Tigger Lilly et moi continuons tranquillement à relire les Rougon-Macquart de Zola. J’arrive un peu après la guerre puisque Son Excellence Eugène Rougon était notre lecture de juin, mais mieux vaut tard que jamais!
Un roman qui se lit tout seul
Bon, en réalité, je trouve que Zola se lit toujours tout seul, mais j’ai trouvé que c’était particulièrement le cas pour ce sixième tome. Peut-être que les chapitres font la longueur idéale pour mon rythme de lecture? En tout cas, j’ai adoré, alors que j’avais été un peu décontenancée par l’absence d’intrigue lors de ma première lecture.
Les hauts et les bas de la politique
Je viens de parler d’absence d’intrigue, mais ce n’est pas exact; il se passe des tas de choses dans ce roman, c'est juste qu'il n’y a pas de fil conducteur aussi évident que dans les autres. En général, on comprend assez rapidement que tout va virer à la catastrophe et qui va mal finir. Ici, ce n’est pas aussi clair. Zola commence par montrer Eugène Rougon, président du corps législatif, en pleine disgrâce, notamment à cause d’un désaccord avec l’impératrice; il a démissionné de son poste et on ne sait pas ce qu’il va devenir. Le bonhomme (véritable maniaque du pouvoir en réalité) prend tout ça plutôt bien, mais la petite bande de parasites qui gravite autour de lui et qui a absolument besoin qu’il soit très puissant pour tirer des privilèges de sa position ne voit pas la chose du même œil et s’active beaucoup pour le faire rentrer en grâce. L’une d’entre eux, la belle Clorinde, est particulièrement zélée; à l’origine, elle voulait épouser Rougon; étant donné qu’il l’a refusée, elle travaille indirectement à l’avancement de son mari. Le pouvoir va et vient en fonction des alliances et du bon vouloir de l’Empereur et Rougon ne restera pas trop longtemps dans l’ombre.
Son Excellence le géant
Zola lui-même qualifie Eugène de "plus grand des Rougon" et je suis d’accord avec lui. Eugène est rusé et avide de pouvoir comme sa mère Félicité, mais il a la chance d’être à Paris, au plus près du pouvoir politique (et d’être un homme, soyons honnêtes); il n’a aucun scrupule, est impitoyable et ne recule devant rien pour arriver à ses fins (quitte à ne pas révéler un certain attentat et donc à risquer des vies!). Son rêve serait de vivre dans une ferme dont il serait le maître absolu, tous les animaux lui étant soumis. Et pourtant, il semble éprouver une affection réelle pour certaines personnes et il voue une loyauté infaillible à sa bande, même quand cela commence à jouer contre lui.
Clorinde la géante
Clorinde est un des personnages plus grands que nature que Zola sait si bien inventer. Elle est le parfait pendant de Rougon et ne recule, elle non plus, devant rien, tout en étant beaucoup plus limitée à cause de son statut de femme. Mais elle intrigue tellement et travaille tellement dans les profondeurs, tout en usant de sa grande beauté, qu’elle arrivera elle aussi à ses fins. C’est une lutteuse hors pair et j’ai aimé la voir triompher, même si j’aurais préféré la voir lutter aux côtés de Rougon – à eux deux, ils auraient dominé le monde!
Au cœur du Second Empire, l’hypocrisie règne
Après les classes nobles et richissimes de La Curée et le peuple des Halles du Ventre de Paris, ce troisième roman parisien plonge dans la haute société politique du Second Empire. On assiste même au Conseil des ministres de Napoléon III. C’est un monde richissime où l’hypocrisie règne en maîtresse: sous un vernis de respectabilité et une importance considérable accordée à la bienséance et aux manières, chacun joue pour soi et on n’hésite pas à sacrifier les autres – voir la manière magistrale dont Madame Correur fait comprendre à Rougon qu’elle aimerait vraiment qu’il arrête son frère, alors même que les mots qu’elle prononce sont en faveur de son frère! Les retournements de veste de la bande de Rougon sont les plus marquants et osés, mais n’oublions pas le comportement ambigu de l’Empereur en personne. Quant aux mœurs, elles sont plus que douteuses, comme le montrent le collier de Clorinde et le comportement des dames de charité qui lèvent des milliers de francs en vendant des objets anodins et en étalant leurs charmes sur les étals…
Ma lecture est bien trop ancienne pour aller plus loin (et encore, merci les mails de récap échangés avec Tigger Lilly!), mais je recommande ce roman. Il manque d’un souffle épique pour être un très grand Zola mais c’est palpitant – et il est toujours bon de voir les pratiques d’autrefois avec lucidité, ça permet de relativiser celles d’aujourd’hui… ^^
Allez donc voir ailleurs si son Excellence y est!
L'avis de Karine:)
L'avis de Tigger Lilly
Bon, en réalité, je trouve que Zola se lit toujours tout seul, mais j’ai trouvé que c’était particulièrement le cas pour ce sixième tome. Peut-être que les chapitres font la longueur idéale pour mon rythme de lecture? En tout cas, j’ai adoré, alors que j’avais été un peu décontenancée par l’absence d’intrigue lors de ma première lecture.
Les hauts et les bas de la politique
Je viens de parler d’absence d’intrigue, mais ce n’est pas exact; il se passe des tas de choses dans ce roman, c'est juste qu'il n’y a pas de fil conducteur aussi évident que dans les autres. En général, on comprend assez rapidement que tout va virer à la catastrophe et qui va mal finir. Ici, ce n’est pas aussi clair. Zola commence par montrer Eugène Rougon, président du corps législatif, en pleine disgrâce, notamment à cause d’un désaccord avec l’impératrice; il a démissionné de son poste et on ne sait pas ce qu’il va devenir. Le bonhomme (véritable maniaque du pouvoir en réalité) prend tout ça plutôt bien, mais la petite bande de parasites qui gravite autour de lui et qui a absolument besoin qu’il soit très puissant pour tirer des privilèges de sa position ne voit pas la chose du même œil et s’active beaucoup pour le faire rentrer en grâce. L’une d’entre eux, la belle Clorinde, est particulièrement zélée; à l’origine, elle voulait épouser Rougon; étant donné qu’il l’a refusée, elle travaille indirectement à l’avancement de son mari. Le pouvoir va et vient en fonction des alliances et du bon vouloir de l’Empereur et Rougon ne restera pas trop longtemps dans l’ombre.
Son Excellence le géant
Zola lui-même qualifie Eugène de "plus grand des Rougon" et je suis d’accord avec lui. Eugène est rusé et avide de pouvoir comme sa mère Félicité, mais il a la chance d’être à Paris, au plus près du pouvoir politique (et d’être un homme, soyons honnêtes); il n’a aucun scrupule, est impitoyable et ne recule devant rien pour arriver à ses fins (quitte à ne pas révéler un certain attentat et donc à risquer des vies!). Son rêve serait de vivre dans une ferme dont il serait le maître absolu, tous les animaux lui étant soumis. Et pourtant, il semble éprouver une affection réelle pour certaines personnes et il voue une loyauté infaillible à sa bande, même quand cela commence à jouer contre lui.
Clorinde la géante
Clorinde est un des personnages plus grands que nature que Zola sait si bien inventer. Elle est le parfait pendant de Rougon et ne recule, elle non plus, devant rien, tout en étant beaucoup plus limitée à cause de son statut de femme. Mais elle intrigue tellement et travaille tellement dans les profondeurs, tout en usant de sa grande beauté, qu’elle arrivera elle aussi à ses fins. C’est une lutteuse hors pair et j’ai aimé la voir triompher, même si j’aurais préféré la voir lutter aux côtés de Rougon – à eux deux, ils auraient dominé le monde!
Au cœur du Second Empire, l’hypocrisie règne
Après les classes nobles et richissimes de La Curée et le peuple des Halles du Ventre de Paris, ce troisième roman parisien plonge dans la haute société politique du Second Empire. On assiste même au Conseil des ministres de Napoléon III. C’est un monde richissime où l’hypocrisie règne en maîtresse: sous un vernis de respectabilité et une importance considérable accordée à la bienséance et aux manières, chacun joue pour soi et on n’hésite pas à sacrifier les autres – voir la manière magistrale dont Madame Correur fait comprendre à Rougon qu’elle aimerait vraiment qu’il arrête son frère, alors même que les mots qu’elle prononce sont en faveur de son frère! Les retournements de veste de la bande de Rougon sont les plus marquants et osés, mais n’oublions pas le comportement ambigu de l’Empereur en personne. Quant aux mœurs, elles sont plus que douteuses, comme le montrent le collier de Clorinde et le comportement des dames de charité qui lèvent des milliers de francs en vendant des objets anodins et en étalant leurs charmes sur les étals…
Ma lecture est bien trop ancienne pour aller plus loin (et encore, merci les mails de récap échangés avec Tigger Lilly!), mais je recommande ce roman. Il manque d’un souffle épique pour être un très grand Zola mais c’est palpitant – et il est toujours bon de voir les pratiques d’autrefois avec lucidité, ça permet de relativiser celles d’aujourd’hui… ^^
Allez donc voir ailleurs si son Excellence y est!
L'avis de Karine:)
L'avis de Tigger Lilly
Hiii finally !
RépondreSupprimerC'est très bien tout ce que tu dis !
Hâte d'attaquer l’assommoir !
N'empêche on en a déjà lu 6 !
Ça fait beaucoup de points d'exclamation tout ça !
Oui enfin!! :) Il faut que je sois plus rapide la prochaine fois, c'est pas possible de chroniquer un bouquin deux mois plus tard ^^
SupprimerOui j'ai hâte de continuer aussi :)
Beaucoup de post-it sur ton livre dis-donc, on dirait un étudiant qui rédige son mémoire :D
RépondreSupprimerOui! C'est parce que Zola écrit trop bien, je veux retenir plein de phrases <3
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