with all its promise of warmth and wonder, and the storied centuries of its civilisations.
For the first time in his life, Duncan Makenzie had seen the planet Earth with its own unaided eyes."
Ce ne sont que deux paragraphes, mais purée, quelle émotion, quel renversement de paradigme!!!

Deux dernières choses que je veux noter. Un chapitre s'intitule "The Ghost from the Grand Banks" (comme un certain roman, tiens tiens tiens) et met, bien sûr, en scène mon paquebot naufragé préféré. Quelle merveille, ça aussi. Si James Cameron a lu ce livre, il a dû adorer. Enfin, le dernier tiers du roman prend un ton plus dur, car il y a un décès et Duncan doit affronter avec douleur ses amours passés. Cela ne rend pas le roman sombre en soi, mais c'est nettement moins cozy que ce qui précède. Et je suis admirative de la manière fine dont il a traité ses personnages.

À noter également: cette édition Gollancz contient une introduction de Stephen Baxter. Quant aux remerciements de l'auteur, ils évoquent Carl Sagan. Que du beau monde!

Bref: Clarke était un génie, lisez Clarke.

dimanche 6 avril 2025

Les BD du premier trimestre 2025 😺😺😺

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques du trimestre écoulé!

Plus que jamais, ce trimestre a été dédié aux chats. J'ai d'abord lu un manga avec un chat que j'ai reçu à Noël. Puis j'ai réorganisé une partie de ma bibliothèque et redécouvert pas mal de BD ou d'albums sur les chats, que je me suis empressée de relire.

Le Chat mène l'enquête de Noho (scénario et dessin), traduit du japonais par Pascale Simon (2023)

Un joli manga sur un gros chat blanc qui se balade à Los Angeles et y rencontre des gens – et parfois des chats. Une fois de plus pour une œuvre japonaise, on est sur le segment "tranches de vie". C'est fou. À la fin, il aide aussi deux détectives à résoudre une affaire, ce qui justifie le titre français; mais le titre d'origine, The Walking Cat (un titre anglais, oui), est plus proche de la vérité. Le chat est très dodu, il a souvent un petit air dédaigneux trop drôle et l'ensemble est plein de douceur, donc j'ai, bien entendu, beaucoup aimé.
Éditeur: Doki Doki

Crapule 1 et 2 de Jean-Luc Deglin (2017 et 2018)


Une BD adorable sur un petit chaton noir et l'humaine qui partage sa vie, entre incompréhensions, coups de griffes, coups de folie et amour. J'adore, mais parfois, quand Crapule a l'air triste, ça me donne pas mal envie de pleurer. J'avais déjà lu ces deux tomes, mais j'en avais oublié jusqu'à l'existence. La série s'arrête ici, il n'y a pas eu de nouveautés depuis.
Éditeur: Dupuis

Madame 1 à 4 de Nancy Peña (2015 à 2022)

Ici aussi, j'avais oublié jusqu'à l'existence de cette série, dont j'avais lu les deux premiers tomes: L'année du chat et Un temps de chien. Enchantée par ma relecture, je me suis procurée les deux qui sont sortis depuis: Grand reporter et Bébé à bord. Grand reporter est essentiellement un recueil de planches parues dans Le Monde, ce qui m'a fait revivre l'actualité de 2017 et 2018 (qui était bien pourrie, à tel point que ça m'a fait relativiser l'actualité actuelle) (eh ouais, Donald Trump était déjà là). Bébé à bord m'a moins emballée, vu qu'il y a un bébé (humain) qui entre en scène (si seulement ç'avait été un bébé chat!!), mais je me marre bien avec les mimiques de Madame, cette petite chatte si mignonne et déterminée. À noter que, dans cette série, Madame communique sans difficulté avec son humaine par la parole, ce qui n'est pas le cas dans les autres ouvrages du mois.
Éditeur: La Boîte à Bulles

Chat-Bouboule de Nathalie Jomard (2015 à 2021) 

Cette série-là, je ne l'avais pas oubliée! De tous les chats que j'ai rencontrés en images, Bouboule est probablement celui qui me fait le plus pisser de rire avec Garfield. Son ventre proéminent et ses mimiques m'éclatent démesurément. Dans le tome 3, son emploi du temps, qui contient pratiquement chaque jour le combo "miauler pour sortir" et "miauler pour rentrer", me plie en deux; les planches "et si l'histoire avait eu un chat sur les genoux", genre Jeanne d'Arc qui ne peut pas se lever pour aller bouter les Anglais hors de France, sont excellentes. J'avais déjà lu les tomes 1 à 4 (Chroniques d'un prédateur de salon, La nuit tous les chats sont gros, Intermittent de la sieste et Fat and furious) (ces titres 🤣🤣🤣) et je me suis procurée le tome 5 (À gras raccourci) (putain j'en peux plus 🤣🤣🤣🤣). Le seul truc qui me laisse perplexe dans cette série, c'est le nombre de blagues sur la litière et les crottes puantes. Peut-être que mes chats ont une activité intestinale moins intense que Bouboule. 👀
Éditeur: Michel Lafon

Et ce qui est beau avec cette réorganisation de bibliothèques, c'est que j'ai pu faire un petit coin 100% chats. Il y a d'autres chats ailleurs, bien sûr, mais, ici, il n'y a qu'eux! 💪💪

mardi 1 avril 2025

La gamelle de mars 2025

Comme toujours, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lectures! En ce qui concerne le cinéma, c'est un deuxième mois d'affilée avec quatre séances, ce qui est devenu suffisamment rare pour que je le marque d'une pierre blanche...

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Creation of the Gods 2 – Demon Force de Wuershan (2025)


Ji Fa ❤️❤️❤️

Je me suis empressée de retourner voir Creation of the Gods avant que mon cinéma ne le retire de l'affiche, et là, j'ai été tellement encore plus hystériquement emballée que j'ai envisagé de me traîner à Paris pour le voir une troisième fois, puis j'ai retourné Internet à la recherche d'interviews et DE LA CHANSON, PUTAIN, LA CHANSON, puis je me suis abonnée au compte Instagram de Yu Shi, le seul acteur que j'ai trouvé sur ce réseau social. Je n'en reviens tout simplement pas, je suis toujours à Xiqi, je veux trop être la générale, je suis amoureuse de la moitié des personnages masculins, je rêve de l'opulence du palais, je me dis même que ce serait cool de me mettre au chinois (ou plus précisément au mandarin, si je suis bien informée) si seulement j'avais suffisamment sécurisé ma connaissance du russe pour me pencher sur une autre langue, putain putain putain vivement le troisième film, et bénis soient les gens qui font la programmation de mon cinéma et qui ont passé le premier film l'année dernière, me permettant ainsi de découvrir son existence.
Plus prosaïquement: il y a quelques problèmes dans les sous-titres français, notamment une faute d'orthographe sur le participe passé du verbe "sauver" et des majuscules erronées au début d'un sous-titre faisant, ou non, partie de la même phrase que le précédent. Mais rien de grave. Et, structurellement, le film a presque trop de méchants, ce qui fait que l'intrigue de l'un d'eux (le roi) n'évolue pas et qu'un autre (le sorcier) est pratiquement absent. Mais le troisième film devrait régler ça.
(Enfin, sauf que la deuxième scène intra-générique de fin (car ce film contient pas moins de TROIS scènes intra-générique de fin!!!!! Quel bonheur!!!!! C'est comme s'il ne se terminait jamais!!!!!) annonce l'arrivée d'un nouveau méchant, encore plus patator, huhu.)

The Last Showgirl de Gia Coppola (2024)

La forme de ce film – caméras qui bouge beaucoup, très gros plans – m'a plutôt rebutée, mais le fond est très riche et je suis donc ravie de l'avoir vu. Pamela Anderson joue avec brio une femme simple, un peu "white trash", qui se révèle être bel et bien une artiste dans ce qu'elle fait. Jamie Lee Curtis a un rôle excellent et apparaît en string sous un collant gainant, donnant ainsi à voir ce qu'on ne voit pratiquement jamais: le corps d'une sexagénaire (coucou Emma Thompson dans Mes rendez-vous avec Léo). Dave Bautista joue tout en naturel un mec tout simplement gentil et un peu fragile, aux antipodes de son physique costaud de catcheur. On parle de filiation, d'un monde qui disparaît, de la difficulté spécifique d'être une femme, de l'absence de sécurité sociale aux États-Unis. Comme dans Nomadland de Chloé Zhao, je me suis dit à un moment donné que le rêve américain, à supposer qu'il ait jamais existé, est bel et bien mort, enterré et dans un état de décomposition avancé. Et que l'expérience humaine est décidément bien vaine et triste. Mais il y a quelque chose à en tirer malgré tout.

Magic Mike de Steven Soderbergh (2012)

Difficile de voir ce film de strip tease sans gigoter sur sa chaise et sans avoir envie de vider son compte en banque pour couvrir Channing Tatum de billets. Les numéros sont assez différents et bien montés pour que ce soit dynamique, et la souplesse des danseurs est ahurissante... Un peu comme The Last Showgirl, ce film montre un monde qui a une fibre artistique réelle, même si le plaisir consiste surtout, ici, à mater des fesses ahurissantes!! Et il y a aussi des relations humaines qui évoluent, et les difficultés de gagner sa vie aux États-Unis en toile de fond. La seule critique que j'ai à lui faire, c'est le grain inondé de soleil qui noie les couleurs...
//Bien entendu, je me suis ruée regarder la scène mythique de la station-essence dans Magic Mike 2, et je me disais que ces deux films ont un côté très rassurant, car les femmes sont les clientes. On mime sans cesse les relations sexuelles, mais aucune femme n'est jamais en danger ou dans une situation inconfortable.//

Mickey 17 de Bong Joon Ho (2025)

Un film très sympathique, qui brasse des tas de sujets, malgré quelques longueurs et quelques éléments qui m'ont laissée perplexe (c'est quoi, cet écosystème avec une seule et unique espèce? Comment se nourrissent ces gros machins? Je conçois bien que tout le monde n'est pas James Cameron pour créer un écosystème ultracomplet, mais bon...). Le chef du vaisseau est un tel condensé de Trump et de Musk que je suis étonnée que le film puisse être diffusé aux États-Unis. 😅 Bon, sinon, on n'a pas ici la finesse de Parasite, mais Parasite est hors-classe, et puis ce côté excessif est totalement assumé.

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste


Gloups! J'ai complètement manqué mon engagement de lire une revue ou un magazine en plus de Cheval Magazine. J'ai bien le Mad Movies sur les adaptations de Lovecraft qui attend, mais il était trop épais pour le temps disponible ce mois. Du coup, j'ai uniquement lu mon fidèle Cheval Magazine [mise à jour du 3 avril: le numéro de mars, que je n'avais pas pu lire lors de son arrivée, et le numéro d'avril]. Exploit en ce numéro d'avril: aucune mention des animalistes!!