mardi 21 février 2012

Top Ten Tuesday (5)

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.


Le thème de cette semaine:

Les dix livres que vous avez l'impression
d'être le/la seul(e) à connaître ou à avoir lu

L'exercice a été beaucoup plus difficile que prévu: je ne semble pas faire preuve d'une très grande originalité dans mes lectures et j'ai vainement fouillé ma bibliothèque à la recherche de quelque chose de véritablement peu connu.

1/ L'Histoire sans fin de Michael Ende. Bien entendu, tout le monde a vu le film de Wolfang Petersen, mais je n'ai pas rencontré d'autres lecteurs du livre (sauf les deux membres de ma famille qui l'ont lu avant moi, s'entend).

Version italienne d'un livre allemand.

2/ The Ancient Solitary Reign de Martin Hocke. Lu en italien sous le titre Le Royaume des Hiboux (Il Regno dei gufi). En fait, je suis très contente que ce livre n'ait pas eu le moindre succès, car il est excessivement mauvais (imaginez, une histoire de hiboux parlants dans laquelle les hiboux mâles violent les hiboux femelles........).

3/ D'une manière générale, les livres de l'auteur italien Emilio Salgari, le Dumas italien. J'ai lu Les tigres de Mompracem, Les Mystères de la Jungle Noire et Carthage en flammes (ces titres sont des traductions littérales des titres originaux; d'après ce que je sais, ils n'ont pas été traduits en français). Salgari est très connu en Italie: le fait que j'aie l'impression d'être la seule à le connaître est donc directement  et exclusivement lié au fait que j'ai grandi en France. Récemment, j'ai eu le plaisir de découvrir que Carlos Ruiz Zafon connaît lui aussi cet auteur, qu'il cite dans L'Ombre du Vent et Le Jeu de l'Ange. :)

4/ De nouveau d'une manière générale, tous les livres de Clark Ashton Smith, auteur américain d'horreur. Il publiait notamment ses nouvelles dans la revue Weird Tales, qui a aussi publié Lovecraft et Howard. (Si je pouvais remonter dans le temps, je m'abonnerais bien entendu à cette revue...) Désormais, plusieurs personnes autour de moi connaissent cet auteur, mais c'est parce que je leur en parle depuis des années, alors je considère qu'il a sa place dans ce Top Ten.

5/ Quelques livres de Zola qui sont moins connus du grand public. Si tout le monde connaît au moins les grandes lignes de Germinal, La Bête humaine ou Au Bonheur des Dames, certains tomes des Rougon-Macquart se font plus discrets dans les librairies. Je pense à Une Page d'Amour, La Joie de vivre et Le Rêve par exemple. Ils méritent d'être connus et constituent tous des grands Zolas, mais disons qu'ils ont un peu de mal à se faire remarquer à côté d'un géant du calibre de Germinal...

6/ Les aventures du Capitaine Alatriste d'Arturo-Perez Reverte. Bon, ce n'est pas vrai, j'ai découvert cette série grâce à une amie qui m'en a parlé au moment de la sortie du film avec Viggo Mortensen et j'ai converti une amie qui est devenue fan. Mais je trouve désolant que cette série de cape et d'épée ne connaisse pas le succès qu'elle mérite en dehors de l'Espagne, alors un peu de pub ne fait pas de mal. J'en ai déjà parlé ici.

Un Top Ten qui s'arrête au Top Six cette semaine. Les thèmes des prochaines semaines sont en ligne chez Iani.

mardi 14 février 2012

Top Ten Tuesday (4)

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini. Ce rendez-vous a initialement été créé par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani.


Le thème de cette semaine:

Les 10 livres qui vous ont fait pleurer
(ou qui vous ont au moins ému(e))

1) La Toile de Charlotte de E. B. White (Charlotte's Web en VO, La Tela di Carlotta pour moi qui le possédais en italien). Crise de larmes incontrôlable pendant les adieux de cette brave Charlotte, araignée lettrée hors pair.

2) Mon bel oranger et Allons réveiller le soleil de José Mauro de Vasconcelos. Autres crises de larmes incontrôlables face à la disparition des deux figures paternelles positives. Je n'ai pas du tout retrouvé la même émotion lorsque je les ai relus récemment et j'ai été un peu déçue, c'était comme une énième preuve que la magie de l'enfance m'avait bien quittée...

3) Antigone de Anouilh, un texte incroyablement émouvant dans sa sobriété même.

4) Le Miroir d'ambre de Philip Pullman, aux alentours de mes 17 ans. Et ouais. La séparation entre les deux gamins m'avait fait sangloter. Je ne comprends pas comment cela a été possible: j'ai relu la trilogie À la croisée des mondes récemment et je l'ai trouvée tout à fait fadasse et mal écrite. :(

5) La Ligne verte de Stephen King. Probablement le livre le plus déchirant que j'aie jamais lu. Il faut que j'arrête de lire quelques minutes, le temps de sangloter tranquille, avant de reprendre. La nostalgie et la solitude du narrateur âgé sont intolérables, et Mr Jingles, la souris..... J'ai les larmes aux yeux rien que d'y penser.

6) Le prince heureux d'Oscar Wilde. Ou comment passer de la lecture neutre à la lecture sanglotante en une demi-page.

7) Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien. Bizarrement, je n'ai pas versé une larme la première fois que je l'ai lu, à 14 ans environ. C'est à la deuxième lecture (et première en VO) que j'ai commencé à pleurer, notamment lors du départ de Lórien. La troisième lecture me semble avoir été exaltée, mais sèche, tandis que j'ai pleuré tout au long du bouquin la quatrième et la cinquième fois que je l'ai lu (mais pas forcément à cause des mêmes passages).

8) Légende de Gemmell. Là aussi, je n'ai commencé à pleurer que la deuxième fois. Et puis la troisième fois, gros sanglots incontrôlables. Je suis amoureuse de Druss, et puis Gemmell titille mon envie d'absolu avec ses Héros...

9) Germinal de Zola. Encore un bouquin sur lequel je n'ai pleuré qu'à la deuxième lecture. C'est l'histoire de Bataille et de Trompette, les deux chevaux qui travaillent au fond de la mine, qui m'a donné un gros chagrin... Ai pleuré dans l'avion me ramenant de Pise à Paris.

Je m'arrête à neuf car aucun autre livre ne me vient à l'esprit pour l'instant...

Conclusion: je suis une grande pleureuse, mais ce n'est pas nouveau -- ça fait longtemps que je m'organise pour lire certains livres et regarder certains films en privé! ^^

Le thème de la semaine prochaine sera: Les dix livres que vous avez l'impression d'être le/la seul(e) à connaître ou à avoir lu

Généralement, mes grands moments de solitude sont plutôt cinématographiques, mais ça ne devrait pas être trop difficile de trouver quelques bouquins du même type.

lundi 13 février 2012

Les Ritals

"Je suis peut-être un peu méprisant mais, merde, ils ont qu'à ne pas être si cons, c'est chiant, à la fin, tout est fait pour les cons, y en a que pour eux, si t'es pas tout à fait assez con t'as du mal à pas te faire chier, sur cette putain de planète !"

François Cavanna
Les Ritals

dimanche 12 février 2012

Les Russkoffs (3)

"Je sortais de ma banlieue, de mon trou à Ritals et à titis. J'avais pas la moindre idée de ce qu'était un Russe. J'avais côtoyé des petits Russes blancs à la communale, j'avais rien vu. C'était pas le bon moment, faut croire. Ou pas les bons Russes. J'ai désormais et j'aurai toujours, pour tout ce qui est russe, une passion flamboyante, éperdue, résolument partiale. Et cucul la prâline. Et assumant joyeusement tout ça. C'est le propre de la passion."

François Cavanna
Les Russkoffs

samedi 11 février 2012

Les Russkoffs (2)

"Enfin, bon, le russe, je m'en suis vite aperçu, est aux autres langues ce que les échecs sont à la pétanque."

François Cavanna
Les Russkoffs

vendredi 10 février 2012

Les Russkoffs

J'ai découvert Cavanna il y a quelques années grâce à son œuvre la plus connue, Les Ritals, dans laquelle il décrit son enfance dans la banlieue est de Paris, plus précisément dans un "trou à Ritals", pendant les années trente. C'est un livre qui, s'il était traduisible (j'ignore s'il en existe une version italienne), devrait être lu par absolument tous les Italiens, facilement enclins à montrer du doigt les immigrés africains et asiatiques qui viennent violer et tuer chercher du travail en Italie; il serait bon qu'ils sachent que, il n'y a pas si longtemps que ça, les maçons et les ouvriers ritals allaient envahir la France, détruire la culture française et tout ravager sur leur passage...

C'est cette sympathique édition que j'ai récupérée dans une brocante. :D

Dans Les Russkoffs, Cavanna reprend son récit en 1943, lorsqu'il part réaliser son STO en Allemagne, en banlieue de Berlin. Il est tout d'abord affecté dans une usine dans laquelle travaillent également des prisonnières russes, d'où le titre du livre. Cependant, comme il est très lent dans son travail aux machines, il est transféré avec d'autres ouvriers particulièrement inefficaces dans une équipe chargée de réaliser un travail peu ragoûtant: fouiller dans les ruines des immeubles de Berlin, bombardée par les Alliés, pour retrouver les possessions des habitants et dégager d'éventuels rescapés ou des cadavres.

C'est là que se trouve, à mes yeux, un des points forts de ce livre: on voit à la fois la fin de la guerre à travers les yeux des vainqueurs (Cavanna et ses camarades sont de facto des prisonniers du Reich et sont donc plutôt du côté des Alliés, même si Cavanna est un peu à part, comme je le dirai plus loin) et des vaincus (nous sommes à Berlin et nous assistons aux souffrances de la population civile allemande et des dernières loques de la Wermacht). Les rares fois où j'en ai eu l'occasion, j'ai trouvé extrêmement instructif (bien que franchement révoltant et déprimant) de voir le point de vue "d'en face" dans un récit de guerre (je pense à À l'Ouest rien de nouveau d'Erich Maria Remarque et à un livre allemand de Heinrich Gerlach, que j'ai lu en anglais sous le titre The Forsaken Army et dont je reparlerai prochainement).

Le deuxième point fort de ce livre, c'est la manière très particulière dont écrit Cavanna. C'est un style très direct, incisif, plein d'énergie, de rage et d'envie de vivre à la fois. Cavanna est hors de lui, tout le révolte, il en veut aux cons du monde entier (le mot con est le véritable leitmotiv du livre), il en veut autant aux Alliés qui bombardent une ville exsangue qu'aux S.S. qui obligent les dernières recrues de la Wermarcht à affronter les Russes pendant qu'ils se réfugient discrètement du côté des Américains. Il crie après tout le monde et dit ce qu'il a à dire sans mâcher ses mots. En même temps, c'est un jeune homme très pacifique et pacifiste, un peu naïf parfois (c'est lui qui le dit)...

Comme j'ai du mal à cerner précisément ce que j'ai ressenti en le lisant, je vous propose un des extraits m'ayant le plus marquée et illustrant bien cette manière d'allier la rage à la compassion et à l'humanité.

Contexte: Au fur et à mesure que l'armée allemande recule face aux Alliés, l'approvisionnement de Berlin se fait plus difficile et la population commence à souffrir des privations que le reste de l'Europe éprouve depuis des années. (Précision: les Chleuhs, ce sont les Allemands.)

"Les queues ont fait leur apparition. "Bien fait pour leurs gueules ! C'est bien leur tour !" ricanent les copains. Ils en ont, de la chance, d'avoir ce sens du talion ! Ça doit aider, je suppose. Moi, que les estomacs chleuhs pâtissent, ça ne remplit pas le mien. Voir crouler les villes allemandes, pleurer les mères allemandes et se traîner entre deux béquilles les mutilés de guerre allemands ne me console pas des villes françaises en ruine, des mères françaises en larmes et des Français hachés par la mitraille, bien au contraire. Toute ville qu'on tue est ma ville, toute chair qu'on torture est ma chair, toute mère qui hurle sur un cadavre est ma mère. Un mort ne console pas d'un mort, un crime ne paie pas un crime. Sales cons qui avez besoin qu'il existe des salauds pour pouvoir être salauds en toute bonne conscience... Mais je me répète, je crois."

(Notez que j'ai choisi un extrait comportant le mot con.)

C'est cette manière très dynamique de raconter son histoire, je crois, qui rend tolérable un récit qui est par ailleurs assez horrible et révoltant, comme tous les récits de guerre. On a droit à notre lots de cadavres en bouillie, de traitements inhumains, d'exécutions et d'horreurs en tout genre. Mais je dois dire, au final, que la scène qui m'a le plus marquée ne comporte pas une seule goutte de sang: c'est la longue file de voitures S.S. garées du côté des Américains, les S.S. et les officiers s'étant tranquillement rendus du côté ouest pendant qu'ils obligeaient les derniers soldats allemands à ralentir l'avancée de l'Armée Rouge du côté est.

"François, toute ta vie rappelle-toi les champs de bagnoles S.S. de la zone américaine ! [...] Si, par hasard, un va-t-en guerre, de quelque couleur qu'il soit, parle devant toi de "sacrifice suprême", de "verser son sang jusqu'à la dernière goutte plutôt que de se rendre", de "la gloire du soldat qui est de mourir en combattant", aussitôt projette-toi ça dans son petit cinoche : l'océan feldgrau des belles voitures S.S. bien astiquées, bien alignées, à perte de vue, à perte de vue."

Pendant les années soixante, Cavanna a fait partie des fondateurs du magazine Hara-Kiri, désormais disponible en kiosque sous la forme de son descendant Charlie Hebdo. Il a donc continué à gueuler après son retour en France, et pas juste à travers ses livres.

Ce livre a représenté pour moi le tremblement de terre de ce début d'année 2012, comme mes contacts Facebook ont dû remarquer début janvier, lorsque je les ai abreuvés d'extraits. On retrouve le ton bien particulier du Cavanna des Ritals, mais on entre dans une toute autre dimension à cause des sujets abordés. C'est un livre à lire absolument. Je mettrai en ligne quelques extraits supplémentaires dans les jours qui viennent pour tenter de convertir mes bien-aimés lecteurs.

lundi 6 février 2012

Une mort esthétique

But Kim had looked, and for those disorientating seconds before the torchlight went out, she had seen the bizarre image of death: dark hair sprawled on the pillow, the clenched fists raised like those of a boxer, the one open eye and the livid mottled neck. It wasn’t Miss Gradwyn’s head – it was nobody’s head, a bright red severed head, a dummy which had nothing to do with anything living.

P. D. James
The Private Patient

Un extrait qui réunit ce que j'apprécie dans la plume de P. D. James, cette manière élégante et presque discrète de décrire l'horreur (le cadavre) et l'horreur ressentie face à l'horreur (les sensations de la jeune femme qui a trouvé le cadavre). Ce policier est disponible en français aux éditions Fayard sous le titre Une mort esthétique.