lundi 17 février 2025

Les Falsificateurs (2007)

Après avoir lu trois romans d'Antoine Bello (Ada, Roman américain et Du Rififi à Wall Street), j'étais ultra motivée pour continuer le voyage aux côtés de cet écrivain billant, qui sait aborder des sujets complexes avec une plume limpide et brouiller les frontières entre réalité et fiction.


Dans Les Falsificateurs, il met en scène Sliv Dartunghuver, un Islandais embauché dans un cabinet d'expertise. Après sa première mission, qui se déroule au Groenland, son patron lui révèle que l'entreprise sert en réalité de façade au CFR. Personne ne sait avec certitude ce que signifie ce sigle, mais tout le monde s'accorde à penser qu'il s'agit du "Consortium de falfication du réel". En tout cas, c'est une organisation tentaculaire, présente dans le monde entier, qui modifie la réalité via la falsification grâce à des moyens humains, techniques et économiques ahurissants.

"Je vous invite à lire ce dossier. Il a été monté il y a trois ans par une jeune recrue dont c'était la première affaire. Il est loin d'être parfait mais il vous donnera un bon aperçu de notre travail au quotidien. [...] Un conseil: si cette lecture ne suscite chez vous aucune forme de jubilation intellectuelle, arêtez les frais immédiatement. Si, dès le deuxième paragraphe, vous vous prenez à vous demander s'il était possible de faire mieux et comment vous auriez procédé à la place de l'auteur, c'est que vous êtes ferré."
Le premier dossier de Sliv consiste à inventer une histoire d'expropriation des peuples premiers au Bostwana. Insertion d'un chapitre inventé de toutes pièces dans le projet de publication de l'autobiographie bien réelle d'un célèbre anthropologue, invention de divers personnages ayant révélé l'affaire, modification de sources réelles: après avoir écrit un scénario, il faut concevoir la falsification dans ses moindres détails afin que l'affaire tienne debout et trompe le monde entier.

Ce concept même – l'histoire d'un falsificateur qui modifie le monde aux yeux de ses contemporains – est belloesque par essence, et je me suis ré-ga-lée. Déjà, le style limpide de l'auteur est bien présent, et avec une bonne dose d'humour.
"Vers la fin de l'année 1994, je commençai à préparer mon voyage en Patagonie. Lena Thorsen avait anéanti mes espoirs de prendre un mois entier de congé en m'accordant royalement quinze jours "pendant la période creuse" (elle était bien la seule à s'être penchée sur la saisonnalité du business de la falsification)."

Les personnages sont tous bien croqués: Sliv, son patron, ses amis falsificateurs. Les histoires dans l'histoire (les divers scénarios que Sliv étudie ou rédige) sont prenantes et passionnantes. Et bien sûr, l'étendue de la falsification et la minutie nécessaire pour qu'elle tienne l'épreuve du réel sont absolument immenses, jubilatoires, passionnnantes, renversantes. Et, bien sûr, on s'interroge sans cesse, en toile de fond, sur l'identité exacte du CFR et ses motivations réelles. Pourquoi monter autant de projets dans tous les domaines? Et comment diable sont-ils financés?

Je n'ai que deux bémols à cette lecture. Premièrement, l'étendue de la falsification à l'œuvre ici m'a fait sérieusement relativiser la falsification d'une page Wikipédia qui m'avait pas mal retourné le cerveau dans Roman américain; pour Antoine Bello, c'était probablement un petit exercice de routine. 🤣🤣🤣 Deuxièmement, le roman se termine sur deux mots terribles, deux mots qui hantent les nuits des lecteurs confrontés à un certain espace-temps: "à suivre". Car l'histoire n'est pas finie!!! Heureusement pour moi, j'arrive mille ans après la guerre et j'ai donc déjà la suite, Les Éclaireurs. Je l'avais même achetée la première, avant de découvrir qu'il valait mieux la lire à la suite des Falsificateurs. Je suis joie, je suis bonheur, je suis jubilation, je lirai ça bientôt. Antoine Bello est un génie!

4 commentaires:

  1. Parfait, c'est le prochain de l'auteur que j'ai prévu de lire, ça me confirme dans mon choix et ça me remotive même à ne pas trop tarder - même si j'aurais préféré sans le "à suivre", il n'y a vraiment aucune conclusion en soi ?
    Oh, et tu sais que c'est une trilogie ?

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    1. @Baroona: On peut s'arrêter là, mais le mystère est loin d'être résolu. Et c'est trop tentant, un mystère belloesque, tu vois. 😅
      "tu sais que c'est une trilogie" --> Oui. Je suis à la recherche du troisième d'occasion. L'autre jour, je l'ai même acheté, toute contente. Et puis quelques heures après, j'ai progressivement percuté que ça avait beau se terminer en "eurs", le titre n'était peut-être pas le bon. J'ai donc vérifié. Et donc: je me suis plantée, je me suis achetée Les éclaireurs, que j'ai déjà. Lol. Je continuerai donc à chercher Les producteurs, mais à mon avis je vais l'acheter en neuf car je ne serai pas assez patiente. ^^

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  2. C'est auteur a l'air beaucoup trop bien, il faudrait vraiment que je le lise.

    "Oh, et tu sais que c'est une trilogie ?" ce twist. Je fais exprès de ne pas vérifier l'information, j'en suis à me demander si notre cher Baroona n'a pas inventé cette information pour le principe de faire un commentaire dans le ton. L'état est-ce vrai est-ce faux est bien plus amusant que la vérité.

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    1. @Tigger Lilly: Ne lis pas ma réponse à Baroona!!!! 😂😂😂

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