lundi 22 avril 2024

Le 6 octobre (1932)

Qui a déjà entendu parler de Jules Romains?

Pas moi.

Et voilà-ty-pas qu'on m'offre pas moins de sept de ses romans d'un coup. SEPT. Et en plus, ce n'est que le début. Car dans cette série, il y en a vingt-sept. VINGT-SEPT.

VINGT-SEPT.

Remettons les choses dans leur contexte. Le même jour où mon copain faisait dédicacer à un ancien Premier ministre français le cadeau de Noël destiné à sa mère (j'ai totalement oublié de lui demander si elle a adoré, j'ai honte de moi 🤣🤣🤣), il demandait conseil pour le cadeau de Noël destiné à ma petite personne, et la vendeuse de Gibert, apprenant que j'adore les Rougon-Macquart, lui recommandait Les Hommes de bonne volonté de Jules Romains.

La recommandation est censée. Les Hommes de bonne volonté est une saga retraçant l'histoire de la France de 1908 à 1936 à travers le destin de nombreux personnages, parfois liés entre eux mais pas forcément. L'analogie avec les Rougon-Macquart est évidente, à tel point que Jules Romains évoque la célèbre saga zolienne dans sa préface (pour souligner que son projet est différent, soit – mais quand même). Seul détail que mon copain ne semble pas avoir pris en compte: l'œuvre de Jules Romains, publiée de 1932 à 1946, compte la bagatelle de vingt-sept romans. Ce premier tome des éditions Bouquins, qui fait la bagatelle de 1 380 pages, en réunit sept. À supposer que j'en vienne à bout un jour, il me restera trois autres volumes tout aussi épais à lire. Et je crois comprendre, au moment où je rédige ce billet, que le troisième tome est épuisé. Formidable. 🙈

Frustration ultime: comme les sept romans sont réunis dans un volume unique, il faut que je les lise tous pour sortir ledit volume unique de ma pile à lire, et donc ma pile à lire n'évoluera pas de ce point de vue-là tant que je n'aurai pas tout lu. Je suis désespoir.

Le premier roman s'intitule Le 6 octobre. Nous sommes à Paris en 1908, par une journée ensoleillée et chaude qui témoigne d'un été particulièrement long.

"Le 6 octobre, en se levant, les Parisiens les plus matinaux avaient mis le nez à la fenêtre, avec la curiosité de voir si cet automne invraisemblable poursuivait son record. On sentait le jour un peu moins loin de son commencement, mais aussi allègre et encourageant que la veille."

Mais cette journée est surtout importante en raison de l'actualité diplomatique. En effet, la veille, la Bulgarie – qui était alors assujettie à l'empire Ottoman, je le précise pour les gens qui n'auraient aucune notion d'histoire, comme moi – a proclamé son indépendance. Et "l'Autriche parle d'annexer la Bosnie-Herzégovine". En gros, des tensions régionales risquent, par le jeu des alliances, de faire éclater la guerre en Europe. En d'autres termes, la Première Guerre mondiale aurait bien pu commencer en 1908 et non en 1914!! C'est d'ailleurs le premier paragraphe de ce roman et donc de toute la saga:

"Le mois d’octobre 1908 est resté fameux chez les météorologistes par sa beauté extraordinaire. Les hommes d’État sont plus oublieux. Sinon, ils se souviendraient de ce même mois d’octobre avec ferveur. Car il faillit leur apporter, six ans en avance, la guerre mondiale, avec les émotions, excitations et occasions de se distinguer qu’une guerre mondiale prodigue aux gens de leur métier."

Dans ce premier chapitre, Jules Romains décrit le réveil de Paris, les ouvriers puis les petits employés qui vont au travail. J'ai adoré, et ça rappelle fortement Zola!! Puis viennent de nombreux chapitres présentant le réveil d'encore plus nombreuses personnes, qui seront, logiquement, les personnages récurrents des vingt-sept romans. Il y a toutes sortes de profils: une famille noble et argentée, un apprenti peintre qui arrondit les fins de mois en pariant aux courses, une jeune femme pâle et effrayée qui veut faire relier un livre, un relieur qui reçoit la visite très mystérieuse d'un homme aux habits tachés de sang, une actrice qui attend son amant, un instituteur très inquiet à cause de la guerre susceptible de mettre l'Europe à feu et à sang, un petit garçon qui court dans les rues en jouant avec son cerceau.

Seuls deux de ces personnages vont connaître une évolution narrative importante dans ce premier roman: d'une part, le relieur, Quinette, décide d'aider le criminel qui est entré dans son atelier; d'autre part, l'apprenti peintre, Wazemmes, rencontre un monsieur riche et bien comme il faut qui lui propose un travail.

Malgré l'absence d'évolution, ce roman témoigne d'une belle ambition en raison du nombre de personnages, et surtout d'une vision assez bluffante. Car on sent très bien que Jules Romains a tous les fils de son intrigue bien en main et qu'il sait où il va. C'est un roman d'exposition, et même un exemple parfait de roman d'exposition: voici la ville de Paris, voilà mes quinze personnages, voilà ce qui les caractérise sur une journée. Leurs aventures, ce sera dans la suite.

J'ai adoré la première moitié du roman, que j'ai pu lire sur une seule journée. J'ai moins aimé la deuxième moitié, mais je pense que c'est essentiellement lié au fait que je l'ai lue dans les conditions habituelles de lecture qui me désolent (le soir, en m'endormant toutes les deux pages). Je suis donc très motivée pour lire la suite!! J'espère lire rapidement le deuxième, Le Crime de Quinette. Jules Romains a publié les deux premiers en même temps, ce qui est probablement significatif, et je suis très curieuse d'en savoir plus. Pour les vingt-cinq suivants, on verra, mais ce début est très prometteur.

Deux dernières infos:

Jules Romains est surtout connu pour avoir écrit Knock ou le triomphe de la médecine, donc, en fait, je l'ai croisé dans mon cursus scolaire!! J'ai en effet lu un extrait de cette pièce en primaire (cette scène-ci: http://classe.bilingue.free.fr/fr/TDM-theatre/Doc/knock2.html).

Cette édition Bouquins contient des résumés roman par roman. C'est absolument merveilleux. Chaque fois que j'en lirai un, je pourrai lire le résumé des précédents pour me rafraîchir la mémoire. 💖💞

5 commentaires:

  1. *efface son commentaire sur le fait que Jules Romains a écrit "Knock"*
    (j'ai triché de toute façon, j'ai dû aller chercher pourquoi je connaissais son nom ; et j'ai fait ça avant de finir de te lire, grossière erreur)

    C'est donc ça qu'on appelle un cadeau empoisonné ? 🤭
    Ça a l'air sympa dans son genre en tout cas, il y a un gros potentiel. Au bout de combien tu commences à fouiller les bouquinistes pour trouver le tome 3 ? ^^

    "contient des résumés roman par roman" : Hourra ! C'est exceptionnel ça, à l'intérieur d'une intégrale je n'y avais jamais pensé, mais c'est génial.

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    1. @Baroona: Hihihi! (Tant pour ton commentaire que pour la notion de cadeau empoisonné!)
      J'ai peut-être intérêt à fouiller les bouquinistes tout de suite. Qui sait à combien d'exemplaires ça s'est vendu, un projet aussi long. Il est peut-être introuvable. 😂
      "Hourra ! C'est exceptionnel ça": Je félicite les éditions Bouquins!

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  2. C'est un cadeau à moitié empoisonné ça un cycle de 27 romans 😂

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  3. Ca a l'air TROP BIEN. J'ai hâte que tu lises la suite.

    J'allais faire la même recherche que Baroona XD J'ai aussi lu Knock mais je ne connaissais pas du tout cette saga.

    En recherche très superficielle le tome 3 a l'air trouvable d'occasion en ligne à des prix pas trop absurdes.

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