samedi 18 décembre 2021

Passion simple (1991)

Chronique express!

"À partir du mois de septembre l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme: qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi." Cette phrase du début de cet ouvrage le résume parfaitement: Annie Ernaux y parle de la passion qu'elle a vécue pour et avec un homme marié, qui a été son amant plusieurs mois avant de repartir dans son pays dans l'Est de l'Europe. Quand il n'était pas avec elle, tout tournait autour de lui: elle s'intéressait aux informations ou aux conversations quand on évoquait son pays, elle pensait à comment elle allait s'habiller, elle calculait depuis combien de jours ils s'étaient vus...

On pourrait croire une telle obsession étonnante chez une femme connue pour son engagement féministe. Pourtant, elle ne semble aucunement réductrice, simplement très humaine. C'est une passion effectivement, un phénomène ravageur et quelque peu inexplicable, bien qu'Annie Ernaux le décrive avec sa précision habituelle et cette manière absolument révélatrice de parler du quotidien. Avec elle, je découvre toujours des choses sur moi, c'est vraiment passionnant. Même dans un texte d'à peine soixante pages, et dans une police assez grande de surcroît.

lundi 13 décembre 2021

La civilisation du poisson rouge. Petit traité sur le marché de l’attention (2019)

Bruno Patino, directeur éditorial d’ARTE France au moment de la parution de cet ouvrage et actuellement président du groupe ARTE, explore dans ce Petit traité sur le marché de l’attention la manière dont les réseaux sociaux ont érigé en système la captation de l’attention. Étant donné que leurs revenus dépendant de la présence du public sur leurs plateformes, ils doivent tout mettre en œuvre pour nous retenir en ligne, d’où les multiples stratégies auxquelles nous avons tous été confrontés, comme les notifications de plus en plus dérisoires ou la lecture automatique de vidéos. Le titre fait référence à la proverbiale mémoire du poisson rouge, qui oublierait tout au bout de huit secondes. (Si vous voulez mon avis d’animaliste, c’est encore une vaste blague colportée par les spécistes pour faire semblant de croire qu’on peut martyriser un animal en l’enfermant dans un bocal parce qu’il "ne se rend pas compte" qu’il est dans un bocal. Et ça tombe bien, Bruno Patino explose le mythe à la dernière page de son bouquin. 😂)

Le ton est résolument noir, voire apocalyptique. Bruno Patino dresse un constat sans concessions de l’économie numérique des réseaux sociaux, essentiellement Facebook, qui nous abrutissent du matin au soir et nous maintiennent en boucle dans le vide. Deux éléments en particulier m’ont marquée : plus de 40% du trafic Internet serait généré par les robots, à tel point que le comportement des humains est parfois jugé comme suspect, et il suffit de quatre vidéos pour tomber sur du contenu complotiste sur YouTube, étant donné que l’une des stratégies pour maintenir le spectateur en ligne consiste à augmenter la charge émotionnelle de vidéo en vidéo. 🙃 Formidable. J’avais déjà bien conscience de certains rouages des réseaux pour les avoir vécus – j’ai passé au moins un an de ma vie sur Facebook – ou subis – le fil d’actualité de mon compte Twitter m’a souvent mise sur la défensive et dans un état de bouleversement politique important –, mais c’est très intéressant de lire sur le sujet, car cela permet d’aller plus loin et d’avoir une meilleure vue d’ensemble du phénomène. En revanche, on sent que l’auteur est très partisan, tandis que je reste d’avis que les réseaux ont un potentiel de communication formidable dont j’ai également bénéficié, par exemple en reprenant contact avec des amis perdus de vue depuis des lustres. La chose, hélas, est noyée dans un fonctionnement qui n’est pas du tout centrée sur l’utilisateur…

Par ailleurs, Bruno Patino n’aborde pas quelque chose dont j’ai beaucoup souffert, à savoir la comparaison aux autres: Facebook peut me faire passer en dix minutes chrono de "je suis aussi heureuse que faire se peut et je mérite d’exister" à "ah bein merde, tout le monde a plus de jolies choses que moi et une vie plus passionnante, pourquoi je n’arrive à rien?". Cela semble logique vu que ce n’est pas l’axe de son ouvrage, mais je préfère le préciser.

Alors, est-ce que j’ai supprimé tous mes réseaux sociaux après avoir refermé la dernière page de ce livre ? Non. Je suis trop prise dans l’engrenage pour en sortir totalement. Mais cela m’a confortée dans ma décision de les limiter drastiquement. Avec le recul, j’ai bien gagné une semaine de vie réelle en 2021 grâce à la suppression de mon compte Twitter, à la suppression de l’appli Instagram de mon téléphone et à mon utilisation réduite de Facebook, et j’en suis ravie.

mercredi 8 décembre 2021

The Long Way to a Small Angry Planet (2015)

Chronique express!

Cela fait un certain temps que j’entends parler de la SF optimiste de Becky Chambers, alors j’ai sauté sur l’occasion quand je suis tombée sur son premier roman (béni soit le DamnFine Bookstore de Lyon!!). Et je n’ai pas du tout regretté ce voyage d’un an à bord du Wayfarer, un vaisseau spatial qui parcourt la galaxie afin de creuser les trous de ver qui permettront des déplacements plus rapides. Bon, je n’ai RIEN compris à la description du percement d’un tunnel, mais ce n’est pas très grave: ce qui est génial dans ce bouquin, c’est le voyage, pas le travail que le vaisseau accomplit.

Avec Rosemary, nouvelle recrue, nous découvrons un équipage haut en couleurs qui réunit plusieurs espèces: des humains, mais aussi une Aandrisk (une espèce reptilienne), un Grum (dont j’ai seulement retenu qu’il a de multiples bras) et une paire Sianat (un hôte parasité par un virus qui lui offre des capacités uniques). Tout tourne autour des ressentis de ces personnages très différents, qui n’appréhendent pas le monde de la même façon et doivent composer les uns avec les autres pour vivre dans un petit espace. Par moments, je me suis dit que c’était terriblement culcul et woke (par exemple, tout le monde prend soin d'exprimer ses émotions en cas de difficulté et l’autrice utilise "xe", un pronom non genré, alors que l’anglais est, de base, une langue non genrée et dispose depuis des siècles du "they" pour désigner quelqu'un sans préciser si c'est un homme ou une femme... 🤷‍️), mais j’avais trop envie de rester dedans en même temps. C’est une sorte de roman doudou qui m’a bien fait rire en même temps, par exemple parce que la technicienne Kizzy a un débit de parole et une répartie extraordinaires. Une belle réussite pour une autrice qui n’en était là qu’à son premier roman!

Allez donc voir ailleurs si cette planète en colère y est!

vendredi 3 décembre 2021

La gamelle de novembre 2021

Comme d’habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé…

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Venom. Let There Be Carnage d’Andy Serkis (2021)
C’est nul, mais ça m’a bien fait rire. J’adore le fait qu’Eddie Brok se retrouve à "être deux dans sa tête": il essaye d’agir dans notre monde, mais Venom est constamment là à lui dire de manger des cerveaux. 🤣

Starship Troopers de Peter Verhoven (1997)
Bon. J’étais préparée car j’ai écouté l’épisode de C’est plus que de la SF sur ce film, mais ça a quand même été douloureux. J’ai même vérifié l’heure car j’étais pressée de m’en aller. 🤣 C’est une critique – tout à fait pertinente au demeurant – du militarisme et, je pense, du rêve américain au sens large à travers des personnages manquant lourdement de finesse. Il faut le prendre au deuxième millième degré. Mais même au millième degré, ce n’est pas palpitant. Citons néanmoins le fait que ce film est remarquablement égalitaire: les femmes sont beaucoup plus présentes qu’elles ne le sont généralement dans les films de guerre (disons 30 à 40 % de femmes), elles occupent tous les niveaux de la hiérarchie, les effectifs militaires sont mixtes et tout le monde prend sa douche en même temps sans faire de blague pornographique ou de commentaire sur les nichons de la voisine. Et tout le monde s’en fout. C’est ça ce que je préfère, quand ce genre de chose est présenté comme un état de fait dont tout le monde se fout. Les femmes sont des soldates comme les autres et ça va de soi.

Mourir peut attendre de Cary Joji Fukunaga (2020)
Le dernier James Bond ne m’a pas énormément convaincue en raison d’une histoire d’amour un peu mièvre et d’un méchant peu charismatique au plan indifférent. L’ensemble m’a semblé longuet, preuve que je n’étais pas happée par l’histoire, et reste ce que j’ai vu de moins convaincant chez ce réalisateur. J’ai toutefois apprécié la nouvelle 007 – personnage totalement dépossédé de son rôle au fur et à mesure du film, ce qui est extrêmement dommage – et l’agente de la CIA présente à Cuba – dont la robe qui ne couvre rien, après m’avoir fait fulminer, m’a bluffée dans un plan de bagarre vu d’en haut que j’ai trouvé spectaculaire.

Moulin Rouge! de Baz Luhrmann (2001)

Depuis des années, j’ai une sympathie énorme pour Moulin Rouge!, mais je dois dire que je me demande maintenant si je l’avais déjà vu en entier avant cette séance, en fait. 😂 Il n'est pas impossible que ma sympathie se soit bâtie sur quelques chansons et des bouts de film vus à la télé. Par chance, ce visionnage m'a prouvé que J'ADORE Moulin Rouge! 💖💖 Je le trouve totalement fou dans son parti pris, sa mise en scène, ses personnages hauts en couleur. Je trouve les passages musicaux très réussis, ma préférence allant à "Your Song" (évidemment!), "Come What May", "El Tango de Roxane" et "The Show Must Go On". Je suis super heureuse de l’avoir vu sur grand écran, j’ai vécu le film à fond avec un bonheur total. Et Nicole Kidman est époustouflante!

Du côté des séries

The Witcher – saison 1 (2019)

J’ai terminé avec un immense plaisir cette série… euh… aussi exaltante qu'exaspérante? J’ai alterné entre le désarroi face à des éléments techniques nullissimes (toutes les images de synthèse et LES LENTILLES, putain, LES LENTILLES) et des trucs improbables (les mages qui se déplacent à pied et en bateau en cas d’urgence alors qu’ils peuvent créer des portails, Yennefer qui se balade tranquillou sur le champ de bataille qui se remplit et se vide sans aucune cohérence…) et l’exaltation face à des personnages qui ont su me happer (Geralt évidemment, Jaskier!!!, Calanthe!!!!) et à des choix réussis (revoir les scènes du premier épisode dans le septième 💔 et terminer sur une question ❤❤). J’ai pris plein de notes pour me souvenir qui vit dans quel royaume et comment s’enchaînent les évènements précisément et j’attends la deuxième saison avec impatience. J’ai trop hâte de les retrouver tous.

🖤🖤The girl in the woods will be with you always.🖤🖤
🖤🖤She is your destiny.🖤🖤

Et le reste

Étant donné que j'ai très peu lu ce mois-ci, la faute à un planning de travail prenant et à de nombreux bains de COVID de nombreuses activités sociales, je n'ai pas eu le temps de lire mon Cheval Magazine habituel en fin de mois (💔). J'ai lu uniquement Translittérature, la revue de l'Association des traducteurs littéraires de France. Un régal, comme d'habitude.

dimanche 28 novembre 2021

Madame Zola (1997)

J’ai repéré cette biographie d’Alexandrine Meley, future Alexandrine Zola, écrite par Evelyne Bloch-Dano il y a de nombreuses années, dans je ne sais plus quel bouquin sur Émile Zola, et j’ai récemment eu la chance de la trouver dans une boîte à livres. Je m’en suis emparée et je l’ai lue avec grand plaisir.

Née à Paris en 1839, de parents non mariés, Alexandrine perd sa mère jeune et grandit dans un contexte complexe, vivant un temps avec son père et son épouse (plus précisément sa deuxième épouse, si je me souviens bien) et avec une tante du côté de sa mère. Elle rencontre Émile Zola dans le Paris artistique des années 1860 (1864, plus précisément) et leurs trajectoires ne se séparent plus. Ils vivent en ménage plusieurs années, puis se marient, puis emménagent à Médan. Alexandrine est un soutien sans faille et on suit leur histoire en mettant l’accent sur sa vie à elle, ce qui est fort intéressant. Ensuite, viennent les années difficiles après la découverte de l’infidélité d’Émile – Monsieur a eu deux enfants avec sa domestique Jeanne Rozerot, qui avait 26 ans de moins que lui, un choix de vie qui semble tout droit sorti de Pot-Bouille... – et toute l’affaire Dreyfus.

On découvre une femme très active, qui a travaillé sans relâche pour soutenir la carrière de son mari en plus de son rôle conventionnel de maîtresse de maison. Elle connaissait tous les membres du cercle de Zola et avait une correspondance abondante, qu’Evelyne Bloch-Dano cite à de nombreuses reprises. C’est vraiment intéressant de voir Alexandrine s’exprimer à la première personne. Elle semble avoir eu un très gros caractère et ne pas avoir été facile à vivre, mais elle a aussi encaissé des coups très durs et elle s’est révélée quand Zola s’est exilé en Angleterre après sa condamnation liée à l’affaire Dreyfus et qu’elle est restée seule en France pour gérer ses affaires. Je trouve également qu’elle a fait preuve de beaucoup d’humanité en venant en aide aux enfants illégitimes d’Émile après le décès de ce dernier.

Enfin, cette biographie se lit très facilement, et il serait donc dommage de s’en priver si vous vous intéressez un tant soit peu à Émile Zola. Elle fait un bon complément à la bande dessinée de Méliane Marcaggi et Alice Chemana chez Dargaud. Il resterait à en savoir plus sur Jeanne Rozerot, la lingère devenue maîtresse, mais il semble qu’elle était très discrète et qu’il ne reste très peu de lettres d’elle...

mardi 23 novembre 2021

Veggie tendance vegan (2019)

Chronique express!

Bien qu’il soit plus enclin à écrire ses scénarios de jeux de rôle en cours qu’à participer, Chris est un lycéen sans histoires. Un jour, une nouvelle arrive dans sa classe et il a le coup de foudre. Pourvu de se rapprocher d’elle, il décide donc de passer au végétarisme, vu que la jeune fille est végétarienne. Il est accompagné en cela par sa meilleure amie, pour le soutien moral...

Avec un titre pareil, je ne pouvais, évidemment, pas laisser Veggie tendance vegan de Charlotte Bousquet sur sa table à la médiathèque. Ce roman ado / young adult est facile à lire et plaisant et j’ai replongé avec amusement dans mes propres années lycée, mais il ne me laissera pas un souvenir impérissable. Les multiples références pop culturelles – une citation au début de chaque chapitre – et les bons sentiments ambiants m’ont semblé aussi charmants que mielleux. La réflexion sur l’incidence environnementale de l’élevage et sur la souffrance des animaux est pertinente, bien sûr, mais certains passages ressemblent à une brochure de la L214 et font plus de ce roman un pamphlet avec histoire qu’une histoire avec un message, si vous voyez ce que j’essaye de dire par là; il m’a manqué de l’implication et des sentiments pour vivre ma lecture plus intensément. Je serais toutefois curieuse de voir ce qu’il évoque ou provoque chez une personne omnivore. Dans mon cas, ça revenait à prêcher une convertie, vu que je suis végétarienne depuis plus de deux ans et que j’étais déjà flexitarienne depuis dix ans quand j'ai complètement abandonné la chair animale. Donc, un moment de lecture agréable sur le coup, mais rien de bien marquant. Saluons toutefois le fait que Charlotte Bousquet met en scène des adolescents qui se posent des questions et réfléchissent pour se bouger et être de meilleurs êtres humains, ce qui est appréciable!

jeudi 18 novembre 2021

L’année suspendue (2021)

Chronique express!

Après avoir exploré son asexualité dans Nous qui n’existons pas, Mélanie Fazi publie un nouvel ouvrage autobiographique. Celle fois, elle retrace le parcours de son diagnostic d’autisme, depuis ses premières réflexions, inspirées par une amie lui ayant dit "Je crois que tu es peut-être sur le spectre de l’autisme", jusqu’aux résultats finaux de différents tests. La première moitié de l’ouvrage porte sur son comportement et ses caractéristiques particulières (par exemple, elle a un problème de fatigue chronique depuis des années et a besoin de se ressourcer par la solitude entre deux interactions sociales) et sur la façon dont son vécu s’est mis à résonner avec tout ce qu’elle lisait sur l’autisme. La deuxième moitié porte sur le diagnostic à proprement parler, avec ses démarches pour trouver des professionnels de santé puis les tests.

Cet ouvrage est super intéressant et se lit tout seul. Mélanie Fazi a une capacité d’introspection incroyable et s’exprime avec autant de netteté que de simplicité, c’est formidable. Son propos est nuancé et exprime toute la complexité de certaines situations, émotions et relations humaines. Elle souligne ce qui relève de son cas personnel et de la situation en France au moment de son diagnostic, aborde les méthodes d’adaptation qu’elle a mises en place… J’ai lu une bonne partie de cet ouvrage dans des conditions peu favorables (mon homme ronflait tellement dans le lit de notre chambre d'hôtel que je suis partie lire dans la salle de bain 😜) et ça m’a permis de passer mes heures d’insomnie avec beaucoup de plaisir – ce qui a quelque chose de paradoxal au vu du sujet, en fait, mais c’était mon ressenti. Sans surprises, je me suis énormément reconnue dans ses traits de caractère et c’était un peu comme lire le journal que je n’ai pas su écrire. (Je précise que ceci n’est pas un message subliminal pour vous dire que je suis autiste.) Je vais d’ailleurs offrir ce livre à deux amies qui pourront certainement en bénéficier, soit pour leur démarche personnelle soit pour venir en aide à d’autres.

Pour la petite histoire, il semblerait que les autistes se tournent plus facilement que les non-autistes vers l’imaginaire, à tel point que quand Mélanie Fazi a expliqué à un psy qu’elle adorait lire, il lui a demandé "heroic fantasy?" 😂😂

Livres de l'autrice déjà chroniqués sur ce blog
Nous qui n'existons pas (2018)
Serpentine (2004)

Allez donc voir ailleurs si cette année y est!
L'avis de Shaya

samedi 13 novembre 2021

The Stars are Legion (2017)

Quand Zan se réveille, elle n’a qu’une certitude: elle a jeté un enfant. Ça, elle s’en souvient. Tout le reste, à commencer par son prénom, lui a été dit par les femmes qui l’entourent. Elle a commandé une grande armée. Elle devait détruire un monde qui n’existe pas. Son armée a été anéantie…

À ses côtés, Jayd, une femme qui prétend être sa sœur, mais que Zan ne croit pas. Autour d’elle, un vaisseau-monde dont on comprend rapidement qu’il est vivant. Il a des artères, on y recycle les personnes, les vaisseaux ronronnent et ont des yeux… Il fait partie de la Légion. Mais la Légion est en danger, car les mondes pourrissent et meurent les uns après les autres.

Les chapitres de The Stars are Legion de Kameron Hurley, plutôt courts, sont racontés à la première personne, soit par Zan soit, plus rarement, par Jayd. Au début, il est très difficile de saisir les enjeux, vu que Zan n’a aucune information en main. On comprend toutefois que la guerre fait rage entre leur vaisseau-monde, le Katarzyna, et un autre, le Bhajava, et que Zan et Jayd ont un rôle essentiel à jouer et sont prêtes à sacrifier beaucoup pour parvenir à leurs fins.

Les trois premiers chapitres ont été difficiles pour moi à cause de cette opacité et de mes conditions de lecture, qui n’étaient pas du tout favorables. Puis, à partir du quatrième, j’ai pu enchaîner et je me suis surprise à adorer ce roman. Les chapitres sont courts, ce qui met facilement le lecteur en mode "allez, j’en lis encore juste un"... Et l’univers est assez spectaculaire. Kameron Hurley a eu une idée très intéressante avec ses vaisseaux-mondes organiques et elle l’a poussée jusqu’au bout. [Divulgâcheur] Imaginez, c’est le vaisseau qui contrôle la procréation: ses habitantes tombent enceintes sans savoir de quoi. Elles peuvent accoucher aussi bien d’une créature mutante que d’un truc difforme qui évoque vaguement un outil… [Fin du divulgâcheur]

C’est extrêmement dépaysant, même si on ne comprend pas tout – et d’ailleurs, les personnages ne comprennent pas tout non plus, les communications étant rares entre les différents niveaux du vaisseau.

Avec cet univers unique et une intrigue riche, qui prend rapidement la forme d’un parcours initiatique à la recherche de l’identité de Zan, j’ai vraiment adoré ce roman. Si je ne crie pas au chef d’œuvre, c’est à cause du style, que j’ai trouvé assez pauvre. Je pense que l’autrice a choisi un style simple et direct délibérément, pour en faire un roman de space opera et d’action au ton vif, qui ne perd pas de temps. Mais la narration est au présent et moi, le présent dans un roman d’aventure, ça me tombe des mains. J’ai l’impression d’être de retour en primaire. Par ailleurs, les phrases sont courtes, avec bien peu de conjonctions (il y a "but", quoi…) et de subordonnées; c’est sujet-verbe-complément pratiquement ad eternam. Et Kameron Hurley n’emploie pratiquement qu’un verbe pour décrire les prises de parole des personnages: "to say". Il y a aussi des "to ask", mais c’est surtout "to say". C’était tellement répété que je pensais au pauvre traducteur qui s’est coltiné ça – pour info, il s’agit de Gilles Goullet pour la version française.

Rasida takes Aditva by the shoulder. I tense.
"Tell me chat you planned," Rasida says to Aditva.
Aditva begins to cry.
"Please, Rasida," Nashatra says. "I know you are displeased, but–…"
"You know what we do to traitors, Mother," Rasida says.
"I know," Nashatra says again.
"The Legion is my sister," Rasida says. "We are all sisters. That means nothing when survival is at stake."

Je vous assure que ce genre de truc peut rendre un traducteur zinzin. J’ai testé.

Bon, je vous fais tout un paragraphe sur ça, mais en soi le roman se lit super facilement; c’est un bon page turner! C’est juste qu’il me semble manquer cet aspect stylistique pour en faire un Grand Roman.

Et sinon les vaisseaux-mondes ne sont habités que par des femmes, ce qui est tout à fait délibéré de la part de Kameron Hurley.

"When I first came up with the idea for this novel in 2012, I knew it was going to be a hard sell. What, you want to write an all-women space opera? Like, science fiction without men in it? Not even a mention of men?"

🤣🤣🤣

Allez donc voir ailleurs si ces étoiles y sont!
L'avis d'Itenarasa
L'avis de Tigger Lilly

lundi 8 novembre 2021

Ainsi soit-elle (1975)

Après avoir lu Mon évasion, l'autobiographie que Benoîte Groult a écrite quand elle avait 80 ans passés, j'avais très envie de lire l'essai féministe qu'elle a publiée pendant les années 70, Ainsi soit-elle. C'est accompagnée de Shaya que je suis passée à l'action...

"Je n'avais pas envie d'écrire un roman. Mais un je-ne-sais-quoi. Un fourre-tout. Un livre qui parle des femmes qu'on qualifié aujourd'hui de M.L.F. dès qu'elles s'avisent de broncher..."
Difficile de parler de cet essai, qui aborde de très nombreux sujets: place des femmes dans la société, mépris diffus les enjoignant à rester à leur place, réaction des hommes (et de très nombreuses femmes) face aux revendications féministes, insultes contre les militantes (les éternelles "mal baisées"...), mutilations génitales, contrôle de la natalité et renvoi permanent à la position subordonnée à l'homme, qui donne du sens à tout, et à la maternité (dans le cadre adéquat du mariage, évidemment: si elle n'est pas mariée, la mère n'est plus une sainte mais une âme perdue...).

Hélas, je retiens surtout de cette lecture un certain abattement, car les piques et les critiques n'ont pas beaucoup évolué depuis les années 1970: on parle trop de féminisme, les femmes nous ont bien fait chier, et puis quoi encore?

Je retiens aussi le chapitre sur les mutilations génitales, parfaitement horrifiant. Ah, les orties sur le clitoris pendant une nuit entière, une recette sans faille pour le faire enfler et le couper plus facilement! Et Benoîte Groult fait le lien avec d'autres pratiques qui ont pour unique but d'handicaper la femme pour qu'elle ne puisse pas être autonome, comme le bandage des pieds en Asie et les colliers des femmes-girafes en Afrique.

Sur un plan plus positif, je retiens aussi la verve de Benoîte Groult, qui n'avait pas DU TOUT sa langue dans sa poche! Tout le monde en prend pour son grade et c'est assez jubilatoire, même si son ton parfois vindicatif ne me semble pas le plus approprié dans un essai, un genre que je considère comme plus universitaire et neutre. En même temps, quand on voit le sujet, difficile de ne pas frôler l'explosion à la figure de certains connards... Outre la dénonciation, elle donne aussi quelques pistes pour des relations hommes-femmes plus épanouies, dont une que j'ai soulignée:

"Sans fierté de soi-même et sans respect de l'autre, il n'y a pas de couple. Et la fierté de l'un ne se construit pas sur l'abaissement de l'autre."

Une maxime que je ferais bien de retenir, moi qui ai la critique facile et qui ai à maintes reprises utilisé des connaissances ou des proches comme faire-valoirs... (Oui, j'ai honte. Mais notez que, au moins, j'en ai pris conscience.)

Si cet essai est probablement un peu daté et n'a pas révolutionné ma vision du monde, certainement parce qu'on parle énormément de féminisme depuis #MeToo et que j'ai déjà lu sur le sujet, il reste une lecture intéressante et une rencontre fort intéressante avec Benoïte Groult. Elle a le prénom... Elle a le nom... Elle a le staïle... On ne peut pas passer à côté d'elle! 🤩

Allez donc voir ailleurs si Benouâââte y est!
L'avis de Shaya

mercredi 3 novembre 2021

La gamelle d'octobre 2021

Comme d'habitude, retour sur l'actualité culturelle du mois qui vient de s'écouler..

Sur petit écran

Pas de film.

Sur grand écran

Dune. Première partie de Dennis Villeneuve (2020)
Ce deuxième visionnage a été très bénéfique et m'a permis de mieux appréhender les motivations de l'Empereur et de revivre avec enthousiasme certaines scènes (Duncan Idaho!! 😍). Il s'agit vraiment d'un film à voir au cinéma, ne le laissez pas passer s'il vous intéresse...

Le dernier duel de Ridley Scott (2021)

Un film de qualité et prenant, qui parle d'un sujet d'actualité, le viol. Je recommande, d'autant plus que, comme toujours, Ridley Scott propose de beaux plans équestres, dont deux scènes qui ont dû être difficiles à tourner (Matt Damon qui chasse l'étalon à coups de pelle (!) et le cheval blessé dans l'arène à la fin). Toutefois, j'ai eu un peu de mal à rentrer dedans; au début, les scènes s'enchaînaient un peu vite et je ne saisissais pas bien les relations de l'une à l'autre; et tout au long du film, j'ai trouvé certains acteurs ou personnages à côté de la plaque, notamment Ben Affleck avec ses cheveux blonds très artificiels ou le roi de France, maniéré et immature. Et surtout, [divulgâcheur] c'est un film ÉPOUVANTABLE à endurer à cause de ce qu'il montre du viol. Il y a effectivement un viol dedans, il n'y a aucun doute sur ça, et on le voit DEUX FOIS. La première fois, ça a été, pour moi, pratiquement insoutenable. La deuxième fois, ça a été PIRE. Ce n'était pas aussi horrible que le viol de Lisbeth dans Millenium, la seule fois dans ma vie où j'ai réellement envisagé de sortir d'une salle de cinéma, mais on n'était pas loin; c'est moins violent, mais aussi choquant et peut-être plus glaçant encore du fait qu'on le voit deux fois, sous deux points de vue différents. Comment Jodie Comer et Adam Driver ont-ils réussi à tourner ça? Je me demande ce que ressent un acteur donnant vie à ce genre de scène. Le lendemain soir, j'ai monté à cheval, une activité qui me fait généralement oublier tout le reste, et je voyais encore Adam Driver avec sa présence si prédatrice et son assurance totale dans la chambre [fin du divulgâcheur].

Du côté des séries

Je suis sur la saison 1 de The Witcher en préparation de la 2, qui arrive bientôt. J'adore cette série, mais qu'est-ce qu'elle a de faiblesses dans la technique et le récit, voire des nullités totales (les lentilles!! Je vous jure!! J'en peux plus de ces lentilles ridicules!!). J'espère qu'ils gèrent mieux la deuxième...

Et le reste

J'ai lu mon Cheval Magazine, comme tous les mois, et j'ai lu le Monde Diplomatique de septembre. Cette lecture pointue et exigeante m'a pris un temps fou, comme en avril, mais m'a permis d'avoir au moins une vague idée de la situation en Afghanistan fin août, ce qui est une bonne chose. Par contre, les journalistes sont suffisamment à gauche pour que j'ai l'impression d'être une droitiste, lol. Mon idée de l'acheter deux fois par an me semble bonne; plus souvent, c'est plus de temps et d'énergie que je ne souhaite y consacrer; moins souvent, c'est perdre la possibilité d'accumuler un minimum de bagage culturel pour assimiler leurs articles.

vendredi 29 octobre 2021

Je pense trop. Comment canaliser ce mental envahissant (2010)

Je vous parle aujourd'hui d'un ouvrage qui m'a été prêté par une amie. Apparemment, on a eu une conversation sur le fait de trop penser cet été, mais je n'en ai aucun souvenir. 😂 

Christel Petitcolin est "Conseil et Formatrice en communication et développement personnel" (je cite la quatrième de couverture, majuscules superflues comprises 😜). Dans sa pratique, elle a rencontré de nombreuses personnes faisant preuve d'hyperefficience mentale et elle a écrit ce livre pour les aider à mieux se comprendre et mieux gérer leur vie.

Pour elle, l'hyperefficience mentale est une tendance caractérisée par la suprématie du cerveau droit. Le surefficient mental fait preuve d'hyperesthésie, c'est-à-dire qu'il est extrêmement sensible aux stimulus sensoriels (il prête attention aux odeurs, il est gêné par la musique forte...), d'hypersensibilité (réactions exacerbées aux interactions sociales), d'hyperaffectivité et d'hyperempathie. Il peut aussi avoir des problèmes de gestion du stress en raison de l'hypervigilance de son cerveau, mais je n'ai plus cet aspect-là en tête (et je n'ai pas envie de relire le chapitre concerné...).

"Le cerveau droit vit l'instant présent. Il privilégie l'information sensorielle, l'intuition et même l'instinct. Il perçoit les choses de façon globale et peut restituer un ensemble à partir d'un seul élément, même mineur. [...] Sa pensée en arborescence est foisonnante et lui donne accès à la pluralité des solutions. Affectif, émotionnel, donc irrationnel, il se sent appartenir à la famille humaine et même au monde du vivant."

Le cerveau droit a aussi une soif d'absolu qui le porte à faire preuve d'un certain idéalisme, voire d'un idéalisme certain, et applique un système de valeurs très rigide, ce qui en fait une proie idéale pour les manipulateurs...

Bon. J'ai entamé ce livre avec un apriori négatif envers son autrice à cause du titre. "Je pense trop", c'est une critique. C'est quelque chose de négatif. "Être surefficient mental", en revanche, c'est quelque chose de positif. Il y a "sur" et "efficience" dedans. Ça veut dire que vous pensez plus que les autres. Vous voyez le tour de passe-passe? Vous ne pense plus trop, vous pensez plusss. Vous n'avez plus un handicap, mais un atout. Et ça, c'est super flatteur pour le client... Il vient avec un problème et vous lui expliquez que pas du tout, il n'a pas un problème, il est extraordinaire. (Et encore, l'autrice utilise le terme de surefficience, qui est pragmatique, et pas le terme "surdoué", qui est, je crois, obsolète.)

Par ailleurs, la liste des traits des surefficients mentaux m'a semblé tellement large que n'importe qui peut s'y retrouver. Moi, par exemple, j'ai tous les traits que j'ai cités ci-dessus (hyperempathie, hyperaffectivité, etc.), à l'exception de la pensée en arborescence. Vous ne dormez pas la nuit parce que votre cerveau tourne à toute allure? C'est une marque d'hyperefficience mentale. Vous n'arrivez pas à structurer votre exposé d'histoire-géo parce que vous vous éparpillez sur plein de pistes différentes? C'est une marque d'hyperefficience mentale. Vous ne dites jamais non quand on vous demande un service? C'est une marque d'hyperefficience mentale...

Enfin, la description des "normopensants", à savoir les gens dominés par le cerveau gauche, en fait des êtres bornés, qui ne s'intéressent à peu près à rien et n'éprouvent pas de sentiments forts. Ils se contentent de ce qu'ils ont (ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, si je force le trait), ils sont très contents d'eux-mêmes et ils avancent péniblement d'une idée à l'autre, là où le surefficient mental a déjà traité mille informations dans toutes les directions...

Bon.

Ce que je viens de vous dire, c'est tout le mal que j'ai pensé de ce livre. Ajoutez-y que, après l'avoir terminé, j'ai visité le site de l'éditeur et découvert qu'il publie des témoignages sur les anges et des manuels de numérologie (🙃🙃🙃), et vous comprendrez que j'éprouve un certain scepticisme.

Toutefois, étant donné que j'ai un système de valeurs très rigide (ce qui, je le rappelle, peut être une marque d'hyperefficience mentale!), je dois aussi valoriser ce qui est à valoriser dans ce bouquin. Car je pense qu'il y a vraiment quelque chose à creuser dans cette histoire de cerveau dominant et dans les manières différentes dont les gens fonctionnent et appréhendent le monde. Tout le monde ne pense pas de la même manière, il peut être très difficile de ne pas être dans la norme et il est enrichissant pour tout le monde de prendre conscience de cette variété et de ces difficultés. Si les traits que je résume ici vous parlent, ce livre pourrait vous aider à y voir plus clair. Il est même structuré de façon très intelligente (deux parties descriptives sur l'organisation mentale et la personnalité et une partie sur la vie une fois ce trait connu). Je pense que ça peut être utile pour quelqu'un qui a eu des difficultés à s'adapter au système scolaire, par exemple. Ou bien pour les femmes, tout simplement. Il n'est pas impossible que j'aie une vision excessivement genrée du monde occidental, mais l'hyperefficient décrit ici me semble bien correspondre aux trois quarts des femmes que je connais (pas parce que leur cerveau fonctionne différemment de celui des hommes, évidemment, mais parce qu'on les a élevées et formatées d'une certaine manière tout au long de leur vie).

Enfin, la page sur l'estime de soi m'a permis de constater que je dispose d'une solide estime de moi, ce qui est ma foi fort agréable à découvrir, même si je ne prends pas les propos de l'autrice pour argent comptant!

dimanche 24 octobre 2021

The Last Unicorn (1968)

Ma pile à lire ne contenant plus que sporadiquement des livres en anglais, je suis contrainte de relire des livres déjà rangés dans la bibliothèque. Et bien que j'en possède un certain nombre, c'est toujours un casse-tête de trouver quoi lire... Cette fois-ci, j'ai choisi la Dernière licorne de Peter S. Beagle. À la base, j'ai vu le dessin animé quand j'étais enfant, puis j'ai lu le livre il y a une dizaine d'années.

L'histoire: une licorne qui a toujours vécu dans sa forêt entend deux chasseurs affirmer que les licornes ont disparu. Étonnée, elle quitte sa forêt pour retrouver ses semblables. Sur son chemin, elle rencontre Schmendrik, un sorcier qui cherche ses pouvoirs, et Molly Grue, qui vit dans les bois avec une bande de hors-la-loi. Leur quête les mènera jusqu'au château du terrible roi Haggard...

Le dessin animé de 1982 étant très fidèle au roman, il n'y a pas de grande découverte à faire ici si on a déjà vu l'adaptation. On y rencontre les quatre gardes de Haggard et on apprend qu'une sorcière a lancé une malédiction sur le château et la ville voisine. À part ça, j'ai eu l'impression de lire le script du dessin animé tellement je retrouvais les dialogues mot pour mot (oui, j'ai l'impression de connaître le dessin animé par cœur 😁). Bien sûr, cela n'est pas un problème de la part du roman, juste une remarque expliquant en partie mon manque d'implication dans cette lecture.

Par ailleurs, le style de Beagle est très particulier. L'auteur est très doué avec les mots. Il déforme des expressions consacrées, accole deux mots qui ne vont pas ensemble ou décrit de manière étonnante – mais tout en raffinement – un phénomène étrange (ainsi, le chat qui sort "d'un repli de l'air" vers la fin, si je me souviens bien). Parfois, un personnage se met à rimer, l'air de rien. Cela donne une ambiance merveilleuse au sens premier du terme: le merveilleux, le magique, le monde à côté du nôtre qu'on aperçoit seulement. C'est parfait pour un roman sur une licorne, évidemment! Moi, par contre, je ne suis pas trop rentrée dedans. Ce genre de procédé me perd très rapidement car je ne sais jamais si je ne comprends pas un truc 1/ parce que le fait que l'anglais n'est pas ma langue maternelle m'en empêche ou 2/ parce que l'auteur a réellement proposé quelque chose de hors de l'ordinaire. Et puis je n'aime pas trop les trucs farfelus à la Alice au pays des merveilles, et certains passages m'ont semblé du même genre.

Bon, je critique, je critique, mais j'ai fini le roman en larmes, évidemment. Il s'en dégage une terrible nostalgie de... Je ne sais pas trop de quoi. D'une sorte d'innocence, de l'espoir que le monde soit plus beau qu'il n'en a l'air... Et en même temps, c'est une histoire assez injuste, dont le dénouement est aussi positif que tragique... Bref, faites-vous votre propre idée!

"You can find your people if you are brave. They passed down all the roads long ago, and the Red Bull ran close behind them and covered their footprints."

mardi 19 octobre 2021

El peso del corazòn (2015)

Chronique express!

Après Lagrimas en la lluvia, j'avais très envie de retrouver Bruna Husky, la réplicante de combat créée par Rosa Montero, et j'ai donc commandé la suite illico presto (enfin, à la vitesse inexistante de ma connexion de vacances, j'ai mis genre deux jours à passer ma commande 🤣). Ce deuxième roman commence dans une zone Zéro, une région très polluée, où Bruna s'est rendue pour son travail de détective et où elle prend sous son aile une petite fille russe. Ce qu'elle regrettera assez vite, car la petite mord quand elle n'est pas contente. Bruna l'appelle "le monstre" ou "la Russe" et ne sait plus comment s'en débarraser, j'adore. 🤣 Leur rencontre, ainsi qu'une mystérieuse mission confiée à Bruna par une cliente fortunée, vont mettre notre réplicante sur la piste d'une nouvelle affaire, qui l'emmènera sur Labari, une station artificielle où s'est mise en place une société ultra autoritaire, et en Finlande...

Les ingrédients de ce deuxième roman sont exactement les mêmes que dans le premier et ça marche aussi bien. J'adore que Bruna fasse connerie sur connerie dans sa vie personnelle, que ce soit dans son rapport à l'alcool ou dans celui avec Paul Lizard, un policier, et qu'elle insulte régulièrement, dans sa tête, la vie et les gens. 😂 J'adore que l'histoire se passe à Madrid: avec le fait que je lis ça en espagnol, j'ai une sensation de dépaysement total. J'adore que Bruna ait des pulsions sexuelles très fortes et décrites de manière factuelle, presque crue, même si elle se jette dans les rapports sexuels avec un jusqu'auboutisme quasiment sentimental qui m'emballe moins. J'adore les personnages secondaires, comme l'archiviste Yannis et le bubi Bartolo ("Bartolo bueno, Bartolo bonito!" Ohlàlà! 🤩🤩🤩🤩). Et j'adore cet avenir urbain, triste et pauvre, même s'il est très effrayant. Il est vrai que l'effet de surprise du premier tome est passé et que l'enquête a moins d'ampleur (quoique... les déchets nucléaires, ça fait réfléchir...), mais le voyage reste génial. Le troisième tome est dans ma pile.

Allez donc voir ailleurs si ce cœur y est!
L'avis de Baroona
L'avis du Chien critique
L'avis de Lorhkan
L'avis de Tigger Lilly

jeudi 14 octobre 2021

Deux lectures courtes: L'Échappée belle (2001, rééd. 2009) et le hors-série Une Heure-lumière 2018

Pour des raisons de calendrier, je réunis exceptionnellement deux livres dans ce billet: deux lectures courtes et stratégiques en une période où j'ai eu du mal à dégager du temps pour lire.

L'Échappée belle d'Anna Gavalda (autrice dont je vous ai déjà parlé ici) est le récit d'une escapade. Deux sœurs et un frère se retrouvent pour assister à un mariage. Dans la voiture, l'épouse du frère exprime de maintes manières son mécontentement face à leur manque d'organisation ou leur retard, et l'atmosphère est tendue; mais les trois membres de la fratrie se serrent discrètement les coudes, gardant leur calme face à la tempête. Une fois arrivés à destination, ils découvrent que leur frère cadet n'est pas venu et décident, sur un coup de tête, de le rejoindre.

C'est une jolie histoire pleine de souvenirs d'enfance et d'une solidarité propre aux fratries, mais avec plein de sentiments nuancés, car rien n'est tout blanc dans les vies de ces quatre personnages, vus par la narratrice, Garance. Pendant quelques heures, ils vont se retrouver entre eux, comme autrefois. Quand j'ai lu ce roman pour la première fois, il y a plus de dix ans, j'ai adoré cette bouffée d'air, cette envie d'évasion. J'ai moins ressenti cet enthousiasme cette fois, mais j'ai tout de même passé un joli moment. C'est un roman riche de nostalgie face au temps qui passe. Rien d'exceptionnel, mais la réalité de nos vies. Pour info, j'ai lu l'édition revue et corrigée parue chez le Dilettante, qui reprend le roman paru à l'origine chez France Loisirs en 2001.

Le premier hors-série de la célèbre collection Une Heure-lumière du Bélial' a atterri entre mes mains par erreur; je l'ai offert deux fois à la même personne, alors je suis rentrée chez moi avec. 😅 Il comprend une introduction d'Olivier Girard, fondateur du Bélial', qui raconte comment est né le projet de la collection. Très intéressant, même si tous ces gens qui insistent sur l'invendabilité des nouvelles en France me semblent surtout regarder leur fascinant nombril de gens plus intellectuels que les autres parce qu'ils lisent des textes courts... 🤔 Suit une nouvelle de Ken Liu, Sept anniversaires, traduite de l'anglais par Pierre-Paul Durastanti. Sept anniversaires, sept journées dans la vie d'une femme à la vie incroyablement longue, qui assiste à une évolution radicale de la Terre et de l'humanité. Après un premier chapitre très touchant, et malgré la présence de nombreux thèmes pertinents (relations parents-enfants, responsabilité de l'être humain vis-à-vis des autres espèces vivantes...), j'ai totalement décroché de ce texte trop désincarné pour moi. Enfin, le recueil se clôt sur une interview d'Aurélien Police, illustrateur ayant dessiné toutes les couvertures de la collection. Très intéressant aussi, même si on devine un certain égo, comme chez Olivier Girard. (En même temps, je suppose qu'on ne perdure pas dans l'édition et l'illustration si on n'a pas un minimum d'égo pour y croire...)

Voilà, une lecture pas très enthousiasmante pour moi. J'ai préféré le hors-série de 2020. Mais je vous conseille de lui donner une chance s'il croise votre chemin: la nouvelle de Ken Liu fait à peine trente pages, ce serait dommage de se priver d'une rencontre avec cet auteur... Vous pouvez aussi lire les avis de Lorhkan et d'Ombrebones, qui sont plus enthousiastes.