mercredi 30 août 2023

L'arte della gioia (1998)

Il y a quelques années, un ancien collègue que je n'avais pas vu depuis des lustres m'a recommandé L'Art de la joie de Goliarda Sapienza, un livre italien dont je n'avais jamais entendu parler. Dans l'immédiat, je n'ai pas suivi son conseil, car j'ai vu qu'il y avait une histoire d'inceste et que j'essaye d'éviter les histoires d'abus sexuels. Mais il y a peu, l'émission Bookmakers d'Arte a reçu Frédéric Martin, éditeur qui a largement contribué à la sorte de la traduction française, réalisée par Nathalie Castagné. Il a dit énormément de bien du roman, et il a fait le lien avec Le Guépard de Lampedusa, ce qui m'a donné envie de sauter le pas...

Bon, eh bien, je ne remercie pas beaucoup Frédéric Martin. Enfin, c'est bien que j'aie lu ce roman, car j'y ai trouvé du bon et que c'est bon pour ma culture. Mais ça n'a pas été une partie de plaisir.

Déjà, l'édition italienne, chez Einaudi, fait la bagatelle de 540 pages au grand format, et ce dans une police correcte, mais pas franchement gigantesque. Il faut donc prendre du temps pour ce livre. Heureusement, je l'avais emporté en vacances, et j'ai pu lire les trois premières parties dans d'excellentes conditions, de l'ordre de cent pages par jour, quatre jours d'affilée. La quatrième partie, en revanche, a été étalée sur quatre ou cinq jours, ce qui a contribué à mon désintéressement final.

Ensuite, le début est très dur et sexuel d'une manière qui ne m'a pas plu, même hors viol. Attention: je vais vous résumer les trois premiers chapitres pour que vous compreniez le choc. Si vous êtes comme moi, il est peu probable que ça vous plaise.

Chapitre 1: Modesta naît le 1er janvier 1900 dans une famille sicilienne pauvre. Sa sœur ainée a visiblement un problème mental; quand leur mère s'absente, il faut l'enfermer dans les toilettes, où elle hurle en continu jusqu'au retour de maman. (À ce stade, je blêmissais déjà, et ce n'était que la première page.) Lorsqu'elle a quatre ou cinq ans, Modesta découvre, tandis qu'elle écoute les hurlements de sa sœur enfermée, qu'elle peut se donner du plaisir en se touchant "là où sort le pipi". (Alors là, moi...)

Chapitre 2: À neuf ans, Modesta se fait faire un cunnilingus par un garçon plus âgé qu'elle avec qui elle est amie. C'est tout à fait volontaire, pas du tout un viol. (Mais moi, là...)

Chapitres 3 et 4: Le père de Modesta, qui a disparu depuis qui sait quand, vient rendre visite à son ex. Découvrant qu'il a une jolie fille de neuf ans, il enferme la mère et la sœur ainée aux toilettes, puis déshabille Modesta et fait des commentaires sur son corps, et notamment ses seins, dont les tétons sont de la même couleur que ceux de sa sœur (à lui) au même âge. (Moi: un vaste horizon d'horreur s'ouvre à moi. Le gars espionnait-il sa sœur quand elle avait neuf ans, pour connaître la couleur de ses tétons? L'a-t-il violée?) Puis il viole Modesta, évidemment. Dans le chaos, la maison brûle; la mère et la sœur ainée meurent dans l'incendie, le père disparaît dans la nature et Modesta est recueillie dans un couvent.

Bon, là, mon cerveau était une loque et je me suis sérieusement demandée si j'allais continuer. En plus, la rédaction n'est pas facile à suivre: Modesta, qui est narratrice, parle d'elle-même à la première personne, mais aussi à la troisième, ce que je trouve très déstabilisant; elle est désincarnée/lyrique/rêveuse dans certaines descriptions, et il faut un peu comprendre de quoi elle parle, chose que j'ai beaucoup de mal à faire. Au final, la présence ponctuelle du sicilien, que je redoutais, était le moindre de mes problèmes.

Mais comme je suis très complétiste, j'ai poursuivi ma lecture. Modesta s'est révélée une manipulatrice et une meurtrière, ce qui a contribué à ma mauvaise opinion d'elle. Malgré tout l'amour qu'elle affirme éprouver pour les autres, elle ne pense pas beaucoup à eux tandis qu'elle grimpe les échelons au sein d'une famille noble et riche; elle n'hésite pas à coucher avec le père de sa première amante, puis avec le fils de celui-ci le lendemain de son enterrement (!!), mais aussi à marier ladite première amante à son deuxième amant. Elle laisse tranquillement se marier des gens dont elle sait (et surtout dont elle est la seule à savoir) qu'ils ont des liens de parenté. Le roman se remplit vite d'innombrables enfants issus des croisements les plus improbables, que j'ai renoncé à retenir. 

Alors, 540 pages de torture, vous demandez-vous? Eh bien, aussi étonnant que ça puisse paraître, non. Car j'ai aussi été happée par l'histoire et ce ton particulier, qui vient tout droit de l'intime et mélange ressentis et faits. Certains personnages secondaires sont formidables (la grand-mère tyrannique, le premier amant, la compagne de cellule) et j'ai vraiment aimé les rencontrer. L'histoire de la Sicile et de l'Italie qui se devine en filigrane est très bien décrite; on voit, dans des petites choses à peine perceptibles, toute la montée du fascisme, puis ces années dures, jusqu'à la guerre qui fait rage sur le continent. Et bien que Modesta soit un exemplaire fort peu recommandable de l'humanité à mes yeux, elle a quelque chose d'irrésistible dans sa force de caractère incroyable. Partie de rien, elle parvient à se faire une situation enviable financièrement (pour cela, il lui faut épouser un héritier riche et trisomique qui n'a aucune idée de ce qui lui arrive, mais elle n'est pas à ça près...) et elle s'ouvre aux idées communistes et anarchistes par la lecture jusqu'à devenir une figure respectée du communisme sicilien – ce qui lui vaudra d'ailleurs de finir dans une prison fasciste pendant la guerre. Et surtout, elle mène sa vie comme elle l'entend, notamment en couchant avec qui elle veut, hommes comme femmes. Moi, les coucheries à répétition ne m'intéressent pas beaucoup, et je me suis dit plus d'une fois que ce roman aurait plutôt dû s'appeler "L'art de l'orgasme", mais c'est indéniablement une figure forte et hors de l'ordinaire au sein d'une société encore bien corsetée (et elle s'efforce de transmettre cette force aux filles de la famille, de ne pas les élever différemment des garçons, ce que je trouve bien, et particulièrement éclairé de la part de Goliarda Sapienza qui a écrit ce roman de 1967 à 1976).

Outre que sur son parcours éditorial (manuscrit refusé en Italie, publication posthume, redécouverte à l'étranger), je pense que le succès du roman repose en grande partie sur ce combo "figure féminine plus grande que nature et fresque historique".

Et le lien avec Le Guépard, alors? Hmm, il n'est pas très net, selon moi, à part qu'il s'agit d'une fresque familiale sicilienne (ce qui est déjà beaucoup, me direz-vous). Le Guépard raconte plutôt, avec désenchantement mais aussi une certaine neutralité politique, l'échec d'un changement de régime et le déclin d'une société, et il se concentre sur la tristesse du temps qui passe; L'Art de la joie est résolument antifasciste, même si les communistes en prennent pour leur grade aussi, et se concentre sur la force de vivre d'un personnage que rien ne peut arrêter. Deux visions du monde qui s'opposent, en quelque sorte.

vendredi 25 août 2023

The Amateur Emigrant (1895)

En 1879, environ un an après sa randonnée dans les Cévennes en compagnie de l'ânesse Modestine, dont je vous ai déjà parlé, Robert Louis Stevenson a entrepris de rejoindre la femme qu'il aimait en Californie, où elle s'occupait de divorcer de son premier mari. Pour cela, il a traversé l'Atlantique en bateau, puis les États-Unis en train. Ce sont ces deux récits que Penguin réunit sous le titre The Amateur Emigrant dans cette édition. Apparemment, il existe une troisième partie sur le séjour en Californie, mais je ne sais plus pourquoi elle n'est pas présente ici. Quoi qu'il en soit, le récit complet n'est sorti que bien plus tard, en 1895, après la mort de l'auteur (survenue aux Samoa, soit bien loin de son Écosse natale).

From The Clyde to Sandy Hook

Cette première partie raconte le trajet en paquebot de Glasgow, ville où coule la Clyde, jusqu'à New York. Je ne sais plus pourquoi le titre mentionne Sandy Hook, qui se trouve au New Jersey, en face de New York, car je crois que Stevenson a bel et bien débarqué dans le port de New York. Quoi qu'il en soit, il a voyagé en deuxième classe (la "second cabin"), mais il a passé la plupart de son temps avec les passagers de l'entrepont (le "steerage"), ce qui donne lieu à de multiples descriptions de personnages (d'où ils viennent, qu'est-ce qu'ils attendent des États-Unis) et de situations (comment s'organise leur quotidien, présence de la musique et des jeux, répartitions  des nationalités dans les dortoirs, comment se cachent les clandestins). C'est l'émigration des pauvres qui cherchent une vie meilleure, et ça résonne fort avec cette même thématique dans le monde moderne. Il est évident que Stevenson est du côté des pauvres ères et non des riches et lointains passagers de première classe. Tout ceci rappelle évidemment très fortement Titanic, sauf que le Devonia n'a pas rencontré d'iceberg. 😆

Across the Plains

Après une journée pluvieuse (et bien merdique, si je me souviens bien) à New York, Stevenson a pris place dans un train d'émigrants afin de rejoindre San Francisco. Il était possible depuis peu de traverser l'ensemble du pays, d'une côte à l'autre, en train, car les voies ferrées de l'est et de l'ouest s'étaient rejointes, et des trains étaient affrétés spécialement pour les émigrants.

Commence alors un long trajet d'au moins une semaine, si je me souviens bien, dans des paysages très diversifiés. Les passagers sont répartis par genre ou par nationalité: les hommes dans des wagons dédiés, les femmes et les enfants dans d'autres, et... les Chinois à part. Les services à bord sont très limités et il n'y a pas de lits (il faut déplacer les banquettes pour s'allonger au sol, si j'ai bien compris). Cette partie est encore plus politique que la première, car Stevenson parle ouvertement de discrimination et de racisme. Par exemple, les arrêts permettent aux passagers de sortir manger en gare ou d'acheter de la nourriture aux locaux, mais le train n'annonce pas à l'avance qu'il redémarre! Tant pis si les émigrants restent en route! Ils doivent donc toujours garder un œil dessus et courir s'ils voient que ça y est, il démarre... Et un chapitre entier est consacré aux mépris des Blancs envers les Chinois et les Amérindiens, dont Stevenson prend la défense.

Un passage m'a marquée: tandis que leur train progresse vers l'ouest, l'horizon de l'espoir, il transporte aussi bien des émigrants venus de l'est – à savoir de l'Europe ou de la côte est des États-Unis – que des émigrants venus à l'origine de l'ouest – à savoir de la Chine. Ce sont toutes les misères du monde et tous les rêves qui se réunissent, car il n'y a pas d'El Dorado:

"Hungry Europe and hungry China [...] had come here face to face. The two waves had met; east and west had alike failed; the whole round world had been prospected and condemned; there was no El Dorado anywhere; and till one could emigrate to the moon, it seemed as well to stay patiently at home."

Et tandis qu'il file vers l'ouest, leur train croise des trains tout aussi remplis qui voyagent en sens inverse. Ce sont les émigrants déçus qui ont laissé tomber le rêve américain...

Alors que j'étais bien plus intéressée par Voyage dans les Cévennes avec un âne, vu qu'il y avait un âne, c'est ce récit de voyage-ci que j'ai le plus aimé. Le fait que je l'aie lu entièrement en vacances, et donc de manière plus resserée que son prédécesseur, que j'avais commencé à un rythme d'escargot, a sûrement joué. Il y a aussi, peut-être, mon intérêt pour le voyage en train, mon moyen de transport préféré. Quoi qu'il en soit, il était très intéressant d'en apprendre plus sur l'immigration aux États-Unis vers la fin du XIXe. L'histoire humaine est un éternel recommencement...

Livres de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
Travels With a Donkey Through the Cévennes (1879)
Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde (1886)

dimanche 20 août 2023

My Cousin Rachel (1951)

Après la mort de ses parents, Philip Ashley est élevé par son cousin Ambroise Ashley, célibataire endurci. Les deux hommes vivent dans une grande et belle demeure des Cornouailles, dont le personnel est entièrement masculin. Hélas, la santé d'Ambroise décline et le médecin lui recommande de changer de climat. Ambroise part donc en Italie une partie de l'année. Mais un jour, il annonce dans ses lettres qu'il a rencontré une femme, une Italo-anglaise liée de loin à leur famille... Puis qu'il l'épouse!! Philip tombe des nues et développe une violente jalousie envers cette inconnue, cette Rachel qui a rompu son lien privilégié avec Ambroise.


Couverture de l'édition Virago, que j'ai lue.

Puis le ton des lettres d'Ambroise change. Rachel devient une figure mystérieuse et fourbe, indigne de confiance, et Ambroise va jusqu'à l'accuser d'essayer de le tuer... Après avoir reçu une lettre particulièrement inquiétante, Philip se précipite en Toscane – un voyage qui prend pas moins de trois semaines à l'époque, avant les transports modernes – mais il arrive trop tard: Ambroise est mort, et Rachel a disparu dans la nature.

Le cœur brisé, plus plein de haine que jamais envers cette femme honnie, Philipp repart en Angleterre. Et là, quelque temps plus tard, Rachel, la veuve éplorée, débarque.

À partir de là, Daphnée du Maurier développe une histoire plein de mystère comme elle en a le secret. Rachel est charmante, adorable même. Elle semble sincèrement peinée par le décès d'Ambroise et elle ne réclame pas le moindre sou, acceptant sans un murmure que feu son mari ne lui ait rien laissé dans son testament. Elle se rapproche de Philip, qui est totalement sous le charme, mais sans jamais profiter de lui. Alors, pourquoi Ambroise, après l'avoir épousée, l'a-t-il soupçonnée du pire?

Il vous faudra lire ce roman brillant pour percer l'énigme – ou essayer. Pour ma part, je l'ai dévoré en faisant de mon mieux pour prêter attention au moindre détail, dans l'espoir de trouver la bonne interprétation, et si la fin ne m'a pas bluffée comme celle de Rebecca, j'ai néanmoins trouvé l'ensemble excellent et mené d'une main de maîtresse. Le seul petit bémol, c'est que Philip est impulsif et parfois agaçant, d'autant qu'il est le narrateur et est donc omniprésent.

Daphnée du Maurier était vraiment une grande écrivaine! Elle écrivait merveilleusement bien et savait créer des personnages complexes, pleins de couches et de contradictions. Quant à la vie à la Downton Abbey dans une riche maison des Cornouailles, c'est tout simplement à tomber...

Livres de l'autrice déjà chroniqués sur ce blog
L'auberge de la Jamaïque (1936)
Rebecca (1938) (adapté en 1940 par Alfred Hitchcock)

mardi 15 août 2023

Zahhâk, le roi serpent (2017)

Au début des années 1990, au lendemain de la chute de l'URSS, le Tadjikistan sombre dans la guerre civile. Andreï, jeune garçon de père tadjike et de mère russe, apprend que son père a été assassiné. Toute la famille étant en danger, sa mère décide de se réfugier dans les montagnes du Pamir, auprès de la famille de feu son mari. Pour elle, qui est russe et a toujours vécu en ville, c'est un changement radical, d'autant qu'elle ne parle pas le tadjik. Pour Andreï et sa sœur jumelle Zarina, ce n'est guère plus facile...

Jusque-là épargné par le conflit, le massif du Pamir, chaîne de montagne qui s'étend dans le Tadjikistan, l'Afghanistan, la Chine et le Kirghistan, ne va pas tarder à en sentir les répercussions à son tour. Zouhourcho, ancien cadre du Parti communiste devenu apprenti chef de guerre, débarque dans la région afin de convertir les paysans à la culture du pavot. Il est accompagné de Davron, qui lui sert de bras armé, et d'un énorme python qu'il aime porter autour du cou, à la manière du roi Zahhâk dans le Livre des Rois.

Dans ce roman de Vladimir Medvedev, chaque chapitre adopte le point de vue de l'un personnage: Davron, les deux jumeaux, leur oncle Djoroub, un journaliste, un jeune garçon timide amoureux de Zarina, un echon (un saint homme)... L'intrigue qui se dessine ainsi donne à voir un milieu rural, pauvre et traditionnaliste (imaginez l'Afghanistan, exception faite de l'islam intégriste) confronté à une violence à laquelle il ne peut faire face et à des changements qu'il ne comprend pas. Les paysans sont très attachés à la parole des anciens et à une politesse ritualisée; alors, Zohourcho qui exécute un des leurs en public, c'est compliqué à gérer. Les habitants du village réagiront de manières diverses, entre ceux qui souffrent du changement, comme Djoroub, et ceux qui en profiteront éhontement pour en tirer un pouvoir personnel, comme l'odieux Pois Cassé.

J'ai eu du mal avec ce roman, et ce pour plusieurs raisons. Déjà, je ne connais rien au Tadjikistan, et je suis bien incapable de le situer avec précision sur une carte (même après avoir passé un certain temps sur Wikipédia pour tenter de combler mes lacunes, hihi). Je connais tout aussi mal le délitement des ex-républiques soviétiques après la chute de l'URSS. Du coup, le contexte et les références politiques m'ont souvent semblé obscures.

Par ailleurs, le ton n'est pas facile à suivre: chaque personnage réfléchit à sa façon, parfois de manière étrange (ainsi, l'echon commence par parler de lui à la troisième personne...), et il y a parfois des changements de temps de narration qui m'ont laissée perplexe. Par exemple, un même personnage utilise le passé simple et le passé composé dans le même paragraphe, au sujet du même récit. Un procédé qui me déstabilise énorménent. (Et je me demande à quoi ça correspondait en russe, mais mes notions de grammaire étant rudimentaires, je ne peux pas formuler de théorie.)

Enfin, l'intrigue m'a vite lassée, car tout ceci n'avance pas beaucoup. Cinq cent soixante-dix pages au grand format, ça demande un bel investissement en temps (et en attention, vu le sujet et les innombrables ramifications entre les différents récits), mais il n'y a pas tellememnt de récompense à la fin. Le seul personnage que j'en retiens, c'est Davron, le chef de la milice de Zouhourcho, qui est un bon guerrier relativement droit dans ses bottes malgré son travail difficile. Une machine à tuer attachante, en quelque sorte.

Je dois toutefois dire que l'intrigue, malgré sa grande longueur, repose sur des détails plutôt modestes, les personnages s'influençant sans le savoir, et est bien solide sur ce point. Et cette lecture me permet de participer au challenge Pavés de l'été de Sibylline, ce qui est cool.


Pourquoi ce livre, vous demandez-vous?

Parce que la traductrice française, Emma Lavigne, a obtenu le prix Jean-François Caillé de la traduction en 2020. J'ai assisté à la remise dudit prix l'année suivante (en 2020, il n'y avait pas eu de cérémonie à cause de la situation sanitaire) et je l'ai trouvée convaincante. En plus, l'auteur est russe et écrit en russe, et moi je suis une dingo du russe, donc voilà.

jeudi 10 août 2023

Travels with a Donkey in the Cévennes (1879)

Me voilà de retour après les vacances! Revenir à la maison, c'est la déprime... Mais revenir sur la blogo, c'est cool! ⭐⭐

On commence avec ma première lecture de vacances, que j'ai commencée en France et terminée en Écosse.

En septembre-octobre 1878, quelques années avant de publier L'Île au Trésor, Robert Louis Stevenson a entrepris une randonnée d'une dizaine de jours dans les Cévennes en compagnie d'une ânesse, Modestine. Le choix de l'âne pour compagnon de voyage était motivé par la fragilité et le caractère difficile du cheval; l'âne, en comparaison, était plus fiable et pratique. Après environ un mois de préparation à Le Monastier, durant lequel il s'est équipé d'un sac de couchage et d'une selle de bât à laquelle je n'ai rien compris, notre futur écrivain célèbre est parti sur la route en solitaire.

Le récit qu'il en a tiré, qui se compose pour l'essentiel de son journal, raconte ainsi son parcours, avec toutes les difficultés rencontrée. Au début, Modestine n'avance pas, par exemple, et les étapes prévues deviennent intenables! D'autres fois, Stevenson ne trouve plus son chemin et les gens du coin ne l'aident pas, voire se moquent ouvertement de lui. Le tout est raconté avec un ironie mordante très rigolote et inattendue dans un livre du XIXe.

Plusieurs choses m'ont marquée. La première, c'est qu'on ne s'attarde pas tant que ça sur Modestine, alors que, vous vous en doutez, elle était ma principale motivation pour lire ce livre, car j'adore les ânes. À la fin, Stevenson regrette quand même la séparation, mais ce n'est pas le sujet principal. En plus, leur relation ne commence pas très bien, il lui reproche de faire des bêtises et il la frappe pour la faire avancer! 😱😭

La deuxième, c'est le fait que la société française que présente Stevenson est très divisée. À Le Monastier, la population se divise très nettement entre royalistes, bonapartistes et républicains, et les gens se détestent et s'insultent à cause de leurs opinions politiques. Sur le chemin, il parle beaucoup des guerres de religion, car les Cévennes ont abrité une forte communauté protestante et il y a eu la guerre pendant des décennies, avec force massacres. Je ne connaissais pas l'existence des Camisards et j'ai donc découvert tout un pan de l'histoire de France bien sanglant.

La troisième, c'est que Stevenson évoque la Bête du Gévaudan, car le Gévaudan est en partie dans les Cévennes, et il la qualifie de "Napoléon Bonaparte des loups", ce qui m'a bien fait marrer. 🤣🤣🤣

Le chemin qu'a parcouru Stevenson porte aujourd'hui son nom, et j'en ai appris l'existence dans le film Antoinette dans les Cévennes il y a trois ans. Comme je rêve de randonner avec un âne, il fallait que je lise ce bouquin. 🤩 Et pour la petite histoire, j'ai visité le musée des écrivains d'Edimbourg juste au moment où je lisais ce livre, et ça a été chouette car Stevenson est l'un des trois écrivains qui y sont présentés. (Et oui, il était écossais!)

Je vous reparle de Stevenson très bientôt, car cette édition Penguin contient un autre récit de voyage, The Amateur Emigrant, que j'ai lu peu de temps après celui-ci.

Allez donc voir ailleurs si cette ânesse y est!
L'avis de Grominou

Livre de l'auteur déjà choniqué sur le blog
Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde (1886)