lundi 22 décembre 2025

La brume l'emportera (2024)

Dans ce roman de Stéphane Arnier, publié chez Mnémos sous une superbe illustration de Cyrielle Foucher, nous voyageons en compagnie de Keb et Mara dans un monde noyé par la brume...

Attention, je donne pas mal de divulgâcheurs. Lisez ce billet à vos risques et périls!

Lorsque le roman commence, la brume monte depuis plusieurs années. Les mers ont été les premières recouvertes, puis les plaines, puis les faibles reliefs. Keb, qui a perdu toute sa famille, marche dans les hauteurs de la montagne. Un jour, dans une scène qui voit sa chienne périr et qui ouvre le roman de manière éminemment tragique 💔, il entre brièvement en contact avec la brume. Il n'est pas blessé, mais il se rend rapidement compte que la brume lui a fait quelque chose. Car il peut à présent, en fermant ou plissant les yeux, voir les lieux tels qu'ils étaient à un autre moment, dans le passé. Voire, en retenant son souffle, aller dans le passé.

Peu après, il est rejoint par Mara, ancienne dirigeante d'un peuple qui a été en guerre avec le sien. Mara est bien déterminée à arrêter la brume qui avale leur monde, et elle sait des choses sur les origines de cet étrange phénomène et sur son lien avec le passé. Contraint et forcé, Keb va voyager avec elle.

Lorsque j'ai lu les avis de Baroona et Shaya, je n'ai pas du tout compris que ce roman, qui explore le sujet de l'acceptation de notre passé et de nos choix face à la possibilité de revenir dessus, était vraiment une histoire temporelle. J'ai retenu la notion de deuil – qui est effectivement centrale – et c'est pour cela que je l'ai lu. Hélas pour moi, je me suis retrouvée avec des gens qui peuvent voyager dans le passé, alors que je ne supporte pas cette thématique.

Pour nuancer tout de même mon propos: pour une fois, je n'ai pas eu trop de mal à comprendre, car ce passé n'est pas véritablement le passé. C'est une sorte de souvenir de Pu'uza, une sorte de force vitale. On peut voir ce qui s'est passé à un endroit, on peut interagir dedans, mais quand on revient au présent, celui-ci n'a pas changé. Un peu comme dans Tant que le café est encore chaud de Toshikazu Kawaguchi, en somme. Mais je n'ai pas trouvé ça super cohérent. S'il en va ainsi, comment diable Keb peut-il rapporter un objet du passé vers le présent?

Ce que j'ai eu du mal à comprendre, en revanche – car j'ai toujours du mal à comprendre quelque chose, hélas –, c'est tout le concept de Pu'uza, et comment Mara a compris qui est responsable de l'apparition de la brume. Il n'est pas impossible que j'aie raté des infos en lisant certaines pages avec moins de concentration. Là, ses théories m'ont semblé bien théoriques, et j'ai trouvé que Keb les acceptait bien rapidement.

D'un autre côté, toute cette histoire de vision du passé et de brume liée au passé est absolument vitale au roman, car c'est elle qui en amène le sujet central: notre acceptation de ce qui est arrivé et notre capacité à en tirer un enseignement. Les points de vue de Keb et Mara sont radicalement opposés, et ils ne peuvent s'affronter si radicalement que parce que les deux personnages ont ce lien très concret au passé. Dans la vraie vie, on peut avoir ce genre de débat à l'infini sans qu'il y ait d'enjeu réel, puisque – pour autant que je sache, du moins – personne n'est en mesure d'entrer en contact avec le passé.

Bien sûr, la chose m'a plongée dans un abîme de réflexion. Je suis plutôt team Keb dans mon ressenti émotionnel et plutôt team Mara dans mon évaluation intellectuelle, mais, dans les faits, je ne ressens pas le moins du monde les bénéfices qui sont censés aller de pair avec ce dernier point de vue. En fait, comme dans bien d'autres domaines de ma vie, j'ai l'impression d'être la bouffone de service: je n'ai ni le beurre, ni l'argent du beurre. 🤡

La fin est pleinement cohérente avec les réflexions du roman, et j'ai trouvé que les deux personnages étaient bien pensés. Y compris [énorme divulgâcheur] lorsque Keb fait un truc affreux à Mara, qui va à l'encontre de tout ce que celle-ci lui a toujours dit et a toujours défendu [fin du divulgâcheur]. Mais dans l'ensemble, donc, je n'ai pas trop aimé.

Allez donc voir si cette brume y est!
L'avis de Baroona
L'avis de Shaya

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