mercredi 22 mai 2024

Ravage (1942)

Pendant des années, Méli du Bazar de la littérature a évoqué Barjavel sur son blog, me donnant envie de lire cet auteur un jour. Mais comme pour l'écrasante majorité des innombrables auteurs que les blogueurs me donnent envie de lire, ça ne s'est jamais concrétisé. Et puis un jour, voilà que je tombe sur Ravage dans l'entrée de mon immeuble. Enthousiasme de ma part. En plus, c'était quelques jours après que l'auteur avait été cité dans l'épisode de C'est plus que de la SF sur la ville en science-fiction...


Eh bien, quelle découverte! Je comprends que Méli ait adoré cet auteur!

Ce roman relève du post-apo. La première partie décrit un monde futuriste extrêmement technologique. C'est très bien écrit et j'ai donc accroché immédiatement. On rencontre quelques personnages, notamment François, le protagoniste, et Blanche, son love interest. J'ai trouvé le trait un peu forcé sur les innombrables gadgets qui permettent aux habitants de se déplacer très vite ou de réguler la température de leur foyer, mais rien de grave. Et puis, au début de la deuxième partie, l'électricité fait défaut, et on comprend pourquoi la première partie mettait tant l'accent sur la technologie. Maintenant qu'aucune machine ne fonctionne plus, la société s'effondre en une journée à peine.

Et voilà. C'est brillant. C'est d'un pessimisme cosmique assez hallucinant, avec pillages, catastrophes interminables, violence constante, mais c'est très bien maîtrisé et ça se lit tout seul alors même que ça donne des sueurs froides plus d'une fois. Car bon, le COVID a fait paniquer pas mal de monde en 2020 et on voit bien combien tout ceci est parfaitement plausible. Et le climat affreusement chaud de l'été 2052 ressemble de trop près aux conditions actuelles et à venir.

Stylistiquement, c'est un vrai régal, une langue élégante, cultivée et riche comme je les aime. Il y a même pas mal de subjonctifs imparfaits, dont dans un dialogue dont j'ai pris note:

"J'ai pensé, dit-il à François, qu'il conviendrait que vous vinssiez jeter un coup d'œil sur ces lieux, avant que la caravane les traversât."

Je ne peux recommander assez chaudement cette lecture, mais je tiens toutefois à souligner deux bémols. D'une part, j'ai trouvé l'histoire des malades mentaux traités aux rayons énergétiques assez délirante, car ils accumulent tellement d'énergie en eux qu'ils peuvent changer leur corps ou le monde. Bon. Rien de grave. Je n'ai pas aimé cet épisode, mais il occupe nos personnages pendant peu de pages. Le deuxième bémol est beaucoup plus grave: l'affreux sexisme de l'histoire. Les femmes sont au mieux inutiles, au pire au fardeau. Le petit groupe de survivants que François réunit autour de lui est tout entier géré par les hommes, et François est d'ailleurs l'archétype du brave mec de campagne viril qui sait se servir de ses mains, par opposition aux assistés des villes qui sont perdus sans technologie. Quant à la fin, elle est d'un machisme hallucinant...

"Blanche avait passé par la filière de l'enseignement féminin, et suivait depuis six mois les cours de l'École nationale féminine, qui préparait, physiquement, moralement et intellectuellement, des mères de famille d'élite."

"Des mères de famille d'élite". Vous avez bien lu. Et ça, c'est dans le monde d'avant, quand tout va bien. Une fois la catastrophe survenue, c'est encore pire. 😆 Mais bon, lisez Ravage quand même, c'est un chef d'œuvre!!!

8 commentaires:

  1. A mes yeux, ce n'est pas un chef d'oeuvre mais un livre qui prône le patriarcat et l'ignorance et révèle l'engagement pétainiste de son auteur. Une citation qui mérite réflexion :
    "Une des premières mesures qu’il leur fit adopter fut la destruction des livres. Il a organisé des équipes de recherches, qui fouillent les ruines tout au long de l’année. Les livres trouvés pendant les douze mois sont brûlés solennellement au soir du dernier jour du printemps, sur les places des villages. À la lueur des flammes, les chefs de village expliquent aux jeunes gens rassemblés qu’ils brûlent là l’esprit même du mal.
    Pour faciliter l’enseignement de l’écriture, François a fait conserver quelques livres de poésie :
    « Ce sont, a-t-il dit, des livres qui ne furent dangereux qu’à leurs auteurs. »
    L’art de l’écriture est réservé à la classe privilégiée des chefs de village. L’écriture permet la spéculation de pensée, le développement de raisonnements, l’envol des théories, la multiplication des erreurs. François tient à ce que son peuple reste attaché aux solides réalités. Pour évaluer ses récoltes, et compter ses enfants et ses bêtes, le paysan n’a pas besoin d’aligner des chiffres par tranches de trois."

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  2. C'est vraiment un livre unique tant il peut recevoir d'incroyables louanges pour certains aspects et d'incroyables critiques pour d'autres aspects, les deux semblant tout aussi justifiées. Une seule chose est sûre : pour lancer des des discussions animées, c'est un livre qui fait certainement des ravages. (🙊)

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  3. Le traitement des femmes n'est pas le seul problème de Ravage 😖Le genre de livre qu'il me parait très utile de ne pas dissocier de son contexte ni de son auteur.

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    1. @Tigger Lilly: Je prends bonne note de ton avis.

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  4. Pas un roman que j'ai lu plus jeune et que je lirais. Je crains un peu trop l'aspect daté pour apprécier ma lecture.

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    1. @Shaya: Ça pique, c'est indéniable... 😊😊

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