vendredi 27 septembre 2019

Femmes de dictateur (2011)

Chronique express!


Mussolini, Lénine, Staline, Salazar, Bokassa, Mao et Hitler: ils sont entrés dans l'histoire pour de bien mauvaises raisons. Mais tous ces dictateurs ont été accompagnés par des femmes restées plus anonymes. C'est à ces figures de l'ombre que Diane Ducret a consacré ce livre passionnant. Chaque partie brosse le portrait des trois ou quatre femmes les plus importantes dans le parcours de chaque dictateur – du point de vue amoureux ou semi-amoureux uniquement: il ne s'agit pas d'étudier ses relations avec ses sœurs ou sa mère.

On découvre ainsi que la première relation sexuelle non tarifée de Mussolini fut un viol et qu'il dut une bonne partie de son succès à une femme cultivée qui le "dégrossit" pour exploiter son potentiel d'orateur; que Mao ne se lavait pas parce qu'il se nettoyait "dans le corps des femmes"; que le premier amour d'Hitler était purement platonique, à tel point que la jeune fille aimée n'en a pas eu connaissance; que Salazar a entretenu une assez longue relation avec une journaliste française... Entre anecdotes, amours tragiques, trahisons multiples, exploitation éhontée, les figures masculines n'imposent décidément pas plus le respect pour leurs liaisons que pour leur politique. Mais, comme toujours quand on étudie la petite histoire de personnes prises dans la grande Histoire avec une majuscule, il y a quelque chose de plus terre-à-terre dans ces portraits, de plus "humain". Ces femmes ont eu des parcours uniques, tant à cause de leur époque que de leur proximité avec ces hommes situés au plus haut niveau, et c'est passionnant que de les rencontrer. Même Elena Ceausescu, qui dispose d'un chapitre entier et qui fait un peu froid dans le dos quand on voit l'horrible politique sexiste qu'elle a appliquée en Roumanie avec son mari...

Allez donc voir ailleurs sur ce blog si Diane Ducret y est déjà
Mon avis sur Corpus Equi

dimanche 22 septembre 2019

Bloodstone (1994)

Après Wolf in Shadow et The Last Guardian, la trilogie de David Gemmell sur Jon Shannow s'achève avec Bloodstone.


L'intrigue commence vingt ans après The Last Guardian. Jon Shannow, qui s'est consacré pendant tout ce temps au prêche, renoue avec la violence quand des hommes de main mettent le feu à son église pour le punir d'y avoir abrité des Wolvers, des hybrides loups-humains considérés comme infidèles. Blessé à la tête dans la bataille, il poursuit les coupables sans aucun souvenir de ces vingt années.

Outre Jon Shannow, dans de grandes plaines dignes de l'Ouest américain naviguent plusieurs personnages qui finiront bien sûr par être réunis: un vieil homme qui a l'air d'en savoir long, des nomades considérés comme suspects en cette période de fanatisme religieux, des hommes de loi, des bandits. Ce roman fait encore plus référence au western que les deux précédents. On a même une fusillade devant le saloon, un sombre complot de vol de terres lié à la présence de minerais et l'attaque d'une cabane dans les bois. Mais le côté post-apo est toujours là. Ainsi, Isis, une des nomades, est atteinte de la maladie d'Addinson, que son médecin a pu diagnostiquer grâce à ses connaissances sur l'ancien monde mais ne peut soigner, faute de médicaments.

Deux éléments que je ne connaissais pas chez Gemmell sont présents: une intelligence artificielle, Lucas, que j'ai trouvée fort sympathique; et le multivers. Non contents d'avoir ouvert des portails dans le temps dans le tome précédent, les personnages vont aussi voyager entre trois mondes. [Divulgâcheur: cela entraîne d'ailleurs une évolution inattendue pour Jon Shannow, qui passe de nombreuses années dans un monde parallèle avant de revenir dans son propre monde sous les traits du Diacre (the Deacon), précisément l'homme responsable du climat d'intolérance ayant entraîné la destruction de son église].

Et les enjeux, me demandez-vous? Ce sont toujours les mêmes chez Gemmell: une civilisation imparfaite et précaire se bat contre le chaos total ou une alternative de société encore plus imparfaite, ici l'intolérance du Diacre et de ses zélés bras droits qui vont vite le remplacer. Le chaos est représenté par la Pierre de Pouvoir en personne: une pierre a fusionné avec Sarento, un personnage qu'on a dû voir dans le premier tome mais dont je ne me souviens pas. Le résultat est une espèce de diable, un grand homme rouge aux légères veines noires qui a besoin d'immenses quantités de sang pour se maintenir en vie. Un méchant sans aucun intérêt, en fait, mais dont j'ai bien aimé la fin [divulgâcheur: grâce à un autre portail entre mondes, il finira atomisé lors du premier essai nucléaire américain en juillet 1945, HAHAHAHAHAHA 😂].

J'ai été beaucoup plus intéressée par le dilemme de Jon Shannow, qui [divulgâcheur: est revenu dans son monde sous les traits du Diacre et a pris des décisions épouvantables et sanglantes non pas par amour de la violence, comme tout le monde l'a cru, mais parce qu'il savait que la Pierre de Pouvoir allait finir par arriver dans ce monde].

Point de vue stylistique, ce Gemmell est identique aux autres. La rédaction est sobre et efficace, sans aucun effet, et truffée de répétitions. Mais j'aime tellement lire "his guns thundered". Ça marche à chaque fois. Malheureusement il y aussi ce tic insupportable de faire aller et venir les personnages autour des feux de camp pour qu'ils échangent deux-trois mots à peine, ça donne des dialogues hachés et creux...

En bref: un Gemmell de plus, je dois le dire, même si j'adore l'univers et que j'ai préféré ce troisième au deuxième. Une trilogie à lire si vous êtes un vrai fan de Gemmell ou des combats au pistolet. Dans tous les autres cas, passez votre chemin.

mardi 17 septembre 2019

La femme gelée (1981)

Tout au long de ses livres, Annie Ernaux parle de ses propres expériences: La Place parle de ses parents, Une Femme de sa mère, Les Années de toute sa vie. Mais ce parcours personnel, qu'elle explore sans relâche, lui permet aussi de parler de l'évolution de la société française pendant la deuxième moitié du XXe siècle, notamment pour les femmes.


La Femme gelée est essentiellement centré sur ce dernier point: comment une femme ayant suivi une formation universitaire et exerçant un métier est "figée" par les conventions sociales et les attentes de son entourage, qui la confinent au rôle d'épouse, de maîtresse de maison et de mère, et en arrive à devenir, justement, une femme gelée. Annie Ernaux retrace sa découverte progressive des répartitions genrées des tâches, la révélation étrange que ses parents n'étaient pas normaux parce que son père faisait la vaisselle. Puis viennent l'adolescence, l'intérêt naissant pour les garçons et l'adoption d'attitudes codifiées pour attirer leur attention et les séduire – mais pas trop non plus, de peur d'attirer les critiques. Enfin, les études supérieures, un mariage hésitant, la constatation que les tâches ménagères lui incombent, naturellement, à elle. Une situation inégalitaire qui ne fera que se dégrader avec l'arrivée d'un enfant et à laquelle la reprise d'une activité professionnelle ne changera rien.

Le style est direct, parlé, plein d'ellipses. Choquant, aussi, tellement ce récit correspond à des choses qu'on a tous vécues, ces situations où, implicitement, un homme prend la direction de la conversation ou attend d'être servi. Moi, je me suis aussi retrouvée dans la maladresse de l'adolescence et l'influence déplorable d'une amie plus âgée qui réduit soudain la vie à la seule quête pertinente: un garçon, un garçon à tout prix. Puis les dizaines de petits faits qui, individuellement, ne pèsent rien, mais qui, mis bout à bout, annihilent la vie d'une personne.
"Quatre années. La période juste avant.
Avant le chariot du supermarché, le qu'est-ce qu'on va manger ce soir, les économies pour s'acheter un canapé, une chaîne hi-fi, un appart. Avant les couches, le petit seau et la pelle sur la plage, les hommes que je ne vois plus, les revues de consommateurs pour ne pas se faire entuber, le gigot qu'il aime par-dessus tout et le calcul réciproque des libertés perdues."
Une lecture navrante. Révoltante aussi, bien sûr, mais surtout navrante, parce que les choses changent lentement et que je vois des femmes, en 2019, vivre ce qu'Annie Ernaux a vécu pendant les années soixante-dix. Sous certains aspects, je me sens d'ailleurs, moi aussi, une femme gelée, même si mon parcours est très différent du sien. J'espère que son ex-mari a un jour lu ce livre et qu'il l'a vécu comme un coup de poing à la figure...

Livres de l'autrice déjà chroniqués sur ce blog
L'écriture comme un couteau (2003)
Les Années (2008)

jeudi 12 septembre 2019

La gamelle d'août 2019

Août: les vacances! C'était tellement bien! Et aussitôt passé ça paraît dans une autre vie... 😂💔

Sur petit écran

Peter Pan de Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske (1953)


Plongée nostalgique en enfance. En réalité, Peter Pan est loin d'être mon Disney préféré, mais le revoir pour la première fois depuis mes huit ou mes neuf ans a été relativement émouvant. Ce dessin animé transmet bien la magie de l'enfance, mais je n'aime pas la plupart des personnages, à commencer par Peter. Par ailleurs, la vision de la femme est bien réductrice: les sirènes et la fée Clochette sont jalouses de Wendy, qui est jalouse de Lili la Tigresse, et toutes sont amoureuses de Peter... Clochette complexe sur la largeur de ses hanches et ne peut passer par la serrure d'un tiroir à cause desdites hanches... Soupir... 😓 Le capitaine Crochet est toutefois un méchant sympathique et j'ai exulté durant toutes les scènes du crocodile, qui est pour moi le meilleur personnage du film
À noter: le dessin rappelle beaucoup celui de Cendrillon (dont je vous parlais en février), ce qui n'a rien d'étonnant vu que les réalisateurs et l'époque sont les mêmes. Les trois messieurs ont réalisé par mal de films pour Disney et je vous invite à jeter un coup d’œil à leurs filmographies fort intéressantes.

Les 101 Dalmatiens de Clyde Geronimi, Hamilton Luske et Wolfgang Reitherman (1953)


Je n'avais pas vu ce film depuis mes huit ou mes neuf ans, comme Peter Pan, et je n'en gardais aucun souvenir. C'est pas mal du tout. Le dessin très crayonné et la musique donnent une ambiance sympathique. Les nombreux chiens sont très bien animés et caractérisés (les chiots dalmatiens sont trop mignons, le colley a un accent anglais, les voix s'adaptent à la taille du chien – par exemple, le dogue a une voix profonde et caverneuse) et leur univers est amusant. On constate une fois de plus que c'est l'animal qui considère son humain comme son être de compagnie et pas l'inverse! Il y a aussi un chat, une oie et un cheval. Et Cruella est une méchante pas mal du tout, avec un côté femme-riche-qui-vit-dans-son-monde qui m'a assez éclatée. Et puis quel plan cruel, tuer 99 chiots pour en faire de la fourrure. 😈
Le dessin et la présence du chat, de l'oie et du cheval m'ont donné envie de revoir Les Aristochats et Merlin l'Enchanteur, ce qui n'a rien d'étonnant vu que ces deux films ont été dirigés par Wolfgang Reitherman. Décidément, les mêmes noms reviennent tout le temps dans les grands Disney des années cinquante. 😊

Godzilla de Roland Emmerich (1998)


Aussi désespérée par le fait d'avoir manqué Godzilla: Roi des monstres au cinéma il y a quelques mois qu'enthousiasmée par ma lecture du hors-série Mad Movies sur cette franchise (voir plus bas), j'ai replongé dans ce bon vieux film d'action décérébré que j'avais trouvé mauvais du haut de mes 14 ou 15 ans (vu en VHS chez une amie, toute une époque). Bon. C'est effectivement mauvais. Il n'y a pas de scénario et les dialogues sont d'un vide abyssal typique du genre. Mais ce qui cloche vraiment, c'est que Godzilla est assez laid et qu'on le voit assez mal, toutes ses apparitions se faisant de nuit sous une pluie battante... Et puis les bébés Godzilla sont hideux et vraiment trop repompés sur les Velociraptor de Jurassic Park (Mad Movies les qualifie carrément de "faute de goût" et c'est pas faux 😂). Par contre, j'aime beaucoup le fait que Godzilla soit rapide et agile, ça correspond à l'idée que je me fais des reptiles géants et ça donne quelques scènes de poursuite en hélico sympas. Et deux personnages sont relativement bien caractérisés, à savoir le scientifique qui étudie les vers de terre mutants de Tchernobyl et le militaire qui semble toujours sur le point de fondre en larmes ou d'éclater d'un rire nerveux. Jean Reno semble autant prendre de recul par rapport au film que son personnage par rapport à la situation. 😂 Les personnages féminins sont tous des satellites des hommes mais ne sont pas sexualisées, ce qui rend ce film plus regardable que d'autres (hein Transformers?). Tout ceci a aussi une saveur sympa des années quatre-vingt-dix qui ne m'a pas déplu. Il se patine mais n'a pas mal vieilli. (Enfin sauf l'image de synthèse, mais ça c'est inévitable...)

Godzilla de Gareth Edwards (2014)


Reprise américaine beaucoup plus qualitative que le film précédent, ce Godzilla touche parfois au génie dans sa manière de ne pas montrer les monstres: à travers un écran, un masque ou une porte qui se referme, l'être humain n'aperçoit qu'une partie infime du combat titanesque qui se joue devant lui. Cette mise en scène très intéressante est aussi frustrante pour qui, comme moi, veut voir du reptile géant détruire une ville. Heureusement, la fin en montre plus et Godzilla se paye même d'une pose "c'est qui le patron" fortement satisfaisante. J'aime aussi que les kaijus se battent sans accorder un regard aux humains, dont la pire arme imaginable leur sert... de casse-croûte. Lol. Un avis plus complet chez Tigger Lilly.

Sur grand écran

Parasite de Bong Joon Ho (2018)
J'ai revu ce film avec grand plaisir en compagnie de mon copain. Ce deuxième visionnage a confirmé tout le bien que j'en avais pensé la première fois. C'est une réussite totale et le fait de le revoir en connaissant la fin permet de mieux apprécier certains éléments. Un avis plus complet chez Tigger Lilly.

Du côté des séries

Love Death + Robots - saison 1 (2019)


Si j'ai regardé cette série sur les bons conseils de Lorhkan et Tigger Lilly, je dois avouer que j'ai aussi été attirée par la présence de chats dans un épisode – je suis vraiment une caricature de l'humanité esclave des chats, c'est pas possible. Quoi qu'il en soit, j'ai bien fait de la regarder: cette première saison est très réussie avec ses 18 épisodes on ne peut plus différents, tant du point de vue du ton et de l'ambiance que de l'animation. Plusieurs d'entre eux me resteront en tête: le yaourt bien sûr, le frigo, Hitler, Sonnie's Edge, Lucky 13, Good Hunting (tiré d'une nouvelle de The Paper Menagerie de Ken Liu)...

Et le reste

J'ai lu le hors-série de Mad Movies sur la franchise Godzilla, aussi passionnant qu'à l'accoutumée, et mon Cheval Magazine habituel. Et puis tout plein de bandes dessinées dont je vous parlerai le mois prochain.


Bon mois de septembre à vous, chers lecteurs!

samedi 7 septembre 2019

The Agony and the Ecstasy (1961)

Les vacances estivales sont une bonne occasion de plonger dans les gros pavés qu'on n'a jamais le temps de lire. J'ai donc attaqué The Agony and the Ecstasy, un roman d'Irving Stone sur Michel-Ange. Je l'avais déjà lu il y a une quinzaine d'années dans sa traduction italienne, mais je ne m'en souvenais que peu.


Ce roman passionnant retrace l'existence du célèbre artiste, de ses débuts comme apprenti dans l'atelier de peinture du Ghirlandaio et sa formation de sculpteur dans l'école de Laurent de Médicis jusqu'à sa glorieuse carrière romaine, en passant par ses exploits florentins et son exil à Bologne.

Lecture passionnante, oui: la vie de Michel-Ange est palpitante, son époque tourmentée et écartelée par les rivalités politiques et l'extrémisme religieux, son art plus grand que nature, son génie hallucinant. S'il se considérait avant tout comme un sculpteur de marbre, la matière la plus noble à ses yeux, il a aussi excellé en tant que peintre, que sculpteur en bronze et qu'architecte! Non content d'avoir sculpté le David pour la ville de Florence et peint le plafond de la Chapelle Sistine pour le pape Jules II, il a aussi assuré la construction d'une route dans une montagne inaccessible, érigé les remparts de Florence et conçu le dôme de la cathédrale Saint Pierre... Entre autres!

Lecture passionnante aussi parce que le Quattrocento italien donne le vertige: Ghirlandaio, les Médicis, Léonard de Vinci, della Quercia, Raphaël, Donatello, il y a à chaque page un nom qui est entré dans l'histoire... Parfois pour de tristes raisons, comme dans le cas du moine Savonarola, un modèle d'obscurantisme.

En revanche, ce roman est aussi très long et un peu répétitif dans sa structure: l'auteur fournit des informations politiques rapides pour peindre la situation, rédige de longs passages sur les objectifs de Michel-Ange dans ses différentes œuvres et y intercale des moments de désespoir aigu – le roman doit justement son nom à l'alternance entre la frénésie créatrice et le repos forcé d'un artiste soumis au bon vouloir de ses mécènes. Au bout d'une centaine de pages, j'ai commencé à trouver ma lecture laborieuse, et je ne me suis accrochée que parce que le sujet est vraiment prenant (et parce que je n'abandonne jamais une lecture ^^).

Par ailleurs, Michel-Ange ne ressort pas de ce livre comme un personnage très aimable. Certes porté par un flux créatif dévorant et "la fièvre du marbre", ainsi que par l'humanisme transmis par Laurent de Médicis, il est également impulsif et a une fâcheuse tendance à gémir sur son sort et à l'aggraver par la même occasion (par exemple en se fritant avec le pape), tout en se laissant exploiter par une famille assez rapace.

De mon côté, j'ai aussi découvert que je n'aime pas les œuvres de Michel-Ange. 😂 Ou plutôt, j'aime certains éléments de son David et de sa Pietà, mais je suis insensible à ses peintures. Même la célèbre scène de la création d'Adam me laisse de marbre. La fin du roman, toutefois, m'a émue. Je pense qu'elle rendrait très bien au cinéma. (D'ailleurs, le film a été adapté par Carol Reed en 1965 avec Charlton Heston dans le rôle de Michel-Ange. La bande-annonce est disponible sur Allo Ciné.)

Une lecture plus prenante dans son fond que dans sa forme, donc. 

Avec ses 777 pages, cette édition Arrow Books me permet de participer au challenge Pavé de l'été de Brize.

mardi 3 septembre 2019

Notre cœur (1890)

Notre cœur est le dernier roman de Guy de Maupassant, qui est mort trois ans après sa publication. L'écrivain normand s'y intéresse à André Mariolle, un riche oisif un peu blasé de la vie et terrifié à l'idée d'être un raté, et à Michèle de Burne, une femme du monde qui bénéficie, après son veuvage, d'une certaine indépendance. Comme la plupart des membres de son cercle, André Mariolle tombe rapidement amoureux de cette femme jolie, coquette, sûre d'elle et de son charme, joyeuse et fine. Mais Mme de Burne a toujours éconduit tous ses prétendants; elle aime être aimée mais n'aime pas, elle. Jusqu'à ce que l'adoration de Mariolles n'attire un peu plus son attention.


On le sait, Maupassant n'est jamais très gai. Ce roman ne déroge pas à la règle: malgré la passion de Mariolle, son amour reste malheureux, car il sent bien que Mme de Burne ne l'aime pas de la même manière. Elle l'aime bien, mais elle ne l'aime pas. Voyez-vous la différence? Ce qui est désespérant, c'est que le jeune homme va se consoler en trouvant, à son tour, une maîtresse qui l'aime plus qu'il ne l'aime... 😡😭 Enfin, je ne m'attendais pas à une fin heureuse avec cet écrivain, donc je n'ai guère été surprise par cette conclusion assez amère.

Stylistiquement, ce roman n'est pas le chef d'œuvre de Maupassant, que je trouve plus brillant quand il pose des ambiances brumeuses et mystérieuses (comme dans Au bord de l'eau ou La Chevelure) ou quand il décrit des faits particulièrement révoltants (comme dans Coco, L'Âne ou Boule de Suif). Bien sûr, il se lit agréablement, parce que Maupassant savait écrire. Il a cette atmosphère élégante et policée du XIXe que j'adore et il regorge de remarques désabusées et cyniques qui m'ont parlé. À noter également, des propos très misogynes de la part de certains personnages, mais aussi une courte remarque très juste sur le choc d'une femme confrontée à la sexualité lors de son mariage alors qu'elle ne sait pas de quoi il s'agit (ce qui n'est pas sans rappeler l'horrible nuit de noces de Une vie). Décidément, Maupassant avait beau avoir de gros problèmes avec les femmes, il avait le bon sens de comprendre que leur éducation et leur place dans la société ne les aidaient pas...
"Ils arrivaient infailliblement à cette conclusion qu’une jeune fille élevée dans le rêve des tendresses futures et dans l’attente d’un mystère inquiétant, deviné indécent et gentiment impur, mais distingué, devait demeurer bouleversée quand la révélation des exigences du mariage lui était faite par un rustre."
Cette édition France Loisirs, que j'ai achetée d'occasion, contient aussi les premières pages de L'Âme étrangère, roman que Maupassant n'a pas terminé à cause de sa maladie et de sa mort. Un début intéressant, mais bien trop court pour savoir si le roman aurait été prenant dans son ensemble.