mardi 9 mai 2017

La Fortune des Rougon (1871)

En février, j'attaquais La Fortune des Rougon, le premier roman de la grande saga des Rougon-Macquart d'Émile Zola, en bonne compagnie avec Eless, Ksidraconis et Tigger Lilly. C'était une relecture pour deux d'entre nous et une première lecture pour les deux autres.

Photo un peu dégueulasse, désolée!

C'était un vrai plaisir de retrouver Zola, que je n'ai pas lu depuis... et bien plus de deux ans, puisque ma dernière lecture remonte à novembre 2014. C'était Nouveaux Contes à Ninon et pour tout vous dire j'avais oublié que je l'avais lu.

Il y a tellement de choses à dire sur les romans d'Émile Zola que cette chronique sera particulièrement en-deçà de l’œuvre dont elle parle. Ce qui est positif pour moi, toutefois, c'est que j'ai tous les mails que nous avons échangés au fur et à mesure de notre lecture pour me remémorer les évènements et nos impressions en détail. Je n'avais jamais fait de lecture commune auparavant et j'ai trouvé ces échanges au fil des parties extrêmement enrichissants. C'est un peu le stade ultime de la chronique, tu n'as pas juste des avis sur le livre mais sur chaque partie du livre! 😍

Voyons donc voir ce que je retiens de cette lecture...

Le roman des origines
Zola le dit lui-même dans sa préface, dans laquelle il annonce tout son grand projet d'étude, L'Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire: le nom scientifique de ce roman est Les Origines. Il pose Plassans, la ville où est apparue la famille, et présente Adelaïde, la matriarche qui aimera deux hommes dans sa vie et fondera ainsi les deux branches: les Rougon, la branche légitime, et les Macquart, la branche illégitime.
C'est aussi le début du Second Empire, puisque ce roman se déroule en décembre 1851, lors du coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République au suffrage universel direct en 1848.

Zola est un génie.
Bon ça je le savais déjà, ça fait environ sept ans que je lui voue un culte (j'avais déjà lu et aimé plusieurs de ses romans avant, mais en 2010 j'ai eu une espère de révélation absolue en relisant Germinal), mais je le redis: personne n'écrit comme Zola, il est vraiment trop fort et chacune de ses phrases est parfaite! Il peut décrire des choses très variées, allant ici de la bassesse la plus absolue à l'amour le plus innocent, et tout est parfait!

Zola a quand même des idées bizarres.
Bon ça aussi je le savais déjà, et puis c'est certainement dû, en bonne partie, au fait que son époque avait des idées bizarres. Ici, c'est le poids écrasant de l'hérédité; l'ADN n'est pas encore connu mais toutes les tares mentales possibles et imaginables se transmettent par le sang. Il y a aussi la maladie super cheloue d'Adelaïde, ce "dérèglement du sang et des nerfs" qui la jette dans des torpeurs de cadavre ou au contraire l'assujettit corps et âme à l'homme qu'elle aime. Notez aussi que son mari, Rougon, est mort "d'un coup de soleil [...] en sarclant un plant de carotte". Lol.

Cœurs sensibles, accrochez-vous.
Je ne suis pas d'accord avec les gens qui accusent Zola de "misérabilisme social": je ne trouve pas qu'il se complait dans la misère mais qu'il a la lucidité de la voir et le courage de la dénoncer. Il est vrai, en revanche, que l'échantillon d'humanité présenté ici n'est pas des plus encourageants: entre l'aïeule folle, les deux fils égoïstes, cruels, ambitieux et prêts à tout (je ne sais pas qui est le plus exécrable entre Antoine Macquart et Pierre Rougon mais je crois que je préfère quand même Rougon, qui est au moins capable de travailler), les soldats barbares, les bourgeois poltrons, Aristide qui retourne sans cesse sa veste, le prêtre qui vend des images pornographiques en douce, il y a de quoi désespérer un peu. Mais il y a surtout de quoi être révolté me semble-t-il.
En outre, il y a ici des éléments sanglants puisque le roman suit l'insurrection des républicains contre le coup d'État, qui a été réprimée dans le sang dans le sud.

Miette et Silvère, l'Amour autour du puits
Miette et Silvère sont deux de mes personnages préférés de toute la série des Rougon-Macquart. La première fois que j'ai gribouillé l'arbre généalogique de la famille pour m'y retrouver pendant mes lectures, j'avais même fait un petit cœur à côté du nom de Silvère. Ils représentent l'innocence pure, la bonté, l'amour et la liberté. Leur histoire est tendre et touchante et leurs retrouvailles autour du puits entre leurs deux propriétés (un puits un peu particulier) sont une des plus jolies choses que j'ai jamais lues.

Félicité, une Force de la Nature
Je ne suis pas persuadée que Zola ait eu une très belle opinion des femmes, qu'il décrit souvent comme détraquées et victimes de leurs nerfs, mais il a néanmoins brossé des portraits de femme assez spectaculaires et Félicité en fait partie. Cette petite et veille femme résolue est bien déterminée à se venger de Plassans, la ville où elle a trimé toute sa vie sans réussir à s'élever dans la société, et à profiter de l'opportunité du coup d'État pour faire la fortune des Rougon. C'est elle qui va tirer les ficelles des évènements et piloter son mari Pierre pour qu'il saisisse l'opportunité ouverte par le passage de la troupe des insurgés.

Les intrigues politiques
La France de 1851 se divise en trois camps: les républicains, les bonapartistes et les légitimistes. Zola présente cette lutte pour le pouvoir avec beaucoup de détails et de finesse. La politique, c'est parfois poignarder dans le dos ou utiliser à bon escient des informations reçues en avant-première... Et sachez qu'à en croire Zola la Légion d'honneur ne valait déjà pas grand-chose en 1851!

Le souffle de la conclusion
Après la révélation progressive d'une mort qu'on voit venir mais qui n'en est pas moins révoltante, puis un passage poignant plein d'émotion, les tout derniers paragraphes du roman décrivent le triomphe du salon jaune et annoncent le roman suivant et l'âme même du Second empire, qui jubile et se goinfre sur le cadavre de la République. Un passage à la fois grandiose et macabre, parce que le sang a coulé et que rien ne pourra l'effacer...

En bref...
Lisez Zola les amis, je ne le dirai jamais assez! Ses romans sont un témoignage unique sur la deuxième moitié du XIXe en France et sa plume est l'une des plus belles de la littérature française (et même la plus belle à mon sens).

Allez donc voir ailleurs si ces Rougon y sont!
L'avis de Tigger Lilly
Je ne manquerai pas de partager les chroniques des autres lecteurs quand elles seront prêtes! 😍 (Presssssssion les amis!)

10 commentaires:

  1. C'est vil de donner autant envie de lire un auteur que j'ai détesté au lycée. Un jour j'y reviendrais peut-être...

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  2. Ah, tu me rappelles de bons souvenirs!

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    1. Tu veux te joindre à nous si on continue la série? :)

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    2. Merci mais j'ai déjà lu toute la série des R-M!

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    3. Mais moi aussi :p Mais ça empêche pas de recommencer :D

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  3. Zola est grand.
    Tout ce que tu dis est très vrai et bien dit.
    Ma chronique ce week-end si tout va bien.
    (PS: moi je suis partante pour continuer mais dans pas trop longtemps parce que là ça m'a ouvert l'appétit).

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    1. Ouiiii une chronique !! Et tout pareil pour la suite, même si je me demande comment faire pour caler du Zola régulièrement dans le planning lol !

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  4. Belle chronique ! :)
    c'était une chouette lecture commune en tout cas

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