dimanche 11 décembre 2022

Réinventer l’amour. Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles (2021)

En 2020, j’ai lu avec grand intérêt deux essais de Mona Chollet: Sorcières. La puissance invaincue des femmes et Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique. Malgré quelques réserves, j’ai été très convaincue et j’ai donc acheté son ouvrage suivant. Et là, il était grand temps que je le sorte de la pile à lire, car la dame en a publié encore un autre – qu’il faut absolument que je lise, vu qu’il parle de la relation à l’image et que je suis une amatrice d’Instagram. 🤩

Réinventer l'amour est découpé en quatre parties, dans lesquelles Mona Chollet analyse la représentation de la femme en position d’infériorité dans les relations amoureuses, les violences conjugales, la (prétendue) dépendance de la femme à l’amour et l’aspect érotique, notamment à travers le fantasme.

Très franchement, je crois que ce bouquin est un sans-faute; je n’ai même pas retrouvé les petits bémols que j’avais soulevés lors de mes lectures précédentes. C’est clair, précis, documenté, argumenté, et le tout sur un sujet, l’amour, qui est par essence totalement inclassable, indéfinissable et difficilement argumentable.

Mona Chollet part de sa vision de l’amour, qui est pour elle central dans sa vie, et décortique avec précision la manière terriblement différente dans la manière dont sont éduqués les garçons et les filles; comme elle le dit, tout est fait, en gros, pour que ces deux genres ne puissent absolument pas se comprendre, puis on leur impose le couple hétéro. Comment peut-on être heureux quand madame assimile dès l’enfance qu’elle doit être petite, douce et aimante pour qu’un homme justifie son existence par son amour et que monsieur assimile dès l’enfance que l’amour est un truc de nazes et qu’un vrai mec, ça s’en fout qu’une femme refuse un baiser? Cette vision caricaturale, que je crois tout de même en perte de vitesse en Occident, me secoue beaucoup car j’y retrouve de nombreux éléments que j’ai constatés dans le comportement des gens autour de moi et dans le mien propre. Le chapitre sur les violences conjugales l’illustre tout particulièrement bien.

(Pour la petite histoire, j’ai lu ce chapitre dans un train de banlieue, le dernier à partir de Paris, à minuit passée. Nous étions nombreux dans le train, mais pas dans ma ville, où j’ai quelques minutes de marche pour rejoindre mon appartement. Dans les rues désertes, en pleine nuit, je me suis, plus que jamais, imaginée découpée en morceaux. 👀)

Le propos est toutefois bien plus large que cela. Mona Chollet aborde même le sujet de ses fantasmes sexuels, "fondé[s] sur la culture du viol". Pas facile, à mon avis, d’admettre qu’on a pu rêver de relations sexuelles non pas forcées au sens strict du terme, mais chahutées. L’interprétation qu’elle en propose, bien que totalement invérifiable, a même quelque chose de réconfortant.

(Pour ma part, quand j’étais en primaire, j’ai joué plus d’une fois au viol avec une amie [ou plusieurs?]. On trouvait l’idée d’être violée extraordinaire. Moi, j’étais l’impopulaire, donc j’étais chargée de jouer le mec, le mauvais rôle. Mais mon amie J., qui essayait de s’enfuir, avait le beau rôle. Susciter le désir d’un mec au point qu’il vous pourchasse, c’était une espèce de Graal. J’aurais adoré être à sa place. 🤔)

(J'ai beaucoup hésité à laisser ce paragraphe, mais je décide de le publier malgré la honte profonde que ce souvenir suscite en moi. Si vous avez pratiqué ce genre de "jeu", venez en parler, on pourra peut-être dédramatiser ensemble... 😜)

Cet essai m’a aussi fait repenser au film Moulin Rouge!, que j’avais revu deux ou trois semaines plus tôt et qui m’a avait interpellée dans la manière dont le comportement abject de Christian, joué par Ewan McGregor, envers Satine, jouée par Nicole Kidman, n’est pas du tout remis en question parce que le mec est JALOUX, comme si cela justifiait n’importe quelle violence (majoritairement psychologique, puisque Christian humilie Satine devant un théâtre bondé, mais tout de même aussi un peu physique, puisqu’il la poursuit en coulisses en essayant de la retenir par la force).

Bref, voilà, c'était très bien. Franchement flippant, en fait, mais très bien, et plein de pistes de réflexion. Maintenant, je n’ai plus qu’à acheter D'images et d'eau fraîche pour trouver des pistes d’analyse de ma relation à Instagram!! 🤩

8 commentaires:

  1. Je suis épaté par la diversité des thématiques de l'autrice, qui sont à la fois variées tout en gardant une constance. Le prochain m'intrigue plus que celui-ci, je l'admets, hâte de voir ce que tu en diras.

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    1. @Baroona: Je suis épatée aussi. Il y a vraiment un truc de fond sur la vie et le quotidien.
      J'espère que je le lirai bientôt!

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  2. Merci pour cet avis, j'avoue que j'hésite depuis un moment à lire cet essai par peur que ça soit de la redite ^^ par contre celui sur l'image m'attire plus !

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    1. @Shaya: Il y sûrement de la redite si on a pas mal sur le sujet, ce qui est ton cas, mais il y a plein de réflexions intéressantes.

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  3. J'ai jamais joué au viol étant gamine, mais je pense qu'on a toutes (eu) des fantasmes, des pensées ou même des attitudes qui fleur(ai)ent bon le patriarcat des familles, la culture du viol et les rôles genrés caricaturaux. Je serais bien en peine de te juger ou de me moquer. Si cette histoire a une morale c'est bien qu'il n'est jamais trop tôt pour discuter avec les enfants de certains sujets souvent jugés pas adaptés aux enfants.

    Satine, c'était pas aussi le nom de la meuf de Nana dans Nana ?

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    1. @Tigger Lilly: Merci de ton commentaire 😍
      Ouiiiiiii, j'ai demandé à mon moteur de recherche et il confirme qu'un personnage de Nana s'appelle Satin (au masculin). Bravo!

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  4. Merci, comme son dernier bouquin n'est pas sorti chez le même éditeur je ne l'avais pas vu passé, je vais sûrement le prendre au boulot.
    Sinon ça fait un moment que je veux lire un de ses essais, je voulais en emprunter un au boulot avant les vacances et comme tu le sais j'ai été interrompue dans mon process. Bon ça sera pour les prochaines vacances 🤣

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    1. @Vert: Je suis très déçue qu'elle ait changé d'éditeur, ça va interrompre un beau visuel en formation dans la bibliothèque... 🙃
      J'espère que tu pourras la lire et que ça te plaira!

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