Quand j'ai commencé à lire ce livre de Frances Mayes, j'ai d'abord eu un faux départ. J'ai lu l'introduction, puis une page du premier chapitre, durant laquelle l'autrice-narratrice, une Américaine, décrit le processus de signature de l'achat de sa maison en Toscane. D'une part, l'évocation de l'Italie m'a foutu un cafard monstre. D'autre part, la description de la notaire qui demande tranquillement aux acheteurs de partiellement payer le vendeur au noir m'a fait penser que le livre allait enchaîner les clichés. (Même si, la seule fois où j'ai eu des infos sur un achat immobilier en Italie, c'est précisément ce qui s'est passé: il y avait le prix de vente indiqué dans les papiers officiels, et le vrai prix payé par les acheteurs. 👀)
Déprimée et excédée, j'ai rangé le bouquin.
Plusieurs mois plus tard, j'ai retenté ma chance. Et, cette fois, ça a marché. Je suis même tombée sous le charme. 😊
Donc. En 1989, Frances Mayes et son compagnon ont acheté une villa en Toscane. Bramasole, un vieux machin énorme, abandonné depuis trente ans, niché dans les collines d'oliviers et de cyprès à deux kilomètres de Cortone. Comme ils étaient tous deux enseignants à l'université, ils avaient de très longs congés d'été, et leur vie s'est donc articulée entre l'année scolaire en Californie et les trois mois d'été en Toscane, où ils ont entrepris de rénover la demeure.
Rien que sous cet aspect-là, le livre est charmant. Je suis incapable de réparer un robinet, alors je ne pense pas sous-estimer la montagne de travail que représente la rénovation d'une maison entière. Mais en Toscane! Quand tout est méga vieux! Les obstacles sont nombreux et toujours différents. Découverte d'une sorte de citerne géante sous la maison, déblayage de racines gigantesques, découverte de vieilles inscriptions et vieux objets... C'est une épopée! Et les relations avec les différents ouvriers sont aussi rigolotes et touchantes. Il y a les vieux artisans taiseux qui vous font des œuvres d'art, les chefs d'entreprise bordéliques qui font n'importe quoi, les Polonais payés au lance-pierre qui sont quand même contents parce qu'ils gagnent plus en Italie qu'en Pologne...
Peu à peu, la villa retrouve une belle allure, et on sent la satisfaction de l'autrice. Ça doit être quelque chose, de vivre dans un lieu dont on a repeint les poutres et les murs soi-même, où on a taillé des arbres abandonnés depuis des décennies, où on a aidé les ouvriers à porter des pierres et des briques, où on a décidé où percer le puits, etc. etc. Où, en somme, on a vu les lieux se façonner. Et où on a partagé tant de bons moments avec ses proches.
Et, bien sûr, c'est en Toscane. Une partie de la Toscane très éloignée de la mienne, ok, mais en Toscane quand même. Et on parle constamment de bouffe. Durant les premiers chapitres, j'ai été très perturbée émotionnellement. Puis j'ai plongé dedans. Je me suis réjouie de redécouvrir des tas de trucs, de voir que Frances Mayes décrit la cuisine toscane comme je le fais (la cuisine du peuple, rien à voir avec la gastronomie française). Je donnerais un rein pour manger le castagnaccio de ma grand-mère. En réalité, je crois que je n'aimais pas spécialement ça. J'avais même oublié que j'en mangeais dans mon enfance! Mais tout est revenu: les cavités creusées par les pignons et le thym dans la pâte, le goût, la ricotta qu'on mangeait avec. J'ai presque l'impression de revoir le plat de métal dans lequel il était cuit.
Genre le critique culinaire qui a une vision en mangeant la ratatouille préparée par Rémi, quoi. Tout à fait, tout à fait.
Oui, retrouver ça, ça vaudrait bien un rein.
Alors certes, Frances Mayes a une vision assez américaine de l'Italie. Elle parle sans cesse du fait que les gens prennent le temps, par exemple. C'est facile à dire, quand on passe dans un pays les mois qui constituent nos vacances. Même si rénover la villa était un sacré travail, ça n'a rien à voir avec un emploi! Et puis Cortone, c'est la province, et même la campagne. Comparer la frénésie de San Francisco et le calme de Cortone n'a aucun sens. Il faudrait comparer la frénésie de San Francisco à celle de Milan ou de Rome. Pour vous donner une idée par rapport à la France, ce serait comme entendre un Londonien dire que la vie est plus calme en France qu'en Angleterre en se basant sur son expérience de, disons, Saint-Malo. Lol.
Mais malgré cela, j'ai senti un vrai respect pour son pays d'adoption, et surtout une vraie passion et une vraie volonté de connaître des tas de choses différentes. Je pense que son bouquin donne une très belle image de la Toscane, d'ailleurs!
Pour finir sur une note bassement matérialiste: disons quand même que ce livre démontre, pour la trente-six millième fois, combien l'argent fait le bonheur. L'argent pour acheter une résidence secondaire. L'argent pour rénover ladite résidence. L'argent pour faire une ou deux fois par an un vol intercontinental. L'argent pour acheter à manger tout ce qu'on veut et nourrir des tas d'invités. L'argent pour louer une voiture pour trois mois. L'argent pour acheter des pots et des plantes en quantité et ensuite regarder tout ça pousser...
D'ailleurs, si vous avez un paquet d'argent, la villa est à louer!! Frances Mayes l'a visiblement revendue, à un moment donné. Au moment où j'écris ces lignes, une quinzaine de jours avant la publication du billet, il y a une promo sur les dates les plus proches: on descend à seulement 18 510 € la semaine! Pour les périodes les plus demandées, à savoir l'été et les fêtes de fin d'année, en revanche, prévoyez 30 850 € la semaine.
Le pognon, je vous dis!
Enfin, le livre a été adapté au cinéma en 2003, et c'est l'affiche de ce film qui est reprise sur la couverture de cette édition Broadway Books (que j'ai trouvée je ne sais plus où dans une boîte à livres). L'histoire est très différente, puisqu'on est sur le parcours d'une fille célibataire (qui ne le sera plus à la fin, j'imagine), mais ça me dirait quand même pas mal de le voir. Hélas, mes médiathèques ne l'ont pas en rayon...