vendredi 3 janvier 2025

La Mort du roi Tsongor (2002)

Ayant souhaité espacer un minimum mes lectures de Laurent Gaudé, j'ai héroïquement résisté durant six mois avant d'attaquer La Mort du roi Tsongor. Lorsque je suis enfin entrée en action, j'ai lu les deux premiers chapitres dans un trajet en train, en ayant la tête totalement ailleurs, et ça n'a rien donné. Mais heureusement, j'ai dégagé du temps pour ça les jours suivants.

Et...

Bein quelle claque, hein. Il est dingo, ce bouquin.

À Massaba, une ville fictive évoquant les grands empires antiques, le roi Tsongor est sur le point de marier sa fille Samilia, et tous et toutes se réjouissent. Mais la veille de l'arrivée du fiancé, se présente devant le roi un ami d'enfance de Samilia auquel elle a juré fidélité... Deux prétendants pour la même femme, chacun légitime, c'est la perspective de la guerre pour l'empire que Tsongor a construit à la force des armes. Commence alors la longue nuit du roi Tsongor, qui veille et réfléchit en compagnie de Katabolonga, le porteur du tabouret d'or, un homme d'un royaume vaincu des décennies plus tôt qui le sert depuis lors et qui aura le droit, un jour, de le tuer. Et la mort, cette nuit-là, semble à Tsongor la seule solution pour éviter le désastre.

Évacuons tout de suite ma petite réserve: dans ce roman, Laurent Gaudé fait beaucoup de phrases nominales très courtes ou des phrases verbales mais sans pronom au début. Je comprends bien que ça donne un rythme abrupt, haché, qui peut souligner la violence ou le tragique d'une situation, mais ça ne me plaît pas beaucoup, et il y en a ici suffisamment pour que ça fasse un peu tic d'écriture.

Mais sinon, ce roman est juste dingo. Le souffle épique est digne de la Bible. Massaba est une ville immense, cernée de remparts, face à une armée menée par un homme bien décidé à en découdre; tous les chefs de guerre sont plus grands que nature (les mâcheurs de khat, les chiennes de guerre, les amazones à dos de zébu (oui!)); le siège s'étire de manière incroyable dans le temps. En fait, le temps s'étire de manière incroyable pour tout le monde, à commencer par Tsongor et Katabolonga, qui passent une éternité ensemble, d'abord dans la vie, puis dans la mort. "Dans la mort", oui: il y a aussi un élément fantastique assez particulier, qui évoque peut-être de vieilles légendes des rois survivant après la mort et donne une teinte douloureuse à l'ensemble.

Ensemble qui est bien tragique en soi, même sans le regard de Tsongor! Car le siège de Massaba est un bain de sang insensé, dans lequel les frères et les amis s'entretuent et les cadavres s'accumulent dans la plaine désertique, sans cesse piétinés par de nouveaux combattants. Le masssacre des chiennes de guerre envoûtées est terrible, et certains passages sont même assez gores. C'était fou!

Et en parallèle du siège, Souba, le fils cadet de Tsongor, parcourt l'empire à la recherche de sept endroits où faire bâtir des tombeaux en l'honneur de son père. Cet élément aussi m'a paru très "antique" et symbolique, et j'ai adoré le portrait nuancé qu'il donne à voir de ce grand conquérant.

Le seul problème de ce bouquin, en fin de compte, c'est qu'à côté, toute la production de Laurent Gaudé qui a suivi me paraît rétrospectivement un peu plate – y compris Eldorado, qui m'a pourtant fait vibrer en juin dernier. Je suis ébahie qu'il ait eu le prix Goncourt des lycéens en 2002. J'étais au lycée à l'époque et j'étais à mille lieues de lire et d'apprécier ça. Chapeau aux lycéens et chapeau à Laurent Gaudé!

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4 commentaires:

  1. "Le souffle épique est digne de la Bible" : c'est marrant cette comparaison, ce n'est pas la première qui me serait venu en tête pour évoquer l'épique. Et sur une échelle de David Gemmell, ça se situe où ?
    "toute la production de Laurent Gaudé qui a suivi me paraît rétrospectivement un peu plate" : il va peut-être falloir attendre un peu plus de 6 mois avant d'en lire un autre du coup, histoire de l'oublier un peu.

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  2. Va falloir que je me décide à lire ce roman, vraiment, un de ces 4. Tu donnes bien envie en tout cas !

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  3. Je sais pas si ça m'attire mais ça a l'air d'être quelque chose ce roman ^^

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  4. Mon premier Gaudé! Mais je crois que j'ai encore mieux aimé Le Soleil des Scorta. Ça me fait penser que je n'ai lu aucune de ses œuvres plus récentes, je vais essayer d'en programmer une pour 2025!

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