vendredi 16 novembre 2012

Nouvelles romaines (1954)

Alberto Moravia est un des écrivains italiens les plus connus à l'étranger. En France, j'imagine que l'adaptation cinématographique du Mépris, réalisée par Jean-Luc Godard en 1963 et mettant en scène Brigitte Bardot, a beaucoup participé à sa renommée.

De lui, je n'avais lu, justement, que Le Mépris, un livre que j'adore.

Quid de ces Nouvelles romaines, gentiment ramenées d'Italie par mon Voisin (comme tous les livres italiens dont je vais vous parler cet hiver ^^)?

Le Boubrunisaure part à la conquête de Rome.

Et bien, j'ai retrouvé ici ce que j'apprécie chez Moravia, et que j'aurai bien du mal à vous expliquer sur le plan stylistique: un parler spontané, simple mais très imagé, efficace, ironique. J'imagine que cela est lié au fait que je le lis en italien et qu'il s'applique à écrire comme ses personnages pourraient parler, sans pour autant que cela ne soit pénible à lire ou vulgaire (et sans, comme semblent le croire certains, que ce ne soit du dialecte romain. Il y a certes des exclamations romaines [le célèbre "aho"] et de nombreux mots que je ne connaissais pas, mais on est loin du dialecte, diable).

De manière totalement irrationnelle, lire les mots pasta asciutta --au lieu de pasta tout court ou de pastasciutta-- me met immédiatement l'eau à la bouche. J'imagine des plâtrées de pâtes dégoulinantes de sauce et je me demande soudain pourquoi diable je vis en France....

Sur le plan du contenu, j'ai aussi retrouvé ce que j'ai apprécié dans Le Mépris, c'est-à-dire une grande lucidité mêlée de tristesse et de fatalisme. Sur les 37 nouvelles du recueil, je ne crois pas qu'il y en ait une seule qui se termine bien. La vie n'est pas facile pour le petit peuple de Rome. Les amitiés tombent en pièces, l'amour disparaît à cause de la routine ou de l'égoïsme, et le narrateur se fait généralement avoir. Je me demande dans quelle mesure cette présentation de figures masculines faibles, victimes du sort, qui se dévalorisent et qui n'ont pas grand-chose pour elles, est représentatif de ce que Moravia pensait de lui-même (ce ne serait pas la première fois qu'un grand auteur aurait d'énormes complexes d'infériorité); et je me demande dans quelle mesure la présentation de figures féminines dénuées de cervelle, profiteuses et manipulatrices représente le véritable avis d'un homme qui a épousé deux grandes auteures italiennes à l'esprit remarquable, Elsa Morante et Dacia Maraini...

Alberto Moravia, Nouvelles romaines.
Éditions Garnier Flammarion, 7€, 314 pages.
(En Italie, chez Bompiani, 10,9€)
(contrairement aux idées reçues, les livres coûtent plus cher en Italie!)

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