samedi 22 juin 2024

Légende (1984) 🪓🗡🏹💔💖✨

Dimanche 9 juin, je n'ai pas échappé au résultat des élections européennes pour la France. Je n'ai pas creusé le sujet, mais l'information principale est venue à moi lors de ma balade de clôture de week-end sur Instagram.

Lundi 10 juin, par conséquent, j'ai soigneusement évité l'actualité. Je n'ai pas creusé les résultats français et je ne suis pas allée chercher les résultats italiens.

Lundi 10 juin au soir, toutefois, j'ai commis l'erreur de regarder les stories sur Messenger. Je voulais voir des photos de chevaux. Mais soudain, j'ai cru comprendre qu'on parlait d'un certain mot en "d".

J'ai vérifié. C'était exact.

Vous imaginez ma sidération. Vous l'avez probablement éprouvée aussi. Mais ajoutez-y que je n'ai pas la nationalité française, moi.

Et puis...

Aux grands maux, les grands remèdes.

J'ai décidé de me casser dans un monde où les gens ont des valeurs.

J'ai décidé de relire Légende.

Légende!

Légende!

Le roman qui a révélé David Gemmell. Un des dix livres les plus importants de ma vie. Le livre où il y a Druss. Le livre où il y a Dros Delnoch, la forteresse imprenable mais condamnée.

💖💖💖 Légende 💖💖💖

Et vous savez quoi ? Légende est tellement merveilleux, tellement efficace, tellement plein de gens courageux, tellement plein de valeurs, que j'ai passé la semaine du 10 juin sans angoisse particulière. Totalement abattue par mes problèmes personnels, comme d'habitude. Ne déconnons pas. Mais sans angoisse particulière au regard de la catastrophe totale dans laquelle nous naviguions.

Pourquoi ce roman, que je lisais pour la quatrième ou cinquième fois, m'a-t-il fait un tel effet? Pourquoi ai-je vibre et pleuré? Pourquoi m'a-t-il fait oublier le reste? Pourquoi m'a-t-il donné, du moins quelques jours, du courage?

Parce que tout Légende ne parle que de deux choses: le courage de faire le choix difficile et l'acceptation de sa propre mort. Décider, collectivement mais surtout INDIVIDUELLEMENT, de tenir Dros Delnoch face à l'armée Nadir, forte de cinq cent mille hommes.

Décider de tenir Dros Delnoch même si on n'a aucune chance. 

Décider d'aller à Dros Delnoch même si on sait qu'on y mourra.

"Come and seek me if you will, old warrior! I stand on the walls of Dros Delnoch."

C'est la mort en personne, qui a un différent avec Druss, qui adresse ces mots au guerrier de légende, idolâtré depuis quarante ans par tout le peuple drenaï.

Et Druss, à plus de soixante ans, prend sa hache et se met en route. À pied. Avec son dos raide, son genou plein d'arthrite. Parce que Druss n'est jamais allé nulle part à cheval et qu'il sera bon pour le moral des troupes de le voir arriver à pied. Bien sûr, il pourrait faire une partie du trajet à cheval et finir à pied, de manière à s'économiser. Mais Druss est plus grand que nature. Un humain comme Druss, il y en a un par siècle. Druss n'est pas du genre à s'économiser. Druss n'est pas du genre à tricher. Alors, il va à pied. Alors, il accepte de prendre la direction de la forteresse en attendant l'arrivée du nouveau conte. Alors, il se bat au cœur de la mêlée sans jamais reculer, sans jamais se reposer.

Et il n'est pas le seul. Rek, qui filait aussi vite que possible vers le sud, pour la simple et bonne raison que les Nadir étaient au nord. Virae, élevée dans les mythes des guerriers d'antan. Bowman, l'archer désabusé et peut-être, au fond, idéaliste. Les Trente, les moines-guerriers qui ne font qu'un. Gilad, le fermier raté, et Bredan, le fermier heureux, qui vont apprendre la guerre et la camaraderie. Et Orrin, l'officier incompétent et détesté qui va oser courir avec ses hommes pour améliorer sa forme physique. Pour quelqu'un comme moi qui a toujours été nullissime en sport, la scène dans laquelle Orrin parvient à finir sa course sans être dernier est très, très puissante. Et comme le dit un autre personnage, il a en quelque sorte plus de mérite que les autres à se battre sur les murs de Dros Delnoch, car il a plus peur.

Et en face? Une horde de Nadir assoiffés de sang, unis sous la bannière d'Ulric, le premier à fédérer les clans nomades des steppes. Oui, certes. Mais aussi des Nadir pris un par un, qu'on suit brièvement dans le combat et qui ne sont pas différents des Drenai qui leur barrent le passage. Et Ulric, un chef spectaculaire, de la même stature que Druss. Un homme impitoyable et lucide. Un homme qui ne veut pas rabaisser les Drenai MAIS ÉLEVER LES NADIR. Un homme qu'on ne peut qu'admirer. Un homme que Druss lui-même admire. Leur conversation sous les murs du Dros est aussi courte que pleine de respect. Car même si chacun se battra jusqu'au bout pour anéantir l'autre, ils savent qu'ils sont égaux.

C'est une des choses que j'aime dans ce bouquin: que l'ennemi soit justement un ennemi et un adversaire, mais non méchant par essence. Seul Nosta Khan, le chamane, peut être considéré comme mauvais. Ulric n'a rien de mauvais. Et les gentils sont pleins de failles et de doutes. Druss lui-même dit, à son propre sujet:

"They will say, 'Here lies Druss. He killed many and birthed none'."

Paye ton bilan de vie, pour un gars que la nation idolâtre.

J'aime aussi que Gemmell prenne son temps pour réunir ses personnages à Dros Delnoch et montrer comment Druss réorganise la forteresse et entraîne ses hommes. Dans mon édition Orbit, l'assaut commence à la page 275 sur 430. Soit à bien plus de la moitié du bouquin.

Alors parfois, Gemmell quitte la camaraderie guerrière pour des passages d'une mièvrerie étrange – Rek dit vraiment à Virae que le ciel est plus bleu depuis qu'il l'a rencontrée 😂 –, il se répète pas mal dans ses conversations, et il abuse des deus ex machina à la fin – même si le premier d'entre eux est parfaitement logique et un autre m'a tiré des larmes. Et la femme est chez lui une exception dans un monde d'hommes, et un objet de désir sexuel. Mais il expose un des grands dilemmes de l'expérience humaine sans aucun manichéisme et j'ai besoin, terriblement besoin, de modèles tels que ses personnages. Face aux gens qui votent pour des idées affreuses, face aux gens qui privilégient leur confort au détriment du reste du monde, face aux gens qui exploitent les animaux, qui veux-je être? Je suis une trouillarde, je le sais. Mais que ferait Druss? Que ferait Druss? Je devrais me poser cette question tous les jours.

Allez donc voir ailleurs si Druss y est!
L'avis de Lorhkan
L'avis de Vert
L'avis de Xapur

7 commentaires:

  1. Est-ce que Druss lirait l'histoire de Druss en se demandant ce qu'il ferait ? 😅

    Ca a l'air très fort tout ça, après je ne sais pas trop si c'est pour moi, je ne sais pas trop si je peux gérer l'excès de testostérone que l'ensemble semble dégager. On dirait une sorte de Conan ce Druss et je sais pas trop du coup. Mais tu le vends super bien. Ca me fait hésiter.

    Moi non plus je suis pas française, mais bon j'ai déconné je ne suis inscrite nulle part pour les Européennes, ni en Belgique ni en France alors que j'ai le choix. Après je ne sais pas ce que j'aurais choisi si je m'étais bougé le cul. La Belgique ne fait pas face exactement au même problème mais bon elle a son parti fascisant bien développé en Flandre tout de même.

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    1. @Tigger Lilly: Mais ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, Druss c'est trop le l'héritier de Conan!! J'aurais dû en parler!! C'est tout à fait le même genre de personnage et de fantasy... Bon, je ne suis pas du tout sûre que ça ferait pour toi. J'avais oublié d'insérer les liens vers les chroniques des copains. C'est réparé et ils sont moins dithyrambiques que moi, même s'ils en disent du bien aussi, hihi!
      Ah dommage pour les Européennes. Je ne connais rien à la politique belge (enfin, à part qu'elle est délicate, disons !), mais ça ne m'étonne guère qu'il y ait un parti fascisant, comme tu dis...

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  2. Cette chronique est aussi épique que le livre.

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    1. @Baroona: Ce commentaire est l'un des plus grands compliments qu'on puisse me faire!!!

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  3. Pareil que Baroona, cette chronique est superbe. Pareil que Tigger Lilly, je ne suis pas sûre que cet excès de testostérone soit pour moi. Mais qui sait....

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    1. @Shaya: Ahah, je ne te vois pas trop lire ça, en effet. Mais qui sait, qui sait!

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  4. Bon bah je sais pas combien de pages compte votre édition en anglais, mais je viens de vérifier qu'il existe une édition en français qui en compte 512... ce qui vous permet de faire référencer ce billet pour le challenge Les pavés de l'été 2024 chez Sibylline!
    Un commentaire pour la prévenir, rajout du logo + du lien dans votre billet... et hop ;-)
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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