vendredi 25 juillet 2025

XY, De l'identité masculine (1992)

Chronique express!

Je suis tombée sur ce vieil essai d'Elisabeth Badinter dans une boîte à livres. Je n'avais que de très vagues notions sur cette féministe et je n'aurais sans doute pas fait la démarche de lire cet ouvrage si j'avais dû l'acheter, mais là, évidemment, je n'ai pas hésité.

Ma lecture n'a pas été très enthousiasmante pour plusieurs raisons. Déjà, c'est beaucoup trop pointu pour moi, qui n'en ai, en réalité, rien à faire, de l'identité masculine; c'est d'ailleurs pour ça que j'ai lâché le podcast Les couilles sur la table après deux ou trois épisodes seulement. 😜 Ensuite, il y a pas mal de notions de psychanalyse qui m'ont un peu perdue ou que je trouve fumeuses; je trouve notamment que certains font peser trop de poids sur les premières années de la vie ou le comportement des parents. (Je suis en cela tout à fait incohérente, puisque je me dis tous les jours que, avec les parents que le hasard m'a collés, il n'est pas étonnant que je sois aussi mal barrée...) Ce que j'ai trouvé intéressant, en revanche, c'est prendre conscience que l'identité masculine ne va pas de soi, dans la plupart des cultures: un garçon doit souvent prouver qu'il est un homme par un rite d'initiation ou par certains comportements, tandis que les filles deviennent des femmes automatiquement. Cela donne des tas de névroses de mecs qui doutent d'être des mecs. Que tout cela soit lié à la coupure avec la mère me semble plus douteux, en revanche.

L'ouvrage évoque aussi l'homosexualité masculine, et j'ai été ravie de découvrir que Freud n'y voyait pas du tout une maladie (il a même écrit "mais je ne peux pas le soigner, votre fils, il n'est pas malade" à une femme lui demandant de soigner son fils homosexuel... ^^). Puis Elisabeth Badinter présente un "homme réconcilié", qui serait capable de dépasser cette culture masculine traditionnelle pour embrasser aussi des valeurs traditionnellement féminines dans une société plus juste. Je l'ai parfois trouvée bien optimiste sur le fait que la patriarcat d'hier a pris du plomb dans l'aile grâce au féminisme, surtout qu'elle a écrit ce livre il y a trente ans, mais il est vrai que certaines choses changent.

Bref, une lecture assez ennuyeuse et pas pleinement convaincante, mais dont j'aurai retenu tout de même quelques idées.

dimanche 20 juillet 2025

I Am Malala (2013)

Avant de lire ce livre, j'avais la très vague idée d'avoir déjà entendu parler d'une certaine Malala, que j'associais tout aussi vaguement à l'Afghanistan. Le fait de voir le livre dans la bibliothèque d'une amie a constitué la bonne occasion de parfaire un peu ma culture, et je remercie l'amie en question de me l'avoir prêté!

Bon, en fait, Malala Yousafzai n'est pas afghane, elle est pakistanaise. Mais mon erreur n'était pas totalement insensée, nous le verrons.

Pour lire son autobiographie, j'ai stratégiquement commencé... par la fin, c'est-à-dire par le lexique et le résumé des grands évènements de l'histoire du Pakistan. Le lexique n'est pas vital. En revanche, le point historique m'a été très précieux. Bien que certainement déjà très résumé, il présente un pays dont l'histoire est plus que mouvementée depuis sa création en 1947, avec bien peu de stabilité politique interne et des relations internationales un chouïa tendues – les affrontements avec l'Inde ont d'ailleurs fait la une de l'actualité récemment.

Je n'ai pas retenu grand-chose, si ce n'est que le Pakistan se composait au début de deux régions, le Pakistan Occidental et le Pakistan Oriental, et que ce dernier État a pris son indépendance en 1971, devenant ainsi... le Bangladesh. Voilà. Ça m'a marquée. Je n'avais aucune idée que le Bangladesh avait à peine cinquante ans d'existence.

(Nan mais déjà, répartir les gens dans des pays en fonction de leur religion, comme dans le cas de la partition Inde-Pakistan, ça me tue. Mais en plus, découper ces pays de telle sorte qu'il y a des bouts du pays de l'autre religion entre deux bouts, comme ici le Pakistan Occidental et le Pakistan Oriental qui étaient séparés par un énorme bout d'Inde, ça me tue encore plus. On a envie de créer les guerres de demain ou quoi?)

Bref bref bref. Malala Yousafzai nait en 1997 dans la vallée de Swat, au nord-ouest du Pakistan tel que nous le connaissons aujourd'hui (l'ex-Pakistan Occidental du temps où il y en avait deux, pour ceux qui essayent de suivre 😜). Elle va à l'école dans l'établissement fondé par son père, elle se dispute avec ses deux frères, elle a une meilleure amie, elle adore regarder sa série préférée. Bref, elle décrit un quotidien d'enfant assez classique, avec toutefois une grande passion pour l'apprentissage scolaire.

Les relations entre hommes et femmes sont déjà très encadrées à cette époque et on ne peut pas dire que la région soit très moderne, mais la situation dégénère à partir de 2007, lorsque les Talibans arrivent et propagent leur discours extrémiste. Personnellement, j'ai du mal avec une société où les femmes mangent séparément des hommes et peuvent être mariées dès l'adolescence, mais par rapport aux Talibans qui posent des bombes dans les écoles pour filles parce que les filles ne doivent recevoir absolument aucune éducation, il y a un certain écart... 👀👀👀

Le père de Malala était très engagé contre les Talibans. Il a pris la parole contre eux et a essayé de défendre la région auprès du gouvernement central, à Islamabad, qui est intervenu militairement (comme toujours, ça a donné des années de guerre, des centaines de milliers de déplacés, les joyeusetés habituelles). Malala a progressivement pris la parole avec son père afin de défendre son droit à l'éducation. Elle adorait l'école et n'avait aucune intention d'abandonner son apprentissage parce qu'on lui interdisait d'étudier. Elle a acquis une certaine notoriété et elle a même tenu un blog pour la BBC! Hélas pour elle, cela n'a pas plu aux Talibans, qui l'ont désignée comme cible. En octobre 2012, deux hommes ont fait feu sur elle dans le car qui la ramenait chez elle après l'école.

C'est sans doute à cette époque que j'ai entendu parler d'elle et que je l'ai associée à l'Afghanistan. J'ai probablement entendu "taliban" et pensé "Afghanistan". Hélas, ces sinistres individus ne se limitent pas à un seul pays...

Heureusement pour elle (et pour nous!), Malala n'est pas morte! Il a fallu de longs soins en Angleterre, mais elle s'en est sortie. Cette tentative d'assassinat sur une jeune fille défendant l'éducation des filles a même attiré encore davantage l'attention internationale sur elle.

Malala Yousafzai a écrit ce livre en collaboration avec Patricia McCormick et, même si elle parle beaucoup de dieu (auquel je ne crois pas) et si je me suis demandée si elle ne forçait pas un peu le trait en disant des choses du genre "à dix ans, j'étais déterminée à changer l'avenir de mon pays", son histoire constitue une belle leçon de vie. J'admire sans retenue les gens qui continuent à faire quelque chose malgré le danger. Pour nuancer un peu mon propos et être honnête, je comprends les gens qui n'interviennent pas. Ici, par exemple, je comprends très bien les parents pakistanais de la région de Swat qui ont retiré leur fille de l'école par peur qu'elle y laisse sa peau. Je pense que je ferais comme eux. Mais les gens qui prennent le micro! Qui dénoncent!! Quelle force morale!! Malala s'est pris une belle dans la tête à quinze ans et elle a quand même pris la parole à l'ONU, quoi. Elle a dit à Barack Obama qu'elle n'aimait pas les attaques de drones américains sur le territoire pakistanais!! Vous imaginez la droiture qu'il faut avoir!!

Malala Yousafzai a eu le prix Nobel de la paix en 2014, avec Kailash Satyarthi, qui a aussi beaucoup œuvré en faveur de l'éducation. J'aimerais dire "treize ans plus tard, les Talibans n'ont toujours pas eu sa peau" sur un ton moqueur, comme si ces minables avaient tout raté, même si le fait qu'elle n'habite plus au Pakistan y est sans doute pour quelque chose. Hélas, le désastre récent de l'Afghanistan m'en empêche... :(

mardi 15 juillet 2025

Les miracles du bazar Namiya (2012)

 

Une nuit, trois petits voleurs tombent en panne de voiture et n'ont d'autre choix que de se planquer dans un bazar abandonné. Bizarrement, quelqu'un glisse une lettre à travers une fente dans le rideau métallique pour demander un conseil. Après avoir trouvé une vieille revue qui les informe que le bazar a été célèbre, en son temps, parce que le propriétaire répondait à de telles demandes de conseil, les trois compères répondent à la lettre même s'ils ne sont pas du tout le propriétaire. Mais le courrier suivant de leur interlocutrice arrive bien trop vite, et ils ne tardent pas à se rendre compte que cette personne ne semble pas vivre à la même époque qu'eux.

Au fil de  cinq parties se passant à des époques différentes, Keigo Higashino trace plusieurs portraits de personnes assez lambdas, qui sont face à un choix difficile dans leur vie et sollicitent l'aide du bazar Namiya pour y voir plus clair. Parfois, le conseil qu'on leur prodigue ne leur plaît pas, alors elles insistent pour défendre leur point de vue, à tel point que le roman émet l'hypothèse que leur décision est prise et qu'elles veulent juste être confortées dans cette décision. (Hmmm. Moi, parfois, je demande conseil parce que j'espère bénéficier d'un regard plus acéré que le mien, qui me montrera tout ce que j'avais raté.) Parfois, elles croisent la route les unes des autres sans le savoir. Ces petits détails forment un puzzle très sympathique à reconstruire, jusqu'à ce qu'on en revienne à nos petites frapes du début dans la dernière partie.

D'un certain côté, le fait que les personnages se croisent et qu'on réfléchisse à la notion de choix m'a fait penser à Tant que le café est encore chaud de Toshikazu Kawaguchi, mais le style est bien meilleur. :D

Pour être tout à fait honnête sur le style, ce roman m'a tout de même posé quelques petits soucis, notamment dans l'usage des pronoms. Exemple pour les pronoms personnels: des "elle" ou "il" qui apparaissent brusquement alors qu'aucun personnage n'a été mentionné depuis plusieurs paragraphes, ce qui me fait toujours pas mal tiquer. Exemple pour les pronoms possessifs: des "son chat" et "son père" dans la même phrase, alors qu'ils ne renvoient pas à la même personne (disons que le chat appartient à Mathilde et le père appartient à Trucbidule.) Bon, je chipote, c'est vraiment une remarque de rédactrice, et je sais que les trois quarts des gens ne comprennent même pas de quoi je parle – c'est d'ailleurs difficile à expliquer. Dans l'ensemble, c'était très bien. Une lecture claire et plaisante, parfaite pour un roman assez feel-good au final. C'est Sophie Refle qui est à la traduction, et elle est Madame Keigo Hisashino chez Actes Sud: j'ai l'impression qu'elle a traduit absolument tout ce que Actes Sud a sorti de cet auteur.

Allez donc voir ailleurs si ce bazar y est!
L'avis de Baroona
L'avis de Ksidra
L'avis de Tigger Lilly

jeudi 10 juillet 2025

Les BD du deuxième trimestre 2025

Comme d'habitude, retour sur les lectures graphiques du trimestre!

Batman City of Madness de Christian Ward, traduit de l'anglais par Mathieu Auverdin (2024)

Sous la Gotham que nous connaissons s'étend une autre Gotham, la Gotham d'en bas. Entre les deux, un portail que la Cour des Hiboux garde soigneusement. Et puis, un jour, quelque chose traverse...
Cette réinterprétation lovecraftienne de Batman est très réussie. La fin laisse peut-être un peu à désirer, mais toute la mise en place prend son temps pour poser une ambiance et suggérer l'étrangeté de ce qui se passe. Et les visuels! Les visuels! L'usage de ces couleurs très vives, mais très nuancées, sur un fond noir, est magnifique. Juste pour ça, c'est probablement la lovecrafterie la plus réussie que j'aie croisée. Ajoutez-y pas mal de poses ultra cool et des Hiboux mystérieux à souhait et ça marche du tonnerre!
(Même s'il m'est d'avis que ces "Hiboux" sont plutôt des Chouettes, et que la première traduction vers le français a été faite sans que le comics d'origine ne permette de trancher de quels types de "owls" on parlait, mettant ensuite les traducteurs dans une situation délicate... 👀)
Éditeur: Urban Comics

Sous les arbres de Dav (2019-2022)

Quatre albums merveilleux dont je ne me lasserai jamais 🌼💐🌸⚽🍂❄️
Éditeur: Les Éditions de la Gouttière

Bootblack de Mikaël (2019 et 2020)


Après m'avoir fait découvrir Giant l'année dernière, Baroona m'a cette fois informée de l'existence de Bootblack, nouvelle plongée dans la New York de la première moitié du siècle, entre immigration et pauvreté. C'était absolument super. J'ai juste été un peu gênée par quelques allers-retours dans le temps, car un récit plus linéaire me convient mieux. Mais les dessins sont oufissimes et le propos me parle, bien que l'histoire soit plutôt tragique. Et on en parle, de ces couvertures? 🤩
Éditeur: Dargaud

Libres d'obéir de Johann Chapoutot (scénario) et Philippe Girard (dessin) (2025)

J'ai lu en avant-première cette bande dessinée qui paraîtra en août prochain, car mon copain est rentré absolument enthousiaste d'une présentation aux libraires. Il m'a parlé nazisme et management et, pendant dix minutes, j'ai cru qu'il était prêt pour me rejoindre dans la lecture du Monde Diplomatique. 😂😂 Moi, je n'ai pas trop aimé: j'ai trouvé que l'écriture était parfois difficile à lire et que certaines notions – ou plutôt certains liens entre notions – n'étaient pas convaincants ou pas clairs. En gros, l'auteur fait le lien entre certaines caractéristiques du nazisme et celles du management moderne à travers la figure de Reinhard Höhn, ancien nazi et fondateur d'une école de management auquel il a consacré un essai, ici adapté en BD. Le refus nazi de l'État traditionnel et de l'administration, au profit de la force des travailleurs unis par la race, serait semblable au refus des règles au profit d'employés libres d'adopter n'importe quel moyen pour atteindre leur objectif au bureau. En parallèle, on voit le quotidien d'une cadre dans une grande entreprise qui passe son temps à lui parler du bonheur au travail tout en la broyant dans la machine.
Éditeur: Casterman

samedi 5 juillet 2025

La gamelle de juin 2025

Comme d'habitude, retour sur les activités culturelles du mois écoulé. 😊

Sur petit écran

Shanghai Kid de Tom Dey (2000)

 

Le scénario de ce western avec des arts martiaux est bien balisé et classique, mais l'ensemble offre un divertissement très efficace. On n'est quand même pas sur la réussite absolue d'un Pirate des Caraïbes, ok, mais c'est très drôle, bien emmené, bien monté, bien mis en musique, bien fait. Jackie Chan se bat avec joie et est très drôle; Owen Wilson a un rôle sur mesure de beau gosse à la fois imbu de lui-même et complètement à côté de la plaque. Comme je comprends que j'aie été folle amoureuse de lui quand j'avais quinze-seize ans... 😊

Évolution d'Ivan Reitman (2001)

Ici aussi, une vraie pépite de divertissement, mais science-fictif cette fois. J'adore encore ce film comme au premier jour, c'est fou! Les effets spéciaux vieillissent très bien, l'histoire est sympa et cohérente, les acteurs sont super. J'ai un peu de mal à croire que j'aie été amoureuse de Sean William Scott quand j'avais quinze-seize ans, mais c'est vrai que la scène du micro est la meilleure de tout le film. 🤩 Aujourd'hui, toutefois, je suis plus sensible au charme ravageur d'un David Duchovny tout en finesse... 

Sur grand écran

Le Seigneur des Anneaux – La Communauté de l'Anneau de Peter Jackson (2001)

Quel film! Mais quel film! Et quel plaisir de le revoir sur grand écran, et en version longue qui plus est! Je suis joie, je suis bonheur! 🤩🤩🤩 Et comme je comprends que j'aie été folle amoureuse de Legolas quand j'avais seize ans...

Skyfall de Sam Mendes (2012)

J'avais envie de revoir ce film en partie pour la musique, en partie pour l'Écosse et en partie, surtout, pour Judy Dench. J'ai un peu déchanté en trouvant le début relativement convenu, et en redécouvrant que le méchant est ici Javier Bardem, un acteur que je déteste – et qui joue par-dessus le marché un personnage que je déteste. Mais il y a du bon, tout de même, et j'ai été plus emballée par la fin, avec le discours de M et la partie en Écosse. Je veux y retourner!!!!

F1 de Joseph Kosinski (2025)

Des mâles en combinaison et des bagnoles pas belles filmées d'une manière qui n'a aucun intérêt. Et une bonne heure de valorisation de la triche, mesdames et messieurs! De la TRICHE!! Quel enfer! Mais quel enfer! J'ai agonisé durant toute la séance. Même Brad Pitt n'a rien pu sauver à mes yeux. Putain, pourquoi ils n'ont pas fait tourner ce film à Michael Bay, sérieux? Il aurait rendu ça canon, lui. Bon, au moins, j'ai trouvé Javier Bardem supportable... 😂 Et le truc cool avec ce réa, c'est qu'il met de nouveau en scène une histoire d'amour et d'attirance physique entre des adultes et pas des jeunots, comme dans Top Gun 2. Mais bon, après vérification, Brad Pitt et Kerry Condon ont plus de vingt ans d'écart...

Du côté des séries

Ça fait officiellement un an que je n'ai rien regardé du tout. J'ai terminé les épisodes de la série Dinosaures en mai 2024, puis j'ai regardé les bonus en juin. (Une heure cumulée, les bonus, à mon avis. Mais ça compte.) Je n'ai jamais trouvé l'énergie et la cérébralité nécessaires pour chroniquer cette série pourtant brillante, et je n'ai pas davantage d'énergie pour envisager d'en regarder une autre. Mais espérons, espérons.

Et le reste

J'ai lu Le Monde Diplomatique de juin. Ils sont mignons, à critiquer les influenceurs; on dirait qu'ils découvrent le XXIe siècle. 🥹 Puis, comme d'habitude, j'ai lu mon Cheval Magazine. Jean-Louis Gouraud était vent debout contre les animalistes... 😜😜😜

lundi 30 juin 2025

La Petite Roque (1886)

Les lecteurs réguliers de ce blog le savent, je suis une grande amatrice de Guy de Maupassant, que je lis toujours avec le même plaisir et le même émerveillement. Ce nouveau recueil, paru la même année que Toine, a confirmé, pour la trente-six millième fois, combien j'aime cet auteur et combien je le trouve uniformément bon.

Ce volume regroupe dix nouvelles, toutes issues de sa veine réaliste. La femme, l'adultère et le sexe y sont un peu moins prégnants que dans les deux derniers recueils que j'ai lu.

La petite Roque: on démarre fort avec le viol et le meurtre d'une enfant de douze ou treize ans, la petite Roque qui donne son nom au texte et au recueil. Horrible, évidemment. Bien que réaliste, il s'agit presque d'une histoire de hantise.

L'épave: changement complet de décor ici, puisque l'histoire se passe à bord de l'épave d'un navire échoué au large de la Vendée. L'histoire est assez simple; c'est vraiment le lieu qui fait le charme du texte.

L'ermite: une histoire très gloups-gloups, qui m'a rappelé le film Old Boy.

Mademoiselle Perle: un très beau texte sur un amour impossible, avec des personnages foncièrement gentils et un passage presque surnaturel où l'on entend un chien hurler pendant une nuit enneigée. Je me suis souvenue l'avoir lu lors de ma toute première rencontre avec Maupassant, au collège. Je l'ai lu, cette fois, le jour où j'ai réservé ma nouvelle voiture.

Rosalie Prudent: le témoignagne affreux d'une femme jugée pour infanticide. Ça fait froid dans le dos et me semble confirmer que Maupassant avait bien compris combien les femmes partaient perdantes dans sa société.

Sur les chats: un texte contrasté, qui commence par une scène d'une cruauté épouvantable et se termine par une nuit nettement plus sympathique. C'est peut-être un peu paresseux pour le génie de Maupassant, d'autant qu'il y cite deux fois des vers de Beaudelaire, ce qui fait pas mal pour un texte de seulement sept pages. Il me semble qu'il a écrit un autre texte du même genre, mais qui pousse plus loin l'élément de la visite nocturne d'un chat. Mais enfin, c'est quand même très bien, vu qu'on y parle de chats. 😼😼

Madame Parisse: ah, là, on retrouve la femme aimée et l'adultère, une constante chez Maupassant. C'est un texte assez rigolo, somme toute.

Julie Romain: un texte nettement plus triste, où le narrateur raconte sa rencontre avec une actrice autrefois célèbre, qui vit à présent seule et recluse. Le temps qui passe, mes amis, le temps qui passe... 💔

Le père Amable: l'histoire d'un paysan radin et méfiant, furieux de voir son fils se marier avec une femme qui a eu un enfant hors mariage. Je sentais venir la catastrophe, bien sûr, mais la catastrophe finale n'a pas été celle que j'imaginais. Merci, Guy, pour cette dernière phrase qui clot le recueil sur une petite note bien sombre et un peu dégueu. 😅😅

Et voilà. Du grand art, comme d'habitude. Maupassant était un génie.

Le petit truc en plus que je ne veux pas oublier: cette édition du livre de poche, qui semble dater de 1968, m'a coûté 90 centimes en bouquinerie et a visiblement appartenu à quelqu'un qui l'a utilisé comme support d'étude, car il y avait quelques pages annotées. C'était très mignon.

mercredi 25 juin 2025

Du thé pour les fantômes (2023) 🍵

Du thé? Des fantômes? Avec un titre pareil, ce roman de Chris Vuklisevic a attiré mon attention dès que je l'ai vu passer dans les chroniques des amis. Et qu'est-ce que j'ai bien fait de le lire! J'ai tout simplement adoré.

L'histoire est celle de deux sœurs, Agonie et Félicité. Elles ne se sont pas vues depuis trente longues années, mais, lorsque leur mère meurt, Félicité prévient Agonie (en utilisant pour cela des feuilles de thé dans une tasse!!!) et Agonie revient sur les lieux de leur enfance, dans les montagnes aux alentours de Nice. Avec Félicité qui voit les fantômes et utilise des thés aux propriétés presque magiques, et Agonie qui fait naître des phalènes dès qu'elle ouvre la bouche et pousser des fleurs carnivores dès qu'elle crache par terre, on se doute que l'enquête sur le passé de leur mère va sortir de l'ordinaire.

J'ai deux petites réserves à faire à ce roman. D'une part, le fait que l'histoire soit racontée par un narrateur tiers, qui la tient lui-même des deux sœurs, ne m'a pas semblé apporter un plus; ça fait un petit effet "approchez-vous et écoutez-moi", ok, mais cela ne m'a pas semblé vital. D'autre part, la résolution de l'intrigue comporte un élément qui ne m'emballe pas ([divulgâcheur]: en gros, la mère horrible a elle-même eu une enfance horrible, ce qui ne me semble que "renvoyer le problème dans le passé" [fin du divulgâcheur]).

Mais bon, à part ces deux bémols, qui relèvent de préférences à moi et non d'un manque de maîtrise de l'autrice, ce roman est excellent, et allie une solidité et une complexité d'intrigue de haut vol – dans lesquelles le moindre détail compte, c'est bonnement hallucinant – à un univers magique absolument délicieux (le thé!! la notion de "théières sauvages"!! C'est comme l'écharpe dans La Passe-Miroir!!) et à une langue extrêmement soignée et bien choisie. Trois atouts de taille qui rendent la lecture addictive. En plus, l'histoire est pleine d'humanité et bizarrement réconfortante, bien qu'on y parle essentiellement d'une famille tragique.

Franchement, chapeau à Chris Vuklisevic pour avoir créé quelque chose d'aussi fin et frais dans son originalité. Ces personnages et ces pouvoirs ne ressemblent à rien de ce que j'ai pu lire ailleurs, et, même si j'ai lu l'ensemble avec entrain, heureuse de replonger dedans pour retrouver les personnages et curieuse de connaître la fin, j'ai un peu regretté d'arriver au bout du voyage, car j'aurais bien aimé rester là plus longtemps. Même le fait que ça se passe à Nice, sur une côte méditerranéenne qui, en soi, ne m'envoie pas du tout du rêve, est ici un plus à la fois charmant, drôle et plaisamment mystérieux, voire légèrement inquiétant. (Un peu comme Timothée Rey qui fait de l'horreur lovecraftienne en Savoie dans La providence du reclus, ou Carlos Ruiz Zafon qui noie Barcelone sous la brume dans L'Ombre du vent: soudain, les lieux ne sont plus du tout les mêmes.)

La couverture, réalisée par Cécilia Leroux, prend tout son sens au fur et à mesure qu'on y reconnaît des éléments du livre, ce qui ajoute au plaisir.

Je finirai par citer l'excellent Baroona, qui évoque dans son article "un sublime passage à deux voix, aussi réussi sur le fond que sur la forme, qui dit parfaitement les rancoeurs et les points de vue différents que deux personnes peuvent acquérir, sans que l'une ait plus raison que l'autre. C'est un point de bascule pour moi mais ce n'est pas une rupture, c'est seulement l'aboutissement - le premier aboutissement - d'une grande maitrise de la part de Chris Vuklisevic dans sa construction du récit." Moi aussi, ce passage m'a marquée! Je l'ai lu d'un souffle.

Bon, évidemment, je suis un peu jalouse de Chris Vuklisevic. Car notre âge et, de ce que j'en vois, certains de nos intérêts nous rapprochent, mais qu'elle est, comme Samantha Bailly et Louise Le Bars, de celles qui ont réussi, qui ont vu un autre monde et qui ont écrit cet autre monde – et avec talent. Moi, je suis là comme une bouffonne avec ma phrase de fiction du matin et ma phrase de fiction du soir qui ne vont nulle part, et c'est comme imaginer une fourmi qui croirait qu'elle pourra, à force d'abdos, devenir un tyrannosaure. Mais bon, comme je dis tout le temps, c'était encore pire quand je n'écrivais même pas une phrase...

Allez donc voir ailleurs si ces fantômes y sont!
L'avis de Baroona
L'avis de Shaya
L'avis de Vert

vendredi 20 juin 2025

The Hammer of God (1993)

Aujourd'hui, on décolle avec Arthur C. Clarke!! 🤩🤩🤩🚀🚀🚀

Après un long voyage, le capitaine Robert Singh et son vaisseau, le Goliath, arrivent à destination. Face à eux, Kali, un astéroïde. Un astéroïde qui doit son nom à la déesse de l'hindouisme, celle qui porte une ceinture de crânes. Car cet astéroïde fonce droit vers la terre, et, si rien n'est fait, l'humanité est très, très mal barrée.

La mission du Goliath: dévier Kali de sa trajectoire actuelle.

Le roman s'articule en sept parties. L'action principale se situe en 2109, mais au moins la moitié des chapitres se situent avant, ce qui permet de reconstituer la vie de Robert Singh depuis sa participation au tout premier marathon sur la Lune. Le tout premier marathon sur la Lune, vous imaginez!! Dingo!! On assiste aussi à la mise en place de SPACEGUARD, un système de détection des corps célestes baptisé "en référence à un obscur roman" (figurez-vous que Clarke s'auto-référence en parlant de Rendez-vous avec Rama, excusez du peu 🤣🤣🤣), et on voit toute l'évolution de la société mondiale, notamment avec l'apparition du chrislam, puis la détection de Kali et le lancement de la mission du Goliath.

Nombre de ces chapitres mettant en scène des personnages qu'on ne retrouve pas plus tard, j'ai eu un peu de mal à tous les cerner, mais Arthur C. Clarke a un vrai talent pour leur donner vie en quelques pages et les caractériser. Mon problème est surtout que je n'ai aucune mémoire des prénoms, alors je passe mon temps à me dire "mais je l'ai déjà vu, lui, ou non?".

Sinon, tout est passionnant, comme d'habitude. L'humanité a mis en place un gouvernement mondial unique, il n'y a plus de guerres, et elle a colonisé la Lune et Mars (et dans ce dernier cas, elle a même commencé la terraformation). Il y a plein d'explications scientifiques rationnelles distillées avec simplicité. De l'humour. Et un suspense très sympathique, même si, connaissant Clarke, j'étais confiante quant au fait que ça ne finirait pas trop mal. (Ai-je eu raison? À vous de lire le roman pour le savoir.)

Le ton est donné dès la première page:

"All the events set in the past happened at the times and places stated; all those set in the future are possible.
And one is certain.
Sooner or later, we will meet Kali."
Tenez-vous-le pour dit. 👀

Bon, évidemment, une histoire d'astéroïde tueur, ça fait tout de suite penser à Armageddon, et [divulgâcheur] figurez-vous que l'option de la bombe atomique est bel et bien tentée dans ce roman, dans l'idée de péter l'astéroïde en deux, sauf que ça ne va pas se passer comme prévu 🤣🤣🤣 [fin du divulgâcheur]. Je ne saurais dire si le film est inspiré du roman, mais enfin c'est rigolo, quand même, surtout que le roman est sorti seulement quelques années plus tôt. En revanche, ce roman a bel et bien, quoique temporairement, inspiré le film Deep Impact: d'après Wikipédia, le film est devenu tellement différent du roman que le roman n'est même pas crédité dans le film. Lol. 

Comme toujours, ce bouquin est un régal jusque dans les remerciements.

Bref, je conclurai comme d'habitude, en disant que Clarke était un génie. Lisez Clarke!