samedi 31 mai 2025

Under the Tuscan Sun (1996)

Quand j'ai commencé à lire ce livre de Frances Mayes, j'ai d'abord eu un faux départ. J'ai lu l'introduction, puis une page du premier chapitre, durant laquelle l'autrice-narratrice, une Américaine, décrit le processus de signature de l'achat de sa maison en Toscane. D'une part, l'évocation de l'Italie m'a foutu un cafard monstre. D'autre part, la description de la notaire qui demande tranquillement aux acheteurs de partiellement payer le vendeur au noir m'a fait penser que le livre allait enchaîner les clichés. (Même si, la seule fois où j'ai eu des infos sur un achat immobilier en Italie, c'est précisément ce qui s'est passé: il y avait le prix de vente indiqué dans les papiers officiels, et le vrai prix payé par les acheteurs. 👀)

Déprimée et excédée, j'ai rangé le bouquin.

Plusieurs mois plus tard, j'ai retenté ma chance. Et, cette fois, ça a marché. Je suis même tombée sous le charme. 😊

Donc. En 1989, Frances Mayes et son compagnon ont acheté une villa en Toscane. Bramasole, un vieux machin énorme, abandonné depuis trente ans, niché dans les collines d'oliviers et de cyprès à deux kilomètres de Cortone. Comme ils étaient tous deux enseignants à l'université, ils avaient de très longs congés d'été, et leur vie s'est donc articulée entre l'année scolaire en Californie et les trois mois d'été en Toscane, où ils ont entrepris de rénover la demeure.

Rien que sous cet aspect-là, le livre est charmant. Je suis incapable de réparer un robinet, alors je ne pense pas sous-estimer la montagne de travail que représente la rénovation d'une maison entière. Mais en Toscane! Quand tout est méga vieux! Les obstacles sont nombreux et toujours différents. Découverte d'une sorte de citerne géante sous la maison, déblayage de racines gigantesques, découverte de vieilles inscriptions et vieux objets... C'est une épopée! Et les relations avec les différents ouvriers sont aussi rigolotes et touchantes. Il y a les vieux artisans taiseux qui vous font des œuvres d'art, les chefs d'entreprise bordéliques qui font n'importe quoi, les Polonais payés au lance-pierre qui sont quand même contents parce qu'ils gagnent plus en Italie qu'en Pologne...

Peu à peu, la villa retrouve une belle allure, et on sent la satisfaction de l'autrice. Ça doit être quelque chose, de vivre dans un lieu dont on a repeint les poutres et les murs soi-même, où on a taillé des arbres abandonnés depuis des décennies, où on a aidé les ouvriers à porter des pierres et des briques, où on a décidé où percer le puits, etc. etc. Où, en somme, on a vu les lieux se façonner. Et où on a partagé tant de bons moments avec ses proches.

Et, bien sûr, c'est en Toscane. Une partie de la Toscane très éloignée de la mienne, ok, mais en Toscane quand même. Et on parle constamment de bouffe. Durant les premiers chapitres, j'ai été très perturbée émotionnellement. Puis j'ai plongé dedans. Je me suis réjouie de redécouvrir des tas de trucs, de voir que Frances Mayes décrit la cuisine toscane comme je le fais (la cuisine du peuple, rien à voir avec la gastronomie française). Je donnerais un rein pour manger le castagnaccio de ma grand-mère. En réalité, je crois que je n'aimais pas spécialement ça. J'avais même oublié que j'en mangeais dans mon enfance! Mais tout est revenu: les cavités creusées par les pignons et le thym dans la pâte, le goût, la ricotta qu'on mangeait avec. J'ai presque l'impression de revoir le plat de métal dans lequel il était cuit.

Genre le critique culinaire qui a une vision en mangeant la ratatouille préparée par Rémi, quoi. Tout à fait, tout à fait.

Oui, retrouver ça, ça vaudrait bien un rein.

Alors certes, Frances Mayes a une vision assez américaine de l'Italie. Elle parle sans cesse du fait que les gens prennent le temps, par exemple. C'est facile à dire, quand on passe dans un pays les mois qui constituent nos vacances. Même si rénover la villa était un sacré travail, ça n'a rien à voir avec un emploi! Et puis Cortone, c'est la province, et même la campagne. Comparer la frénésie de San Francisco et le calme de Cortone n'a aucun sens. Il faudrait comparer la frénésie de San Francisco à celle de Milan ou de Rome. Pour vous donner une idée par rapport à la France, ce serait comme entendre un Londonien dire que la vie est plus calme en France qu'en Angleterre en se basant sur son expérience de, disons, Saint-Malo. Lol.

Mais malgré cela, j'ai senti un vrai respect pour son pays d'adoption, et surtout une vraie passion et une vraie volonté de connaître des tas de choses différentes. Je pense que son bouquin donne une très belle image de la Toscane, d'ailleurs!

Pour finir sur une note bassement matérialiste: disons quand même que ce livre démontre, pour la trente-six millième fois, combien l'argent fait le bonheur. L'argent pour acheter une résidence secondaire. L'argent pour rénover ladite résidence. L'argent pour faire une ou deux fois par an un vol intercontinental. L'argent pour acheter à manger tout ce qu'on veut et nourrir des tas d'invités. L'argent pour louer une voiture pour trois mois. L'argent pour acheter des pots et des plantes en quantité et ensuite regarder tout ça pousser...

D'ailleurs, si vous avez un paquet d'argent, la villa est à louer!! Frances Mayes l'a visiblement revendue, à un moment donné. Au moment où j'écris ces lignes, une quinzaine de jours avant la publication du billet, il y a une promo sur les dates les plus proches: on descend à seulement 18 510 € la semaine! Pour les périodes les plus demandées, à savoir l'été et les fêtes de fin d'année, en revanche, prévoyez 30 850 € la semaine.

Le pognon, je vous dis!

Enfin, le livre a été adapté au cinéma en 2003, et c'est l'affiche de ce film qui est reprise sur la couverture de cette édition Broadway Books (que j'ai trouvée je ne sais plus où dans une boîte à livres). L'histoire est très différente, puisqu'on est sur le parcours d'une fille célibataire (qui ne le sera plus à la fin, j'imagine), mais ça me dirait quand même pas mal de le voir. Hélas, mes médiathèques ne l'ont pas en rayon...

lundi 26 mai 2025

Le blé en herbe (1932)

Comme toujours lorsque je croise un bouquin de Colette, j'ai sauté dessus sans hésiter!! Le hasard a fait, en outre, que je suis tombée sur Le blé en herbe quelques jours seulement après avoir lu le billet de Caroline Doudet à son sujet.

L'histoire est celle de Philippe et Vinca, deux adolescents qui passent leurs vacances d'été en Bretagne, du côté de Saint-Malo, comme tous les ans. Sauf que, cette année, ils ont respectivement seize et quinze ans, et ils ne sont donc plus des enfants, comme les années précédentes. Philippe se désespère en pensant à la monotonie de son avenir tout tracé – études puis travail – et Vinca le couve d'un œil inquiet entre deux parties de pêche. Puis un événement d'apparence anodine vient perturber ces vacances déjà tendues: en rentrant d'une commission, Philippe rencontre une femme habillée de blanc, Madame Camille Dalleray, qui loue une villa voisine.

Le blé en herbe est très clairement le récit de la fin de l'enfance et de l'entrée dans le monde des adultes – "le monde des adultes" signifiant ici "la sexualité". Philippe et Vinca s'aiment, mais d'un amour imprécis et enfantin, qui a toujours été là mais qui commence à changer. Ils se posent beaucoup de questions et se cherchent l'un l'autre sans jamais se trouver. Je dois dire que c'est là ce qui m'a pas mal échappé, puis a commencé à me saouler vers la fin: leurs dialogues un peu sans queue ni tête, pleins de disputes reposant sur des implicites.

Mais, en parallèle, j'ai apprécié la vision déchirante de ces changements qui nous broient sans qu'on ne puisse rien y faire. De base, on imagine facilement ces adolescents dans une période d'une insouciance unique dans leur vie, le genre de vacances qu'on regrette amèrement quand on regarde en arrière, bien plus tard, mais, en fait, ils ne sont pas du tout insouciants. Même les choix de Philippe ne dégagent pas d'insouciance, alors qu'on pourrait très bien les résumer en disant que c'est un garçon qui se laisse mener par sa bite et qui [divulgâcheur] gagne le gros lot, puisqu'il couche d'abord avec la femme adulte et expérimentée, puis avec la jeune fille innocente et amoureuse de lui [fin du divulgâcheur]. Comme on comprend, lorsqu'il rentre chez lui au coeur de la nuit, que ses traits soient "moins pareils à ceux d'un homme qu'à ceux d'une feune fille meurtrie"...

J'ai aussi apprécié, et beaucoup, le talent pur de Colette pour décrire cette campagne bretonne changeante et pleine de couleurs. De ce point de vue, c'est un vrai régal, le genre de roman qui vous pose un décor, comme Le Guépard pour la Sicile...

Moralement, je me suis tout de même interrogée sur ce que cela dit de Colette, qui a en partie basé ce roman sur sa propre expérience: en 1920, à quarante-sept ans, elle a noué une relation avec le fils de son mari de l'époque, qui en avait... dix-sept (le fils du mari, pas le mari, hein). Trente ans d'écart, donc. Quand c'est l'homme qui a trente ans de plus, j'y vois presque automatiquement un obsédé avide de seins fermes. Mais quand c'est la femme? Je ne sais pas. Si vous avez une opinion sur la question, ça m'intéresse, en toute sincérité. Pensez-vous qu'un amour sincère soit possible avec un tel écart d'âge? Si oui, quel que soit l'âge du plus jeune des deux? Parce que là, le plus jeune est un ado, quoi. Un grand ado, mais un ado quand même. (Sans même parler du fait que c'est le fils du mari, lol.) Dites-moi tout!

mercredi 21 mai 2025

L'Impératrice de Pierre, tome 2 (2021)

Après un premier tome absolument enthousiasmant, j'étais impatiente de retrouver Catherine Ire, impératrice de Russie, sous la plume de l'autrice lituanienne Kristina Sabaliauskaitė.

Le principe est le même dans ce deuxième tome: chaque chapitre correspond à une heure battue par l'horloge le 17 mai 1727, tandis que Catherine agonise dans son lit et se remémore sa vie. Le premier tome racontait une histoire totalement dingo de fille de petite noblesse pauvre passée par l'esclavage pour arriver dans le lit du tsar; le deuxième, en comparaison, est donc relativement "tranquille", puisque Catherine est déjà arrivée au pouvoir et y restera jusqu'à sa mort.

On y parle plutôt des relations familiales complexes, pour ne pas dire ultra malsaines, à la cour de Pierre le Grand – l'autrice fait même comprendre qu'il a tué son fils aîné de ses propres mains –, des manœuvres toujours délicates de son épouse pour le raisonner alors qu'il était ivre les trois quarts du temps, des relations diplomatiques tendues avec le reste de l'Europe, de la modernisation à marches forcées de la Russie, et bien sûr de la construction progressive de Saint-Petersbourg.

Une lecture passionnante, prenante, qui vous fait touner les pages sans pouvoir vous arrêter.

Les deux seules choses qui me laissent un peu perplexe, au final, sont la relative impuissance et/ou passivité de Catherine, qui ne semble pas énormément profiter de sa position et de son influence une fois qu'elle arrive au faîte du pouvoir, et la vision sombre de Pierre le Grand. L'homme est certes présenté comme un réformateur, mais aussi comme un saoulard incessant, qui grille sa santé à la vodka et fait n'importe quoi en se foutant de tout, sans respecter aucun protocole. Un peu genre Trump en roue libre. Mais en plus, il fait torturer les gens qu'il n'aime pas. Bon, l'alcool, au-delà d'une certaine quantité, explique beaucoup de choses, mais j'ai tout de même trouvé que ça faisait très "légende noire", et je me suis même demandé s'il n'y avait pas là une vision de la Russie assez négative... En tout cas, vu comment je saute au plafond en voyant certaines descriptions de l'Italie par des étrangers, j'ai tendance à penser que, si j'étais russe, je me sentirais insultée.

Sur la forme, c'est toujours Marielle Vitureau qui est à la traduction, et c'est toujours formidable. La version française se lit TOUTE SEULE. C'est fou. Et l'édition grand format de la Table Ronde est à tomber.

Bref, une fantastique épopée dans la Russie des années 1680-1720, une figure féminine dingo, un tsar dingo, un pays dingo, j'ai adoré. 🤩🤩

vendredi 16 mai 2025

Province (1934)

Comme son nom l'indique, le huitième roman de la saga des Hommes de bonne volonté de Jules Romains – le premier du deuxième volume de la collection Bouquins – nous emmène en province!

Une province variée, où les enjeux sont très différents en fonction des personnages: pour M. de Saint-Papoul, il s'agit de se faire élire député, puis de remercier ses soutiens; pour l'abbé Mionnet, il s'agit de résoudre une subtile affaire de société de tramways qui risque d'éclabousser un évêque; pour Jerphanion, il s'agit de décrire, dans une longue lettre à son cher Jallez, tout le petit monde réuni au château de Saint-Papoul à l'occasion d'un mariage. Quant à Laulerque – celui qui a rejoint une société secrète tellement secrète que le lecteur ne sait rien à son sujet –, sa première mission l'emmène carrément hors de France, à Amsterdam.

Ce qui m'éblouit toujours dans cette série, c'est la complexité des ramifications entre personnages. Ainsi, lorsque Mionnet note dans son carnet la confession d'une fidèle, le lecteur peut rapidement reconnaître ladite fidèle et apprend ainsi une information assez importante sur celle-ci et sur Jerphanion (mais Mionnet ne connaît pas Jerphanion, lui, et Jerphanion ne se doute de rien!). Les actions politiques peuvent bien sûr influencer le quotidien d'autres personnages, ou bien des enjeux majeurs d'un roman précédent reviennent en filigrane. Ici, par exemple, Germaine Baader passe une nuit dans la ville d'eaux que nous avons vu naître avec force détails dans Les Superbes.

Par ailleurs, je suis également ébahie par la manière dont Jules Romains construisait et posait ses personnages avec une aisance déconcertante. Je me suis fait cette réflesion au sujet du contact de Laulerque à Amsterdam, une femme vraisemblablement croate. Elle s'exprime et se révèle peu, et leur rencontre est racontée du point de vue de Laulerque, mais elle a une vraie personnalité et une vraie présence. J'espère qu'elle reviendra! Firmin Gambaroux est également posé avec beaucoup d'efficacité, quoiqu'en davantage de pages, et je suis curieuse de voir comment va se résoudre l'affaire des tramways.

Bref, Jules Romains était un génie, vive Jules Romains, lisez Jules Romains. Ce qui est rigolo, c'est que j'ai écouté quelques archives de lui sur Radio France et il avait une élocution très vieille France et imbue de soi-même, que j'ai du mal à associer à ses romans et qui me fait juste penser "encore un mec qui se regarde le nombril"! Mais le côté désuet est charmant. ^^

dimanche 11 mai 2025

Et si les chats disparaissaient du monde... (2012)

Je ne sais plus trop où j'ai entendu parler de ce petit roman de Genki Kawamura (auteur qui, soit dit en passant, est surtout producteur de cinéma et a notamment été producteur du merveilleux Your Name de Makoto Shinkai). Peut-être a-t-il été mis en avant dans la newsletter de ma libraire. Quoi qu'il en soit, j'ai évidemment sauté dessus – dans le sens que je l'ai réservé dans mon réseau de médiathèques, probablement en adressant une prière à la personne l'ayant emprunté pour qu'elle le rende à la date prévue. Puis, lorsque je l'ai récupéré, je l'ai lu le soir même, d'une traite. Un soir où ça n'allait pas très fort et où le brouillard intellectuel était tel que je ne me sentais pas d'attaque pour lire Jules Romains, pour vous donner une idée.

Le protagoniste, trentenaire, écrit une longue lettre pour raconter la semaine qui vient de s'écouler. Cette semaine a commencé très mal, puisqu'on lui a diagnostiqué un cancer au cerveau. Ses perspectives de survie sont très mauvaises: il est condamné à très brève échéance. Mais alors même qu'il essaye de lister des dix choses à faire avant de mourir, voilà que le diable débarque chez lui et lui propose un marché: il lui accordera un jour de vie en plus si notre héros accepte de faire disparaître quelque chose du monde.

Le premier soir, le narrateur choisit – avec quand même une certaine influence du diable – les téléphones.

En toute objectivité, ce roman n'a rien de véritablement exceptionnel. Mais il a tenu la promesse implicite de son titre, de son résumé, de sa couverture et de la vague de bouquins feel-good japonais dont les éditeurs français nous recouvrent: il m'a touchée, il m'a fait pleurer, il m'a un peu apaisée. Parce que le protagoniste, à l'annonce de sa mort prochaine, se demande bien sûr avec qui il a envie de parler, et qu'il n'a pas énormément de réponses à apporter à cette question. La première personne est son ex, grande amatrice de cinéma, ce qui donne lieu à quelques réflexions touchantes sur le septième art. Mais, surtout, il repense à ses parents – sa mère, décédée, et son père avec qui il est fâché – et à ses chats – Laitue, le chat de la famille, décédé également, et Chou, le sien.

Moi, vous me mettez des chats et des décès, et je me décompose. Et je pense que j'en ai besoin, en fait. Car le lendemain de ma lecture, je me suis réveillée plus reposée, en forme, lucide, dynamique et optimiste que depuis des jours, si ce n'est des semaines. Pas "reposée, en forme, lucide, dynamique et optimiste" dans l'absolu, hein. Mais "plus reposée, en forme, lucide, dynamique et optimiste que depuis des jours, si ce n'est des semaines". Observez la nuance. Bref, cela n'a pas été sans me rappeler le fait que j'ai cessé d'être insomniaque après avoir sangloté désespérément en séance d'EMDR. Foncièrement, je déteste souffrir et je suis convaincue que la douleur détruit, mais il semble y avoir un certain type de chagrin qui vous laisse plus apaisé après vous avoir secoué...

Le pitch de ce roman n'est pas sans rappeler Mémoires d'un chat de Hiro Arikawa, mais je l'ai trouvé mieux géré, et la version française, aux soins de Diane Durocher, m'a semblé mieux rédigée, sans les problèmes de concordance de temps sur lesquels j'ai buté lors de plusieurs traductions du japonais ces derniers temps. Ça se lit tout simplement tout seul.

Pour info, le roman est d'abord paru en France sous le titre Deux milliards de battements de coeur. C'est plutôt cool pour moi que le titre ait été modifié, parce que, évidemment, je l'ai lu essentiellement parce qu'il y avait "chats" dans le titre. 😊😊😸😸

Je n'y vois qu'un seul problème, en définitive: la superbe couverture n'est pas créditée!! 😱😱😱

mardi 6 mai 2025

La gamelle d'avril 2025

Comme toujours, retour sur les activités culturelles du mois écoulé, hors lecture.

Sur petit écran

Crazy Kung-fu de Stephen Chow (2004)

Bon, j'ai regardé ce film parce que je travaille sur les arts martiaux en ce moment et que mon copain l'a regardé, attirant ainsi mon attention dessus. C'est très excessif et grotesque, et pas vraiment mon délire, et ce n'est sûrement pas l'idéal pour voir des arts martiaux vraisemblables, vu que les gens volent quand ils sautent, et tout et tout. 😅 Mais la femme aux bigoudis et à la cigarette est très drôle, et les coups de pied sautés, c'est la classe.

(À la base, mon copain a téléchargé le film. Moi, je suis quelqu'un d'honnête; alors, quand j'ai entrevu un bout sur son écran et que j'ai décidé de le regarder à mon tour, je l'ai emprunté à la médiathèque. Au bout d'un mois, je ne l'avais pas encore regardé, alors j'ai prolongé mon emprunt d'un mois. J'ai fini par le regarder trois jours avant la date limite de rendu, parce que je ne pouvais pas prolonger encore. Bref, ma motivation pour regarder des films à la maison est vraiment inexistante...)

Sur grand écran

Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) de Pat Boonnitipat (2024)

Cette comédie dramatique thaïlandaise pourrait très bien se passer en France: si vous remplacez les acteurs par des gens parlant français, tout le scénario et les dialogues (ou du moins ce que les sous-titres en donnent à voir) peuvent être réutilisés tels quels. C'est fou, car, d'un autre côté, c'est un peu dépaysant, tout de même, la Thaïlande (ne serait-ce qu'à cause de tous ces câbles électriques dans les rues ^^). La musique est horriblement culcul et invasive, mais j'ai trouvé que la vision des relations familiales était assez fine et qu'il y avait un beau message humain, sans cacher une certaine souffrance liée à la maladie (la scène des cheveux est d'une finesse!) et à la vieillesse. Un très bon moment, en somme.

Gladiator de Ridley Scott (2000)

Revoir ce film m'a fait le plus grand bien! J'avais en tête que je ne l'aimais pas trop, mais de manière vague, et l'enthousiasme de Tigger Lilly m'a motivée à lui redonner une chance. Outre la musique absolument stratosphérique de Hans Zimmer (il y a juste la chanson de fin que je déteste 😅), il présente des tas de caractéristiques que j'adore: des épées, des guerriers, des chevaux à tomber, des scènes épiques, de la baston!! Et tout est léché, n'importe quel bout de l'écran est mis en scène à la perfection. J'ai même tempéré le (vague) reproche de sexisme que je lui faisais, car le personnage de Lucilla est très présent. Seuls bémols: des ralentis que je n'ai pas trouvés qualitatifs, et un méchant très méchant pour lequel j'ai eu du mal à ressentir de la compassion, alors qu'il a un vrai côté tragique qui pourrait en faire un personnage passionnant. Et puis Ridley aurait pu nous épargner le côté incestuel dégueulasse. Mais à part ça, du grand Cinéma!!

Du côté des séries

Toujours rien.

Et le reste

J'ai lu La Croix du 1er avril, dont la une était tout simplement irrésistible. Quelle satisfaction, d'un côté. Mais quelle crainte, de l'autre, que cela ne joue en leur faveur malgré tout. À part ça, j'ai découvert qu'il y a eu une guerre au Tigré tout récemment (2020-2022). Vous savez où est le Tigré, vous? Mon ignorance n'a de cesse de m'étonner.

En fin de mois, j'ai, comme d'habitude, lu mon Cheval Magazine adoré. Ce mois-ci, point de mention des animalistes. Youpi!

jeudi 1 mai 2025

Toine (1886)

Il y a des tas de choses que je trouve formidables chez Guy de Maupassant, mais je vais en souligner deux en particulier pour commencer ce billet:

Premièrement, le gars a été tellement prolifique que je n'ai toujours pas fini son œuvre alors que je le lis depuis l'année scolaire 1998-1999.

Deuxièmement, je n'ai jamais rien lu de mauvais sous sa plume. Le gars était uniformément brillant.

Cette année, j'ai deux recueils de nouvelles à lire: Toine et La Petite Roque, tous deux parus en 1886.

Toine réunit dix-huit nouvelles:

Toine (1885)
L'Ami Patience (1883)
La Dot (1884)
L'Homme-fille (1884)
La Moustache (1884)
Le Lit 29 (1884)
Le Protecteur (1884)
Bombard (1884)
La Chevelure (1884)
Le Père Mongilet (1885)
L'Armoire (1884)
La Chambre 11 (1884)
Les Prisonniers (1884)
Nos Anglais (1885)
Le Moyen de Roger (1885)
La Confession (1884)
La Mère aux monstres (1883)
La Confession de Théodule Sabot (1884)

Toutes étaient précédemment parues dans Gil Blas, sauf La Confession de Théodule Sabot qui était parue dans Le Figaro.

Bien sûr, ça a été un vrai régal.

Certains textes sont plutôt drôles, comme Toine avec son gros bonhomme cloué au lit avec ses œufs de poule, ou Les Prisonniers avec sa brave paysanne qui ne se laisse pas démonter par l'arrivée chez elle d'un petit contingent de soldats prussiens. D'autres sont tragiques, par exemple La Dot, Le Lit 29, L'Armoire, La Confession et La Mère aux monstres.

Évidemment, la femme est très présente: elle est objet de désir et souvent victime d'une société impitoyable. De ce point de vue, La Mère aux monstres est d'une modernité épouvantable. Maupassant était plutôt d'une mysoginie crasse dans la vie, mais, en lisant certains de ses textes, j'ai quand même le sentiment qu'il avait bien pigé que les femmes partaient perdantes dans la société de son temps. Citons toutefois que, à l'inverse, c'est l'épouse qui cloue spectaculairement le bec à son mari dans Bombard, ce qui m'a bien fait rigoler. (Note pour moi-même: ce texte m'a tellement rappelé La Fenêtre du recueil Le Rosier de Madame Husson que je suis étonnée que les notes de cette éditon Folio n'évoquent pas le parallèle...)

D'autres textes parlent des mœurs du temps, comme L'Homme-Fille et La Moustache, et la sexualité est évidemment présente à peu près partout.

La Chevelure
, enfin, est un classique de Maupassant qui pourrait presque relever du fantastique, tant il peut s'interpréter comme une histoire de hantise (même si l'explication rationnelle avancée par le corps médical relève de la sexualité la plus dégueu qu'on puisse imaginer).

Bref, c'était super. Quel génie, ce Guy. Et quelle langue parfaite! Sérieux, le XIXe, c'était quelque chose.

"La solitude m’emplit d’une angoisse horrible, la solitude dans le logis, auprès du feu, le soir. Il me semble alors que je suis seul sur la terre, affreusement seul, mais entouré de dangers vagues, de choses inconnues et terribles ; et la cloison qui me sépare de mon voisin, de mon voisin que je ne connais pas, m’éloigne de lui autant que des étoiles aperçues par ma fenêtre. Une sorte de fièvre m’envahit, une fièvre d’impatience et de crainte ; et le silence des murs m’épouvante. Il est si profond et si triste ce silence de la chambre où l’on vit seul ! Ce n’est pas seulement un silence autour du corps, mais un silence autour de l’âme, et, quand un meuble craque, on tressaille jusqu’au cœur, car aucun bruit n’est attendu dans ce morne logis."
(Extrait de La Confession)
Et vive l'imparfait du subjonctif, bien sûr!! 💞💞
"C’est à peine si on apercevait de temps en temps un homme qu’on devinât lavé, parfaitement lavé, et dont tout l’habillement eût un air d’ensemble."
(Extrait de L'Armoire)

"Elle parlait vite, les yeux baissés, d’un air hypocrite, pareille à une bête féroce qui a peur. Elle adoucissait le ton âpre de sa voix, et on s’étonnait que ces paroles larmoyantes et filées en fausset sortissent de ce grand corps osseux, trop fort, aux angles grossiers, qui semblait fait pour les gestes véhéments et pour hurler à la façon des loups."
(Extrait de La Mère aux monstres)