lundi 26 février 2018

L'art de la quiétude. Ces chats qui nous apaisent (2017)

J'ai trouvé L'art de la quiétude de Véronique Aïache dans ma boite aux lettres il y a quelques mois à l'occasion de mon anniversaire. C'était une attention adorable de la part de mon amie lyonnaise qui me connaît décidément bien: la quiétude, c'est exactement ce que je recherche!


La première partie, très intéressante, retrace l'histoire des rapports entre chats et humains. Tout commence à Chypre il y a 9500 ans. Le chat a ensuite conquis le monde entier grâce à ses talents de ratier. Les Égyptiens, bien sûr, lui ont accordé une place toute particulière dans leur société. Puis il s'est établi chez les Grecs, les Romains, les Arabes (l'auteur accorde un long passage à Mahomet et son amour des chats) et les Asiatiques.

La deuxième et la troisième partie portent sur la quiétude et la sérénité en prenant le chat pour modèle. Les conseils et les axes de travail en développement personnel sont toujours les mêmes: respirer, arrêter le mental, se concentrer sur ici et maintenant, prendre du recul face à ses émotions en les observant au lieu de galoper avec... L'auteur propose également une ouverture sur la méditation, mais c'est très léger; ce n'est vraiment pas quelque chose qui s'apprend dans les livres. Dans tous les cas, l'idée est de se laisser guider par le chat et sa manière de faire (savoir dire non, ne pas se soucier du lendemain) tout en se laissant bercer par son ronronnement qui a réellement des effets bénéfiques sur l'être humain.

(Je précise au passage que je prête beaucoup plus attention à mon chat depuis une conversation avec une sophrologue pendant un stage de yoga-équitation. Parfois, je mets mes doigts sur sa tête, je la regarde dans les yeux et je res-pi-re. Et bien la concentration intense sur un chat est assez formidable, c'est – je suppose – vaguement comme entrer en transe. La Reloue adore en plus.)

Venons-en maintenant aux critiques, car il y en a.

Le principal problème de ce livre tient dans son anthropomorphisme aigu. Véronique Aïache semble croire que le chat décide tout ce qu'il fait, par exemple qu'il décide consciemment de ne pas s'inquiéter du lendemain. Or, je crois qu'il est assez bien établi que l'être humain est le seul à avoir la notion du temps tel que nous l'entendons et que les autres animaux ne peuvent pas se projeter sur l'avenir comme nous le faisons. Il y a aussi quelques passages un peu illuminés, comme un paragraphe sur la danse des chats (un canular dans lequel l'auteure est tombée ou juste un truc super bizarre? Je me demande vraiment ce qu'il en est!) et la communication des chats avec l'au-delà (lol!!). J'ai aussi des réserves sur le style rédactionnel un peu naïf, constellé de "petit ami félin" ou "guide à moustaches". Certes, on comprend qu'elle parle du chat, mais bon voilà je n'ai pas sept ans...

En définitive, c'était une belle lecture exactement dans la lignée de ce que je recherche. Dommage que les faiblesses citées ci-dessus n'en fassent au final qu'un livre de développement personnel assez léger, qui ne laissera pas de traces durables ou ne fera pas évoluer ma pratique. Ma conviction que le chat est l'animal le plus génial de la planète est par contre renforcée. 😉

jeudi 22 février 2018

Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction (1990)

Orson Scott Card, écrivain américain connu pour la Stratégie Ender, a consacré deux livres à l'écriture: Personnages et points de vue et le présent volume, Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction.


Contrairement à ce que la couverture peut laisser penser, ce livre n'est pas du tout un livre de recettes de cuisine prétendant "faire" des écrivains. L'auteur commence par des réflexions générales sur les littératures de l'imaginaire et leur lectorat puis s'intéresse à la création de mondes (partie passionnante abordant la nécessaire cohérence d'un univers, quelques règles du voyage spatial pour éviter de faire n'importe quoi, l'influence du contexte sur les personnages, la construction d'une géographie et d'une histoire) et à la construction du récit (s'agit-il d'un récit centré sur les personnages ou sur l'intrigue, qui raconte l'histoire, quelles infos le lecteur peut-il avoir en main). Les deux dernières parties sont un peu plus éloignées du récit à proprement parler puisqu'il s'agit de conseils pour apprendre à "bien écrire" (avec des ateliers, des cours et des lecteurs) et gérer la vie d'écrivain (du genre "ne démissionnez pas de votre boulot dès que vous signez un contrat" ^^).

J'ai adoré cette lecture passionnante qui détaille plutôt ce qui fait un bon livre d'imaginaire que comment l'écrire, mais qui est néanmoins pleine de petits conseils. Je pense que tout amateur de littératures de l'imaginaire pourrait le lire, même s'il n'a aucune envie/ambition en matière d'écriture, et devenir par là même un lecteur un peu plus avisé. En plus, le ton est très simple et direct et le livre se lit tout seul!
 
Pour la petite histoire, on m'avait proposé de me prêter ce livre il y a une éternité, genre il y a dix ans, dans une toute autre vie, et j'avais refusé, comme une idiote. En partie parce que j'avais des réserves sur le procédé même (il est vrai que le sous-titre "Devenez les auteurs de demain!" est un peu racoleur), en partie parce que je croyais vaguement, avec toute l'arrogance de la jeunesse et ma grande naïveté, que l'écriture est avant tout une question de talent et pas quelque chose qui s'apprend dans les livres (et que je pensais, bien sûr, posséder ce talent inné), et en partie parce que je n'avais pas envie de lire Card, dont j'ai lu (et absolument pas apprécié) la Stratégie Ender quand j'étais ado. Maintenant que je l'ai lu, je regrette bien évidemment ce refus totalement crétin. Qui sait si les choses n'auraient pas été différentes si je l'avais lu en 2008 ou 2009, avant ma Grande Dépression... Peut-être que j'aurais consacré plus de temps à l'écriture et que j'aurais traversé plus sereinement des années difficiles... Ou peut-être que ça n'aurait rien changé du tout, bien sûr; il n'empêche que j'ai laissé passer une belle occasion!

Un double merci à Tigger Lilly, du coup, qui me l'a prêté et m'a permis de rattraper une belle bourde! 😀

dimanche 18 février 2018

La Conquête de Plassans (1874)

Tigger Lilly et moi continuons tranquillement à relire les Rougon-Macquart. En ce début d'année, retour à Plassans, la ville d'origine de la famille imaginée par Émile Zola, génie parmi les génies.



L'intrigue
La Conquête de Plassans raconte l'ascension d'un prêtre, l'abbé Faujas, fraîchement arrivé à Plassans avec sa mère. Il loge chez François et Marthe Mouret. François est un ancien commerçant grande gueule et le fils d'Ursule Macquart; Marthe est la fille de Pierre et Félicité Rougon. Les deux époux sont donc cousins. L'arrivé du prêtre va déranger leur quotidien bien réglé, notamment en sortant Marthe de son renfermement sur elle-même. Faujas n'a pas de cure et peine, dans un premier temps, à se faire apprécier en ville. Puis, coaché par Félicité Rougon, il comprend par où commencer et met progressivement en place sa conquête, qui, sous un vernis religieux, est étroitement liée à la situation politique de Plassans, ville légitimiste qui n'a pas eu le bon sens d'élire le candidat bonapartiste officiel aux dernières élections...

Ambition démesurée et folie dominatrice
Je pense que Faujas est l'un des personnages les plus froids, négatifs et destructeurs de toute la série. Il a la même soif de domination que Saccard, sans susciter la même admiration (je ne saurais vous dire en quoi précisément, mais Saccard me laisse un souvenir relativement formidable). Le fait que Faujas utilise sa soutane pour parvenir à ses fins et commence à satisfaire sa soif de domination en faisant trembler ses pénitentes au confessionnal est particulièrement révoltant et dégueulasse et réveille des ardeurs anti-cléricales violentes. En outre, il veut dominer pour dominer. Saccard, au moins, veut être riche, quelque chose de plus compréhensible. J'ai donc ricané avec une méchanceté extrême quand Faujas a commencé, à la fin du livre, à déraper et à commettre des erreurs.

La famille tarée (c'est-à-dire pleine de tares)
François et Marthe Mouret forment un couple tranquille aux habitudes bien réglées. François n'est pas quelqu'un de méchant dans le fond, mais il n'est non plus pas très sympa et râle beaucoup. Marthe subit tout avec une passivité extrême. Elle reste chez elle et regarde ses enfants grandir. Octave, l'ainé, est déjà assez malin; on le retrouvera à Paris plus tard. Serge est plus réservé. Désirée est une adolescente qui ne grandit pas. On les retrouvera aussi à l'avenir, et ce dès le prochain tome.
L'arrivée de Faujas va progressivement bouleverser le quotidien des Mouret et faire surgir l'hérédité catastrophique léguée par Adélaïde, fondatrice de la famille et grand-mère de Marthe et François (qui sont donc cousins comme je l'ai dit plus haut). Marthe va sortir de sa réserve pour se jeter à corps perdu dans une extase mystique extrême qui lui fera passer ses journées à genoux à l'église et ses nuits à hurler et à se faire du mal physiquement; François, devant la présence de plus en plus envahissante des Faujas (puis aussi des Trouche, la sœur de Faujas et son mari) et l'absence de sa femme puis de ses enfants, va devenir de plus en plus effacé et disparaître des salles communes de la maison. Il perd progressivement la tête à cause de la solitude et de son enfermement mais aussi parce ce qu'on fait de lui un fou, parce que, une fois la rumeur et le mot lancés, toute la ville le considère comme fou! Une fois expédié à l'asile, il devient encore plus fou et imite la violence de Marthe. Une déchéance totale dont nous apprécierons longuement chaque étape désolante dans des passages faisant vraiment froid dans le dos.

La famille moins tarée et la deuxième conquête de Plassans
Les Mouret ne sont pas les seuls représentants de la famille à Plassans. Félicité et Pierre Rougon sont toujours là, posés en triomphe dans leur salon depuis La Fortune des Rougon. Ils ont la même ambition que leur fils Saccard et que Faujas mais ils savent mieux intriguer. Ou plutôt Félicité sait mieux intriguer. Pierre est pratiquement absent de ce roman, je crois qu'on l'entrevoit juste dans le fond du décor lors d'une soirée. C'est, plus que jamais, Félicité qui mène la barque avec une hypocrisie et une malignité qui forcent l'admiration. C'est un très bon exemple de "méchant" réussi puisqu'elle se dégage par rapport aux autres personnages et qu'on ne souhaite pas du tout la voir trébucher dans son chemin et dans cette deuxième conquête de Plassans. Deuxième conquête parce que Félicité a déjà conquis Plassans dans La Fortune des Rougon, quand elle a fait en sorte de faire passer le coup d'État de Napoléon Bonaparte en ville. C'est sous sa direction (et celle d'Eugène Rougon à Paris) que Faujas viendra maintenant forcer la ville à voter comme il faut.
On croise aussi dans ce roman Antoine Macquart, qui reste un sacré scélérat.

La famille absente
Je me suis étonnée du fait que Silvère, protagoniste du premier tome et frère de François Mouret, soit totalement passé sous silence, et Tigger Lilly a souligné que Pascal Rougon est tout aussi absent. Je note aussi ici que François (et Silvère, donc) est le frère d'Hélène Mouret, qui n'est pas plus citée que Silvère (mais je n'ai aucun souvenir d'elle en dehors de son propre roman, Une page d'amour).

La bonne société comme il faut
Dévote et très attachée à la morale, la haute société de Plassans est un nid de mauvaises langues et d'intrigants en tout genre attachés avant tout à leur richesse et à leur image. Pour certains, travailler son image consiste à faire des œuvres de bienfaisance avec les autres dames; pour d'autres, il s'agit d'intriguer pour avoir la Légion d'honneur. (Je l'ai déjà dit dans mon billet sur La Fortune des Rougon: à en croire Zola, la Légion ne valait déjà rien au XIXe!) Bref, la haute société qui se donne bonne conscience et se fait remarquer en s'extasiant sur ses bonnes actions à la con...

Le clergé tout à fait consternant
Entre l'évêque dégonflé qui se fait dominer par ses prêtres et aspire seulement à faire des traductions de langues anciennes bien au chaud, Faujas qui écrase tout ce qu'il peut, l'abbé Fenil qui entre en guerre avec lui pour avoir plus de pouvoir à l’évêché et l'abbé Serin qui est un prêtre de salon, Zola met en scène un bel échantillon de ce clergé hypocrite dont on dirait aujourd'hui qu'il fait partie du système. Il n'est point question de divinité ici mais de pouvoir. La dévotion extatique de Marthe n'est pas plus crédible. Il n'y a que le pauvre abbé Bourrette qui soit un véritable homme bon qui souhaite le bien de son prochain. Mais il est, comme nombre de personnages zoliens, trop naïf pour être réellement positif.

La conclusion violente
Depuis le début du cycle, Zola a conclu tous ses romans sur une note négative: un décès poignant et le triomphe du salon jaune dans La Fortune des Rougon, la vie inchangée des salauds et une mort annoncée avec brutalité et froideur à la fin de La Curée, le triomphe des salauds et l'évacuation de l'élément perturbateur dans Le Ventre de Paris. La Conquête de Plassans va toutefois plus loin avec un véritable massacre puisqu'il y a pas moins de six décès dans les deux derniers chapitres, dont cinq dans des circonstances effroyables précédées par une longue préparation qui relève totalement du film d'horreur et un accompagné d'une terreur ultime.

En bref, Zola maltraite ses personnages et pourfend à cœur joie dans ce quatrième tome des Rougon-Macquart et la chose ne plaira pas à tout le monde. Il faut le lire si on n'a pas peur de voir l'horreur pour ce qu'elle est. J'avais moins aimé ce tome lors de ma première lecture et je dois dire qu'il est, cette fois-ci, celui qui m'a le moins plu des quatre: je crois qu'il me manque un sujet de fond ou un grand contexte à exploiter par la langue et donnant lieu aux descriptions-fleuve dont Zola a le secret, comme les Halles dans le tome précédent (ou plus tard les tissus dans Au Bonheur des Dames ou la locomotive dans la Bête humaine). Il n'en reste pas moins, comme toujours, un document formidable sur les intrigues du Second Empire et la seconde moitié du XIXe et je garde tout mon enthousiasme pour poursuivre notre lecture avec la Faute de l'abbé Mouret.

À noter également, la présence d'un dossier très intéressant dans l'édition du Livre de Poche, avec notamment les nouvelles les Épaules de la marquise, le Jeûne et le Lendemain de la crise qui sont très marquantes.

Allez donc voir si cette conquête est réussie!
L'avis de Karine

L'avis de Tigger Lilly

mercredi 14 février 2018

Vingt ans avec mon chat (1999)

Avertissement: ce billet est rempli de divulgâcheurs!

La quatrième de couverture de ce roman de Mayumi Inaba parlait d'un chaton perdu et d'une femme qui allait devenir écrivain grâce à cette rencontre inattendue. Je l'ai donc acheté sans hésiter. C'était pendant ma semaine de vacances de janvier, quand je suis dans un cocon privilégié et que l'année qui commence à peine a encore l'air neuve et "propre" et donc potentiellement meilleure que les précédentes... La lecture semblait idéale pour penser à l'écriture, activité que je voulais reprendre en main il y a un an.


Si le roman parle bien de cette rencontre et de la vie partagée par la narratrice avec Mî, cette chatte trouvée dans la rue qui l'a accompagnée pendant vingt ans et qui l'a aidée à devenir écrivain, il s'agit avant tout du lent déclin d'un chat et du deuil qu'il faut en faire avant même sa mort. On comprend assez vite où on va et, après deux parties sur la jeunesse du chat et une partie de transition, j'ai passé les deux dernières parties à pleurer toutes les larmes de mon corps. Maladie, enfermement, vieillesse, mort, j'ai revécu toutes les étapes finales de la vie de mon Chat d'amour qui me manque; la narratrice fait même incinérer et répand ses cendres là où la chatte a été la plus heureuse!! Un déchirement complet et une tristesse sans fin...

Côté rédaction, je dois dire que je n'ai pas plus accroché que ça. Le roman est émaillé de courts poèmes que je n'ai pas trouvés très poétiques et que j'ai donc peu appréciés. Je me demande, de toute façon, dans quelle mesure il est possible de traduire de la poésie du japonais au français, les deux langues étant si éloignées l'une de l'autre et la poésie reposant autant sur la sonorité des mots et le rythme des phrases que sur le sens! Mais le ton des parties en prose est simple et direct, ce qui rend le livre, par ailleurs plutôt court, très facile à lire. C'est Elizabeth Suetsugu qui a traduit ce roman et je réalise qu'elle a aussi traduit les deux autres livres des éditions Picquier que j'ai en ma possession, Le chat qui venait du ciel (le tout premier livre chroniqué sur ce blog, il y a quasiment sept ans!) et Le Bureau des chats.

Enfin, une critique à l'égard de la narratrice, dont la grande naïveté (pour ne pas dire la bêtise totale) a fait souffrir plus d'une fois son chat, qui aurait bien mérité d'aller chez le vétérinaire plus tôt. Sans même parler de ses dernières semaines, une lente agonie qu'il était peut-être possible de lui épargner...

Malgré ces critiques, ce roman reste une déclaration passionnée à ces chats qui font partie de la famille, voire en sont le seul représentant, et une analyse du deuil entraîné par leur départ qui parlera certainement à tous ceux qui sont passés par là. À ne pas lire à la légère toutefois, étant donné qu'il brasse des émotions violentes...

"Alors dormons dormons
Pour ne pas entendre le bruit des choses qui s'en vont"
💔

samedi 10 février 2018

A Fall of Moondust (1961)

ENCORE UNE VICTOIRE DE CLARKE! 💪😍😃😜🌕🌙

Voilà en quelques mots et quelques emojis mon ressenti à l'issue de cette nouvelle lecture d'Arthur C. Clarke, qui confirme qu'il est mon écrivain de SF préféré (ce qui n'est pas difficile en réalité vu que je lis peu le genre ^^) et un immense génie. J'avais acheté le livre d'occasion à Dublin en octobre 2016 et il attendait patiemment depuis plus d'un an dans ma PAL...


De manière théorique, A Fall of Moondust relève, me semble-t-il, du roman catastrophe. Il raconte en effet l'engloutissement du seul bateau de la Lune, le Selene, dans une mer de poussière extrêmement fine, la Sea of Thirst. Si le personnel et les touristes à bord savent que leur disparition ne tardera pas à être remarquée, ils sont dans l'incapacité totale de communiquer avec l'extérieur, la poussière bloquant toutes les tentatives de communication. Dans ces conditions, comment les secours pourront-ils les localiser? Et même s'ils les localisaient, comment pourraient-ils bien les repêcher? Si les naufragés ne sont pas en danger de mort immédiat, ils ne peuvent pas attendre pour toujours, les réserves d'oxygène et de vivres étant limitées...

On retrouve bien sûr ici l'optimisme serein habituel de Clarke. On est bien dans le suspense et le triturage de méninges, pas dans la peur! C'est un peu comme un casse-tête chinois, on réfléchit avec les différents membres de secours pour sortir les 22 naufragés de leur prison de métal et surmonter les obstacles – car la science ne fait pas de cadeaux et les lois de la physique jouent parfois contre Selene... À commencer par l'immense "éboulement de poussière" dans lequel le bateau a sombré.

Outre l'optimisme habituel, on retrouve le sens de l'émerveillement qui accompagne toujours les romans de Clarke, sa façon de donner le vertige en décrivant des choses très simples (le trajet d'un signal entre la Terre et la Lune, l'échelle temporelle ahurissante des ordinateurs) ou encore très lointaines dans notre avenir (la présence de touristes sur la Lune) (haaaaaaa!! 💖🌝). J'apprécie énormément ce message rationnel et positif porté par des personnages globalement sympathiques – même le scientifique asocial est amusant –, qui n'est toutefois pas totalement béat puisque nous avons ici un passage extrêmement croustillant sur les soucoupes volantes et une théorie du complot (oui, oui!).

Le livre a plus de 50 ans et nous savons maintenant qu'il n'existe pas de mer de poussière de ce type sur la Lune. Clarke le précise lui-même dans la préface de l'édition de 1986, reprise dans cette édition Gollancz de 2002. Mais qu'importe. Le fond scientifique est solide et très bien présenté au lecteur et il pourrait y avoir une mer de ce genre quelque part dans l'univers; c'est tout ce qui compte...

Si le procédé visant à faire monter le suspense est parfois un peu trop visible, avec des annonces récurrentes du type "ils ne savaient pas encore que telle propriété jouait contre eux", il n'en est pas moins d'une grande efficacité. J'ai tourné les pages avec enthousiasme pour avoir le fin mot de l'histoire.

J'émettrai toutefois une critique quant à l'écrasante majorité de personnages masculins; les femmes sont bien peu nombreuses et n'ouvrent pas beaucoup la bouche. Il me semblait pourtant que Clarke était plus avancé que ça pour un écrivain d'une autre époque.

Mais le plus marquant, une fois la lecture finie, reste l'émerveillement face à la Lune, notre voisine dont on ne parle plus trop depuis qu'on regarde plutôt du côté de Mars. Cinquante ans ont passé depuis l'écriture de ce roman et l'humanité n'a même pas de base sur son satellite; alors un bateau qui promène les touristes sur la mer de la Soif, ça n'a pas de prix. 💖💖💖

mardi 6 février 2018

Voyage of the Basilisk (2015) + From the Editorial Page of the Falchester Weekly Review (2016)

Je continue à lire les mémoires de Lady Trent, la naturaliste spécialiste des dragons, avec grand plaisir.



Ce troisième tome est parfaitement dans la lignée des précédents, A Natural History of Dragons et The Tropic of Serpents. Isabella Camherst, notre naturaliste, embarque à bord du Basilisk en compagnie de Tom Wilker, un scientifique avec lequel elle a déjà fait équipe pendant les deux premiers tomes, son fils et la gouvernante de celui-ci pour faire le tour du monde et étudier tous les dragons qu'elle pourra rencontrer. Des eaux gelées du nord d'Anthiope – l'équivalent du continent européen – aux récifs de corail de la Broken Sea – qui rappelle la Polynésie, Hawaï et toutes ces îles paradisiaques –, elle poursuivra sa passion, dessinera des croquis, disséquera des dragons, mettra son nez dans ce qui ne la regarde pas, portera des pantalons et se comportera comme un homme, au grand dam de la bonne société scirling (= anglaise), qui, au pays, se pâmera d'émotion sur ses aventures scandaleuses.

En parallèle, notre naturaliste se trouvera une fois de plus impliquée dans des affaires diplomatiques bien plus grandes qu'elle, tout en conservant comme fil rouge un élément révélé à la fin du premier tome (divulgâcheur: cette histoire d'os de dragons qui, une fois préservés, sont à la fois très légers et très résistants, ce qui pousse des personnes mal intentionnées à massacrer les dragons pour leurs os) ainsi que, dans une moindre mesure, une révélation du deuxième tome (divulgâcheur: les relations des Draconeans avec les dragons et la signification de la stèle qu'elle a découverte à Mouleen). J'ai feuilleté le premier et le deuxième tome pour me rafraîchir les idées et j'ai l'impression que Marie Brennan avait les idées assez claires sur l'intrigue de sa série dès le début, un certain nombre de choses étant évoquées très tôt, voire dès la préface du premier roman. J'ai donc grand hâte de lire le quatrième et le cinquième tome, d'autant plus que la série est officiellement terminée et qu'on devrait donc avoir le fin mot de l'histoire.

Les réserves que j'ai déjà émises sur le ton légèrement forcé (récurrence des remarques ironiques sur les scandales soulevés par le comportement d'Isabella, volonté marquée de faire de l'humour) sont toujours présentes, et je pense que certaines péripéties à Keonga n'étaient pas utiles (l'aventure de la cloche par exemple, ou encore le mariage que j'ai trouvé vraiment tiré par les cheveux). Néanmoins, cette série est un divertissement de qualité très réussi; c'est vraiment la preuve qu'un livre peut être léger, facile à lire, amusant et divertissant sans du tout être simpliste et décérébré! Dans ce tome, j'ai aussi beaucoup apprécié deux personnages secondaires, le capitaine du Basilisk et Suhail, un archéologue que j'espère retrouver par la suite.

Dans la foulée, j'ai lu la nouvelle From the Editorial Page of the Falchester Weekly Review, disponible gratuitement sur le site de l'éditeur, Tor. Cet échange épistolaire entre Isabella et un scientifique qui se serait procuré un cocatrix, un animal fabuleux peut-être lié aux dragons, s'insère entre le troisième et le quatrième tome. J'ai adoré ce court texte efficace et très plaisant. J'espère donc ne pas tarder à lire la suite!

vendredi 2 février 2018

La gamelle de janvier 2018

Janvier est le mois des bonnes résolutions et de tous les espoirs pour la nouvelle année. J'espère toujours être plus disciplinée et avancer plus. Pendant les premiers cours de yoga de l'année, mon sankalpa était d'ailleurs: "j'avance"! À répéter autant de fois que nécessaire jusqu'à ce qu'il devienne réalité... Ça n'a pas très bien marché pour les séances de cinéma mais on continue d'essayer!

Sur petit écran

Fargo de Joel et Ethan Coen (1996)
J'ai revu ce film très sympathique avec mon homme, qui ne l'avait jamais vu (lui qui, pourtant, apprécie les frères Cohen ^^). Mon avis ici.

Titanic: 20 ans d'un film culte
Un documentaire de TMC sur les acteurs, le succès et la musique de Titanic de James Cameron. Intéressant mais pas très approfondi non plus. Le docu français était entrecoupé d'un docu américain sur la reconstitution du naufrage, qui était erronée dans le film (James Cameron le dit lui-même), et sur la mémoire de certaines victimes. Un documentaire bien mis en scène comme les Américains les aiment, comme je l'avais déjà pensé à propos du docu de Cameron sur la fosse des Mariannes (abordé très brièvement ici)... Enfin tout ça donne envie de revoir ce film que j'aime toujours d'amour et de chanter "Neeaaaaar faaaaaaaar whereeever you aaaaare" à tue-tête. 💓🚢

La grande librairie de jeudi 18 janvier
J'ai profité de mes vacances pour regarder l'émission littéraire de France 5. Siri Hustvedt n'a pas échappé au traitement "femme de" puisqu'elle a eu trois fois moins de temps d'antenne que son mari Paul Auster et a été présentée au moins dix fois comme "la compagne de Paul Auster"... Mais c'était néanmoins super intéressant. Philippe Delerm sort un nouveau livre, il faudra que je regarde ça.

Sur grand écran

Star Wars: The Last Jedi de Rian Johnson (2017)


J'ai adoré ce nouvel opus que j'ai trouvé plus intéressant et globalement mieux fichu que le précédent. Je ne comprends pas vraiment ce qu'on lui reproche (à l'exception d'une scène décidément trop tirée par les cheveux, mais c'est une fan de Transformers qui vous parle, je suis rodée en la matière). Je fais partie des girouettes qui avaient trouvé Rylo Ken navrant et le trouvent maintenant génial. J'adore toujours autant Rey qui a deux des trois plus belles scènes du film (le miroir et le combat). J'ai super hâte de voir la suite. J'ai versé ma larme.

Kedi de Ceyda Torun (2017)

J'ai beaucoup aimé ce documentaire sur quelques chats d'Istanbul, une ville variée et méditerranéenne qui fait un parfait décor aux déambulations de ces félins des rues. Le ton est résolument optimiste et plein de fascination pour le chat et ses mystères, avec beaucoup de respect pour ce mystère justement, qu'il ne s'agit pas de percer ou de comprendre mais d'explorer à l'infini, avec des personnes qui décrivent le caractère de ses chats ou ce qu'ils leur ont apporté. À voir. J'ai versé ma larme.

Darkest Hour [Les Heures sombres] de Joe Wright (2017)


Très beau film sur quelques semaines déterminantes du printemps 1940, quand l'Allemagne envahissait l'Europe occidentale à la vitesse de l'éclair et que Churchill, à Londres, devenait premier ministre en pleine débâcle. J'ai adoré ce film que j'ai trouvé magistralement tourné et joué, avec des personnages formidables, des scènes poignantes et beaucoup de gris: car si Churchill est présenté comme le plus lucide concernant la confiance à accorder à d'éventuelles négociations avec Hitler, il sous-estime totalement l'efficacité de l'armée allemande et retient certaines informations avec une volonté qui tombe dans l'inconscience et l'irrespect de son peuple. Gary Oldman est brillant, Kristin Scott-Thomas a un vrai rôle de femme-compagne et pas juste de soutien, avec une dernière scène que j'ai trouvée très dure – même si j'aurais aimé la voir un peu plus – et j'ai vraiment apprécié qu'on nous propose un deuxième personnage féminin pertinent avec Lily James, une ancienne de Downton Abbey, la dactylo discrète qui prend de l'importance. Un film à ne pas manquer.

Du côté des séries

Star Trek Discovery - saison 1 (2017)
Holàlà le sens du cliffhanger dans cette deuxième partie de série est tel que je suis restée deux fois bouche bée devant ma télé. J'aime décidément beaucoup.

Agatha Christie's Poirot - saison 2 (1990) et 3 (1990-1991)
Nous avons terminé la saison 2 et avons commencé la saison 3, dans laquelle la strychnine fait des ravages. J'adore. 💖

Et le reste


J'ai lu avec grand intérêt le premier hors-série de Traduire, la revue de la Société française des traducteurs, qui a été offert à tous les membres à l'occasion du soixante-dixième anniversaire de l'association. Je ne suis pas abonnée à la revue, dont il faut payer l'abonnement en plus de la cotisation, et c'était donc une première. Ce voyage à travers l'histoire de la revue, avec des articles écrits à des époques différentes, était fort intéressant. À retenir, la différence que faisait Danica Seleskovitch entre transcodage (passage d'une langue à une autre) et traduction (passage d'un message à un autre).

Et puis Cheval Mag m'a fidèlement accompagnée, comme tous les mois, avec le numéro de janvier, lu en début de mois avec un peu de retard, et celui de février lu en fin de mois. Entre l'adolescence et l'âge adulte, j'ai été abonnée à ce magazine douze ou treize ans mais je ne m'en lasse pas, même maintenant que ma pratique a atteint le rythme auquel j'aspirais et que je n'ai donc plus besoin de cette lecture pour me souvenir de ce qu'est un cheval précisément; c'est toujours passionnant et enrichissant!

Je vous souhaite à tous un bon mois de février! 😘