dimanche 29 décembre 2019

Conduire sa barque (1998)

Chronique express!


J'ai découvert Ursula K. Le Guin il y a un peu moins d'un an avec Le Langage de la nuit, un recueil de textes sur le rôle de la littérature de l'imaginaire (et beaucoup d'autres choses). Par le hasard des doublons, je me suis retrouvée avec ce manuel d'écriture qu'elle a rédigé en se basant sur son expérience en animation d'ateliers d'écriture. (Moralité: inutile d'offrir du Le Guin à Vert, elle a vraiment TOUT, même cet ouvrage improbable que les libraires doivent aller chercher au fin fond d'un rayon abandonné. 😂)

Chaque chapitre de Conduire sa barque aborde un aspect de l'écriture, de la sonorité aux temps du verbe en passant par les répétitions, et propose un ou plusieurs exercices d'écriture (exemple: écrivez un texte sans adverbes ni adjectifs. Je ne vous raconte pas la ga-lè-re). Il s'agit clairement d'un manuel destiné à des personnes qui ont déjà écrit, réfléchi à leur processus d'écriture et acquis un certain savoir-faire. Je suis une grande débutante en écriture, mais je m'y suis retrouvée car je manie l'écriture pour mon travail depuis dix ans et que certains aspects techniques s'appliquent aussi bien à la fiction qu'à la non fiction. Il m'a ainsi fait extrêmement plaisir de lire le court paragraphe "fausses pistes et illusions d'optique" du chapitre 3 (page 47), qui m'a permis de me sentir moins seule dans mon rejet des phrases telles que "Sortant de la maison, un chêne centenaire les dominait de toute sa hauteur". (Je vous laisse réfléchir à ce qui me gêne dans cette affirmation. 😜) Les exercices d'écriture, en revanche, m'ont paru plus difficiles à exploiter en solitaire, même si j'ai essayé d'en faire deux ou trois.

Bref: un ouvrage très intéressant, mais à réserver à des écrivants ayant déjà un peu d'expérience – ou aux aficionados de Le Guin tels que Vert. 😊

jeudi 26 décembre 2019

Guerrier des lunes (2011)

Chronique express!

Encore une couverture irrésistible de Julien Delval.

Début 2017, j'ai profité de la présence de Michel Robert (l'écrivain, pas le cavalier... ^^) au Salon du Livre de Paris pour lui faire dédicacer Guerrier des lunes, le sixième tome du cycle de L'Agent des ombres. Il y a maintenant pas mal d'années, j'ai beaucoup aimé les cinq premiers tomes malgré des défauts stylistiques assez lourds et j'ai très rapidement parlé du tome 4 et du tome 5 ici. Force est de constater, toutefois, que ce sixième tome sera fort probablement le dernier: si j'ai très envie de lire de la fantasy bourrine, je trouve les faiblesses rédactionnelles de cette série trop importantes et la complexité de l'intrigue, qui part un peu dans tous les sens, trop rhédibitoire.

Bien que je n'aie aucun souvenir de la conclusion de Belle de Mort, j'ai pu reprendre ma lecture sans grandes difficultés. Cellendhyll de Cortavar, notre héros aux cheveux d'argent, tourne en rond dans la citadelle du Chaos, claque la porte au nez du duc Elvanthyell après que celui-ci l'ait traité de façon indigne, accepte l'invitation de l'Empereur de Lumière et part en mission avec Costance de Winter (ouiii Michel Robert adore Alexandre Dumas!). Il y a des bagarres et des combats, ainsi que la dose habituelle d'érotisme assumé, sans oublier les intrigues politiques et un jeu d'alliances toujours instable – voir ainsi le sale coup de l'empereur Priam en fin de tome. Deux nouveaux ennemis entrent en scène, probablement pour l'ensemble du deuxième cycle: une noble du Chaos servie par deux jumeaux incestueux et une créature portée sur la torture. L'univers me plaît beaucoup et Michel Robert est très doué pour nommer les choses, l'exemple que je trouve le plus réussi étant Belle de mort, la lame de Cellendhyll. Mais vu comme je manque de temps, je dois faire des choix, et j'ai envie de lire quelque chose de mieux maîtrisé...

Autres livres de l'auteur déjà chroniqués sur ce blog
Les quatre mousquetaires... et plus si affinités (2008)

samedi 21 décembre 2019

El Club Dumas (1993)

Cinq ou six ans ans après l'avoir acheté, j'ai enfin lu El Club Dumas d'Arturo Perez-Reverte, un écrivain espagnol que j'idôlatre en raison du Capitaine Alatriste, une série de cape et d'épée merveilleuse dont je vous ai déjà parlé ici.


L'histoire est celle de Lucas Corso, un "mercenaire de la bibliophilie" (dixit Punto de lectura, éditeur espagnol), dont la vie est perturbée par deux manuscrits.

Le premier est un chapitre original des Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas, "Le vin d'Anjou", écrit par deux mains différentes (Dumas et Maquet, bien sûr). Il lui a été remis par un ami libraire qui souhaite le faire identifier. Ce dernier l'a acheté auprès d'un autre libraire qu'on a retrouvé pendu à peine une semaine auparavant.

Le deuxième est De Umbrarum Regni Novem Portis, Les Neuf portes du royaume des Ombres, un livre occulte dont l'auteur a été brûlé sur le bûcher. Utilisé de manière adéquate, il permettrait d'invoquer le diable... Ce livre-ci est remis à Corso par un collectionneur millionnaire, qui souhaite le faire comparer aux deux autres exemplaires connus.

Lucas Corso part donc en mission avec les deux manuscrits sous le bras. La première étape est Sintra, au Portugal, afin de consulter le deuxième exemplaire des Neuf portes; la deuxième sera Paris, où il souhaite consulter le troisième exemplaire et faire authentifier le manuscrit de Dumas. Mais avant même de quitter Madrid, il rencontre la veuve du libraire pendu, une femme aussi belle que redoutable rappelant dangereusement Milady de Winter, et est suivi par un homme portant une cicatrice identifique à celle de Rochefort, l'âme damnée du cardinal dans Les trois mousquetaires... La réalité se mélange de plus en plus à la fiction et Lucas Corso semble propulsé dans un livre de Dumas...

J'ai bien retrouvé ici l'auteur d'Alatriste. Arturo Perez-Reverte a une manière très particulière de caractériser ses personnages par des descriptions assez longues, parfois en plein milieu des dialogues. Ainsi, deux répliques d'un même échange peuvent être séparées par une page entière, durant laquelle il décrit très précisément le ton et l'attitude des personnages, ainsi que les sous-entendus et l'implicite énormes de leurs mots. C'est absolument formidable, ça vous pose un personnage avec une efficacité redoutable et ça donne envie d'avancer dans sa lecture pour en savoir plus.

Ici, en outre, l'intrigue tourne autour d'Alexandre Dumas, écrivain que j'adore, de la passion des livres anciens (avec, notamment, le collectionneur pauvre de Sintra qui vend ses livres un par un pour subvenir à ses besoins et choisit toujours de céder celui qu'il aime le plus, dans un sacrifice qui le détruit à petit feu mais qui a quelque chose de sublime) et de l'occultisme/du satanisme, thème riche de potentiel. Interviennent également des personnages secondaires croustillants: Flavio La Ponte, l'ami libraire bon enfant, et Irene Adler (oui!), une mystérieuse jeune femme que Lucas Corso semble retrouver partout où il va.

Le résultat? Un thriller extrêmement réussi, truffé de références, qui assume parfaitement son amour du livre en général et du feuilleton en particulier, un hybride littéraire tenant autant d'Umberto Eco et d'Alexandre Dumas que de Dan Brown. J'ai adoré et j'ai découvert ce qu'est l'Enfer: lire ce livre mais super lentement parce que je le lis en espagnol, une torture insoutenable. 😜😜 Un peu déçue par la fin, toutefois, mais rien de gravissime – disons que l'auteur n'a pas fait le choix que j'aurais fait si j'avais écrit le bouquin à sa place. Je me dois aussi d'ajouter un mot sur la forte sexualisation des rares personnages féminins, dont la sensualité et les attributs physiques sont décrits à maintes reprises.

Et maintenant, reste à revoir La neuvième porte, l'adaptation réalisée par Roman Polanski... Même si, d'après mes vagues souvenirs, le film est très, très différent du roman!

Allez donc voir ailleurs si ce club y est!
L'avis de Grominou

lundi 16 décembre 2019

Piano Lessons Can Be Murder (1993)

Chronique express!


Voilà une trouvaille inattendue: un Chair de poule de R. L. Stine en version originale, trouvé pour 1€ chez Emmaüs. Je n'ai pas hésité une seconde à acheter et relire un de ces romans que j'ai tellement aimés aux alentours de mes dix ans (en CM1 et CM2, si ma mémoire est bonne). Je l'avais lu sous le titre Leçons de piano et pièges mortels (traduit par qui? Impossible de trouver l'info...).

L'histoire: lorsqu'il emménage avec ses parents dans une grande et vieille maison, Jerry découvre un piano abandonné au grenier. Étonnant, certes, mais pas de quoi s'inquiéter. Mais quand l'instrument joue, en pleine nuit, une triste mélodie que Jerry est le seul à entendre, le jeune garçon se pose quelques questions... Et pourquoi son enseignant de piano, Mr Screech, semble-t-il si enthousiasmé par ses mains? Pourquoi une camarade de classe prend-elle la fuite en courant en apprenant qu'il prend des cours auprès de ce drôle de monsieur?

Le verdict: que du plaisir! 😍 Si ce roman relève clairement de la littérature jeunesse, il est plutôt bien ficelé et sympathique. Le mystère s'épaissit de manière progressive et plutôt crédible. L'adulte comprend rapidement que les chapitres se terminent presque tous par une frayeur ou une fausse frayeur pour faire monter le suspense, mais je suppose que cela est mois flagrant pour un enfant qui a moins d'expérience et qui lit plus lentement. Je comprends très bien que j'aie autant adhéré à l'époque et j'ai bien envie d'essayer de reconstituer ma collection... 😍

mercredi 11 décembre 2019

Un été pour mémoire (1985)

Chronique express!


Dans Un été pour mémoire de Philippe Delerm, le narrateur – qui n'est, a priori, pas Delerm en personne – est de retour à Labastide, près de Montauban, suite à la mort de sa grand-mère. Il se remémore ses souvenirs d'enfance et commence un été qui sera le dernier, ses oncles et tantes ayant décidé de vendre la vieille maison familiale...

J'ai vu des chroniqueurs qualifier ce roman de "poème en prose" et je trouve que cela rend bien l'idée de cette rédaction soignée et magique, dans laquelle se reflètent le rythme des pensées et le fil des souvenirs. L'ouvrage est très différent des œuvres de Delerm que j'ai lues jusqu'à maintenant, qui se découpaient en courts chapitres portant sur des sujets indépendants les uns des autres. Ici, le narrateur raconte son été de manière relativement linéaire à partir du trajet en voiture qui le ramène dans les terres de son enfance: le retour dans la maison, les retrouvailles avec la famille à l'occasion de l'enterrement, les longues parties de pêche solitaires au bord de la Garonne, la rencontre d'une petite fille, Marine, et enfin le départ en septembre. Si certaines phrases sont un peu bizarres ou confuses, comme une légère crise de lyrisme, le ton est dans l'ensemble très beau et tout à fait déchirant tellement il capture bien la saveur d'éternité des souvenirs d'enfance – une époque envolée à jamais.
"Brétounel, Camparol, Gandalou, la vie de ce temps-là inventait les couleurs, il ne reste que la chanson, Camparol, Gandalou, grand-mère quelque part dans la douceur des mots d'avant."
Fatalement, tout ceci m'a tiré des larmes. Bref, lisez Philippe Delerm...

vendredi 6 décembre 2019

La gamelle de novembre 2019

Placé sous le signe de l'écriture grâce à ma participation (toute relative, en réalité) au NaNoWriMo, ce mois de novembre a été fort agréable, d'autant plus qu'il a commencé avec Equita Lyon et s'est terminé avec Les Rencontres de l'imaginaire de Sèvres. J'ai même réussi à aller au cinéma trois fois, ce qui est devenu exceptionnel... 😁

Sur petit écran

Rien. Ou plutôt: des bouts d'Ocean's Eleven, d'Ocean's Twelve et du Meilleur pâtissier de France. Mais ce n'est pas moi qui regardais la télé à ces moments-là. 😅

Sur grand écran

Abominable de Jill Culton et Todd Wilderman (2019)


Un dessin animé très sympathique, plein de sentiments positifs et de personnages attachants mais pas naïf pour autant. À noter, la scène de vol dans les nuages, très poétique et jolie.

Sorry We Missed You de Ken Loach (2019) 


Dur portrait des conditions de travail d'un livreur "indépendant", mais aussi de celles de sa femme, aide à domicile, et de la difficile croissance de leurs deux enfants dans une famille aux revenus limités et écrasée de travail. Si le film ne présente pas de "patte" ou de mise en scène particulière, il sonne très juste et évoque quasiment un documentaire. Le jeu des acteurs est très réaliste, on dirait de vrais personnes. Mon copain s'était fait livrer un câble par Amazon à 20h l'avant-veille et j'ai regretté qu'il ne soit pas présent à la séance...

La Reine des neiges 2 de Jennifer Lee et Chris Buck (2019)


Malgré quelques fausses notes (ahah), comme des morceaux de chansons pas très bien calés sur la musique ou une révélation fumeuse sur la mort des parents d'Elsa et Anna, j'ai tellement adoré ce film que je ne sais pas par où commencer. C'est, comme le premier, une histoire d'empowerment, d'acceptation de soi et de passage à l'âge adulte avec les quatre parcours d'Elsa, d'Anna, d'Olaf et, dans une moindre mesure, de Kristoff. Les personnages ont évolué par rapport au premier film et évoluent au fil de leur aventure. Le deuil est présent aussi, avec une scène tout à fait inattendue suivie d'une chanson qui m'a fait pleurer. Le tout est aussi drôle (merci Olaf!), enthousiasmant (merci les rennes qui chantent!) et SUPERBE (le cheval, putain!). À voir au cinéma pour profiter pleinement de ces images magnifiques et avoir envie, vous aussi, de partir into the unnnkkknnnnooooooowwwwwwwnnn. 🎶

Du côté des podcasts

Je continue avec Simple & Cité de Florie Teller, j'ai commencé Les Bulles Nomades de la même podcasteuse, j'ai écouté les émissions de La Compagnie des auteurs sur Émile Zola, Emmanuel Carrère et Annie Ernaux et j'ai même touché à La Méthode scientifique. Quand je pense à toutes ces années de vaisselles et de marches silencieuses, j'ai envie de pleurer.

Et le reste

J'ai lu un épais hors-série de Mad Movies sur les adaptations série et télé des écrits de Stephen King. Passionnant, comme d'habitude. Je vous épargne une photo à cause de la luminosité déplorable dans mon appartement.

Je n'ai pas eu le temps de lire mon Cheval Mag en fin de mois, le numéro de décembre étant arrivé un peu tard.

Et vous, qu'avez-vous découvert de beau en novembre? 😊

dimanche 1 décembre 2019

Flatland (1884)

Dans le roman Flatland. A Romance of Many Dimensions d'Edwin A. Abbott, l'univers est plat. Littéralement. C'est un monde en deux dimensions peuplé de figures géométriques, comme des carrés et des triangles, vivant dans des maisons plates. La société est très hiérarchisée en fonction du nombre d'angles des habitants. Ainsi, les lignes droites, les femmes, sont tout en bas de l'échelle sociale, tandis que les cercles (ou plutôt les polygones présentant tellement d'angles et de côtés qu'ils semblent des cercles) sont tout en haut.


Dans la première partie, le narrateur, un carré, décrit longuement le fonctionnement de Flatland: comment les habitants peuvent espérer voir leurs enfants monter dans l'échelle sociale, comment le nombre d'angles et la longueur des côtés influence le rôle dans la société, comment les figures se reconnaissent et s'organisent. Par exemple, les femmes présentant une extrémité pointue, elles peuvent se révéler dangereuses pour les autres figures, qu'elles pourraient percer. Elles disposent donc d'une entrée séparée dans les habitations et sont tenues de toujours signaler leur présence oralement, pour éviter tout accident. Les triangles avec des angles très aigus sont également dangereux. Plus un triangle a un angle aigü, d'ailleurs, moins sa vie a de valeur...

Dans la deuxième partie, notre carré décrit un rêve étonnant dans lequel il a vu un univers réduit à une simple ligne, puis sa découverte de l'existence d'un univers à trois dimensions grâce à l'irruption dans sa vie d'une sphère. Ce solide est pour lui inconcevable; quand la sphère lui explique qu'elle se compose d'une infinité de cercles superposés les uns aux autres, il est en effet incapable de comprendre la notion de superposition. Dans son univers, il y a un nord et un sud, mais pas d'au-dessus ou d'en-dessous. La sphère devra l'arracher à Flatland pour qu'il comprenne combien son monde est limité.

Ce court roman est tout à fait brillant. Il se lit tout seul et aborde des notions philosophiques et politiques tout à fait sérieuses avec une simplicité et une clairvoyance remarquables. La société très hiérarchisée de Flatland est en effet soigneusement maintenue en place par une combinaison de répression (mise à mort des figures irrégulières, par exemple) et d'espoir (le fait que la descendance des figures gagne, dans certains cas, un côté à chaque génération [le fils d'un pentagone sera un hexagone] cristallise les espoirs des parents, qui ne remettent pas en cause la société).

Mais le plus remarquable reste la présentation très claire de ce que voit ce pauvre carré quand la sphère débarque dans son salon. Comme il n'y a pas de hauteur dans son monde, il NE PEUT PAS avoir la sphère. Il voit seulement l'interception de la sphère et du plan de son monde, soit.... un cercle qui change de taille. Une fois soulevé de son plan d'existence, le carré, converti à l'existence d'une troisième dimension, ira jusqu'à supposer l'existence de mondes en quatre dimensions... Cinq dimensions... Et pourquoi pas six?

Si jamais le lecteur a du mal à visualiser tout ça, Adwin A. Abbott a parsemé son livre de petites figures très agréables et délicieusement rétros qui contribuent à faire de ce roman un agréable voyage dans le temps vers un XIXe siècle, voire un XVIIIe, aussi charmant dans son style que moderne et horrible dans son fonctionnement. Une belle lecture que je recommande.

Allez donc voir ailleurs si ce carré y est!