lundi 30 juin 2025

La Petite Roque (1886)

Les lecteurs réguliers de ce blog le savent, je suis une grande amatrice de Guy de Maupassant, que je lis toujours avec le même plaisir et le même émerveillement. Ce nouveau recueil, paru la même année que Toine, a confirmé, pour la trente-six millième fois, combien j'aime cet auteur et combien je le trouve uniformément bon.

Ce volume regroupe dix nouvelles, toutes issues de sa veine réaliste. La femme, l'adultère et le sexe y sont un peu moins prégnants que dans les deux derniers recueils que j'ai lu.

La petite Roque: on démarre fort avec le viol et le meurtre d'une enfant de douze ou treize ans, la petite Roque qui donne son nom au texte et au recueil. Horrible, évidemment. Bien que réaliste, il s'agit presque d'une histoire de hantise.

L'épave: changement complet de décor ici, puisque l'histoire se passe à bord de l'épave d'un navire échoué au large de la Vendée. L'histoire est assez simple; c'est vraiment le lieu qui fait le charme du texte.

L'ermite: une histoire très gloups-gloups, qui m'a rappelé le film Old Boy.

Mademoiselle Perle: un très beau texte sur un amour impossible, avec des personnages foncièrement gentils et un passage presque surnaturel où l'on entend un chien hurler pendant une nuit enneigée. Je me suis souvenue l'avoir lu lors de ma toute première rencontre avec Maupassant, au collège. Je l'ai lu, cette fois, le jour où j'ai réservé ma nouvelle voiture.

Rosalie Prudent: le témoignagne affreux d'une femme jugée pour infanticide. Ça fait froid dans le dos et me semble confirmer que Maupassant avait bien compris combien les femmes partaient perdantes dans sa société.

Sur les chats: un texte contrasté, qui commence par une scène d'une cruauté épouvantable et se termine par une nuit nettement plus sympathique. C'est peut-être un peu paresseux pour le génie de Maupassant, d'autant qu'il y cite deux fois des vers de Beaudelaire, ce qui fait pas mal pour un texte de seulement sept pages. Il me semble qu'il a écrit un autre texte du même genre, mais qui pousse plus loin l'élément de la visite nocturne d'un chat. Mais enfin, c'est quand même très bien, vu qu'on y parle de chats. 😼😼

Madame Parisse: ah, là, on retrouve la femme aimée et l'adultère, une constante chez Maupassant. C'est un texte assez rigolo, somme toute.

Julie Romain: un texte nettement plus triste, où le narrateur raconte sa rencontre avec une actrice autrefois célèbre, qui vit à présent seule et recluse. Le temps qui passe, mes amis, le temps qui passe... 💔

Le père Amable: l'histoire d'un paysan radin et méfiant, furieux de voir son fils se marier avec une femme qui a eu un enfant hors mariage. Je sentais venir la catastrophe, bien sûr, mais la catastrophe finale n'a pas été celle que j'imaginais. Merci, Guy, pour cette dernière phrase qui clot le recueil sur une petite note bien sombre et un peu dégueu. 😅😅

Et voilà. Du grand art, comme d'habitude. Maupassant était un génie.

Le petit truc en plus que je ne veux pas oublier: cette édition du livre de poche, qui semble dater de 1968, m'a coûté 90 centimes en bouquinerie et a visiblement appartenu à quelqu'un qui l'a utilisé comme support d'étude, car il y avait quelques pages annotées. C'était très mignon.

mercredi 25 juin 2025

Du thé pour les fantômes (2023) 🍵

Du thé? Des fantômes? Avec un titre pareil, ce roman de Chris Vuklisevic a attiré mon attention dès que je l'ai vu passer dans les chroniques des amis. Et qu'est-ce que j'ai bien fait de le lire! J'ai tout simplement adoré.

L'histoire est celle de deux sœurs, Agonie et Félicité. Elles ne se sont pas vues depuis trente longues années, mais, lorsque leur mère meurt, Félicité prévient Agonie (en utilisant pour cela des feuilles de thé dans une tasse!!!) et Agonie revient sur les lieux de leur enfance, dans les montagnes aux alentours de Nice. Avec Félicité qui voit les fantômes et utilise des thés aux propriétés presque magiques, et Agonie qui fait naître des phalènes dès qu'elle ouvre la bouche et pousser des fleurs carnivores dès qu'elle crache par terre, on se doute que l'enquête sur le passé de leur mère va sortir de l'ordinaire.

J'ai deux petites réserves à faire à ce roman. D'une part, le fait que l'histoire soit racontée par un narrateur tiers, qui la tient lui-même des deux sœurs, ne m'a pas semblé apporter un plus; ça fait un petit effet "approchez-vous et écoutez-moi", ok, mais cela ne m'a pas semblé vital. D'autre part, la résolution de l'intrigue comporte un élément qui ne m'emballe pas ([divulgâcheur]: en gros, la mère horrible a elle-même eu une enfance horrible, ce qui ne me semble que "renvoyer le problème dans le passé" [fin du divulgâcheur]).

Mais bon, à part ces deux bémols, qui relèvent de préférences à moi et non d'un manque de maîtrise de l'autrice, ce roman est excellent, et allie une solidité et une complexité d'intrigue de haut vol – dans lesquelles le moindre détail compte, c'est bonnement hallucinant – à un univers magique absolument délicieux (le thé!! la notion de "théières sauvages"!! C'est comme l'écharpe dans La Passe-Miroir!!) et à une langue extrêmement soignée et bien choisie. Trois atouts de taille qui rendent la lecture addictive. En plus, l'histoire est pleine d'humanité et bizarrement réconfortante, bien qu'on y parle essentiellement d'une famille tragique.

Franchement, chapeau à Chris Vuklisevic pour avoir créé quelque chose d'aussi fin et frais dans son originalité. Ces personnages et ces pouvoirs ne ressemblent à rien de ce que j'ai pu lire ailleurs, et, même si j'ai lu l'ensemble avec entrain, heureuse de replonger dedans pour retrouver les personnages et curieuse de connaître la fin, j'ai un peu regretté d'arriver au bout du voyage, car j'aurais bien aimé rester là plus longtemps. Même le fait que ça se passe à Nice, sur une côte méditerranéenne qui, en soi, ne m'envoie pas du tout du rêve, est ici un plus à la fois charmant, drôle et plaisamment mystérieux, voire légèrement inquiétant. (Un peu comme Timothée Rey qui fait de l'horreur lovecraftienne en Savoie dans La providence du reclus, ou Carlos Ruiz Zafon qui noie Barcelone sous la brume dans L'Ombre du vent: soudain, les lieux ne sont plus du tout les mêmes.)

La couverture, réalisée par Cécilia Leroux, prend tout son sens au fur et à mesure qu'on y reconnaît des éléments du livre, ce qui ajoute au plaisir.

Je finirai par citer l'excellent Baroona, qui évoque dans son article "un sublime passage à deux voix, aussi réussi sur le fond que sur la forme, qui dit parfaitement les rancoeurs et les points de vue différents que deux personnes peuvent acquérir, sans que l'une ait plus raison que l'autre. C'est un point de bascule pour moi mais ce n'est pas une rupture, c'est seulement l'aboutissement - le premier aboutissement - d'une grande maitrise de la part de Chris Vuklisevic dans sa construction du récit." Moi aussi, ce passage m'a marquée! Je l'ai lu d'un souffle.

Bon, évidemment, je suis un peu jalouse de Chris Vuklisevic. Car notre âge et, de ce que j'en vois, certains de nos intérêts nous rapprochent, mais qu'elle est, comme Samantha Bailly et Louise Le Bars, de celles qui ont réussi, qui ont vu un autre monde et qui ont écrit cet autre monde – et avec talent. Moi, je suis là comme une bouffonne avec ma phrase de fiction du matin et ma phrase de fiction du soir qui ne vont nulle part, et c'est comme imaginer une fourmi qui croirait qu'elle pourra, à force d'abdos, devenir un tyrannosaure. Mais bon, comme je dis tout le temps, c'était encore pire quand je n'écrivais même pas une phrase...

Allez donc voir ailleurs si ces fantômes y sont!
L'avis de Baroona
L'avis de Shaya
L'avis de Vert

vendredi 20 juin 2025

The Hammer of God (1993)

Aujourd'hui, on décolle avec Arthur C. Clarke!! 🤩🤩🤩🚀🚀🚀

Après un long voyage, le capitaine Robert Singh et son vaisseau, le Goliath, arrivent à destination. Face à eux, Kali, un astéroïde. Un astéroïde qui doit son nom à la déesse de l'hindouisme, celle qui porte une ceinture de crânes. Car cet astéroïde fonce droit vers la terre, et, si rien n'est fait, l'humanité est très, très mal barrée.

La mission du Goliath: dévier Kali de sa trajectoire actuelle.

Le roman s'articule en sept parties. L'action principale se situe en 2109, mais au moins la moitié des chapitres se situent avant, ce qui permet de reconstituer la vie de Robert Singh depuis sa participation au tout premier marathon sur la Lune. Le tout premier marathon sur la Lune, vous imaginez!! Dingo!! On assiste aussi à la mise en place de SPACEGUARD, un système de détection des corps célestes baptisé "en référence à un obscur roman" (figurez-vous que Clarke s'auto-référence en parlant de Rendez-vous avec Rama, excusez du peu 🤣🤣🤣), et on voit toute l'évolution de la société mondiale, notamment avec l'apparition du chrislam, puis la détection de Kali et le lancement de la mission du Goliath.

Nombre de ces chapitres mettant en scène des personnages qu'on ne retrouve pas plus tard, j'ai eu un peu de mal à tous les cerner, mais Arthur C. Clarke a un vrai talent pour leur donner vie en quelques pages et les caractériser. Mon problème est surtout que je n'ai aucune mémoire des prénoms, alors je passe mon temps à me dire "mais je l'ai déjà vu, lui, ou non?".

Sinon, tout est passionnant, comme d'habitude. L'humanité a mis en place un gouvernement mondial unique, il n'y a plus de guerres, et elle a colonisé la Lune et Mars (et dans ce dernier cas, elle a même commencé la terraformation). Il y a plein d'explications scientifiques rationnelles distillées avec simplicité. De l'humour. Et un suspense très sympathique, même si, connaissant Clarke, j'étais confiante quant au fait que ça ne finirait pas trop mal. (Ai-je eu raison? À vous de lire le roman pour le savoir.)

Le ton est donné dès la première page:

"All the events set in the past happened at the times and places stated; all those set in the future are possible.
And one is certain.
Sooner or later, we will meet Kali."
Tenez-vous-le pour dit. 👀

Bon, évidemment, une histoire d'astéroïde tueur, ça fait tout de suite penser à Armageddon, et [divulgâcheur] figurez-vous que l'option de la bombe atomique est bel et bien tentée dans ce roman, dans l'idée de péter l'astéroïde en deux, sauf que ça ne va pas se passer comme prévu 🤣🤣🤣 [fin du divulgâcheur]. Je ne saurais dire si le film est inspiré du roman, mais enfin c'est rigolo, quand même, surtout que le roman est sorti seulement quelques années plus tôt. En revanche, ce roman a bel et bien, quoique temporairement, inspiré le film Deep Impact: d'après Wikipédia, le film est devenu tellement différent du roman que le roman n'est même pas crédité dans le film. Lol. 

Comme toujours, ce bouquin est un régal jusque dans les remerciements.

Bref, je conclurai comme d'habitude, en disant que Clarke était un génie. Lisez Clarke!

dimanche 15 juin 2025

The Galaxy, and the Ground Within (2021)

Retrouver Becky Chambers est toujours un plaisir pour moi, et ce roman, le quatrième de la série des Wayfarers, n'a pas fait exception! 😊😊

Au début, comme dans les romans précédents, j'ai eu un peu de mal à identifier les espèces extraterrestres en présence et à associer un prénom de personnage à une espèce donnée, mais Internet m'a été d'une grande aide. Merci aux amateurs qui dessinent les personnages de Becky Chambers, hihi! Et ce petit temps d'ajustement ne m'empêche pas de profiter de l'histoire.

Nous rencontrons cette fois cinq personnes réunies par un problème technique. Ouloo est une Laru qui tient une sorte de petit hôtel sur une minuscule planète, en compagnie de son enfant Tupo. Au début du roman, elle reçoit trois clients: une Aeluon (la seule espèce dont je me souviens d'un roman à l'autre 🤣), une Akarak et un Quelin. Malheureusement, ces clients ne vont pas pouvoir repartir comme prévu, car toute circulation est brusquement interrompue.

Comme d'habitude chez Becky Chambers, il n'y a pas énormément d'action là-dedans, mais on apprend à connaître des personnages qui ont des manières de penser et de faire très différentes, en raison tant de leurs physiques que de leurs cultures. Par exemple, les Aeluon s'expriment grâce à la couleur de leur peau, donc tout élément coloré dans leur environnement leur semble signifier quelque chose. Les Akaraks, en revanche, se déplacent systématiquement avec une combinaison, car ils ne respirent pas la même atmosphère que la plupart des autres espèces sentientes. Ouloo, que j'ai imaginée comme une espèce de gros lama dégindandé, est une hôtesse extraordinaire, qui essaye de répondre aux besoins de tous et toutes.

Inévitablement, des tensions ressortent, mais, dans l'ensemble, c'est un séjour incroyablement agréable dans un microcosme où, en gros, tout le monde est sympa et respectueux de son prochain. Peu à peu, les personnages vont faire connaissance et s'ouvrir les uns aux autres, révélant leur passé ou les choix difficiles auxquels ils sont confrontés.

En bref: j'ai adoré, comme toujours. La seule chose qui m'étonne là-dedans, comme je l'ai évoqué dans ma chronique de A Prayer for the Crown-Shy, c'est qu'il n'y ait aucune mention du végétarisme, qui est à mes yeux la brique numéro un d'un monde plus juste (à moins que les innombrables plats évoqués ne soient censés se comprendre comme étant végétaux, mais ces noms fictifs me semblent relever des deux mondes). D'autant qu'il y a une scène très drôle où les personnages poussent de grands cris horrifiés en découvrant le concept du fromage humain. Un produit à base de lait, ça manque d'hygiène, mais tuer quelqu'un et consommer sa chair après la mort, ça passe? 🤔🤔

Il ne me reste plus grand-chose à lire de Becky Chambers: un roman écrit à huit mains avec Yoon Ha Lee, Rivers Solomon et S.L. Huan, ainsi que quelques nouvelles parues isolément qui ne semblent pas avoir été reprises en recueil. Je suis un peu tristesse.

mardi 10 juin 2025

Elle et Lui (1859)

Un jour de mai, je passe chez Gibert pour racheter les deux tomes de La Force des choses de Simone de Beauvoir en neuf, car je désespère de les trouver assortis l'un à l'autre en occasion (et que posséder les deux tomes d'un même ouvrage dans deux éditions différentes, ça me crispe). Au moment de payer, le jeune homme de la caisse fait ma journée: il m'annonce que Folio propose actuellement une opération commerciale "un Folio offert pour deux achetés". Et parmi les trois livres proposés, je vois George Sand. Je choisis donc sans hésiter, car je viens tout récemment de lire – et d'apprécier grandement – La Mare au Diable. Je sors de Gibert dans un état d'euphorie assez plaisant. Deux Beauvoir achetés, un Sand offert! 🤩🤩

Bon, j'ai fini par déchanter, mais ce cadeau inattendu est vraiment un bon souvenir.

Dans Elle et Lui, George Sand met en scène deux peintres, Thérèse et Laurent, qui se rencontrent à Paris. Ils se fréquentent d'abord amicalement, puis Laurent commence à tourner autour de Thérèse, qui finit par céder à ses avances, car elle l'aime énormément. Mais après leur départ de Paris, tout dégénère: Laurent a une hallucination, puis est rattrapé par son sale caractère en Italie, puis quitte Thérèse, puis tombe malade, puis se repent de son comportement abject, puis...

Bon, en bref, ce roman est une longue description d'un phénomène de masculinité toxique: un gars qui ne sait pas ce qu'il veut, ou bien qui veut surtout ce qu'il n'a pas, en tout cas qui veut Thérèse de temps à autre mais la massacre verbalement entre deux crises d'adoration, et qui alterne entre gentillesse-travail-génie et caractère de merde-paresse-tromperie. Le fait qu'il ne contrôle pas du tout son humeur, et qu'il ait ces espèces de crises cérébrales incontrôlables que le XIXe aimait quand même pas mal, m'a laissée supposer qu'on le diagnostiquerait aujourd'hui comme un bipolaire ou un schizophrène sévère. Mais bon. Ça n'excuse pas.

En face, Thérèse, animée d'un amour quasi-maternel, lui pardonne à peu près tout. Elle cherche plusieurs fois à se protéger, mais elle lui tient la main à peu près jusqu'au bout. Elle est autant animée par un amour sincère que par la responsabilité qu'elle ressent d'aider Laurent à exploiter son talent – et même son génie.

Bon. Vous voyez. Le génie torturé qui se fait les nerfs sur sa femme, et ladite femme qui subit et se dévoue. Et ça se désole de page en page. C'est bien pire que les deux personnages du Blé en Herbe de Colette...

Ce qui est très déprimant là-dedans, c'est que cette histoire est en fait inspirée de la réalité! Et plus précisément de la relation de George Sand et d'Alfred de Musset. Eux aussi, ils se sont aimés, puis se sont déchirés en Italie, puis se sont remis ensemble à Paris, puis se sont déchirés de nouveau. Ici, on a le récit de George Sand, et on peut donc supposer qu'elle a présenté certaines choses à son avantage. Thérèse est d'ailleurs une vraie sainte, et on peut douter qu'une personne réelle soit aussi douce et altruiste.

Mais on peut vérifier l'autre son de cloches, si on le souhaite... Car bien avant tout ça, en 1836, Alfred de Musset avait déjà mis en scène sa relation avec George Sand!!! C'est de ça que parle La Confession d'un enfant du siècle, en fait!!! Nan mais mon cerveau a explosé!!! Un couple qui se sépare... le gars en fait un roman... vingt ans plus tard, la fille en fait un roman à son tour...

Et là, le roman de George Sand soulève un tollé lors de sa parution!! D'après le dossier sur sa réception critique, le frère d'Alfred de Musset, Paul, a très vite sorti un roman intitulé Lui et elle, dans lequel c'est le personnage féminin qui est odieux avec le personnage masculin. Puis une certaine Louise Collet, ex-maîtresse d'Alfred de Musset, a sorti un roman intitulé Lui... 👀👀👀

Voilà qui fait relativiser certains réglements de compte publics de notre époque. 🤣🤣🤣

Et sinon: oui, hélas, bien que les deux personnages m'aient grave saoulée à se torturer comme ils le font, je suis très curieuse de lire La Confession d'un enfant du siècle pour avoir l'avis de l'autre partie. Il est peu probable que je franchisse vraiment le pas, mais je suis curieuse.

jeudi 5 juin 2025

La gamelle de mai 2025

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois!

Sur petit écran

Alice au pays des merveilles de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Juske (1951)

Ahlàlà. Le moins qu'on puisse dire, c'est vraiment que ce Disney n'est pas mon préféré. Heureusement qu'il ne dure qu'une heure quinze. 😅 Mais le Chat est bien.

Sur grand écran

Thunderbolts* de Jake Schreier (2025)

Ah! Ça y est. Marvel redresse la barre. Je ne sais pas si ça durera, mais j'ai vraiment apprécié ce film "en dur" avec relativement peu d'images de synthèse, des scènes de combat relativement modestes – quand New York est en danger, c'est une grue qui tombe, pas plusieurs immeubles – et des armures qui avaient l'air solides (à part le costume de Sentry, lol!). Et le ramassis de personnalités peu portées sur la collaboration est plutôt sympathique. En outre, le film parle de santé mentale et le méchant est vaincu non pas par la violence, mais par le soutien émotionnel. Dingo! Bon, le seul truc que je n'ai pas digéré, c'est le traitement de Red Guardian, qui a le rôle du bouffon de service. Sérieux, les Russes doivent se sentir tellement insultés... 🙃🙃🙃

Mission: Impossible - The Final Reckoning de Christopher McQuarrie (2025)

Parfait exemple de la maxime "trop de suspense tue le suspense", ce film s'auto-sabote en voulant en faire trop. Par exemple, plonger seul dans un sous-marin endommagé au fond de l'océan est un enjeu suffisant; il n'y a pas besoin de faire rouler le sous-marin sur lui-même au bord d'une falaise. 👀 C'est dommage, car il y a aussi beaucoup de bonnes choses: des cascades et des stratagèmes sympas, des personnages secondaires qui débordent de charisme même s'ils n'apparaissent pas longtemps à l'écran, et une efficacité générale assez sympathique. Bref, un film pop-corn, mais qui aurait pu mieux faire.

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

Un mois très modeste: j'ai uniquement lu mon Cheval Magazine habituel, alors que je suis censée lire une revue ou un journal par mois (en plus de Cheval Mag, j'entends). Et je n'ai pas non plus lu de bande dessinée. Je ne crois pas qu'il y ait de raison particulière à ça. Ça m'est un peu sorti de la tête, et quand j'y pensais, je n'avais pas envie de lire ce que j'avais à disposition. Or, j'ai déjà raté ma lecture de revue du mois en mars, et la rater de nouveau deux mois après m'inquiète un peu. J'espère que ce n'est pas le début de la fin. ^^

(J'écris pour m'en souvenir, plus tard: j'ai lu Cheval Mag par une journée de gros stress. J'avais prévu de ne pas travailler, ce qui était bien. Mais il n'y a pas vraiment eu de repos. J'ai réagi moins mal que d'autres fois et qu'on ne pourrait s'y attendre. Mais bon. Cheval Mag était vraiment la somme de l'effort intellectuel que je pouvais fournir.)

samedi 31 mai 2025

Under the Tuscan Sun (1996)

Quand j'ai commencé à lire ce livre de Frances Mayes, j'ai d'abord eu un faux départ. J'ai lu l'introduction, puis une page du premier chapitre, durant laquelle l'autrice-narratrice, une Américaine, décrit le processus de signature de l'achat de sa maison en Toscane. D'une part, l'évocation de l'Italie m'a foutu un cafard monstre. D'autre part, la description de la notaire qui demande tranquillement aux acheteurs de partiellement payer le vendeur au noir m'a fait penser que le livre allait enchaîner les clichés. (Même si, la seule fois où j'ai eu des infos sur un achat immobilier en Italie, c'est précisément ce qui s'est passé: il y avait le prix de vente indiqué dans les papiers officiels, et le vrai prix payé par les acheteurs. 👀)

Déprimée et excédée, j'ai rangé le bouquin.

Plusieurs mois plus tard, j'ai retenté ma chance. Et, cette fois, ça a marché. Je suis même tombée sous le charme. 😊

Donc. En 1989, Frances Mayes et son compagnon ont acheté une villa en Toscane. Bramasole, un vieux machin énorme, abandonné depuis trente ans, niché dans les collines d'oliviers et de cyprès à deux kilomètres de Cortone. Comme ils étaient tous deux enseignants à l'université, ils avaient de très longs congés d'été, et leur vie s'est donc articulée entre l'année scolaire en Californie et les trois mois d'été en Toscane, où ils ont entrepris de rénover la demeure.

Rien que sous cet aspect-là, le livre est charmant. Je suis incapable de réparer un robinet, alors je ne pense pas sous-estimer la montagne de travail que représente la rénovation d'une maison entière. Mais en Toscane! Quand tout est méga vieux! Les obstacles sont nombreux et toujours différents. Découverte d'une sorte de citerne géante sous la maison, déblayage de racines gigantesques, découverte de vieilles inscriptions et vieux objets... C'est une épopée! Et les relations avec les différents ouvriers sont aussi rigolotes et touchantes. Il y a les vieux artisans taiseux qui vous font des œuvres d'art, les chefs d'entreprise bordéliques qui font n'importe quoi, les Polonais payés au lance-pierre qui sont quand même contents parce qu'ils gagnent plus en Italie qu'en Pologne...

Peu à peu, la villa retrouve une belle allure, et on sent la satisfaction de l'autrice. Ça doit être quelque chose, de vivre dans un lieu dont on a repeint les poutres et les murs soi-même, où on a taillé des arbres abandonnés depuis des décennies, où on a aidé les ouvriers à porter des pierres et des briques, où on a décidé où percer le puits, etc. etc. Où, en somme, on a vu les lieux se façonner. Et où on a partagé tant de bons moments avec ses proches.

Et, bien sûr, c'est en Toscane. Une partie de la Toscane très éloignée de la mienne, ok, mais en Toscane quand même. Et on parle constamment de bouffe. Durant les premiers chapitres, j'ai été très perturbée émotionnellement. Puis j'ai plongé dedans. Je me suis réjouie de redécouvrir des tas de trucs, de voir que Frances Mayes décrit la cuisine toscane comme je le fais (la cuisine du peuple, rien à voir avec la gastronomie française). Je donnerais un rein pour manger le castagnaccio de ma grand-mère. En réalité, je crois que je n'aimais pas spécialement ça. J'avais même oublié que j'en mangeais dans mon enfance! Mais tout est revenu: les cavités creusées par les pignons et le thym dans la pâte, le goût, la ricotta qu'on mangeait avec. J'ai presque l'impression de revoir le plat de métal dans lequel il était cuit.

Genre le critique culinaire qui a une vision en mangeant la ratatouille préparée par Rémi, quoi. Tout à fait, tout à fait.

Oui, retrouver ça, ça vaudrait bien un rein.

Alors certes, Frances Mayes a une vision assez américaine de l'Italie. Elle parle sans cesse du fait que les gens prennent le temps, par exemple. C'est facile à dire, quand on passe dans un pays les mois qui constituent nos vacances. Même si rénover la villa était un sacré travail, ça n'a rien à voir avec un emploi! Et puis Cortone, c'est la province, et même la campagne. Comparer la frénésie de San Francisco et le calme de Cortone n'a aucun sens. Il faudrait comparer la frénésie de San Francisco à celle de Milan ou de Rome. Pour vous donner une idée par rapport à la France, ce serait comme entendre un Londonien dire que la vie est plus calme en France qu'en Angleterre en se basant sur son expérience de, disons, Saint-Malo. Lol.

Mais malgré cela, j'ai senti un vrai respect pour son pays d'adoption, et surtout une vraie passion et une vraie volonté de connaître des tas de choses différentes. Je pense que son bouquin donne une très belle image de la Toscane, d'ailleurs!

Pour finir sur une note bassement matérialiste: disons quand même que ce livre démontre, pour la trente-six millième fois, combien l'argent fait le bonheur. L'argent pour acheter une résidence secondaire. L'argent pour rénover ladite résidence. L'argent pour faire une ou deux fois par an un vol intercontinental. L'argent pour acheter à manger tout ce qu'on veut et nourrir des tas d'invités. L'argent pour louer une voiture pour trois mois. L'argent pour acheter des pots et des plantes en quantité et ensuite regarder tout ça pousser...

D'ailleurs, si vous avez un paquet d'argent, la villa est à louer!! Frances Mayes l'a visiblement revendue, à un moment donné. Au moment où j'écris ces lignes, une quinzaine de jours avant la publication du billet, il y a une promo sur les dates les plus proches: on descend à seulement 18 510 € la semaine! Pour les périodes les plus demandées, à savoir l'été et les fêtes de fin d'année, en revanche, prévoyez 30 850 € la semaine.

Le pognon, je vous dis!

Enfin, le livre a été adapté au cinéma en 2003, et c'est l'affiche de ce film qui est reprise sur la couverture de cette édition Broadway Books (que j'ai trouvée je ne sais plus où dans une boîte à livres). L'histoire est très différente, puisqu'on est sur le parcours d'une fille célibataire (qui ne le sera plus à la fin, j'imagine), mais ça me dirait quand même pas mal de le voir. Hélas, mes médiathèques ne l'ont pas en rayon...

lundi 26 mai 2025

Le blé en herbe (1932)

Comme toujours lorsque je croise un bouquin de Colette, j'ai sauté dessus sans hésiter!! Le hasard a fait, en outre, que je suis tombée sur Le blé en herbe quelques jours seulement après avoir lu le billet de Caroline Doudet à son sujet.

L'histoire est celle de Philippe et Vinca, deux adolescents qui passent leurs vacances d'été en Bretagne, du côté de Saint-Malo, comme tous les ans. Sauf que, cette année, ils ont respectivement seize et quinze ans, et ils ne sont donc plus des enfants, comme les années précédentes. Philippe se désespère en pensant à la monotonie de son avenir tout tracé – études puis travail – et Vinca le couve d'un œil inquiet entre deux parties de pêche. Puis un événement d'apparence anodine vient perturber ces vacances déjà tendues: en rentrant d'une commission, Philippe rencontre une femme habillée de blanc, Madame Camille Dalleray, qui loue une villa voisine.

Le blé en herbe est très clairement le récit de la fin de l'enfance et de l'entrée dans le monde des adultes – "le monde des adultes" signifiant ici "la sexualité". Philippe et Vinca s'aiment, mais d'un amour imprécis et enfantin, qui a toujours été là mais qui commence à changer. Ils se posent beaucoup de questions et se cherchent l'un l'autre sans jamais se trouver. Je dois dire que c'est là ce qui m'a pas mal échappé, puis a commencé à me saouler vers la fin: leurs dialogues un peu sans queue ni tête, pleins de disputes reposant sur des implicites.

Mais, en parallèle, j'ai apprécié la vision déchirante de ces changements qui nous broient sans qu'on ne puisse rien y faire. De base, on imagine facilement ces adolescents dans une période d'une insouciance unique dans leur vie, le genre de vacances qu'on regrette amèrement quand on regarde en arrière, bien plus tard, mais, en fait, ils ne sont pas du tout insouciants. Même les choix de Philippe ne dégagent pas d'insouciance, alors qu'on pourrait très bien les résumer en disant que c'est un garçon qui se laisse mener par sa bite et qui [divulgâcheur] gagne le gros lot, puisqu'il couche d'abord avec la femme adulte et expérimentée, puis avec la jeune fille innocente et amoureuse de lui [fin du divulgâcheur]. Comme on comprend, lorsqu'il rentre chez lui au coeur de la nuit, que ses traits soient "moins pareils à ceux d'un homme qu'à ceux d'une feune fille meurtrie"...

J'ai aussi apprécié, et beaucoup, le talent pur de Colette pour décrire cette campagne bretonne changeante et pleine de couleurs. De ce point de vue, c'est un vrai régal, le genre de roman qui vous pose un décor, comme Le Guépard pour la Sicile...

Moralement, je me suis tout de même interrogée sur ce que cela dit de Colette, qui a en partie basé ce roman sur sa propre expérience: en 1920, à quarante-sept ans, elle a noué une relation avec le fils de son mari de l'époque, qui en avait... dix-sept (le fils du mari, pas le mari, hein). Trente ans d'écart, donc. Quand c'est l'homme qui a trente ans de plus, j'y vois presque automatiquement un obsédé avide de seins fermes. Mais quand c'est la femme? Je ne sais pas. Si vous avez une opinion sur la question, ça m'intéresse, en toute sincérité. Pensez-vous qu'un amour sincère soit possible avec un tel écart d'âge? Si oui, quel que soit l'âge du plus jeune des deux? Parce que là, le plus jeune est un ado, quoi. Un grand ado, mais un ado quand même. (Sans même parler du fait que c'est le fils du mari, lol.) Dites-moi tout!