dimanche 22 juillet 2012

Paris (1897)

Après Lourdes et Rome, Paris forme le dernier volet des aventures de Pierre Froment, l'abbé qui a perdu la foi.

Nous le retrouvons cette fois-ci à Paris, comme le titre le laisse deviner. Grâce à sa bonté, il a acquis une réputation de saint homme, et il semble jouer son rôle de prêtre sans difficultés. En réalité, il souffre profondément de son manque de foi et de la comédie qu'il joue pour soutenir la foi des autres: "Il était la règle, il n'avait plus que le geste du prêtre, sans l'âme immortelle, tel qu'un sépulcre vide où ne restait pas même la cendre de l'espoir [...]". Sa vie sera cependant bouleversée par la rencontre de son frère Guillaume, qu'il ne fréquentait plus depuis des années et qui baigne dans le milieu anarchiste.

L'étrange créature londonienne fait ses débuts sur le blog!

Paris est légèrement différent des deux autres volets des Trois Villes, car il ne tourne pas autour de la religion (en tant que système de croyance ou que système politique). C'est, au contraire, le passage à autre chose: une nouvelle vie pour Pierre et un nouveau monde guidé par la science et par Paris, ville moderne, pour l'humanité. On sent venir les Quatre Évangiles (Fécondité, Travail, Vérité et Justice) (que j'espère recevoir bientôt en cadeau car ils n'existent que dans des éditions très chères) (message subliminal!).

On y retrouve en revanche un des thèmes les plus chers à Zola: l'inégalité sociale. Comme c'est souvent le cas, on passe des salons bourgeois tendus de velours et regorgeant de mets délicieux aux chambres nues et sordides, où l'ouvrier et sa famille meurent littéralement de faim dès que le père de famille ne peut plus travailler.

Ce thème en amène un autre, l'anarchie. Le sens d'injustice de la classe ouvrière, qui se sent bafouée et exploitée, est tel que certains se tournent vers l'anarchie pour tout faire sauter, pour faire crouler la vieille société pourrie et construire une société basée sur la justice et non pas sur la charité. Le principe de la charité chrétienne, symbolisé par l'abbé Rose, un prêtre généreux et naïf (mais presque héroïque dans sa naïveté, je dois dire que je l'aime beaucoup) en prend d'ailleurs dans la figure tout au long du roman.

Le milieu anarchiste est avant tout symbolisé par Salvat, un miséreux qui pose une bombe à l'entrée d'un hôtel particulier et qui finira guillotiné. Les réflexions sur le recours à la violence, que Zola condamne, sont d'ailleurs encore d'actualité à notre époque (même si je ne mettrais pas dans le même seau les anarchistes et Al-Qaïda), et Guillaume Froment, qui a mis au point un explosif extrêmement puissant, tient des réflexions rappelant (ou pré-annonçant) étonnamment la Guerre froide.

Il est vraiment dommage que les Trois Villes ne soient pas passées à la postérité, car ces trois romans sont vraiment à la hauteur des livres de Zola les plus connus. Ils sont d'ailleurs plus intéressants que certains tomes des Rougon-Macquart un peu plus faibles (comme Une Page d'amour par exemple). Pas qu'il existe des livres de Zola faibles, soyons clairs, vu que Zola est le meilleur, mais certains sont moins exceptionnels que d'autres. Les Trois Villes valent vraiment le détour si vous voulez découvrir un Zola un peu plus confidentiel que celui de Germinal et La Bête humaine.

Émile Zola, Paris
Éd. Folio Classique, 704 pages, 11,50€.

4 commentaires:

  1. Je note, car j'ai lu tous les Rougon-Macquart, mais ma culture zolaesque s'arrête là!

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  2. Très bonne chro et la première à me donner envie de me replonger dans un zola. Beau monstre en effet mais je crois deviner ou il a été adopté...

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  3. @Anonyme numéro 1: En effet! Très expressif.

    @Grominou: Ils valent vraiment le coup!

    @Anonyme numéro 2: On se le demande! ^^ Ravie que ça donne envie. :)

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