lundi 12 février 2024

Du Rififi à Wall Street (2020)

Dans Roman américain, Antoine Bello mettait en scène un journaliste, Vlad Eisinger, qui abordait dans ses articles la pratique du life settlement. Dans l'avant-propos de Du Rififi à Wall Street, ce même Antoine Bello, qui figure en couverture comme simple traducteur, nous annonce qu'il a reçu le présent manuscrit, inachevé, par mail de la part de son ami Vlad Eisinger sans un mot d'explication. Perplexe, il a essayé de le contacter, seulement pour découvrir que Vlad est porté disparu depuis quelques jours. Il en est donc venu à la conclusion que celui-ci l'a désigné comme exécuteur littéraire et souhaite que le présent roman (inachevé, donc) soit publié même si l'auteur a disparu des radars.

Donc. Antoine Bello, qui existe réellement (enfin, je crois 😅), nous annonce que c'est son ami Vlad Eisinger, qui est pourtant un personnage d'un de ses romans, qui lui a envoyé le présent roman. Et c'est sous le nom de celui-ci que Gallimard le publie, Bello n'étant crédité qu'à la traduction. C'est délicieusement "belloïen", car cet auteur, pour le peu que j'en ai vu, aime bien brouiller les pistes entre réalité et invention.

Le roman en question est écrit à la première personne. Vlad Eisinger y raconte comment, après avoir lâché le journalisme pour se consacrer uniquement à l'écriture et avoir échoué à en tirer un revenu digne de ce nom, il accepte d'écrire la biographie du patron d'un gros groupe télécom. Ce projet ne l'intéresse guère, mais a le mérite d'être payé, ce que son agente trouve tout particulièrement intéressant. Sauf que Vlad a très envie d'inventer quelques trucs dans cette biographie. Effaré, le patron met fin au projet. Furieuse de ce sale coup que Vlad lui a joué, son agente le place sur un autre projet: écrire un polar très codifié pour une collection pas très raffinée. Là aussi, le projet a le mérite d'être payé, ce qui permet à l'agente de se rémunérer (et pas qu'un peu 👀) malgré l'échec du projet de biographie.

Et là, Vlad a une idée: il va écrire l'histoire d'un écrivain fictif, Tom Capote, qui est embauché pour écrire la biographie d'un gros patron – mais dans un tout autre domaine, le pétrole –, découvre qu'il y a des entourloupes au sein de la société dudit patron et va devoir échapper aux tueurs lancés à ses trousses.

Le roman alterne donc entre le récit de Vlad, qui décrit son processus créatif et commente son travail, et des extraits du roman qu'il écrit.

"Ma prose, lourde et sans vie, me renvoyait au constat accablant de ma médiocrité. Et quand, par miracle, une phrase trouvait grâce à mes yeux, il me suffisait d'ouvrir Flaubert ou Kafka pour mesurer ce qui me séparait du véritable talent."

(Ouhouh, c'est l'histoire de ma vie, ça!)

J'ai lu l'essentiel de ce roman par une nuit d'insomnie monstre – je me suis réveillée vers 1 h 20 et j'ai vérifié l'heure pour la dernière fois à 5 h 10, après quoi je me suis enfin endormie 😅 – et je l'ai trouvé absolument passionnant. Le fait que Vlad écrive un roman sur une histoire tirée de sa propre expérience est très amusant, le processus de création d'un roman qu'il juge à la base très bas de gamme est à la fois prenant et amusant, il y a de l'humour, les petites combines toujours parfaitement légales des entreprises sont édifiantes, et bien sûr la frontière entre réalité et fiction se brouille encore plus à la fin – car le roman de Vlad a un succès fou, suite à quoi Vlad commence à avoir des ennuis ressemblant étrangement à ceux de son personnage, Tom Capote!! Et bien sûr, la question du début demeure: pourquoi a-t-il fini par écrire un roman sur son roman et par l'envoyer, inachevé, à son ami Antoine Bello?

Bien que j'aie préféré Roman américain, ce Rififi à Wall Street était un pur régal, un jeu avec le lecteur parfaitement maîtrisé. Antoine Bello (s'il existe réellement! 😂) est décidément très, très fort!

Autres romans de l'auteur déjà chroniqués sur le blog
Roman américain (2014)
Ada (2016)

Allez donc voir ailleurs s'il y a du rififi ailleurs qu'à Wall Street!
L'avis de TmbM

8 commentaires:

  1. Ce roman en un émoji : 🤯
    Ça pourrait bien être ma deuxième lecture de l'auteur. Enfin, non, ma première, vu que celui-ci est d'Eisinger. Quoique j'ai déjà lu son article sur le life settlement, donc ça sera vraiment ma deuxième lecture ? Et ma combientième de Bello ? 🤯

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Baroona: Trop de questions insondables!!! 😱😱

      Supprimer
  2. Hoouuu, que j'aime ce genre de procédé, c'est émoustillant tout ça.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Tigger Lilly: Très. En plus, le contenu est plein de rebondissements, donc ça se lit tout seul.

      Supprimer
  3. Oulà, que d'embrouilles ! Ca a l'air vraiment étrange comme roman, je passe mon tour.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Shaya: Je comprends, mais je t'assure que c'est très chouette, si jamais un jour tu le trouves sur ton chemin!

      Supprimer
  4. Ça a l'air chouette mais j'ai une petite pensée pour le ou la bibliothécaire qui catalogue ce genre de roman.
    Par curiosité je suis allée regarder à la BNF, Vlad est bien marqué comme auteur et Antoine Bello comme traducteur, mais la fiche auteur de Vlad indique que c'est un pseudo d'Antoine Bello, donc c'est un livre d'Antoine Bello traduit par Antoine Bello 🤯😂

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. @Vert: Imagine les problèmes de budget s'il faut commencer à acheter des romans en deux exemplaires pour les classer au nom de l'auteur et au nom de son pseudo 😈

      Supprimer

Exprime-toi, petit lecteur !