samedi 27 décembre 2025

Les Créateurs (1936)

Aujourd'hui, nous retrouvons notre cher Jules Romains pour le douzième tome des Hommes de bonne volonté!

Vous vous souvenez peut-être que le onzième tome, en dépit de ses indéniables qualités, m'avait mise mal à l'aise. Le personnage d'Allory, l'écrivain violeur en puissance, était horrifiant. Dans ce tome, heureusement, il est beaucoup moins présent et beaucoup plus sage.

Une des innombrables choses qui sont assez dingos dans cette série, c'est que la récurrence des personnages est totalement imprévisible, de même que le nombre de personnages au sein d'un tome.

Je m'explique.

Premièrement, vous ne savez jamais qui va revenir d'un tome à l'autre. Exemple: Quinette, l'odieux relieur, avait un rôle super important dans les deux premiers tomes. Mais là, ça fait mille ans qu'il n'a même pas fait une apparition. Deuxièmement, vous ne pouvez jamais savoir, en ouvrant un tome, si l'action va se répartir équitablement entre les personnages, ni combien ceux-ci seront. Exemple: le tome 1 met en scène un grand nombre de personnages; certains – notamment l'odieux Quinette – sont plus développés que d'autres, mais c'est tout de même assez équilibré. En revanche, le tome 8, Province, est presque entièrement centré sur le prêtre, qui éclipse les autres.

Notre tome 12 fait partie de ceux avec un nombre de personnages restreint. En gros, il se consacre à 50%, voire 60%, à Viaur, un médecin, et à 30% à Agnès et Marc Strigelius. Les 10% ou 20% restants, quelques chapitres éparpillés, sont consacrés à Allory (qui n'est, fort heureusement, pas occupé à préparer un viol), aux lettres de Jallez à Jerphanion (je les aime tellement 💗), à Manifassier (qui donne, hélas, une image de Gurau moins bonne que d'habitude), et à Mathilde Cazalis.

Lors de ma lecture du tome 11, j'ai découvert avec bonheur que le quatrième et dernier volume de l'édition Bouquins comprend un récapitulatif de la vie des personnages, ainsi qu'un index de leurs apparitions. Du coup, je m'y suis pas mal référée pour me rafraîchir la mémoire. J'ai ainsi découvert que Viaur, le médecin avec qui nos passons la majorité de notre temps ici, avait été cité précédemment. Comme vous le voyez sur la photo, il est apparu page 153 du tome 8, puis dans le chapitre XIII du tome 11. Je suis donc allée relire tout ça. C'est assez bluffant, car rien, dans ces deux passages, ne laisse imaginer que le gars ve revenir plus tard et jouer un rôle important.

Ma mémoire étant totalement vide, je suis aussi remontée dans les apparitions de Marc et d'Agnès Strigelius, un frère et une sœur qui communiquent par lettre. Là, ça m'a pris davantage de temps, car on les a déjà vus plusieurs fois. La manière dont leurs échanges s'éclairent en les lisant d'une traite, et non à des mois d'intervalle, est encore plus bluffante. Il s'agit parfois de choses assez importantes, comme la description d'un personnage qui va jouer un rôle dans la vie d'Agnès, et parfois de choses infimes. Je commence à me dire que Jules Romains n'était pas un génie, mais un extraterrestre. On est sur le niveau de complexité que j'attribue aux grands romans russes que je n'ai jamais lus, ou aux grandes sagas de fantasy, genre Tolkien qui fait des généalogies complexes ou Martin qui a 36 000 personnages. Ou Erikson, probablement.

Concernant Agnès, je veux retenir ce passage, qui, comme d'autres, me laisse penser que Jules Romains avait bien cerné la condition féminine:

"Je n'ai pas besoin de t'apprendre que je n'ai pas épousé Charles par amour. Pourquoi me suis-je résignée à l'épouser, malgré toutes sortes d'avertissements intérieurs, ce serait une histoire infinie, et sans grand intérêt, car ce doit être en outre une histoire banale. Je m'imagine que pour beaucoup de jeunes filles il y a une période de panique : celle où après deux ou trois petites aventures sentimentales de rien du tout, qui ont trouvé le moyen de mal tourner, qui ont laissé des amertumes, des déceptions, elles se disent qu'elles sont incapables de plaire, ou du moins d'attacher un homme ; et que leur destinée est inscrite au ciel, la destinée de ces vieilles filles qu'elles ont regardées jusque-là avec une commisération distraite, et qu'elles considèrent maintenant, avec épouvante, comme des sœurs aînées. J'étais dans cet état d'esprit quand Charles s'est présenté. Avant même de l'avoir examiné, avant de savoir ce qu'en penseraient nos parents, et sans t'avoir consulté, ce qui était le plus grave, je lui étais déjà reconnaissante de m'offrir ce que personne n'avait encore pris la responsabilité de m'offrir. Et je ne veux pas être injuste. Je lui en suis encore reconnaissante. C'est bien ce qui ajoute à mes tortures."
Et plus loin, un passage de cette même lettre parle à mon amour des animaux ainsi qu'à mon humanisme, en plus de résonner avec un roman précédent:
"Hugo et Schopenhauer nous ont fort bien enseigné à ne mépriser nulle part la douleur universelle, s'incarnât-elle chez l'âne, le batracien ou le mollusque. Je tiens en particulier que ceux qu'on a coutume d'appeler les humbles, c'est-à-dire ceux qui ne participent point au privilège social ni à la culture, peuvent connaître les mêmes intensités et perfections de souffrance morale que les lectrices de M. Bourget."
Ici, Agnès utilise le terme "les humbles", et je tiens à vous rappeler que le tome 6 de cette série s'appelle, justement, Les Humbles. Quant à "M. Bourget", vous vous doutez bien que j'ai consulté l'index pour savoir qui c'était. On ne l'a jamais vu en scène directement, mais il a joué un rôle important dans la candidature d'Allory à l'Académie française dans le tome 11.

L'un des derniers chapitres met en scène Manifassier, le bras droit de l'homme politique Gurau, et évoque le rôle diplomatique du Vatican en Europe. Ce serait vraiment bien que la France ait quelqu'un au Vatican, lui explique-t-on. Et le prochain tome s'appelle... Mission à Rome.

La messe est dite.

Vive Jules Romains.

lundi 22 décembre 2025

La brume l'emportera (2024)

Dans ce roman de Stéphane Arnier, publié chez Mnémos sous une superbe illustration de Cyrielle Foucher, nous voyageons en compagnie de Keb et Mara dans un monde noyé par la brume...

Attention, je donne pas mal de divulgâcheurs. Lisez ce billet à vos risques et périls!

Lorsque le roman commence, la brume monte depuis plusieurs années. Les mers ont été les premières recouvertes, puis les plaines, puis les faibles reliefs. Keb, qui a perdu toute sa famille, marche dans les hauteurs de la montagne. Un jour, dans une scène qui voit sa chienne périr et qui ouvre le roman de manière éminemment tragique 💔, il entre brièvement en contact avec la brume. Il n'est pas blessé, mais il se rend rapidement compte que la brume lui a fait quelque chose. Car il peut à présent, en fermant ou en plissant les yeux, voir les lieux tels qu'ils étaient à un autre moment, dans le passé. Voire, en retenant son souffle, aller dans le passé.

Peu après, il est rejoint par Mara, ancienne dirigeante d'un peuple qui a été en guerre avec le sien. Mara est bien déterminée à arrêter la brume qui avale leur monde, et elle sait des choses sur les origines de cet étrange phénomène et sur son lien avec le passé. Contraint et forcé, Keb va voyager avec elle.

Lorsque j'ai lu les avis de Baroona et Shaya, je n'ai pas du tout compris que ce roman, qui explore le sujet de l'acceptation de notre passé et de nos choix face à la possibilité de revenir dessus, était vraiment une histoire temporelle. J'ai retenu la notion de deuil – qui est effectivement centrale – et c'est pour cela que je l'ai lu. Hélas pour moi, je me suis retrouvée avec des gens qui peuvent voyager dans le passé, alors que je ne supporte pas cette thématique.

Pour nuancer tout de même mon propos: pour une fois, je n'ai pas eu trop de mal à comprendre, car ce passé n'est pas véritablement le passé. C'est une sorte de souvenir de Pu'uza, une sorte de force vitale. On peut voir ce qui s'est passé à un endroit, on peut interagir dedans, mais quand on revient au présent, celui-ci n'a pas changé. Un peu comme dans Tant que le café est encore chaud de Toshikazu Kawaguchi, en somme. Mais je n'ai pas trouvé ça super cohérent. S'il en va ainsi, comment diable Keb peut-il rapporter un objet du passé vers le présent?

Ce que j'ai eu du mal à comprendre, en revanche – car j'ai toujours du mal à comprendre quelque chose, hélas –, c'est tout le concept de Pu'uza, et comment Mara a compris qui est responsable de l'apparition de la brume. Il n'est pas impossible que j'aie raté des infos en lisant certaines pages avec moins de concentration. Là, ses théories m'ont semblé bien théoriques, et j'ai trouvé que Keb les acceptait bien rapidement.

D'un autre côté, toute cette histoire de vision du passé et de brume liée au passé est absolument vitale au roman, car c'est elle qui en amène le sujet central: notre acceptation de ce qui est arrivé et notre capacité à en tirer un enseignement. Les points de vue de Keb et Mara sont radicalement opposés, et ils ne peuvent s'affronter si radicalement que parce que les deux personnages ont ce lien très concret au passé. Dans la vraie vie, on peut avoir ce genre de débat à l'infini sans qu'il y ait d'enjeu réel, puisque – pour autant que je sache, du moins – personne n'est en mesure d'entrer en contact avec le passé.

Bien sûr, la chose m'a plongée dans un abîme de réflexion. Je suis plutôt team Keb dans mon ressenti émotionnel et plutôt team Mara dans mon évaluation intellectuelle, mais, dans les faits, je ne ressens pas le moins du monde les bénéfices qui sont censés aller de pair avec ce dernier point de vue. En fait, comme dans bien d'autres domaines de ma vie, j'ai l'impression d'être la bouffone de service: je n'ai ni le beurre, ni l'argent du beurre. 🤡

La fin est pleinement cohérente avec les réflexions du roman, et j'ai trouvé que les deux personnages étaient bien pensés. Y compris [énorme divulgâcheur] lorsque Keb fait un truc affreux à Mara, qui va à l'encontre de tout ce que celle-ci lui a toujours dit et a toujours défendu [fin du divulgâcheur]. Mais dans l'ensemble, donc, je n'ai pas trop aimé.

Allez donc voir si cette brume y est!
L'avis de Baroona
L'avis de Shaya

mercredi 17 décembre 2025

Starter Villain (2023) 🐈💥

JOHN SCALZI A SORTI UN ROMAN AVEC UN CHAT EN COUVERTURE

UN CHAT EN COSTUME

UN CHAT IRRÉSISTIBLE

UN CHAT SÉRIEUX

UN CHAT DE FOLIE

IL FALLAIT TELLEMENT QUE JE LISE CE LIVRE

CE CHAAAAAAAAAAAT

Bon. Cela fait plusieurs mois que je trépigne d'impatience et que je bave sur cette couverture irrésistible, qui nous a été offerte par Tristan Elwell. BÉNI SOIT TRISTAN ELWELL.

Mon copain a acheté la traduction française, réalisée par Mikael Cabon et publiée par L'Atalante, mais je voulais lire la VO, bien entendu. Et le livre s'est enfin matérialisé entre mes mains grâce à des amies blogueuses formidables. MERCI.

CE CHAT.

CE REGARD.

CE COSTUME.

MERCI.

Et fort heureusement, le roman ne m'a pas déçue. On y rencontre Charlie, un Américain assez moyen qui se trouve à un stade assez pourri de sa vie: il vient de divorcer, il vit dans la maison où son père est mort récemment, ses demi-frères et demi-sœurs voudraient le dégager de là pour vendre, il vivote en faisant des remplacements de prof, la banque rechigne à lui accorder le prêt qui lui permettrait de reprendre le pub de la ville.

Et puis son oncle, qu'il ne connaissait pratiquement pas, meurt et lui laisse son activité. Une activité très lucrative, puisque le gars était milliardaire, mais un tantinet douteuse, à en croire le public venu à son enterrement: que des gars balèzes qui sont surtout là pour vérifier que le cadavre est bel et bien un cadavre. 👀 Et puis, quand Charlie rentre chez lui après l'enterrement, c'est pour voir sa maison exploser sous son nez.

Heureusement, ses deux chats n'étaient pas à l'intérieur!

Et donc voilà. C'est parti pour une aventure très rigolote, avec une société de superméchants, de nombreux chats et des dauphins. Les dauphins sont très secondaires mais m'ont fait pisser de rire. Les chats sont excellents (NAN MAIS CETTE COUVERTURE). Tout le point de vue de Charlie, qui est souvent héberlué mais a beaucoup de répartie, est excellent. Les personnages secondaires sont très sympathiques. Les répliques fusent agréablement. Et il y a un truc que j'ai oublié de dire dans ma chronique de The Kaiju Preservation Society: Scalzi ajoute au tout pas mal de politique, ou du moins un propos sur l'état du monde et la manière dont les riches et puissants le dépècent joyeusement, sans une pensée pour les autres. J'apprécie, même si ça fait un peu trembler et si ça met en colère.

Je viens de relire ma chronique de The Kaiju Preservation Society et je vais répéter deux choses que j'y ai dites.

D'une part, "Le personnage qui débarque dans un environnement qu'il ne connaît pas, c'est évidemment un procédé bien connu pour poser un décor, et cela marche ici très bien". À la réflexion, c'était déjà le cas dans Redshirts, alors j'espère que ce n'est pas un poncif de l'auteur. Mais ça marche très bien, c'est indéniable.

D'autre part, j'ai retrouvé la structure "ligne de dialogue - description d'un geste - ligne de dialogue - description d'un geste" qui m'avait sauté aux yeux parce qu'elle me rend zinzin dans mes traductions. Mais cette fois, elle m'a moins exaspérée. Peut-être que Scalzi l'utilise un peu moins, tout de même.

Dernière chose que vous devez savoir: cette édition Tor se termine par une nouvelle, Hera Baldwin Gets A Financial Advisor, qui est éminemment sympathique et rigolote. 😺😺

Je suis joie, je suis bonheur.

CE CHAT.

Allez donc voir ailleurs si ce superméchant débutant y est!
L'avis de Baroona
L'avis de Grominou

vendredi 12 décembre 2025

L'Âne. Une histoire culturelle (2024) 🫏🫏

Je connais Michel Pastoureau de nom depuis plusieurs années et j'ai déjà offert ses ouvrages autour de moi, mais je ne l'avais jamais lu. Par bonheur, les copines blogueuses ont un jour débarqué avec son tout dernier ouvrage fraîchement sorti en librairie, qui aborde l'une des plus formidables espèces ayant jamais foulé le sol de la Terre: l'âne.

J'adore tellement les ânes.

L'ouvrage s'articule en quatre parties: l'Antiquité, le Moyen Âge, l'époque moderne et l'époque contemporaine. Chacune retrace l'emploi qui est fait de l'âne et la symbolique qui lui est associée. L'auteur se limite au monde occidental, car c'est ce qu'il connaît, mais c'est déjà riche et passionnant, d'autant que la partie visuelle est merveilleuse, avec des images choisies judicieusement et imprimées avec une très belle qualité.

Je me suis donc régalée, même si l'histoire de la relation âne-humain n'est pas très positive, dans l'ensemble. Il était plus valorisé dans l'Antiquité, ce que j'ai trouvé chouette. Mais bon, c'est un animal modeste, utilisé pour le bât, la traction et le travail des champs, donc peu valorisé par la société. Je parle tout le temps du cheval dans La Ferme des animaux de Orwell, mais je suis plutôt un âne, moi! Du genre à travailler jusqu'à l'épuisement sans me rebeller.

En outre, l'âne est sans cesse accusé d'être borné et entêté – et c'est une mauvaise réputation qui perdure, d'après ce que j'en vois. Même l'émoji âne est un âne qui rue! Pas une tête d'âne à grandes oreilles, mais un âne qui rue. Alors que, à en croire Cheval Magazine, cet entêtement est surtout lié à sa réaction face à la peur ou à l'incompréhension: là où le cheval rétive ou s'emballe, l'âne se fige – et il reste figé tant que le problème n'est pas résolu, même si on lui tape dessus. L'émoji est donc non pas réducteur, mais carrément mensonger!!! 😠😠

J'ai d'ailleurs trouvé que l'auteur était un peu optimiste dans sa description de la vision actuelle de l'âne. La quatrième couverture dit même "De nos jours, peu d'animaux disposent d'un capital de sympathie comparable". Je ne sais pas. Moi j'ai l'impression que les gens sourient comme si j'étais une illuminée quand je dis que j'adore les ânes. Mais c'est vrai que les ânes cartonnent sur le chemin de Stevenson et qu'il y a une revalorisation des races asines.

Deux dernières choses que je veux noter au sujet de cet ouvrage, afin d'avoir une chance de les retenir. Premièrement, Pastourau est capable de nuancer et d'expliquer que la vision d'un animal donné n'est ni figée à un instant T, ni toute blanche ou toute noire. Ledit animal peut présenter à la fois des éléments positifs et des éléments négatifs. Dans le cas de l'âne, le fait qu'il ait porté deux fois Jésus dans les Évangiles lui offre une aura très positive, même si c'est animal modeste, voire, souvent, méprisé. Deuxièmement, Pastoureau rappelle aussi que les époques passées n'avaient pas forcément le même système de valeurs et la même vision des choses que nous, ce qui devrait inciter à la plus grande prudence quand on les évalue – et empêcher tout jugement.

C'est exactement ce dont je cherche à m'abreuver, de la culture qui nuance et relativise / met à distance. 🙏

En bref: un régal. Vivement que Michel Pastoureau consacre un ouvrage au chat.

dimanche 7 décembre 2025

Nouvelles orientales (1938)

Après Feux, un court recueil de textes sur l'Antiquité que j'ai trouvé intéressant, mais pas transcendant, je me suis de nouveau penchée sur Marguerite Yourcenar. Et de nouveau, j'ai lu un recueil: Nouvelles orientales.

Et cette fois, Yourcenar a fait très fort, même si je n'ai pas été aussi marquée que par ses gros pavés, Mémoires d'Hadrien et L'Œuvre au noir.

Comment Wang-Fô fut sauvé
Bon bein j'ai adoré, j'ai trouvé ça génial, trop beau, une superbe métaphore, et en même temps assez dur et triste, Yourcenar était un génie, il faut lire ce recueil juste pour ça, voilà. En deux mots: Chine, peintre.

Le Sourire de Marko
J'ai moins aimé cette nouvelle, dont je n'ai pas trouvé la chute très marquante, même si le déroulé était sympathique. Ici, l'Orient n'est pas très éloigné de nous, puisque nous sommes dans les Balkans, alors sous domination musulmane.

Le Lait de la mort

Un texte tragique et superbe. "Il y a mères et mères": comme je suis d'accord.

Le Dernier Amour du prince Genghi
Autre texte tragique et superbe, mais plus dans la veine de Lena ou le secret dans Feux que du Lait de la mort. La fin me laisse un goût amer, car je m'y reconnais terriblement.

L'Homme qui a aimé les Néréides
L'autre point faible du recueil pour moi. Je n'ai pas trop compris.

Notre-Dame-des-Hirondelles
Très joli texte sur la transition entre le paganisme et le christianisme – orthodoxe, en l'occurrence –, entre une forme d'obscurantisme et une belle touche d'espoir.

La Veuve Aphrodissia

Sympathique, mais sans plus.

Kâli décapitée

Un texte étonnant sur Kâli, la célèbre déesse indienne qui se pare de crânes, et sur la dualité de l'humain.

La Fin de Marko Kraliévitch
On retrouve ici le personnage de Le Sourire de Marko, qui, comme le titre l'indique, est à la fin du voyage. Très sympathique.

La Tristesse de Cornélius Berg
De même qu'il s'était ouvert avec un peintre, Wang-Fô, le recueil se clôt avec un peintre, Cornélius Berg. La chute, en revanche, est assez radicalement opposée.

Dans ces nouvelles, l'Orient n'est pas forcément très éloigné géographiquement de l'Europe occidentale, puisqu'on voyage – entre autres – en Grèce et dans les Balkans. Mais sous la plume de Yourcenar, on sent le dépayement dû au temps et à la distance. C'est ce qui fait toute la force de l'ouvrage: Yourcenar écrivait trop bien, tout est taillé à la perfection, c'est un vrai régal. Même dans les textes moins marquants, vous passez un super moment. Quant à Comment Wang-Fô fut sauvé, je l'ai tellement aimée que je l'ai relue quand je suis arrivée au bout; c'est une pépite.

Ici aussi, saluons la jolie couverture de cette édition "L'Imaginaire" de Gallimard, qui représente une fleur de lotus posée sur une feuille, le tout constitué des premières phrases de Comment Wang-Fô fut sauvé.

mardi 2 décembre 2025

La gamelle de novembre 2025

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois, hors lecture.

Sur petit écran

Rien! On revient à la normale. 🤣🤣

Sur grand écran

Chien 51 de Cédric Jimenez (2025)

J'ai été totalement prise dans ce film!! C'était un tantinet anxiogène dans sa vraisemblance – tant en ce qui concerne l'usage de l'IA qu'en ce qui concerne la favellisation de Paris – et j'ai bien quelques critiques sur la fin, mais j'ai adoré. Laurent Gaudé doit être content, même si c'est assez différent de son roman. Et la scène du karaoké! Et la chanson de la fin! Aaaaah!!!

Insaisissables 3 de Ruben Fleischer (2025)

Étant donné que je déteste la prestidigation, je n'avais pas prévu de voir ce film. Mais pour une fois que mon copain allait au cinéma, je me suis jointe à lui. Et j'ai plutôt bien fait, car j'ai trouvé le film très sympathique. J'ai quelques critiques, certes, mais ça se regarde avec plaisir et les tours sont sympas. Et toute la partie dans le château... Je veux vivre dans un château comme ça... 🥹🥹

Du côté des séries

Toujours rien. Autour de Halloween, je misais vaguement sur ma famille spirituelle – les Addams 🕸️ – pour me motiver à dégager du temps pour les séries. Mais non. La triste vérité est que je préfère regarder des vidéos lifestyle ou cheval qui ne demandent ni effort intellectuel, ni le moindre suivi d'une vidéo à l'autre.

Et le reste

J'ai lu le Canard enchaîné du 12 novembre, que j'ai trouvé moins drôle que d'autres fois. L'article sur l'extrême-droite en Bretagne m'a carrément fait flipper. D'autres articles, comme celui sur la prétendue rivalité entre Zucman et d'autres économistes, m'ont semblé tordre la réalité.

En fin de mois, j'ai lu mon Cheval Magazine, comme d'habitude. J'en retiens l'interview de Laura Collett, qui fait du concours complet (une discipline encore très majoritairement masculine) à très haut niveau, et les rubriques tourisme qui font rêver. 🥹

jeudi 27 novembre 2025

Traduction vers le rose (2023)

Chronique express!

Dans cette nouvelle publiée aux éditions 1115, Esmée Dubois met en scène un royaume assailli par un froid soudain, où certaines femmes, qui ne ressentent pas le froid et sont donc dites Insensibles, peuvent apprendre à traduire le froid. Malgré une description précise, je n'ai pas bien compris le processus, mais, en gros, elles saisissent le froid dans l'air, un peu comme de l'humidité, et elles le posent sur un papier de couleur rose, dont on peut ensuite tirer de la chaleur. D'où le titre du texte, Traduction vers le rose. Chaque chapitre donne la parole à une femme différente, ce qui permet de reconstituer l'arrivée de ce froid terrible et la mise en place du métier de Traductrice et d'un autre métier indispensable au transfert de la chaleur vitale pour le royaume.

Le récit est très réussi dans la révélation progressive des rouages du système et des relations entre femmes. Par exemple, la protagoniste du premier chapitre est la sœur de celle du deuxième chapitre et la formatrice de celle du troisième chapitre. En revanche, j'ai eu du mal à suivre certaines parties, comme la traduction du froid vers le chaud, et je n'ai pas vraiment compris le sens de la fin. Ça m'a semblé un peu conceptuel et expérimental pour moi, en quelque sorte. Mais je dois dire que j'ai lu ce texte dans de mauvaises conditions, en m'endormant dessus plusieurs soirs d'affilée malgré sa petite taille, et qu'il gagne sans aucun doute à être lu d'une traite! Il a d'ailleurs été récompensé par le Grand Prix de l'imaginaire en 2024, dans la catégorie Nouvelle/novella.

Allez donc voir ailleurs si ce rose y est!
L'avis de Vert (qui me prête des tas de trucs – merci!)

samedi 22 novembre 2025

Au cœur des Méchas (2024)

Chronique express!

"Vous êtes là pour le combat, vous aussi ? Pour voir le Mécha se battre ? On peut attendre ensemble, si vous voulez. C'est votre premier ? Pas moi. Je suis comme qui dirait une habituée."
C'est sur ces mots que s'ouvre cette nouvelle de Denis Colombi. En attendant qu'un Mécha et un Titanide se tapent dessus, une femme raconte tranquillement sa vie à un inconnu dans le public. Le fait qu'elle soit "une habituée" est un léger euphémisme: elle a carrément travaillé durant des années DANS des méchas, avec toute l'équipe technique qui veille à faire tourner ces grosses machines qui défendent la Terre contre l'invasion de créatures gigantesques.

J'avais repéré ce texte chez le Chien Critique grâce à une interview de l'auteur, et c'est une franche réussite. Évidemment, le sujet des Méchas parle à l'hystérique de Pacific Rim qui sommeille en moi, mais, au-delà de ça, tout est très bien fichu: le ton oral qui est naturel mais passe bien à l'écrit, le parcours et l'évolution de la protagoniste, la manière dont on commence à comprendre que quelque chose cloche et dont la perception des Méchas évolue au sein de la société, les sujets sociaux abordés, l'aspect humain dans la machine gigantesque (le Mécha à proprement parler, mais aussi le système administratif et technique derrière), et même l'aspect "autre" des Titanides, qui sont très peu décrits mais ont néanmoins beaucoup de consistance. Un condensé de bonnes choses, en somme, vu que le texte fait à peine 74 pages en petit format! J'ai adoré et je l'ai lu d'une traite. Remercions donc Vert pour ce prêt, retenons un auteur à suivre et félicitons l'éditeur, 1115!

Allez donc voir ailleurs si ces méchas y sont!
L'avis du Chien critique
L'avis de Vert