mardi 3 septembre 2019

Notre cœur (1890)

Notre cœur est le dernier roman de Guy de Maupassant, qui est mort trois ans après sa publication. L'écrivain normand s'y intéresse à André Mariolle, un riche oisif un peu blasé de la vie et terrifié à l'idée d'être un raté, et à Michèle de Burne, une femme du monde qui bénéficie, après son veuvage, d'une certaine indépendance. Comme la plupart des membres de son cercle, André Mariolle tombe rapidement amoureux de cette femme jolie, coquette, sûre d'elle et de son charme, joyeuse et fine. Mais Mme de Burne a toujours éconduit tous ses prétendants; elle aime être aimée mais n'aime pas, elle. Jusqu'à ce que l'adoration de Mariolles n'attire un peu plus son attention.


On le sait, Maupassant n'est jamais très gai. Ce roman ne déroge pas à la règle: malgré la passion de Mariolle, son amour reste malheureux, car il sent bien que Mme de Burne ne l'aime pas de la même manière. Elle l'aime bien, mais elle ne l'aime pas. Voyez-vous la différence? Ce qui est désespérant, c'est que le jeune homme va se consoler en trouvant, à son tour, une maîtresse qui l'aime plus qu'il ne l'aime... 😡😭 Enfin, je ne m'attendais pas à une fin heureuse avec cet écrivain, donc je n'ai guère été surprise par cette conclusion assez amère.

Stylistiquement, ce roman n'est pas le chef d'œuvre de Maupassant, que je trouve plus brillant quand il pose des ambiances brumeuses et mystérieuses (comme dans Au bord de l'eau ou La Chevelure) ou quand il décrit des faits particulièrement révoltants (comme dans Coco, L'Âne ou Boule de Suif). Bien sûr, il se lit agréablement, parce que Maupassant savait écrire. Il a cette atmosphère élégante et policée du XIXe que j'adore et il regorge de remarques désabusées et cyniques qui m'ont parlé. À noter également, des propos très misogynes de la part de certains personnages, mais aussi une courte remarque très juste sur le choc d'une femme confrontée à la sexualité lors de son mariage alors qu'elle ne sait pas de quoi il s'agit (ce qui n'est pas sans rappeler l'horrible nuit de noces de Une vie). Décidément, Maupassant avait beau avoir de gros problèmes avec les femmes, il avait le bon sens de comprendre que leur éducation et leur place dans la société ne les aidaient pas...
"Ils arrivaient infailliblement à cette conclusion qu’une jeune fille élevée dans le rêve des tendresses futures et dans l’attente d’un mystère inquiétant, deviné indécent et gentiment impur, mais distingué, devait demeurer bouleversée quand la révélation des exigences du mariage lui était faite par un rustre."
Cette édition France Loisirs, que j'ai achetée d'occasion, contient aussi les premières pages de L'Âme étrangère, roman que Maupassant n'a pas terminé à cause de sa maladie et de sa mort. Un début intéressant, mais bien trop court pour savoir si le roman aurait été prenant dans son ensemble.

4 commentaires:

  1. "une courte remarque très juste sur le choc d'une femme confrontée à la sexualité lors de son mariage alors qu'elle ne sait pas de quoi il s'agit" -> ça fait un peu écho avec le propos de Zola dans Pot-Bouille je trouve.
    C'est cool ces lectures de Maupassant, ça donne envie de s'y remettre, j'en avais lu un certain nombre quand j'étais ado (pas celui-ci).

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    1. @Tigger Lilly: Oui tout à fait, ils montrent tous les deux les conséquences du manque d'éducation.

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  2. Intéressant, je ne connais pas du tout ce texte de Maupassant, je n'ai lu que ses nouvelles, mais tu donnes envie de tester autre chose de lui ^^

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    1. @Shaya: Je trouve qu'il été fort avec ses romans aussi, même s'il a plutôt écrit des nouvelles. Une vie, notamment, est extrêmement intéressant parce qu'il parle de la condition de la femme.

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