lundi 8 décembre 2014

Contes fantastiques (1875-1890)

Maupassant est probablement mon écrivain français préféré après Zola. Le fait que j'aie étudié deux fois ses œuvres pendant ma scolarité (en quatrième et à la fac) y est peut-être pour quelque chose, mais c'est surtout son écriture parfaite et incisive, sa maîtrise unique du format de la nouvelle et sa vision du fantastique qui me séduisent.

Le fantastique de Maupassant, en effet, ne met pas en scène de créatures surnaturelles ou de magie à proprement parler, mais "juste" du ressenti et de l'inexpliqué. Une différence primordiale qui amène, en plus de la fascination pour ces choses mystérieuses, la petite inquiétude refoulée que j'aime tant. Parce qu’on ne sait jamais où l’on est exactement, face à quelque chose de tout à fait anormal ou une hallucination, une idée sortie de notre tête; et qu'on ne sait pas vraiment laquelle des deux solutions est préférable. Il est très, très facile de s’identifier au ressenti du narrateur; ici, tous les textes sont à la première personne et, pour une fois, je trouve que c’est un vrai atout pour plonger immédiatement dans le récit. Et avec Maupassant, on sait que la folie n’est jamais loin.


Le recueil Contes fantastiques réunit trente-quatre nouvelles publiées par Maupassant entre 1875 et 1890. Comme toujours, mon idée est qu’il ne faut pas lire les recueils trop vite, de peur de se lasser: même si Maupassant est le roi du format en question, je pense qu’on frôlerait l'indigestion en lisant les trente-quatre d’affilée! Pour ma part, en prenant le temps de savourer mes lectures, je lis du Maupassant tous les ans avec le même bonheur.

Quelques mots sur les textes les plus marquants.

La main d’écorché: Déjà lue au moins dix fois, mais toujours aussi savoureuse. Courte et efficace, cette nouvelle est vraiment *le* texte à lire si on redoute un peu d’aborder Maupassant. Je rêve complètement de m'acheter une main "affreuse, noire, sèche, très longue et comme crispée", moi aussi.

Sur l’eau: L’histoire d’un canotier qui arrête sa barque, une nuit, pour profiter du paysage. Cette nouvelle est vraiment remarquable pour son atmosphère hors du temps/coupée du monde et glaçante. Lue au moins dix fois aussi, je l’adore.

La légende du mont Saint-Michel: Un texte amusant sur la manière dont le Diable et Saint Michel se sont partagé les terres autour du célèbre mont.

La mère aux monstres: L’histoire bien triste d’une femme qui accouche d’enfants plus difformes les uns que les autres, pour une raison épouvantable.

La chevelure: Un autre grand, grand classique qui fait toujours son petit effet. Si un ami vous demande un jour d’aller récupérer des papiers dans sa demeure au fond des bois, soyez prudents. En fait, n'y allez pas.

Sur les chats: Un petit interlude sur ces sympathiques bestioles dans un cadre mystérieux qui fait rêver. À lire absolument.

Le Horla: Une nouvelle qui a fait l’histoire. Encore une que j’ai déjà lue dix fois et dont je ne me lasse tellement, tellement pas! J’adore. Le format du journal intime est vraiment adapté, en outre, pour voir la progression dans la vie de cet homme qui sent un jour une présence dans sa demeure au bord de la Seine. Notons que ce recueil propose la version connue de ce texte, mais aussi une première version écrite quelques années plus tôt. La comparaison est très intéressante.

L’endormeuse: Une nouvelle tout à fait différente des autres. C’est une apologie du suicide. Je l’ai lue en pleine insomnie, vers cinq heures du matin, un jour (enfin, une nuit) où ça n’allait pas fort, et j’en suis sortie assez bouleversée. Mais c’est justement (aussi) pour cela que j’aime Maupassant: il n’avait pas peur de voir l’épouvantable réalité pour ce qu’elle est. Et de dire que, oui, parfois il vaut mieux en finir. "Comme je les ai compris, ceux qui, faibles, harcelés par la malchance, ayant perdu les êtres aimés, réveillés du rêve d'une récompense tardive, de l'illusion d'une autre existence où Dieu serait juste enfin, après avoir été féroce, et désabusés des mirages du bonheur, en ont assez et veulent finir ce drame sans trêve ou cette honteuse comédie."

On le sait et l'extrait ci-dessus le prouve avec brio, les textes de Maupassant ne sont jamais très gais. Contes fantastiques n'est donc pas une lecture légère, mais c'est très certainement une lecture à faire! Si vous aimez les bonnes plumes et les mystères, n'hésitez pas.

8 commentaires:

  1. Je me souviens du Horla, une grande nouvelle ! Je ne sais plus ce que j'ai lu de lui en plus mais c'est effectivement un très bon auteur.
    Moi aussi j'adorais Zola.

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  2. Moi je l'ai lu que dans un cadre scolaire et comme c'était pas du fantastique ça m'a pas passionné outre mesure à l'époque. Faudrait que je m'y intéresse à nouveau ^^

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  3. Je l'ai lu pas mal quand j'étais ado. Mon frère a fait son travail de fin de secondaire de français dessus ! Mais il m'a moins marqué que Zola.

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    1. Ha trop fort! Et en quoi consistait ce travail? Genre un exposé ou un travail écrit?
      Moi aussi, il m'a moins marquée que Zola, mais il le talonne de près quand même. En même temps c'est le même courant et ils étaient proches, donc ce n'est pas trop étonnant...

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    2. Une sorte de mémoire. La première partie portait sur la biographie de Maupassant, la seconde était une analyse de Fort comme la mort.

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    3. Cooool. J'aurais adoré faire ça moi! Bon en revanche c'est le drame, je n'ai pas lu Fort comme la mort et n'en connaissais pas vraiment l'existence, il va falloir remédier.

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