Depuis quatre ans, je relis les Rougon-Macquart avec Tigger Lilly, et parfois d’autres intrépides lecteurs. Quatre ans de grands moments et de scènes grandioses, avec quelques passages moins convaincants, mais toujours dans l’extase zolienne.
En ce début d’année, a sonné l’heure du dernier tome, le Docteur Pascal, paru en 1893 et lu également en compagnie de Baroona.
Et hélas, le baisser de rideaux n’a pas été à la hauteur du spectacle…
L’intrigue
Le docteur Pascal vit à Plassans, le fief des Rougon, en compagnie de sa nièce Clotilde, la fille de Saccard (vous savez, le gars qui spéculait à mort sur l’immobilier parisien dans la Curée et sur la naïveté des catholiques dans l'Argent). Il coule de longues et belles journées à étudier l’hérédité, notamment dans sa famille de fous furieux, les Rougon-Macquart, et à soigner ses patients par des injections improbables de matière cérébrale (…).
Hélas, sa relation avec Clotilde tourne au vinaigre sous l’influence de Félicité, la féroce matriarche Rougon. Et puis, l’esprit de Pascal se détraque avec l’âge. Pascal et Clotilde se disputent. Pascal s’épuise au travail. Pascal déprime. Puis Pascal comprend qu’il est, en fait, amoureux de Clotilde…
Des considérations philosophiques floues
Évacuons d’emblée un des problèmes de ce roman: les recherches parfois délirantes de Pascal et ses conversations floues avec Clotilde. Pascal a beau être un médecin super motivé, je ne le laisserais jamais m’injecter quoi que ce soit. 👀 Il y a pas de mal de pages sur ses réflexions sur l’hérédité ou la médecine et ce n’est pas bien intéressant. Ses échanges avec Clotilde sont quant à eux flous. Il y a toute une scène capitale où ils affrontent leurs points de vue – lui est athée, elle est croyante – et c’était tellement flou que je ne comprenais pas bien qu’ils s’estiment en opposition.
Des nichons à gogo et l’exaltation de la femme jeune regénérant l’homme vieux
Passons maintenant au deuxième problème: la relation entre Clotilde et Pascal. Précisons d’emblée que ladite relation n’a rien d’un viol. Clotilde a vingt-cinq ans au moment du roman et est donc une adulte, il n’y a pas de manipulation d’une enfant. Et pour une rare fois vu l’époque, elle est informée sur le sexe, car elle a toujours lu les bouquins de médecine de Pascal, il n’y donc pas non plus d’exploitation de l’ignorance. Et l’attirance est réciproque. Mais néanmoins. NÉANMOINS. Pascal a élevé Clotilde pendant des années et lui a tout appris. Elle l’appelle "Maître" comme si elle était à l’école. Pascal a cinquante-neuf ans. Clotilde en a vingt-cinq. En chiffres: 59 et 25. Ils sont trente-quatre ans d’écart. En chiffres: 34. Et ils sont oncle-nièce. Clotilde est la fille du frère de Pascal. Quelle bonne idée, de coucher ensemble! 🤯🤯🤯
Au-delà de la différence d’âge, c’est le traitement du corps de Clotilde qui m’a renversé le cerveau. Clotilde est jeune. Donc, Clotilde est mince et pleine de vie. Elle a une taille fine, des jambes musclées, et surtout, SURTOUT, elle a des nichons bien fermes et bien sexy. C’est important que le lecteur le sache. Et comme elle est jeune et pleine de vie et équipée de nichons bien fermes, Pascal revit! Pascal retrouve sa propre jeunesse! Exaltation suprême: à la fin du roman, Pascal apprend qu’il l’a mise enceinte!
Au-delà du traitement du corps de Clotilde, c’est le parallèle avec la vie de Zola et les dédicaces du bouquin qui m’ont renversé le cerveau. Car Zola a, lui aussi, couché avec une femme beaucoup plus jeune que lui, sa lingère Jeanne Rozerot, et eu des enfants très tard. Impossible de ne pas croire qu’il parle de lui en parlant de Pascal. Et Zola, avec une finesse hors pair, a dédié ce roman….. à sa femme, Alexandrine. Sa femme qui a été cocue pendant vingt ou quinze ans. "Regarde, ma chérie, je t’ai dédié ce roman dans lequel j’explique ce que c’est bien de coucher avec une fille qui a la moitié de mon âge et des seins bien fermes." Et il a écrit à ses enfants qu’ils sauraient, en le lisant, "combien [il avait] adoré leur mère". Ou ses seins, donc.
La vie qui va
Comme la fin de Germinal et certains passages de la Faute de l’abbé Mouret, le Docteur Pascal encense la vie: la vie qui continue à l’infini, qu’on le veuille ou non, et apporte toujours de nouvelles promesses. C’est un message qui me parle, de manière générale. Ici, toutefois, il est réduit à la virilité retrouvée de l’homme mûr qui se croyait impuissant et enterré et à la procréation. Clotilde tient d’ailleurs à expliquer que le sexe, c’est pour enfanter, sinon ça n’a pas de sens. Mon cerveau a continué de se renverser.
Quelques bons souvenirs, tout de même
Je râle, je râle, mais il y a quand même quelques éléments qui surnagent dans ce roman. D’une part, un chapitre est dédié à l’arbre généalogique des Rougon-Macquart, ce que je trouve exaltant: on retrouve toute la famille qu’on connait depuis vingt romans, c’est beau.
"Et c’était Saccard encore, à quelques années de là, qui mettait en branle l’énorme pressoir à millions de la Banque Universelle, Saccard jamais vaincu, Saccard grandi, haussé jusqu’à l’intelligence et à la bravoure de grand financier, comprenant le rôle farouche et civilisateur de l’argent, livrant, gagnant et perdant des batailles en Bourse, comme Napoléon à Austerlitz et à Waterloo, engloutissant sous le désastre un monde de gens pitoyables..."
Il y a aussi quelques personnages de grand relief, comme le détestable oncle Macquart, qui connaîtra une mort à sa hauteur (🔥👀), la spectaculaire Félicité, plus grande que nature que jamais, et le pauvre petit Charles, qui mourra d’une triste mort. (Oui, deux des éléments positifs de ce roman sont des décès, prouvant une fois de plus que Zola excelle dans le domaine. 👀) Je retiendrai aussi les promenades de Pascal et Clotilde dans la ville de Plassans, car, malgré ce que je reproche à leur relation, ils s’aiment sincèrement et marchent joliment ensemble, dans le triomphe et l’insouciance du bonheur comme dans la peine et l’anxiété du malheur.
Et voilà. Une fin de saga en demi-teinte, et même franchement décevante, donc. Je n’arrive pas à croire que j’avais oublié les détails de cette histoire tellement c’est renversant. 🙃
Ha là là notre cher zozo qui s'égare en beauté.
RépondreSupprimerMoi je dis, 2023, un petit détour par Thérèse Raquin, une valeur sûre, pour nous remettre de ces émotions 😅
@Tigger Lilly: Je garde un souvenir terrifiant de la vieille femme clouée dans son fauteuil, ça promet 😆
SupprimerHaha moi c'est la scène de la morgue xd
SupprimerEt Ramond ? Pourquoi tout le monde oublie Ramond ? #TeamRamond
RépondreSupprimerJe reste épaté par ta focalisation sur les seins de Clotilde, alors que je ne me souviens même pas d'avoir vu le mot dans le livre. xD
@Baroona: Il faudrait que je rouvre le bouquin et cherche ces passages... 🤣
SupprimerJ'avoue. Le pauvre Raymond a été écrasé par le reste.
"Et il a écrit à ses enfants qu’ils sauraient, en le lisant, "combien [il avait] adoré leur mère". Ou ses seins, donc.'"
RépondreSupprimer🤣🤣🤣
A lire vos trois chroniques, je me dis que c'est pas beau de vieillir et que des fois faut savoir arrêter une saga au bon moment 😅
@Vert: Ou bien réfléchir à ce qu'on écrit ^^ J'ai de meilleurs souvenirs de ses trois romans suivants...
SupprimerLa vieillesse est un naufrage...
RépondreSupprimer@Xapur: Ou une relation un peu trop adoratrice envers la paternité... 😄
SupprimerAie aie, c'est dommage comme message à faire passer "j'aimais votre mère pour ses seins" :D
RépondreSupprimer@Shaya: C'est moche, hein 🙈
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