vendredi 30 novembre 2018

L'histoire des botanistes de Leningrad

Étant complètement débordée de travail en ce moment et à peu près incapable de lire plus de quinze minutes par jour, je vous propose aujourd'hui un interlude non littéraire. Est-ce que ça vous dit de découvrir le triste sort des botanistes de Leningrad, l'actuelle Saint Petersbourg?

Mes informations sur cette histoire proviennent principalement du livre que je traduis actuellement (je ne peux pas vous en parler pour des raisons de confidentialité, mais c'est une source fiable 😊), mais aussi de mes propres recherches sur le sujet.

Pendant les années vingt et trente, Nikolaï Vavilov, un botaniste soviétique, a parcouru le monde à la recherche de graines anciennes, qu'il a réunies dans l'Institut de botanique de Leningrad. Il souhaitait améliorer les cultures pour lutter contre la faim et espérait trouver les ancêtres des variétés vivrières de son époque. C'était un scientifique tout à fait sérieux. Malheureusement, Staline préférait Lyssenko, un botaniste autodidacte qui prétendait pouvoir obtenir des variétés résistantes au froid beaucoup plus vite que Vavilov, notamment en trempant les grains de blé dans l'eau froide (!). (Apparemment, il croyait que les caractères acquis se transmettent de génération en génération; si une graine de blé résiste à de l'eau glaciale, elle va modifier son patrimoine génétique et ses descendants seront d'emblée résistants au froid.)


Staline étant ce qu'il était, la pseudoscience de Lyssenko est devenue science officielle. Vavilov a été arrêté et est mort en déportation en Sibérie des suites de la dénutrition, ce qui est particulièrement triste pour quelqu'un qui essayait d'éradiquer la famine...

Avant son arrestation, Vavilov avait recommandé à ses collègues de quitter son équipe car il avait bien compris combien il était menacé. Mais certains avaient refusé, voulant continuer leurs recherches malgré le danger, et étaient restés travailler à l'institut. Et puis Leningrad a été encerclée par l'armée allemande en septembre 1941. Je crois que le siège de Stalingrad est plus connu parce qu'il a marqué le retournement de la guerre, mais celui de Leningrad a été tout aussi terrible: presque deux ans et demi de siège et presque deux millions de victimes, majoritairement des civils morts de faim!! Le jour de Noël 1941, 4000 personnes sont mortes de faim...

Barricadés dans leur institut de botanique, les collaborateurs de Vavilov étaient assis sur un tas d'or, ou plutôt un tas de bouffe, ce qui est encore plus précieux en temps de guerre: des milliers et des milliers de graines. Ils auraient pu faire cuire tous ces grains de riz et de blé et manger tous ces fruits à coque pour survivre, ou bien partager tout cela avec leurs proches. Mais ils ne l'ont pas fait. Ils ont poursuivi leur travail. Ils ont continué à cataloguer les graines et à faire des croquis dans le froid glacial pendant que Leningrad agonisait autour d'eux (apparemment, ils ont eu la chance de ne pas être bombardés car Hitler connaissait la banque de semences de Vavilov et souhaitait s'en emparer). Ils mangeaient la même ration que le reste de la population, deux tranches de pain par jour, puis il n'y a même plus eu de pain.

Et ces pauvres botanistes ont fini par mourir de faim les uns après les autres, au milieu de leurs graines... Parce qu'ils pensaient qu'il fallait conserver ce patrimoine génétique pour les générations futures, que ces graines seraient nécessaires à la fin de la guerre pour replanter.

Je trouve ça triste à pleurer et beau à redonner foi en l'humanité, un de ces actes de désintéressement qui forcent l'admiration. (Et tellement russe: tout est toujours plus grand, plus incroyable et plus surhumain en Russie.) L'institut, qui a pris le nom de Vavilov bien plus tard, quand Lyssenko a été sorti de la scène publique par des scientifiques qui ont osé dire qu'il racontait n'importe quoi (après la mort de Staline, bien sûr), existe encore et joue un rôle important dans la préservation de la diversité des variétés vivrières, un thème encore plus important aujourd'hui que pendant les années trente et quarante.


lundi 26 novembre 2018

Nous qui n'existons pas (2018)

Chronique express!


Nous qui n'existons pas est le premier livre de Mélanie Fazi que je lis. Je connais cette écrivain grâce à des articles de blog et j'ai offert un de ses livres à une amie, mais je n'avais jamais franchi le pas – alors même qu'elle écrit du fantastique, mon genre de prédilection! J'ai été très intéressée par cette publication à cause de son titre et de son sujet. Il s'agit d'une sorte d'autobiographie qui fait suite à un article de blog, Vivre sans étiquette. Mélanie Fazi y parle de la différence qui la met "à part" dans notre société et de la manière dont elle a essayé de l'apprivoiser, avec diverses évolutions au cours de sa vie et nombre de difficultés.

C'est très intéressant et très juste, avec une auto-analyse très fine et sobre. Je me suis retrouvée à de maintes reprise dans cette sensation d'isolement et ça m'a fait réfléchir à mes propres travers (un exemple pour vous donner une idée: comment je me moquais de Britney Spears, quand j'étais au collège, à cause de sa volonté affichée de rester vierge jusqu'au mariage. Ce genre de projet de vie peut sembler un peu anachronique, mais la liberté sexuelle n'est pas l'obligation du sexe. Si Britney Spears ne veut pas baiser, c'est son droit). Cet ouvrage fait réfléchir à la façon folle dont les attentes de la société, des autres, sont omniprésentes et implicites même quand les gens ne vont pas jusqu'à vous dire en face certaines choses; ça imprègne toutes les relations et les échanges qu'on a au quotidien. Il faudrait le faire lire à tout un tas de personnes convaincues qu'elles savent tout sur tout... Inversement, il faut vraiment penser à soutenir les gens mal dans leur peau; quand je pense que Mélanie Fazi (que je considère comme une auteure reconnue et une femme intelligente et indépendante, d'autant plus maintenant que je l'ai vue en vrai à une rencontre et un salon) a eu ce parcours difficile tandis que les gens pétris de convictions barbotent dans le bonheur de leurs convictions, misère mais c'est le monde à l'envers...

En bref: un court texte très bénéfique qui m'a donné envie de lire Mélanie Fazi. Du coup j'ai acheté Serpentine. 😁

Allez donc voir ailleurs si cette existence y est!

jeudi 22 novembre 2018

La Proie (1938)

Chronique express!


Dans La Proie, Irène Nemirovsky raconte l'histoire d'un ambitieux, Jean-Luc Daguerne. Jeune, amoureux, il est bien décidé, quand on le rencontre, à épouser la femme qu'il aime et à faire ses preuves dans la vie. "Il se sentait de force à soulever le monde!" Pourtant, suite à une déception amoureuse, cette femme, fille d'un banquier, ne lui semblera plus qu'un moyen de monter dans la société riche et policée qui symbolise à ses yeux le pouvoir et la réussite.

Dès le premier chapitre, j'ai adhéré à ce roman pessimiste et triste. Irène Némirovsky décortique les sentiments et les ressentis avec une lucidité frappante et sans aucun jugement de valeur. On va voir Daguerne saisir les opportunités avec une conscience terrible de ce qu'il fait et ce désir insatiable de réussir, d'arriver, une rage de vaincre que l'auteur associe étroitement à la jeunesse, au désir de vivre, à la volonté d'avoir, à son tour, accès à tout ce que la génération précédente a eu. Et pourtant, le bonheur n'est pas au rendez-vous. Le bonheur n'est jamais au rendez-vous, il fuit ailleurs. Je me suis retrouvée dans ce roman plein d'un gâchis immense. Moi aussi, je voulais réussir et j'ai l'impression que je n'arriverai jamais à prouver quoi que ce soit à qui que ce soit car à chaque étape je me retrouve aussi seule et gelée qu'à l'étape précédente. À la réflexion, il y a aussi quelque chose de Gatsby ici, mais dans un genre bien différent (Gatsby, au moins, a misé sur ce qu'il fallait). Comme toujours, Irène Nemirovsky parle de la perte de la jeunesse et de l'énergie qui l'accompagnait, c'est un vrai crève-cœur (peut-être même trop d'ailleurs, je crois connaître des personnes qui ont passé la soixantaine et qui vivent ça bien). Et bien sûr ça se termine mal. Voilà.
"On passe sa vie à se battre, haletant, désespéré. On se croit vainqueur, mais toutes les humiliations, tous les échecs, toutes les déceptions, les désastres, tout cela reste en vous, attend, et, un jour, remonte et vous étouffe, comme si la faiblesse de l’enfant veillait au cœur de l’homme, prête à le vaincre, prête à l’abattre."

dimanche 18 novembre 2018

All Through the Night (1998) + He Sees You When You're Sleeping (2001)

Mary Higgins Clark est une autrice que je connais de nom depuis longtemps (forcément: d'après sa page Wikipédia, elle a vendu 80 millions de livres rien qu'aux États-Unis! 😀) mais que je n'ai jamais lue. Je dois dire que j'avais un a priori assez négatif, du type "c'est du policier-Harlequin". Quand j'ai vu ces petits livres dans la bibliothèque d'une amie, je me suis dit que c'était l'occasion d'essayer. C'est parti pour une petite excursion dans le formidable monde de Noël, un peu avant l'heure.


All Through the Night (1998)

Ce mystère de Noël réunit deux intrigues: d'une part un mystérieux testament qui prive une dame âgée de sa maison, sa sœur ayant laissé la demeure à un couple de locataires, et d'autre part la recherche d'un bébé abandonné devant une église sept ans plus tôt. Bien évidemment, les deux sont liés; après l'école, la petite fille abandonnée est gardée par une association caritative qui allait emménager dans la maison en question. Alvirah, une vieille dame à qui on ne la fait pas, mène l'enquête sur le testament, rencontre la maman à la recherche de son enfant et résout les deux intrigues entre une séance de dictaphone et une tranche de gâteau, le tout dans une ambiance résolument tournée vers Noël puisque nous sommes en décembre et que tous les personnages ou presque s'occupent du spectacle de Noël des enfants de l'association.

Alors, mon verdict? Bein c'est pas mal. C'est effectivement simple et lisse, avec plein de bons sentiments et une société très policée (la New York bien WASP de Central Park avec gala à la fin), tout le monde est beau et gentil et il n'y a guère de suspense puisqu'on comprend dès l'introduction, au vu du ton, que OUI la malheureuse maman qui abandonne son bébé finira par le retrouver et que OUI les enfants défavorisés du quartier pourront profiter de la belle maison qui leur a été léguée. Mais c'est agréable, on rentre dedans tout de suite, ça se lit tout seul et plusieurs personnages sont pas mal caractérisés du tout, notamment Alvirah (apparemment un personnage récurrent de l'auteur), ce qui fait qu'on les cerne et qu'on les aime bien tout de suite. Donc je comprends assez bien que Mary Higgins Clark vende autant, c'est un type de roman vers lequel on peut revenir très facilement.

He Sees You When You're Sleeping (2001) (écrit avec Carol Higgins Clark)

Ce deuxième roman de Noël montre comment Sterling Brooks, décédé depuis 47 ans, revient sur Terre pour aider quelqu'un. Le conseil qui valide (ou non 😂) l'entrée des âmes au paradis a en effet décidé de le mettre à l'épreuve et de vérifier s'il peut racheter le comportement dont il faisait preuve de son vivant. La personne qu'il devra aider est Marissa, une petite fille de sept-huit ans qui est très triste depuis que son père et sa grand-mère, menacés par des mafieux, ont dû la quitter pour disparaître avec l'aide du programme de protection des témoins du FBI.

Cette deuxième lecture a confirmé ce que j'avais pensé du roman précédent. Il n'y a guère d'enjeu, on sait d'emblée que OUI Marissa aura le bonheur de fêter Noël et son anniversaire (car elle est née le 25 décembre) avec son papa adoré et sa formidable grand-mère et que les horribles frères mafieux qui cherchent à les éliminer seront rattrapés par la justice. Mais le décalage entre Sterling Books, mort depuis 47 ans, et la New York des débuts des années 2000 est plutôt amusant, tout comme le caractère pleurnicheur et grotesque des deux mafieux originaires d'Europe de l'Est qui parlent tout le temps de leur "mama" restée au pays.

En bref: je ne continuerai pas avec Mary Higgins Clark, ce n'est pas une auteure que je recommande particulièrement, mais c'est plaisant et efficace dans son genre. Ça a quelque chose de rassurant, je pense, de lire ces histoires un peu "cozy" où tout est bien qui finit bien et où des sapins gigantesques clignotent joyeusement à côté de la cheminée. Le froid étant enfin arrivé quand j'ai lu ces livres, fin octobre-début novembre, c'était même plaisant de se projeter vers l'image satinée d'un Noël new-yorkais bien comme il faut.

Et vous, avez-vous déjà lu Mary Higgins Clark? Qu'en avez-vous pensé? Connaissez-vous des lecteurs qui l'apprécient?

mercredi 14 novembre 2018

La cuisinière d'Himmler (2013)

Chronique express!


Rose, cuisinière et gérante de restaurant à Marseille âgée de 105 ans, commence un jour à écrire ses mémoires. Depuis son enfance dans l'Arménie des années 1910, elle a eu une vie aventureuse marquée par certaines des grandes tragédies du XXe: le génocide arménien, la Seconde Guerre mondiale et le maoïsme. Les faits sont loin d'être drôles, mais le ton est désopilant: cette femme au caractère brut de décoffrage n'a plié face à rien, trouvant toujours sa force dans le travail (en cuisinant plus que jamais) ou... la vengeance! 😂 Elle n'hésite pas, en effet, à retrouver les coupables et à leur régler leur compte...

Franz-Olivier Giesbert réussit un vrai tour de passe-passe: faire rire avec un livre qui se lit tout seul alors même qu'il est truffé d'horreurs. C'est fou. De lui, j'avais déjà lu Un Pedigree et je n'avais pas du tout aimé; je ne chroniquais pas mes lectures à l'époque et je n'ai pas de souvenirs précis, mais je crois que j'avais trouvé ça très parisien nombriliste. Rien de cela ici, c'est vraiment plaisant, bien maîtrisé et bien documenté à la fois; je ne suis pas une experte mais j'ai eu la nette impression que l'auteur a bien préparé l'aspect historique. Il y a certes, en parallèle de faits très précis, un côté totalement invraisemblable (du genre Himmler qui emmène sa cuisinière française en Allemagne pour l'aider à retrouver sa famille déportée), mais je crois qu'on s'en fiche totalement parce que ça permet à Rose d'être aux premières loges de l'histoire. En plus, elle cite tout le temps les plats qu'elle a servis dans ses restaurants et ça met l'eau à la bouche... 😁

Allez donc voir ailleurs si cette cuisinière y est!

samedi 10 novembre 2018

Les Chouans (1829)

J'ai plus ou moins (re)découvert la chouannerie il y a trois ans en (re)lisant L'Ensorcelée de Barbey d'Aurevilly. J'avais bien dû aborder ça à l'école, mais je n'en gardais aucun souvenir... Dans la foulée, j'ai acheté Les Chouans de Balzac, toute contente à l'idée de retrouver les royalistes en lutte contre la République. (La littérature a de drôles d'effets parfois. En soi je préfère la république à la monarchie, mais en lisant Barbey tu regrettes l'Ancien Régime... ^^).


Bref, j'ai acheté Les Chouans. Quelle erreur, mes amis, quelle erreur.

C'est d'un ennui mortel, confus et complètement invraisemblable. J'ai décroché au bout de quarante pages et j'ai péniblement réussi à rallumer mon attention à la fin, mais j'ai loupé plus de la moitié de l'intrigue. Globalement, ça se passe du côté d'Alençon en 1799, avec les Chouans qui semblent vouloir relancer la guerre civile et la République qui manque de troupes à envoyer sur place. Les Chouans sont menés par un jeune noble surnommé Le Gars. La République envoie une espionne jeune et jolie le séduire. Ils se rencontrent par hasard, tombent amoureux en une heure, se jurent un amour torturé et inaltérable et sont prêts à renier leurs idéaux aussitôt. L'espionne use de son autorité sur l'armée pour sauver le Gars, mais voilà qu'un mal intentionné chuchote quelque chose sur l'espionne à l'oreille du Gars, qui fait massacrer les soldats escortant l'espionne, et nos deux héros se reverront deux ou trois fois avec une alternance d'amour fou, de trahison, de peine destructrice, de reproches et de sacrifices très difficile à suivre et franchement inintéressante. Misère, tout ceci m'est tombé des mains. [Divulgâcheur: à la fin, ils meurent ensemble sous les balles des Républicains, juste après avoir été mariés en cachette.]

Certes, le contexte historique est intéressant. Je crois qu'on oublie complètement les années violentes d'après la révolution, avec une véritable guerre civile en France, les nobles qui avaient fui et les prêtres qui se cachaient pour officier, un certain flottement à Paris et les troupes en train de guerroyer aux frontières. Dans mon souvenir, les lives d'histoire passent bien vite de la Bastille à la gloire de Napoléon. Mais ça n'a pas suffi à insuffler un intérêt à cette lecture...

Décidément, Balzac est vraiment imprévisible pour moi: je garde un super souvenir du Colonel Chabert et d'Eugénie Grandet et j'ai visiblement (d'après mes chroniques) apprécié La Cousine Bette et Le Père Goriot, mais La Peau de chagrin et ces Chouans me sont tombés des mains. J'ai encore La Rabouilleuse dans ma PAL et j'ai un peu la trouille là. J'essaye de me dire que Les Chouans est le premier roman de Balzac, peut-être a-t-il commis des erreurs de jeunesse et a-t-il évolué par la suite...

Le petit truc en plus que vous devez absolument savoir
Je ne peux pas dire que je n'étais pas prévenue en ouvrant Les Chouans: Tigger Lilly m'avait mise en garde! 😂


Livres de Balzac déjà chroniqués sur ce blog

mardi 6 novembre 2018

La gamelle d'octobre 2018

Un tout petit mois que ce mois d'octobre. J'ai de plus en plus de mal à me motiver pour aller au cinéma. C'est tellement dommage. 😌

Sur petit écran

Rien.

Sur grand écran

Venom de Ruben Fleischer (2018)
Après un début un peu difficile en raison d'une succession de scènes rapides, presque saccadées, qui m'ont semblé insuffisantes pour poser l'intrigue, Venom s'est mis à parler et j'ai adoré ("Pile of bodies, pile of heads"). Ce n'est pas du tout un film inoubliable mais j'ai très envie de retrouver ce "méchant" qui n'en est pas un. 😄

Beetlejuice de Tim Burton (1988)


Une séance UGC Culte extrêmement plaisante. J'avais déjà vu Beetlejuice mais c'était il y a des années et je ne m'en souvenais pas vraiment. C'est très drôle et frais, avec plein de thèmes ou d'éléments esthétiques qu'on retrouvera dans d'autres films de Burton (la mariée fantôme par exemple ^^). Les personnages ont beau être un peu caricaturaux, ils sont aussi super naturels et crédibles, c'est fou! La musique de Danny Elfman est également très réussie. C'est un film très sympa qui met de super bonne humeur.

Du côté des séries

Rien. Je garde cette catégorie dans le billet juste pour me mettre la pression. ^^

Du côté des BD


Putain de chat 4 de Lapuss'
Il était permis d'en douter vu la fin du tome 3, mais la série Putain de chat continue avec Grisbi, la chatonne arrivée à la fin du tome 2 (je crois). C'est toujours sympa et acide mais je ne sais pas s'il est bien pertinent d'acheter les volumes, ça se lit en dix minutes et c'est vite oublié.

Chat-Bouboule 2. La nuit tous les chats sont gros de Nathalie Jomard (2016)
Le gros Bouboule est mon chat préféré parmi mes récentes découvertes. C'est frais, mignon et drôle. Je suis juste désespérée que l'édition grand format de ce tome 2 soit épuisée et que j'aie dû me replier sur cette version poche. Ça ne va pas faire beau dans la bibliothèque. 😥

Le chat du rabbin de Joann Sfar (2010-2018)
J'ai repris cette série à zéro en vue de lire les deux derniers tomes, que j'ai achetés récemment. C'est très bien, il y a vraiment plein de bonnes idées et de beaux messages sur la tolérance et la paix entre les peuples (j'aime particulièrement les passages avec le rabbin Sfar et le cheick Sfar), et puis le chat est tellement croustillant avec sa langue bien pendue qu'il vaut le détour à lui tout seul. Par contre, la série est inégale et certains tomes me semblent un peu mous (le 4 et le 7 notamment, je crois). Il faut aussi dire que le dessin tremblotant de Sfat ne plaira pas à tout le monde. Précédemment, j'ai chroniqué un peu plus longuement les tomes 1 à 5 et le tome 6.

Et le reste

J'ai lu Un T-Rex à Paris des éditions Beaux-Arts, la revue achetée à l'exposition du Muséum d'histoire naturelle sur Trix, une femelle tyrannosaure, que j'ai visitée à la fin du mois d'août avec, entre autres, Tigger Lilly qui en parle ici. Chère, certes (9€ pour 40 pages!), mais très utile pour se rafraîchir la mémoire. En fin de mois, j'ai lu Cheval Magazine, comme d'habitude.

Et voilà. Comme toujours, j'espère faire mieux ce mois-ci!

vendredi 2 novembre 2018

L'Assommoir (1876)

Doucement mais sûrement, Tigger Lilly et moi continuons à relire les Rougon-Macquart d'Émile Zola. Aujourd'hui, place au septième volume, le célébrissime Assommoir.


La vie de Gervaise Coupeau, née Macquart
Gervaise fait une rapide apparition dans le premier tome de la série, La Fortune des Rougon; on y apprend notamment qu'elle boite et que sa mère la fait boire dès l'enfance. On a la retrouve maintenant à Paris, où elle vit avec son homme, Auguste Lantier, et leurs deux enfants, Claude (qu'on retrouvera dans L’Œuvre) et Étienne (qu'on retrouvera dans Germinal). Malheureusement, Lantier prend la poudre d'escampette avec une autre femme, lassé qu'il est de vivre dans la misère avec Gervaise, et notre héroïne épouse, après quelques réticences, un ouvrier travailleur et posé, Coupeau. Avec leur ardeur au travail et leur sérieux, les Coupeau peuvent vivre dignement et même économiser afin que Gervaise ouvre une blanchisserie. L'avenir serait radieux, mais un grave accident de Coupeau fera tout basculer.
Le reste du roman suit cette déchéance affreuse, la chute de plus en plus terrible dans la pauvreté, la détresse psychologique, une situation sentimentale sordide, la malpropreté et surtout l'alcool – l'eau de vie dorée et tentatrice distillée dans l'Assommoir, le bar du quartier.

Un roman qui se lit tout seul
Bon, je l'ai déjà dit à propos de Son Excellence Eugène Rougon, et d'ailleurs je le dis à chaque fois, mais j'ai lu ce roman avec une facilité absolue, Zola c'est le rêve.

Une langue incroyable
Zola a toujours un style très particulier, qui n'enthousiasme pas forcément tout le monde. Ici, il adopte un ton de voix unique en utilisant l'argot parisien. Ça donne des répliques comme:
"Donnez-vous la main, nom de Dieu! cria Coupeau, et foutons-nous des bourgeois! Quand on a de ça dans le coco, voyez-vous, on est plus chouette que les millionnaires." (Chapitre 8.)
ou:
"Mais elle finissait par se ficher des dégelées comme du reste. Coupeau pouvait faire la Saint-Lundi des semaines entières, tirer des bordées qui duraient des mois, rentrer fou de boisson et vouloir la réguiser, elle s'était habituée, elle le trouvait tannant, pas davantage." (Chapitre 12.)
C'est truffé de mots et d'expression que je ne connais pas mais j'adore. Et je trouve quand même que ça se lit tout seul. C'est extrêmement imagé et coloré et j'ai l'impression que ça a pris un côté désuet et que ça en devient presque drôle. À l'époque, pourtant, je crois que ça a fait scandale que Zola utilise cette langue du peuple.

Gervaise ou la résignation molle
Zola est un grand expert des personnages mous (dans les épisodes précédents des Rougon-Macquart, citons Marthe dans La Conquête de Plassans et son fils Serge dans La Faute de l'abbé Mouret). Gervaise est un peu différente dans la mesure où elle a tout de même plus ou moins conscience d'être molle et le fait avec un semblant d'objectif: être heureuse. Sa vision du bonheur, c'est de ne pas être embêtée, d'être tranquille. Ça manque peut-être d'ambition mais je la comprends. Le problème, c'est qu'elle accepte TOUT ce qui lui tombe dessus sans se battre, et même en se battant de moins en moins au fur et à mesure que les choses empirent... Je n'ai pas eu envie de la secouer et de la réveiller mais j'ai ressenti beaucoup de pitié pour elle. Je crois que le fait de bien connaître son histoire (c'est la quatrième fois que je lis ce livre!) me fait adopter une sorte de résignation, moi aussi, comme si le destin de Gervaise était écrit dans le marbre. Étape par étape, sa situation se dégrade sur tous les plans jusqu'à sa fin misérable, une conclusion aussi charmante que dans les premiers tomes de la série. Et pourtant, au début, Gervaise avait beaucoup de volonté: elle travaillait dur et ne s'accordait pas une seconde de repos, allant jusqu'à accoucher seule, par terre, car elle était restée travailler au lavoir jusqu'au dernier moment!

Coupeau ou la spirale de l'alcoolisme
Le mari de Gervaise, à l'origine un ouvrier honnête et travailleur, se blesse gravement et est contraint de garder le lit pendant de longs mois de convalescence. C'est le premier élément perturbateur dans la vie de Gervaise, d'une part parce qu'elle dépense toutes les économies du ménage pour le soigner et d'autre part parce que Coupeau prend goût au farniente et ne se remettra jamais au travail avec le sérieux d'autrefois, préférant paresser dans les bistrots et, à terme, tomber dans la boisson. Je pense que Zola oppose nettement le travail – comme valeur et occupation qui préserve du mal – à la fainéantise. Goujet, un ouvrier discret amoureux de Gervaise, est le parfait exemple de l'ouvrier sérieux (c'est-à-dire travailleur et sobre). D'ailleurs, c'est lui que Gervaise aurait dû épouser (si elle l'avait connu à temps...).

Des personnages abjects
Autour de nos personnages principaux gravitent, comme toujours, quelques personnages secondaires plus ou moins abjects. Il y a Lantier, l'ancien compagnon de Gervaise et le père de ses deux premiers enfants, un profiteur de première et un sacré pervers à qui j'ai souhaité bien du mal. Il y a aussi les Lorilleux, le couple formé par la sœur de Coupeau et son mari, d'une hypocrisie et d'une aigreur phénoménales. Par ailleurs, fait ici ses grands débuts Nana, la fille de Gervaise et Coupeau (et donc la demi-sœur d'Étienne et Claude, fils de Lantier). Elle aura son propre roman par la suite mais est déjà très présente ici. Comme Lalie dont je vais parler ci-dessous, c'est une gamine devenue adulte trop tôt, mais à l'inverse de Lalie elle incarne le vice et la perversité avec son regard d'enfant qui voit tout et comprend tout et attend son tour. Très perturbante, cette Nana.

La misère (économique et sociale) déchirante
Zola brasse vraiment large dans ce roman, c'est assez impressionnant. Il parle du travail des ouvriers, mal payé et potentiellement dangereux, et met l'accent sur le travail des femmes. Rien à voir avec les femmes oisives de La Curée: ici, elles travaillent toutes dur et font tourner le ménage et grandir les enfants en même temps. Il évoque aussi l'absence de protection sociale à travers le père Bru, un vieil ouvrier tombé dans la misère parce qu'il est âgé et ne peut plus trouver de travail. Il est déjà pauvre au début du roman mais sa situation empire encore et on le retrouve finalement qui mendie dans une scène nocturne à vous fendre le cœur.
Avec la destruction du ménage Coupeau, Zola parle des ravages de l'alcool, qui était, j'imagine, le thème qui lui tenait le plus à cœur vu qu'il a donné son titre au roman. L'alcool est aussi en cause dans un autre ménage de l'immeuble, celui de Lalie, une petite fille qui élève seule ses deux cadets après que son père ait battu sa mère à mort. Je pense que Lalie est la figure la plus tragique de toute l’œuvre de Zola, une gamine contrainte à devenir adulte trop tôt, dotée d'un héroïsme tranquille et d'un courage incroyable. Putain, Lalie quoi.

Le retour de la folie
Pour une fois, ce n'est pas un Rougon ou un Macquart qui nous emmène à l'asile: c'est Coupeau qui finit interné! Gervaise, choquée par les mouvements désordonnés provoqués par l'alcoolisme, les imitera devant les voisins, ce qui n'est pas sans rappeller la situation inverse du pauvre Mouret, qui imite les mouvements de sa femme folle une fois interné injustement dans La Conquête de Plassans.

Chez Gervaise, on mange!
Dans la première partie du livre, Zola décrit deux repas super copieux, un pour le mariage des Coupeau et l'autre pour la fête de Gervaise. Il est difficile d'imaginer ce que mangeaient ces gens, les quantités sont juste démesurées. Du genre trois entrées suivies de trois potages suivis de trois rôtis suivis d'un pot-au-feu. Je vous jure. Je pense qu'il le fait pour marquer d'autant plus l'opposition entre cette période faste et les journées du sixième étage, à la fin, quand les Coupeau "dansent devant le buffet" – c'est-à-dire ne mangent rien par manque d'argent.

Conclusion
Un très grand Zola que j'adore. C'est la quatrième fois que je le lis et ça s'est confirmé. Je comprends très bien qu'il ait véritablement fait de Zola un romancier célèbre!

Allez donc voir ailleurs si cet Assommoir y est!
La vidéo de Lemon June
L'avis de la petite marchande de prose
L'avis de Tigger Lilly